Baldorheim, il y à soixante-dix ans:
Pour une fois, le sang coule, pas la bière. Pour une fois des larmes de tristesse, non de joie. Pour une fois, le macabre équilibre de la vie est respecté. Le don de la vie suivi du retrait de celle-ci.
Voilà qui commençait par une rondelle dans l engrenage pour Mornek, sa mère, Valhia s'était vidée de son sang en mettant au monde la ridicule et fragile créature qu'il était. Même pas nettoyé du sang de l acte natal qui recouvrait le nourrisson que celui de sa brave mère commençait à pourrir dans son corps sans vie.
Une petite chose sans poil qui pourtant, malgré l'innocence due a ses quelques heures de vie, allait en chier des manches de pioches pour son acte meurtrier.
Gradek mit des années à tenter un deuil, ses pensées quotidiennes le ramenait perpétuellement vers sa tendre Valhia. Son sourire, sa joie de vivre, ses douces formes qu'il aimait à tâter. Tout ça s' était fini. Mornek, voilà le seul héritage que lui laissait sa dulcinée.
Un gamin espiègle, toujours à fourrer sa truffe là ou elle était le moins voulue (par exemple la fois où, ayant depuis peu apprit à lire, il fureta dans les dossiers de son père et divulgua quelques mots a ses précepteurs concernant l' énergie Bleue. Cette intrusion dans les affaires des ingénieurs lui avait valu une tôlée que même Grimnir aurait eu peur de subir.
Gradek Gunsfen, Fils de Klitek Gunsfen, était un ingénieur reconnu à Baldorheim . Ses recherches sur les frottements mécaniques et sur les rendements des machines à vapeur avaient permis a nombre d'installations minières et militaires de consommer moins d'énergie première ainsi que d'assurer un fonctionnement optimisé.
Par exemple, sur la mitrailleuse à roulettes, ses travaux sur les différents alliages ont permis de confectionner des machines au poids limitée, et avec une précision accrue par un alliage rigide permettant une chauffe intensive sans dilatation. Bref, un nain exemplaire au yeux de la communauté.
Cependant, le jeune Mornek n' en disait pas autant. Depuis sa tendre enfance, en privé, son père passait son temps à le rabaisser. Celui-ci, multipliant pendant des années les efforts pour faire honneur a son père n'eut jamais un mot de félicitation. La fierté paternelle chez les Gunsfen c est comme une bonne bière chez les longues oreilles; tu peux crever avant d' en trouver.
Mornek compris au fur et à mesure que son expérience de la vie s'accroissait, que l'attitude de son père a son égard était surement dû a la mort en couche de sa mère. Le paternel reportait sur lui une colère endeuillée.
Les Gunsfen étant une famille aux moyens financiers assez conséquents, Mornek eut tout au long de sa jeune vie des précepteurs. Il eu toujours le doute si ces interminables journées d'étude était un prétexte pour Gradek d'écarter la présence dérangeante de son fils.
Bref, il appris durant des années l'Histoire de Duralas ,de la Genèse au Cinquième Age, ainsi que les sciences physiques tant vantées par son ingénieur de père. Réaction logique peut être mais Mornek, bien que brillant dans son apprentissage des sciences, voyait s'immiscer en lui un profond dégoût pour tout ce a quoi son père tenait a cœur.
Puis vint l'apprentissage des armes. Plusieurs jours par semaines, un Maître d'arme du nom de Throvak lui dispensait des séances de maniement.
Throvak était un vieux machin de deux cent ans passés. Mais durant de longues années il fût la personne qui se rapprochait le plus d'un père pour le jeune Mornek.
Heureusement que le père Gradek ne s' est jamais rendu compte de la manière dont Throvak travaillait avec le jeune Mornek.
En effet, censé lui apprendre a combattre et uniquement. Foutaises...
Certes Throvak lui appris a manier ( et non sans réussite) la hache et le bouclier. (Le marteau avait était une catastrophe, par deux fois, son poignet gauche ne retint pas l arme en bout de course et se foulât. Manquant au passage d’abîmer la carcasse déjà fragilisée du Maître d armes)
Mais là ou Throvak excellait aux yeux de Mornek c' est dans ses récits. En effet, le vieux bougre avait arpenter Duralas de longues années durant. Ses aventures sur les mers, les batailles sur des navires pirates et autres aventures fascinaient Mornek. C'est le genre de vieux machin qui vous fout du métal dans la caboche. Inspirant l'ancien....
Mais comme tout les vieux de ce monde, Throvak passa l'arme a gauche. Un matin, pour pisser il chuta en allant aux latrines. Pourquoi les grands nains devraient avoir de grandes morts ?
En effet, les mois qui suivirent la mort du Maître d'armes, les disputes en Mornek et son exigeant de père furent houleuses. Sans cesse Gradek souhaitait prendre le contrôle de son fils, son travail, ses fréquentations déjà limitées. Une sensation d'oppression permanente rythmait la vie du jeune nain. Les rares nains qu'il fréquentait étaient des proches de son vieux. Tous étaient de vieux croûtons pleins de principes exacerbés par leurs réussites. Leur sois disant " honneur" passant au dessus de tout. Quel était l'honneur à suivre ce pourquoi nous étions orientés dès le plus jeune âge ? En quoi la ségrégation à la naissance était une fierté du Peuple de Pierre ?
Pour Mornek l'honneur était un code moral, pas une médaille à afficher au yeux de toutes et tous..
Mais putain ! Jamais n'ont-ils rêvé ? Jamais dans leurs longues vies, ils se sont posés la question si leurs vies tracées depuis leurs naissances avaient un réel sens?
Les anciens disent depuis toujours que ses questions sont les réflexions puériles de bas-étage des jeunes.
Putain non, un trolls reste un troll autant qu'un nain reste un nain...
Cela fait déjà quelques années qu' il a coupé les ponts avec son paternel. Les ponts mais aussi les vivres.
Couper du bois, un boulot alimentaire, sans grande motivation, mais bon, faut bien foutre de la viande dans la gamelle.. Pas d'honneur a ça non plus, mais bon. Il loge dans une maison de la taille de son ancienne chambre. Il éclate sa paye en bières et putains. Une vie de merde, peut être aurait-il du suivre le chemin tracé par son ancien. Peut être y aurait-il trouver le bonheur, où ce qui s'en approche. Boarf, trop tard maintenant, revenir la queue entre les pattes le mettrait au fond, s'il pouvait encore y descendre plus.
Les yeux injectées de sang il pense en souriant a ce que son vieu braillerait en le voyant ici.
"L' Orc qui couine" était bondé, un savoureux mélange de sueur, de pisse et de dégueulis embaumait la taverne. Les serveuses et le tenancier avaient la même dégaine que leur boustifaille. La bouffe y était dégueulasse, bien grasse et sentait a peu prêt comme les trois fonds de fûts endormis au bout du comptoir.
Mornek venait ici y vendre à un certain Monir les objets qu'il volait dans la journée. Aujourd'hui était un jour ordinaire. Quelques écus lâchement soutirés à des passants mais également une montre a gousset volée à la tire a une bourgeoise.
Neuvième rincette d'houblon liquide, toujours pas cette ordure de Monir dans le secteur.
Fait chier... S'il traîne trop je serais trop éméché . Fait chier...Deux tables à sa gauche des jeunes recrues du Throng claquaient leurs soldes en bières et putains de mauvais goût. Ils parlaient fort, vraiment très fort, déblatérant leurs pseudos prouesses de troufions..
"Vos gueules manges merdes...."Et merde Mornek avait pensé tout haut...
"Qu' à tu dis raclure ? Comment tu t'adresses à nous ? Tu sais qui nous sommes?" s' exclama le plus costaud et le plus arrosé, en bombant le torse comme un géant en rut.
"M'ouai, z' êtes des nouveaux. Bon courage les gars. Z'en aurez besoin" répondit-il, un sourire en coin
Les bleus se levèrent et vinrent s'installer à sa table, les mains posées sur le bois humide, tous le fixant dans les yeux. Mornek était pas encore assez saoul pour pouvoir regarder les trois paires d' yeux en même temps.
"Que Grimnir me sois témoin tu nous à insulter sans raison, de manges-merde ! Tu sais ce qu'on fait au nain de ton genre ? On leur carre le cul au trou et on organise des combats. Avec ta gueule, pour sûr, pas un d'entre nous nous parierais sur toi." Tous s' esclaffèrent.
Une paire de main vint lui fouetter le museau, laissant une douleur aiguë sur sa joue droite.
Fait chier... La lame qu'il gardait toujours a sa ceinture se figea dans le pouce du lourdaud de première.. Il aurait appeler sa mère si l'épais poing gauche de Mornek ne s'était pas abattu sur sa trogne rougie par l'alcool.
La suite, et bin.... Une branlée, un choc derrière la nuque...
Réveil, la même odeur qu'a "L'Orc qui couine", l'urine, le vomi.. En ouvrant les yeux, l'obscurité ou presque, des barreaux et des ronflards qui cuvent autour de lui.
Et merde. Je suis au trou.Les heures passèrent, impossible de trouver le sommeil, les ronflements et l'odeur l'en empêchant. Lorsque ses codétenus se réveillèrent encore bourrés, Mornek se rendit compte qu'ils étaient un groupe et qu'ils se connaissaient bien. Les heures passèrent, pas de garde pour distribuer la bouffe ni pour accompagner aux chiottes...
Et merde...C'était peu dire. Deux des nains de sa cellule déféquaient a quelques pieds de lui.
La nausée lui prit, et un flots de bière alla sa vautrer sur les pieds des deux chieurs.
Ils avaient pas aimer ça, pour sûr, les deux grouillots. Comme possédés, ils lui sautèrent dessus, comme pour se venger du gruau qu'il avait évacué. Une bagarre sans nom et sans lumière suivit.
Un coup derrière la nuque, trou noir.....
Réveil, pieds et mains ferrés.
Et merde...
"Ton nom bâtard !?" Mornek reconnu la voix d'un des soldats avec qui ça avait dérapé a la taverne.
Sentant les emmerdes arriver a grands pas, Mornek décida de jouer franc-jeu dès le départ.
"Mornek Gunsfen " , sa lèvre inférieure éclatée le dérageait.
"Tu t'es foutu dans la mouise tu sais ça ? Six détenus dans ta cellule, deux morts. Les autres ont bavais que tu leur avait sauté dessus et mis a mort. T as quelques chose a dire ? Puis non, on s'en fout t'façon. Pour toi c'est la fin mon vieux. Flanquer un coup de dague a un garde et tuer des détenus ,t'es bon pour la corde ou la hache."Il resta muet sous le poids des accusations. Le troufion avait raison, il était foutu..
Trois jours passèrent, ayant les uns comme les autres un air de dernier à vivre.
"Mornek Gunsfen ?" demanda une faible voix arrivant des escaliers qui descendaient vers les cellules
"Ouaip, en personne" crachat-il.
Son visiteur apparu, chandelle en main, un nain ayant un air qui disait quelque chose a Mornek
" Je viens au nom de ton père, les nouvelles de ta détention lui sont arrivées aux esgourdes. Ce sera la dernière fois que tu entendras parler de lui."
Le vieux aurait-il claqué ?" Humm allez-y" baragouinât-il
" L'exécution t'attends Mornek. Vraies ou non ces accusations sont sans échappatoires pour toi. Mais je t' en propose une, connais-tu les Briseurs de Serment ? C'est ta dernière chance"
Ces nains là étaient des parjures pour tout les Throng. Déshonneur, solitude et mort. Une vie de combat, de mépris l'attendait s'il choisissait cette voie. L'exécution sommaire aurait le même goût, mais serait plus rapide.
Les mois passèrent, vous l'avez compris, Mornek avait choisi une vie de souffrance. Les Tréfonds, les regards en biais des autres nains, les couches sommaires des maisons de Tueurs de Trolls. Un sourire, un satané sourire. Et oui, Mornek appréciait sa nouvelle vie, comme si côtoyer la mort le rendait vivant.
Les débuts dans la caste avaient été compliqués, les cérémonies, le serment de ne jamais avoir de descendance ni de bonheur mais bon, c'était toujours mieux que la potence.
Les années passèrent, Mornek se mit en tête de partir vivre les mêmes sensations que son feu Maîtres d' arme Throvak. Le Monde Extérieur l'attendait....