****

***

Les gardes ne se laissèrent pas perturber par la demande du jeune garçon ; plusieurs individus rôdaient dans le coin et certains se présentaient aux portes pour découvrir les lieux, mais le village des djöllfulins n'était pas une place touristique.

« Vous voulez entrer dans notre village comme dans un moulin ? Qu'est-ce que ça va nous apporter à nous de vous laisser déambuler dans l'enceinte de notre lieu de vie ? »

Le "diable rouge" était un peu brutal, mais c'était pour cette raison qu'il avait été choisi pour maintenir les étrangers à l'extérieur des murs du village. Ils n'avaient pas besoin que des petits malins viennent les déranger.

En voyant arriver deux nouveaux inconnus, les deux gardes posèrent leur main sur la garde de leur arme, prêts à les dégainer si le besoin s'en faisait sentir. Tout ce qui était imprévisible dans ce genre ne leur plaisait pas beaucoup et il n'était pas question de laisser la chance à ces possibles trouble-fêtes d'apporter le désordre dans leur havre de paix.

Le jeune garçon presque lunatique prit la parole et s'exclama d'une façon plus formelle pour exprimer l'intérêt de leur venue et ce qu'ils pouvaient apporter à la société djöllfulinne à partir de leur culture très exotique - soit dit en passant, chacune des deux cultures est déjà exotique face au reste du monde alors l'une par rapport à l'autre, c'est d'un tout autre niveau.

Le garde qui avait pris la parole fit la moue tout en maintenant sa garde. Malgré les dires de ces individus, ils incarnaient toujours une suspicion des plus féroces, surtout en faisant venir un curieux attelage. Il pouvait y avoir n'importe quoi dans cette cargaison, en plus de ces soi-disant fruits de mer. Pourtant, il était question de relation diplomatique et les deux djöllfulins avaient des indications très précises à ce sujet.

« Oh mais, nous avons de la visite ! Voyons mes frères, soyez plus sereins envers ces ambassadeurs. »

Un homme habillé d'une toge de mage aux couleurs sobres mais aux détails flamboyants apparut devant la porte. Il s'était fait très discret en venant rendre compte des événements qui se déroulaient devant le village. Ce fut pour cette raison qu'il surprit ses camarades armés qui n'avaient pas prévu un tel revirement de situation.

« Des abyssaux, c'est réellement un plaisir. Je vous prie d'excuser mes amis, honorables membres de l'Uchronie, ils veulent ce qu'il y a de mieux pour les nôtres. »

Même s'il n'avait entendu qu'une seule fois les termes employés par ces habitants de la mer, le djöllfulin les répéta sans la moindre hésitation ni erreur de prononciation. C'étaient pour ses qualités d'éloquence qu'il avait été choisi à cette fonction.

« Je suis Chanveasna Punlok, ambassadeur de notre peuple. Je suis des plus ravis de vous accueillir en ce lieu que j'espère vous plaira. Entrez, ainsi que vos affaires. Vous êtes admirables de tant de bonté, je suis certain que nous trouverons beaucoup de plaisir à découvrir des produits frais de votre lieu de vie. »

Le djöllfulin invita ses nouveaux invités à passer la porte pour découvrir le village de son peuple et faire plus ample connaissance. Les deux gardes, quant à eux, s'exécutèrent à leur ouvrir leur monde et à les aider avec leurs bagages.

« Nous avons tant à partager vous et nous et je serai honoré de vous servir de guide et de référant. »

Chanveasna s'inclina bien bas montrant alors son profond respect pour les nouveaux visiteurs.

Les abyssaux observaient avec grand intérêt les différences architecturales, florales, fauniques et culturelles des djöllfulins avec le reste de Dùralas mais aussi avec leur propre culture. Chanveasna était vraiment curieux d'en savoir plus sur leurs propres spécificités car aucun djöllfulin n'avait eu l'opportunité de découvrir les fonds marins, ni même la célèbre cité de Sitlantà dont le festival saisonnier était décrit comme une merveille réussite.

« Le bois utilisé pour nos constructions provient d'arbres typiques de notre pays disparu. Nous avons réussi à sauver beaucoup de végétaux grâce par la bonté de Kar'Magûl. »

Le passé douloureux des Djöllfulins n'était que très rarement exprimé et de nombreuses versions circulaient pour diverses raisons assez personnelles : oubli, déni, orgueil, méfiance. L'ambassadeur Punlok exprima cette information d'un ton neutre, laissant sa peine de côté pour des motifs diplomatiques. Ce n'était vraiment pas pour rien qu'il arborait cette fonction au sein de leur société. Il se trouvait être relativement doué dans son domaine.

Par commodité, les abyssaux ne firent aucun commentaire supplémentaire et suivirent leur hôte en silence tout en continuant de découvrir ce monde si particulier qui vivait et s'épanouissait dans ce village. On ne pouvait imaginer ce qu'il s'y trouvait à moins d'y pénétrer. Malgré le sourire et l'accueil de Chanveasna, une large méfiance fusillait discrètement les étrangers. Et même si les Djöllfulins voulaient s'ouvrir au monde de Dùralas, ils maintenaient leurs portes closes à moins d'une bonne raison. Cette façon de faire n'aidaient pas à développer des relations entre Dùralas et leur peuple, malheureusement.

L'un des ambassadeurs du peuple des fonds marins, celui qui s'était présenté comme étant un membre du haut conseil, Kylnin, décida d'enfoncer une porte ouverte et d'indiquer les tenants et aboutissants de sa mission diplomatique. Aucun n'aurait pu le lui reprocher mais la société djöllfuline avait tout de même quelques réserves à ce propos. Or tout ceci devait venir en temps et en heure.

« Je comprends votre hâte et vous avez raison de donner du tonus à votre mission. Comme vous l'avez remarqué, il règne en ces lieux un certain calme et une sérénité revigorante. Vous avez fait un long trajet alors permettez-moi de vous accueillir dans vos quartiers respectifs. »

Le djöllfulin présenta à ses trois invités un quartier résidentiel de petites maisons individuelles positionnées les unes à côté des autres avec pour seule séparation de courts chemins de galets et des décorations végétales à base de plantes à très longue tige robuste et de petits bassins d'eau remplis par de curieux mécanismes à bascule réalisés à partir de plantes et de cailloux. Un jeune garçon arriva sur la droite en contournant l'une des façades et tira le mur comme s'il s'agissait d'une grande feuille.

« Nipâ va vous faire visiter vos quartiers. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, demandez-lui. Vous pourrez ensuite visiter notre village avec lui. Ce soir, nous tiendrons un repas en votre honneur, si vous le désirez. Je vous prie de m'excuser, je dois me retirer. »

Chanveasna Punlok joignit ses paumes et quitta ses invités après une profonde révérence. Beaucoup de choses devaient se préparer pour le repas du soir afin de mener cette mission diplomatique à son terme.

§La nuit tomba bien vite sur le village des Djöllfulins, des torches éclairées la pénombre environnante, et une grande table avait été dressé pour l'entrevue diplomatique. La plupart virent d'un bon œil cette arrivée d'étrangers d'un monde inconnu, d'autres en revanche semblaient indifférent à leurs venues. L'ambassadeur Chanveasna Punlok avait une certaine autorité parmi les siens, et son honneur semblait le guidait à ne pas laisser de mauvaises ondes gâchaient l'entretien.
Du côté abyssal, il en allait de même, tenues irréprochables pour tous et Kylnin semblait s'être avisé de s'abstenir de parler diplomatie militaire pour ce soir, mais son approche n'était pas anodine, après tout leur peuple cherche une solution face à une guerre qui n'en finit plus.

§ La lune en forme de croissant brillait fort dans le ciel nocturne, le crépitement de viandes et autres plats déposés dans des marmites semblaient ravirent les deux peuples respectifs, avec un profond respect mutuel, chacun s'installa autour de la gigantesque table ornée de décorations typiquement culturelles. L'harmonie avait été pensé par un décorateur, qui avait pour le respect envers les abyssaux disposés plusieurs statues en leurs hommages.
Les conversations démarrèrent très vite, les débuts semblaient évident, il s'agissait de faire le jeu des différences entre le monde de la surface et puis le monde sous-marin. L'événement de Sitlantà, la cité sous-marine était aussi au cœur des débats, la délicieuse nourriture favorisa nettement l'entente cordiale.

§ Le jeune soldat marin, Zayn, semblait adoré ce que ses invités nommait les "Duergars" , avec des jeunes de son âge, ils avaient préféré se découvrir mutuellement en s'amusant avec ces créatures et en ne restant qu'une heure au banquet. Dans la bande, un chef de file en profita pour montrer le village depuis les hauteurs, notamment pour admirer la vue  qui était époustouflante vu de haut. De leurs positions ils pouvaient voir un peu près tout le village, c'était vraiment un bel endroit!
Il semblait que peu, voir pas du tout de jeunes Djöllfulins n'est entreprit de voyage hors de ce paradis où la paix et le calme semblent maîtres. Zayn se sentait proche d'eux sur ce point précis, car sans sa Matriarche, lui aussi n'aurait jamais quitté son domaine.
Ils échangèrent longuement sur ce sentiment, et Zayn décrit son aventure depuis sa sortie de l'eau.
Il confia même que pour lui le feu lui était totalement étranger, mais surtout qu'il avait dû s'habituer à respirer avec ses poumons et non plus ses branchies, ce sujet là fit beaucoup rire le groupe de jeunes, qui décidèrent de partager des confiseries en signe d'amitié naissante.  
De ce qu'avait un peu près compris le jeune abyssal au fil des conversations, les Djöllfulins sont un peuple qui ont dû fuir le terre natale, parallèlement Zayn confia qu'il craignait la même chose pour son peuple, devoir s'exiler à cause d'un ennemi redoutable : les Nash'guls.

§ Du côté des ambassadeurs, chacun essaya de ne pas faire de faux pas, et la conversation fut assez générale pour commencer, puis le Chanveasna Punlok entamma les pourparlers de façon calme et diplomatique
« Je dois vous dire que je remercie Kar’Magûl de vous avoir amener jusqu'ici sain et sauf, nous sommes un peuple extrêmement prudent dans nos approches diplomatiques, malgré cela je dois vous dire que nous sommes également très curieux, nous qui vivons dans le Nord, et vous dans le Sud, je me réjouis que l'on puissent échanger notre vision du monde. Mais dites-moi, je suis réellement intrigué par ce que vous m'apprenez plus tôt, une Uchronie, je dois vous avouez que vous avez piqué ma curiosité au plus au point. Je vous saurais gré de m'en dire davantage. »

« -Kylnin-  Je partage votre point vue, moi-même je me sens attaché au territoire nordique, c'est ici-même que j'ai appris mes arcanes de glace. Je crains malheureusement pouvoir vous en dire plus, vous savez l'accès au monde parallèle est extrêmement codifié, seul notre chef a le privilège de côtoyer ce monde, le reste du peuple restant à l'intérieur de nos Gardiens. Même ma position ne me permet pas de vous en dire plus, vous m'en voyez navré. Je dois vous dire que nos ennemis nous obligent de plus en plus à recourir à ce monde. »

Dans la conversation, l'ambassadeur avait un peu plus expliqué leur problème avec les Nash'guls, sans chercher à être trop intrusif, il exposait juste les faits.

« Ce n'est rien voyons, je vous remercie déjà de votre confiance pour m'avoir parlé d'un tel lieu qui semble remettre en cause l'idée que je me faisais du monde, ces Gardiens comme vous les nommez semblent être des êtres magnifiques, je prierais pour leurs protections. J'entends aussi votre détresse quand à vos ennemis, j'en ferais part au Conseil, mais je crains que nous ne puissions y faire grand chose à l'heure actuelle, votre situation semble bien alarmante, j'espère que la surface vous permettras de vous faire de nouveaux alliés. Dans ce haut monde, certaines factions seraient peut-être la solution à votre problème. Après tout, vous avez appris votre magie ici sur cette contrée, preuve en est que la connaissance mérite parfois quelques rencontres, et quelques voyages, en tout cas c'est mon point de vue, et ce pourquoi j'adhère totalement aux idéaux de Kar’Magûl. »

« -Kylnin- Je vous remercie grandement pour votre considération à notre égard, elle me va droit au cœur, cet déité de l’Érudition me fascine, les quelques pré-quelles appris m'ont déjà comblé. Nous ne sommes pas venues ici pour vous forcez la main, soyez en certains, et nous étudions déjà le moyen de faire appel à des peuples de la surface pour notre défense, après tout ces ennemis touchent surtout le trafic maritime, nous n'avions jamais pensé requérir de l'aide, jusqu'à aujourd'hui. Notre émissaire Zayn n'est qu'un apprenti, mais son cœur est pur et sincère , quand nous avions vu qu'il se dirigeait vers vous, nous ne sommes dits que c'était un signe du destin. »

« -Zhénaryss- Parfaitement, monsieur l'ambassadeur. Pour ma part, je m'efforce d'améliorer mes connaissances médicales depuis une tragédie qui a fait perdre plus d'un quart de notre population. La médecine wystérienne m'a déjà tant apprise, et si vous avez quelconque savoir sur ce domaine, je serais ravie d'en apprendre un peu, selon vos convenances. »

« Vous m'avez l'air de personnes, dont l'âme est entièrement dévoué à la cause de votre peuple, croyez-moi que je vais faire mon possible pour parler de vous à notre Conseil, je ne vous étonnerais pas si je vous dis que cela prendra du temps de vous faire pleinement confiance. Néanmoins, je pense qu'une délégation puisse se rendre à votre lieu de vie pour en favoriser ce première échange. Je me réjouis à l'avance d'une telle rencontre entre deux mondes.
Puisses-tu, ô Kar’Magûl bénir cette rencontre. Je vous en prie mangez à votre convenance, faisons-en sorte que cette soirée se passe sous les meilleurs auspices possibles. Demain, j'irais posé votre requête à notre Conseil, et je parlerais à nos dirigeants de notre premier entrevue. »

§ Ce fut les derniers échanges diplomatiques de la soirée, chacun avez fait un petit pas vers l'autre, la glace était brisée, mais les sociétés il y a encore quelques heures ne se connaissaient pas, il fallait alors beaucoup de patience et de temps pour forger des liens.
A présent, l'ambassadeur des démons nordiques, préféra orienté la conversation sur des choses qui détendraient un peu ces convives. Notamment en les invitant à célébrer leurs dieux par une danse traditionnelle, ainsi il demanda aussi aux deux ambassadeurs d'utiliser leurs magies devant les yeux ébahis des enfants.
Les Djöllfulins utilisèrent un feu rouge vif, dans leurs danses tribales, tandis que les abyssaux utilisèrent une magie aux couleurs de l'eau. Ils étaient forts différents, ils étaient à deux pôles différents du territoire de Dùralas, deux civilisations qui n'auraient jamais sut se rencontrer, si il n'y avait pas eu ce petit coup de pouce du destin, et parfois cette petite germe du destin, fait pousser un arbre de savoir.

Qu'en adviendra t-il de tout ceci? La réponses est gravée dans les lignes du temps.