Il était désormais plus tôt que tard lorsque l'orque se fraya un chemin à travers les ruelles de la cité. Les gardes de faction l'avaient laissé entrer au beau milieu de la nuit sans faire d'histoire, de toute évidence habitués à plus extravagant encore qu'elle. Mais elle avait senti leurs regards suspicieux la suivre jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans les ombres.

Lashgob ne mit pas longtemps à retrouver l'établissement où elle avait rencontré Cylicia et le reste du groupe. La peau-verte aurait souhaité passer ce qu'il lui restait de nuit à l'extérieur après avoir gommé les traces de l'assaut de son corps. Mais la tentation de profiter d'un vrai matelas avait fini par la faire changer d'avis. C'est donc au moment même où l'on parlait d'elle que la technophile franchit la porte d'entrée du Canari jaune.

Une seconde elle resta immobile et silencieuse comme les regards convergeaient vers elle, en particulier ceux de ses compagnons d'aventure. Se pinçant les lèvres sous son masque, Lashgob se dirigea finalement vers eux d'un pas tranquille. Elle s'empara d'une chaise libre qu'elle installa à leur table avant de s'y asseoir sans un mot ni avoir rien commandé.

- J'pensais pas vous trouver encore debout à cette heure, déclara-t-elle sans préambule en retirant son casque qu'elle posa sur la table.

S'étirant la nuque avec force craquements, l'orque balaya lentement le groupe du regard, s'attardant sur l'abyssale apparemment d'excellente humeur. Ils avaient des mines fatiguées, mais réjouies. D'un autre côté, elle-même devait avoir un regard épouvantable, ne dormant déjà pas beaucoup en temps normal... Un instant elle attendit que son familier mécanique qu'elle portait en guise de sac à dos veuille bien se décrocher pour aller errer dans la salle, puis se permit enfin de s'affaler en arrière.

- J'espère ne pas interrompre, fit-elle finalement en faisant référence au sujet de conversation de Neivin lors de son arrivée. Z'avez pas eut de tracas pour revenir après le feu d'artifice ?

Posant cette question, elle se tourna vers leur commanditaire. Si en réalité elle se fichait bien de savoir ce qu'ils disaient d'elle à son arrivée, sa curiosité était sincère bien qu'elle devine qu'en fuyant par les airs ils n'avaient pas eu plus de souci que cela. Et une question lui brûlait les lèvre : qu'adviendrait-il de Salomon et ses malfrats ? Après tout ils l'avaient laissé en vie et à ça place, elle n'aurait eut que la vengeance en tête...

Neivin n'était de toute évidence pas en accord avec les préceptes extrêmes de notre héroïne. Sa vision était juste mais Cylicia ne l'entendais pas de cette oreille. Elle s'était persuadée que le raisonnement de Neivin n'était basé que sur son ignorance et sa jeunesse, choses qu'elle se garda bien de dire.

- Je pensais comme vous autrefois... Se contenta-t-elle de dire.

La discussion se porta alors sur Posidonie. Le Katzmann se demandant si celle-ci avait une quelconque particularité magique. Cylicia, qui n'était pas très douée dans les choses de la magie, ne s'en était pas douté une seule seconde et se demandait même pourquoi une telle question était posée. Avait-elle manquée quelque chose?

- Oh, ça doit venir de c'te babiole, répondit-elle du tac-au-tac, en désignant le collier serti d'un rubis qu'elle portait. J'lai, euh, "récupéré", précisa-t-elle avec un clin d'oeil.

Notre héroïne leva un sourcil d'étonnement, ce n'était pas souvent qu'on lui avouait un vol même de manière si sous-entendue. Enfin, c'était bien là un bien maigre péché aux yeux de Cylicia bien que les circonstances de ce vol resteront mystérieuses. La suite étonna encore plus la Purificatrice, Neivin semblait accusé à demi mots que Posidonie mentait. La soirée semblait avoir fait monté le sang à la tête du Katzmann au vue de son attitude bougonne qui ne déstabilisa pas du tout Posidonie qui revint sur le sujet des hommes.

- Ah ça, t'imagine bien... Je sais pas comment ça s'est passé pour toi, mais l'avantage de la vie sur un bateau, c'est qu'un p'tit tour dans la flotte leur remet vite les idées en place. Et puis au bout de deux ou trois, les aut' avait compris. Mais avec le temps, ils finissent par se rentrer dans l'crâne qu'il faut pas trop me chercher, ahah ! Et même que parfois, dit-elle en donnant une grande claque amicale dans le dos de Neivin, on en rencontre qui sont pas de bonne compagnie, ahahah !

L'attitude décontractée et joviale de l'Abyssal redonnait du baume au coeur de la Stryge. Tout ce qu'elle disait sonnait de manière bienveillante malgré le cocasse de ses anecdotes. Une de ces personnes que l'on pouvait écouter parler durant des heures en somme. Déjà Cylicia imaginait avec une étrange nostalgie la vie que pouvait avoir eut la pirate, une vie diamétralement opposée à la sienne.

Ce fut autour de Neivin de proposé alors l'une de ses anecdotes. Apparemment, il avait la capacité terrifiante de pouvoir étouffer ses adversaires à distance. Ses pouvoirs de magicien le mettait en grande partie en dehors du danger. Cylicia, quant à elle, avait au final plus l'habitude de se jeter dans les problèmes plutôt que d'attendre leur arriver. Elle avait beau réfléchir, mais elle s'était rarement faite agressée. Il y'avait bien la Tour Noire, mais l'ambiance n'était pas au drame pour les aventuriers.

Alors que notre héroïne eut une parole pour Lashgob, Posidonie la rassura sur ses capacités. Si la Stryge savait bien une chose, c'est qu'il était très facile de mourir. Neivin, lui, révéla une sombre histoire que Cylicia avait complètement manqué. Alors qu'elle était affairée à barricader la porte, quelques révélations se seraient faites sur le passé de Lashgob.

- Et bien au vu de ce qu'elle a dit a Salomon, elle est une ancienne esclave cherchant vengeance et a reçu des réponses. Je ne connais évidemment pas l'histoire, mais on peut facilement imaginer qu'elle doit s'occuper de certaines choses, bien que je serais étonné qu'elle ne vienne pas toucher la récompense.

Mais alors que Cylicia s'apprêtait à prendre la défense de l'Orc, celle-ci fit son apparition.

- J'pensais pas vous trouver encore debout à cette heure, dit elle en posant son masque sur la table.

- Heureuse de vous revoir, dit Cylicia ravie. Pour ma part, j'aime autant oublier un peu ce que j'ai vu avant d'aller me reposer.

Lashgob se mit à l'aise, se débarrassant de son familier technophilique qui devait peser son poids pour mieux s'asseoir et prit la parole.

- J'espère ne pas interrompre. Z'avez pas eut de tracas pour revenir après le feu d'artifice ?

Alors que la remarque se voulait piquante, l'innocente Stryge Blanche trouva Lashgob tout à fait prévenante.

- Nous nous inquiétons surtout pour vous, aucun incident de notre côté même si le griffon a eut un peu de mal sur la fin.

En regardant l'Orc elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce que Neivin venait juste de dire et qu'elle avait sûrement entendu. Pour elle, le pouvoir était une maladie dont la pire forme de tumeur était l'esclavagisme. Lashgob devait probablement avoir subit mille supplice et mille humiliations. La condition d'esclave était d'autant plus méprisable aux yeux de Cylicia qu'elle avait elle-même été traité comme telle durant son enfance. Elle aurait aimé lui proposé son aide mais cette femme fière allait-elle vraiment se livrer ainsi sur son passé et se mettre en position de faiblesse? Lui rappeler cette sombre époque était sans doute une mauvaise idée, particulièrement si la soirée fut source de révélations pour celle-ci.

- Enfin, nous sommes tous entier, c'est l'important... Il ne vous reste plus qu'à trouver comment user au mieux vos cinq-cent pièces d'or, dit-elle en souriant. Pour ma part, j'aimerais bien mettre la main sur un être aussi répugnant que Salomon... Le laisser en vie me fut fort désagréable bien que la Tour Blanche a sûrement pris la plus sage décision. Bref, si vous avez des informations sur de quelconques malfrats, je serais preneuse, finit-elle par dire en buvant un coup dans sa choppe.

Le message s'adressa surtout à Lashgob mais les deux autres avaient peut-être plus d'informations qu'ils ne voulaient bien le dire également. Concernant les cinq-cents pièces d'or, il était fort probable qu'ils refusent d'en parler mais elle avait tout de même tenté le coup. Les mercenaires étaient des gens fort intéressants, en ce sens où ce qu'ils avaient souvent bien des raisons différentes de se battre. La Purificatrice ne pouvait s'empêchée d'être curieuse à ce sujet depuis sa rencontre avec Brendan.

La discussion allait bon train, lorsque Lashgob fit son entrée.

- J'pensais pas vous trouver encore debout à cette heure.

- Ah ben on attendait plus qu'toi ! dit Posidonie en lui désignant la chaise libre.

L'Abyssale était impressionnée par l'attirail technologique de Lashgob. Notamment cette araignée qui arrivait à se mouvoir toute seule, c'était tout simplement prodigieux. Une vraie petite merveille.

- C'est toi qui l'a fabriquée ? demanda-t-elle en désignant le compagnon de Lashgob.

- J'espère ne pas interrompre. Z'avez pas eut de tracas pour revenir après le feu d'artifice ?

- J'dois r'mercier Cylicia, sinon j'aurais été bonne pour un grand plongeon, ahah !

- Enfin, nous sommes tous entier, c'est l'important... Il ne vous reste plus qu'à trouver comment user au mieux vos cinq-cent pièces d'or, dit Cylicia en souriant. Pour ma part, j'aimerais bien mettre la main sur un être aussi répugnant que Salomon... Le laisser en vie me fut fort désagréable bien que la Tour Blanche a sûrement pris la plus sage décision. Bref, si vous avez des informations sur de quelconques malfrats, je serais preneuse.

C'était là une bonne question. Posidonie n'avait pas d'idée précise de ce qu'elle comptait faire de cet argent. Mais en bonne pirate, elle savait que la liberté avait un prix. Et de toute façon, on a jamais assez d'or.

- J'sais pas trop c'que j'vais en faire. Surement me faire plaisir ahah ! Et pour le reste on verra.

Elle resta bien silencieuse sur la question des malfrats. En tant que pirates, elle connaissait évidemment des gens peu recommandables. Et compte tenu du tempérament de la stryge, il y avait fort à parier qu'elle ne les cherche pas pour leur faire des câlins.

Son employeur sous-entendait que sa pensée n’était qu'une naïveté de jeunesse. Le katzmann, jeune et ayant vécu la majeure partie de sa vie cloîtré loin du monde reconnaissait bien son manque d'expérience de vie. Il ne voyait toutefois pas quelle genre d’expérience pouvait donner la conclusion qu'il fallait exterminer des races car elles seraient par nature belliqueuse et il réfuta intérieurement les quelques mots de la stryge blanche.

Alors que les trois individus discutèrent de ce qu’étais devenu l'orque, celle-ci avait choisis ce moment précis pour faire son apparition dans un état similaire aux leurs, fatigué.

J'pensais pas vous trouver encore debout à cette heure déclara t'elle en commençant a retirer son attirail de combat.

Nous sommes en effet tous fatigué, mais autant profiter de ce court moment de discussion car nous allons surement nous séparer par la suite.

L’araignée de métal descendit alors du corps de la peau-verte et commença a se promener a sa guise dans la taverne, étonnant quelques poivrots qui se demandait si ils n'avaient pas un peu trop bu. L'orque repris.

J'espère ne pas interrompre. Z'avez pas eut de tracas pour revenir après le feu d'artifice ?

Pas vraiment non, difficile de rattraper une monture volante.

Il ne préféra pas le dire considérant que c’était personnelle, mais il partageait le ressentis de Cylicia qui voulait oublier ces événements. La question de la purificatrice sur l’utilisation des pièces d'or était d'ailleurs un parfait moyen de penser a autre chose, elle demanda aussi si ils avaient des informations sur d'éventuelles criminelles, le katzmann en avait bien en tête mais rien que la stryge n'ignorerait.

Et bien, j'en donnerai a ma famille, ils ne vivent pas dans l'opulence, pour le reste je pense faire ignifuger ma robe, je ne veut pas la perdre et avec ma maîtrise de l'immunité au feu qui se développe, cela m’empêchera de lancer certains sorts. Pour ce qui est des criminels, je n'ai malheureusement aucune information a vous transmettre, mais si j'en croise et que je ne peut m'en occuper seul, je penserai a vous. Il y a toutefois les plus petits bandits qui pullulent un peu partout sur le continent, a Ishtar par exemple ce n'est pas bien dur d'en trouver, et ils tuent et pillent autant que les grandes organisations.

Neivin c'était fait attaquer deux fois par des bandits en seulement un an, et bien qu'il s'en était débarrasser car il savait se défendre, ce n’était pas le cas des pauvres gens qui ne savait que manier la fourche. Se débarrasser de ces individus, bien que pas très glorieux, était une tache importante et nécessaire.

- C'est toi qui l'a fabriquée ?
- Yep, répondit simplement la technophile en jetant un œil à son arachnide s'en allant sous une table. C'est moi.

Après quoi elle écouta les déclarations de Cylicia et Neivin, faisant finalement signe au tenancier de lui servir la même chose qu'à ses compagnons. Elle hésita à poser les pieds sur la table, mais sans doute cela aurait été mal perçut...

- Vous inquiéter pour moi ? Bha... dissipa-t-elle en agitant sa main gantée pour signifier que cela n'était pas nécessaire. Sortir du camp fut plus simple qu'y entrer avec le foutoir qu'on a causé...

Toutefois, elle se tourna vers la Stryge avant d'ajouter, acceptant une choppe du tenancier. Elle tiqua une seconde lorsque le mage évoqua des brigands à Ishtar, mais s'empressa de boire à sa choppe pour dissimuler cet instant de malaise avant qu'ils ne le perçoivent.

- J'aurais pensé que ton habit était déjà résistant au feu, commenta-t-elle comme Neivin leur rendait la parole. M'enfin, mieux vaut tard que jamais.

S'enfilant une autre gorgée, elle se passa les doigts dans ses cheveux tressés et reprit en recentrant le sujet :

- J'me fiche des pièces d'or. C'est pas pour cela que j'vous ai accompagné. Mais pourquoi ne pas l'avoir tué ou capturé pour l'enfermer dans votre tour au fait ? J'ai eut mes raisons de l'épargner, mais en avez-vous de particulières ? L'monde s'en serait que mieux porté sans une ordure pareille...

Posidonie faisait hommage à son amour de la liberté. Rien de bien étonnant pour une pirate mais c'était en tous cas un grand plaisir pour Cylicia de l'apprendre. C'était bien la le but de son combat que les braves gens puissent profiter tranquillement de la vie. Sans doutes l'Abyssal avait-elle ses défauts, son passé, mais la Purificatrice ne pouvait foncièrement pas la trouver mauvaise en cet instant. Pas d'informations concernant d'éventuels criminels de son côté, pas un mot. Elle avait complètement éludé la question mais cela n'étonna personne. Lorsqu'on a été pirate, on finit forcément par fréquenter quelques hors-la-loi.

Neivin quant à lui pensa à ses proches, chose bien normal. Encore une fois, il était difficile pour Cylicia de savoir si le Katzmann était foncièrement bon ou si il n'avait tout simplement pas encore assez vécu. Combien de belles âmes ont au final disparues sous l'ardent couperet des horreurs de la vie? Une chose était sûr en tous cas, il ne comptait pas arrêter le combat. Cela s'entendait à sa volonté d'améliorer ses capacités et son équipement. Cylicia fut un peu attristé mais le jeune homme était tout de même assez mature que pour prendre les décisions qui semblaient nécessaires.

- J'me fiche des pièces d'or. C'est pas pour cela que j'vous ai accompagné.

Cela ne faisait aucun doutes compte tenus des révélations du Katzmann. Lashgob était clairement plongée dans une vendetta qui, d'après notre jeune bigote, la mènerait d'une manière ou d'une autre à sa perte.

- Mais pourquoi ne pas l'avoir tué ou capturé pour l'enfermer dans votre tour au fait ? J'ai eut mes raisons de l'épargner, mais en avez-vous de particulières ? L'monde s'en serait que mieux porté sans une ordure pareille...

L'attaque fut blessante pour la Purificatrice. L'Orc remettait clairement l'intégrité de celle-ci en doute, chose qu'elle ne tolérait pas. Salir son Ordre d'une quelconque façon avait sérieusement tendance à l'agacer. Pourtant, elle prit sur elle bien que son sourire habituel disparut, consciente que Lashgob avait toutes les raisons d'être déçue de l'attitude de la Tour Blanche. Elle qui à l'époque avait déjà publier son Petit Livre Blanc, était la première a vouloir voir ce genre de mécréant quitter à jamais la surface de Dùralas, à l'instar du plan démoniaque. Malheureusement, il ne suffisait pas de penser avoir raison que pour avoir raison, ce pourquoi notre héroïne obéissait aveuglément à la hiérarchie.

- Si mes supérieurs ont jugés bon d'agir ainsi, c'est, à n'en pas douter, qu'il s'agissait de la meilleure solution. Qui serais-je, dans mon individualité limitée, à remettre en cause le jugement des sages qui ont prit cette décision? Non, je ne pense pas que le monde se porterait mieux si nous nous en référions toujours à la simplicité de nos instincts... Mais je ne peux pourtant que partager votre sentiment d'injustice... Je repense encore à ces esclaves qu'on a laissé la-bas... Ils sont probablement morts maintenant, ou sans doutes servent-ils de défouloir après cette cuisante défaite... Mais le fait est qu'on les a laisser là-bas. C'était fuir ou mourir, sans doutes, mais si il y'a bien une chose que je regrette c'est bien cela et non le sort de ce misérable Salomon.

Cylicia avait parler avec son coeur et n'avait plus rien à rajouter. Elle but un coup dans sa choppe et laissa la conversation aller en repensant à tout cela. Avec Neivin, cela faisait la moitié du groupe à remettre en doute les ordres donnés par la Tour Blanche. Etait-ce là une habitude des mercenaires? Ou peut-être était-ce dût à la réputation édulcorée de leur sainte tour? Elle aussi pourtant avait des doutes quelques fois, mais son attitude aristocrate envers les autres races l'empêchait tout simplement de voir ceux des autres au même niveau de crédibilité. Triste réalité d'un esprit qui se voulait critique.

Lashgob s'était installée à table, et avait commandé elle aussi à boire. La discussion allait bon train, notamment sur ce que chacun allait faire de l'argent gagné. Mais la discussion prit un tour un peu moins sympathique après que Neivin puis Lashgob remirent en cause la décision de Cylicia de laisser Salomon en vie. La question était légitime, d'autant plus après le petit exposé de la stryge blanche sur ce qui méritait de vivre en Dùralas ou non.

Néanmoins, vu le sourire - courtois mais légèrement crispé - qu'elle abordait, il était évident que la question l'énervait. Elle répondit d'ailleurs assez sèchement, mais tout en respectant les ordres données. Posidonie s'en doutait, mais cela confirmait l'attachement de la stryge à l'ordre et aux principes hiérarchiques. Sentant l'ambiance tourner, l'abyssale s'abstint de dire ce qu'elle pensait, histoire que sa consoeur ailée n'ai pas le sentiment de se retrouver seule contre trois.

Buvant quelques gorgée d'eau, le katzmann écouta attentivement la discussion entre la peau-verte et la stryge. Lashgob se fichait des pièce d'or, rien de bien surprenant au vu de son réel objectif même si un peu d'or ne fait pourtant jamais de mal pour couvrir ces besoins. Un nouveau conflit idéologique refit toutefois surface, l'orque, tout comme lui, remettant en question les supérieurs de Cylicia. La réponse de celle-ci fut d'ailleurs fort étrange, elle affirma regretter le sort des esclaves, bien que Neivin douta de leurs morts, ceux-ci étant considéré par les bandits comme un marchandise onéreuse, mais pourtant déclare que ces supérieurs ont toujours raison. C’était une contradiction évidente, et le fait de se remettre a l'autorité comme si celle-ci était omnisciente et nier son libre arbitre était un concept aberrant aux yeux du jeune homme. Ayant été en conflit avec la garde du a son vécu en tant que pickpocket pour survivre, l'autorité n’avait a ces yeux rien d'appréciable, bien qu'il admettait que l'ordre était important.

L'homme-chat se retenait de montrer l'aberration de son mode de pensée, tout d'abord car il a déjà eu un conflit idéologique avec elle cette soirée et que cela ne ferait que monter la tension et qu'il n'avait pas besoin de sa, et ensuite elle semblait parfaitement endoctriner, et il doutait que quoi qu'il dise, cela ne changerait rien.

Je ne pense pas que les esclaves se soit fait tuer, ils sont après tout aux yeux de ces crapules comme une marchandise de valeur. Je suis conscient que retrouver des esclaves et les libérer n'est pas une tache simple une fois que ceux-ci ont été vendu, mais rien ne dit qu'ils ne seront libéré un jour peut importe par qui. Sur sa dernière phrase, il jeta un regard en direction de la peau-verte anciennement esclave, il ne connaissait pas son histoire, mais elle a bien été libérer d'une façon ou d'une autre, ce qui pouvait arriver a d'autre dans la même situation.

- ...je ne peux pourtant que partager votre sentiment d'injustice... Je repense encore à ces esclaves qu'on a laissé la-bas...
- Meh....

Lashgob secoua la tête, n'écoutant déjà plus que d'une oreille le discours de la stryge. Le sujet de l'esclavage qu'elle abordait lui hérissait le poil.

La mine distraite, elle parcourut du regard les autres clients de la taverne à cette heure entre chiens et loups. Mais à part un poivrot endormis sur une table et le tenancier, étonnamment frais pour l'heure, ils étaient seuls. Si l'on omettait l'arachnide errant près du dormeur avec curiosité.

- ...rien ne dit qu'ils ne seront libéré un jour peut importe par qui.
- Libérer un esclave qui n'est pas près à se battre pour sa liberté n'est pas lui faire un cadeau, rétorqua sombrement Lashgob en revenant à leur conversation.

Son regard intense fit un aller-retour entre Cylicia et le mage.

- Être libre est un privilège qui se gagne, pas que l'on attends de recevoir. Ces hommes et femmes sont assurément toujours en vie. Ça n'ferait aucun sens de dilapider de la marchandise. Mais si ces prisonniers préfèrent vivre à genoux que mourir debout, c'est qu'ils le choisissent. Et je ne vois pas pourquoi on se préoccuperait de leur sort dans ces conditions.

Sur ces paroles fortes, elle s'enfila le reste de son verre avant de se lever. Elle ne souhaitait pas vraiment leur laisser le temps de répliquer à son affirmation, sachant d'avance que le débat l’horripilerait. D'une discrète pression du pouce contre son index elle rappela son familier artificiel avant de prendre son casque.

- Là-dessus je vais prendre congé. Ce fut une excellente bagarre et je pense que les lames dorées s'en souviendront longtemps.

Et elle prit la direction de la sortie en enfilant son masque. En sortant, sans un mot, elle adressa malgré tout un salut de la tête à ses compagnons d'aventure. De trop nombreux souvenirs désagréables emplissaient ses pensées pour continuer à savourer leur victoire ensemble.

Apparemment la position de Cylicia ne faisait pas l'unanimité. Et pour cause, sa servitude aveugle sautait aux yeux de tous excepté elle-même. C'était bien pourtant la seule chose qui empêchait son esprit de s'en aller trop loin dans l'obscurité. Ce lien indéfectible avec la Tour Blanche maintenait son comportement dans la normalité et évita à bon nombre de malheureux de subir sa logique viciée concernant sa façon de traité le mal.

Neivin essaya tout du moins de rassurer la Purificatrice sur le sort des esclaves bien que celle-ci ne savait trop bien qu'il n'y'avait aucune certitude. Elle leur avait donner l'occasion de mourir dignement en les armant, selon leur choix ils étaient soit morts soit toujours sous le joug de leur bourreau.

Lashgob, qui était sans aucun doutes la plus expérimenté en la matière, pris la parole d'une façon qui désola la Purificatrice. Cette vision de la liberté, elle ne la partageait. Il faut dire que, durant sa prime enfance, la liberté était un concept totalement inconnu pour elle et seul la générosité de son père adoptif, Leonis, sut lui ouvrir les yeux sur la voix du bonheur et de cette liberté. Enfin, Lashgob n'allait sans doutes pas changer d'avis aussi facilement non plus et Cylicia la laissa prendre congé sans rétorquer, en lui rendant la politesse.

- Bon courage à vous Lashgob, venez me voir au besoin...

Parole sans doutes fort peu utile. L'Orc comptait apparemment s'occuper seul de ses plans de vengeance. Une fois que celle-ci fut partie, Cylicia parla ainsi au groupe :

- C'est une bien triste voie que celle de la vengeance... J'espère que Lashgob ne s'y perdra pas, si ce n'est déjà le cas...

La Purificatrice finit alors sa choppe et tira à son tour sa révérence.

- La fatigue me prend également, je vais aller me coucher... Merci encore pour ce que vous avez fait...

Elle parti ainsi, un peu triste. Elle qui avait toujours voulu incarner l'espoir et la justice donnait apparemment une impression inverse sur ses contemporains. C'est le coeur lourd des horreurs de la nuit et des doutes d'autrui qu'elle s'endormit, la larme à l'oeil.