La mâchoire serrée à s'en faire crisser les dents, Azriel était envahit par une colère insondable, et démesurée compte tenu de la situation. Lui-même ne pouvait en expliquer clairement la raison. Une chose était sure toutefois, éliminer des paysans ferait un bien incroyable à ses nerfs.

Les poings serrés, il s'avança vers le dernier paysan debout, bien décider à lui expliquer deux-trois petites choses sur la vie, la mort. Quand soudain, un bruit attira son attention. L'homme masqué, enfin l'autre homme masqué, était en train de l'applaudir, ou tout du moins il essayait, compte tenu de sa situation, qui n'était guère reluisante. Les applaudissement calmèrent légèrement la colère qui montait en lui. Le moment était totalement inapproprié, mais Azriel aimait trop attirer l'attention.

Alors qu'il allait faire une révérence, son regard croisa celui des paysans. Et, sans explication rationnelle, toute la colère revint. Il n'avait qu'une envie : que ces deux raclures apprennent les bonnes manières, et à qui ils avaient à faire. Sans s'en rendre compte, il avait provoqué une forte impression. Suffisante en tous cas pour que son camarade d'infortune prenne les devants, et mette l'un des deux paysans hors d'état de nuire.

« Je tiens à vous rappeler notre petit marché..» Dit-il à l'attention du dernier paysan encore debout. « Il me semble que les perdants serviront de bouffons aux vainqueurs ? Vous me semblez être homme de parole et j'espère ne pas me tromper sur votre compte. »
Il avait dit ça sur un ton léger, avec un rire étrange. Il avait l'air de sincèrement rire, mais dans le même temps, la situation et la teneur de ses propos donnaient une légère teinte de cruauté à ses paroles, chose qui ne pouvait que plaire à Azriel. Mais il n'avait aucune envie de faire de ces paysans ses bouffons. Là, tout de suite, ce qu'il voulait, c'était les vider de leur sang comme des gorets et planter leurs têtes sur des piques en guise d'épouvantail.

La rage au bout des canines, il s'apprêta à se lancer à l'assaut de l'impudent paysan, quand le porteur de masque l'interrompit à nouveau.

« Magnifique ! Votre technique est d'une beauté universelle, je vous le dis sincèrement. Vous transfigurez la laideur pour ne laisser paraître que le beau. »

Il avait accompagné ses compliments d'une révérence, qui eut, une nouvelle fois, un effet calmant sur le vampire. Son ego était flatté, et ce n'était clairement pas pour lui déplaire.

- Et bien très cher, je vous remercie du compliment. Vous-même ne manquez pas de style, j'aime beaucoup ! dit-il en lui rendant sa révérence, oubliant presque le combat.

[Attaque Paysan B]

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'Attaque - Vampire' :

Mélaskholés ne manquait pas de style ? Ce dernier ne s'attendait pas à un tel retour de compliment. Il se mit à rougir fortement derrière son masque, mais heureusement celui-ci dissimulait ses couleurs. Il se contenta de le remercier simplement.

A son plus grand étonnement, se partenaire échoua son attaque, épargnant le paysan qui venait de voir sa vie défiler devant ses yeux. Il n'osa pas bouger, se demandant encore comment il avait pu esquiver un tel coup. Contrairement au jeune homme, lui perdit des couleurs et devint pâle comme un cadavre.

« Vous savez, tout à l'heure quand je vous parlais de beauté, c'est lorsque vous réussissez. Là... Je ne dis pas que c'était laid, mais en fait un peu quand même... » Expliqua Mélaskholés d'un ton léger. Il ne faisait que constater les choses sans émettre le moindre jugement. Il se retourna vers son compagnon et haussa les épaules. Ce genre de choses arrivait quelques fois. Même les plus habiles des trapézistes n'étaient pas à l'abri d'une chute mortelle. Celui-ci n'avait pas à se plaindre, cela ne lui coûterait en aucun cas la vie. Comme le paysan reprenait peu à peu ses esprits, ils avaient enfin le temps de discuter sans être interrompu, à moins qu'un nouveau pigeon vienne prendre le risque de se faire faire exploser.
Il réfléchit donc rapidement, se frappant soudainement le front de la paume de sa main.
« Tout cela était prévu ? Je m'excuse, je n'avais pas encore saisi la subtilité de votre art. Ne m'en veuillez pas si vous pensez que je vous portais jugement tout à l'heure... Mais entre nous... » Ajouta-t-il plus bas dans la confidence, car il ne voulait pas que la foule ne l'entende. « Manquer sa cible n'est pas très spectaculaire. Moi-même il m'arrive de faire des mauvais choix voyez-vous ! »

Quant au paysan, il sembla reprendre ses esprits, car il s'adressa aux deux hommes masqués.
« Jamais ! Vous m'entendez ? Jamais j'vous servirai de bouffon, plutôt crever ! »
« Pas de sottises ! Ne dîtes pas des choses comme ça, pourquoi en arriver à de telles idées ? » Lui répondit-il comme à un enfant. Toutefois, Mélaskholés fut prit d'une peine immense. Il baissa le menton, retenant du mieux qu'il pouvait ses larmes. Il commença à renifler sans ménagement.

Il souffrait de voir un tel serment se briser ainsi, empli d'une tristesse démesurée face à ce retournement de situation. Il se retourna donc vers son camarade, la voix chevrotante à la façon d'un enfant qui s'adresse à sa mère parce qu'on lui a volé son jouet préféré.
« Il avait promis !! »

Emporté par le flots de ses sentiments, il se jeta sur le paysan bien décidé à lui faire payer son manque d'honneur.


[Attaque le paysan B, ne reste plus que lui de toute façon]

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'Attaque - Humain' :

Paysan B attaque Mélaskholés à 25.


Les joueurs attaquent en premier.

Vitesse des joueurs : 166

@Mélaskholés Hyprate : 45
Vitesse : 131
Dégâts : 48

@Azriel : 428
Vitesse : 135
Dégâts : 72


Ennemis :

Vitesse des ennemis : 70

Paysan A : MORT
Vitesse : 70
Dégâts : 25

Paysan B : 52
Vitesse : 70
Dégâts : 25

Pigeon : MORT
Vitesse : 700
Dégâts : 1
Bonus : Introduction : il arrive que par mégarde, du fait de leur curiosité et qu'ils s'incrustent vraiment partout, un ou deux pigeons se retrouvent dans un combat. [Imblocable]
Rapidité : Peut attaquer deux fois Azriel et Mélaskholés.

« Vous savez, tout à l'heure quand je vous parlais de beauté, c'est lorsque vous réussissez. Là... Je ne dis pas que c'était laid, mais en fait un peu quand même... »

Sous son masque, Azriel leva un sourcil. Réussir quoi ? Il avait attaqué ? Il ne s'en était même pas rendu compte. Il faut dire que son sens du spectacle monopolisait parfois toute son attention, au détriment du reste.
À la surprise succéda l'indignation. Peu enclin, de base, à accepter les critiques, il l'était d'autant moins quand elles venaient de quelqu'un qui avait eu toutes les peines du monde à se défaire d'un pigeon.

L'autre individu masqué haussa les épaules, avant de se frapper le front.
« Tout cela était prévu ? Je m'excuse, je n'avais pas encore saisi la subtilité de votre art. Ne m'en veuillez pas si vous pensez que je vous portais jugement tout à l'heure... »

La remarque saisit le vampire. Il commençait à se demander si son interlocuteur avait bien toute sa raison. Mais, habitué des magouilles comme il l'était, Azriel y voyait une occasion bien trop belle pour ne pas être saisie.

- Mais bien sûr ! Tout était prévu, bien évidemment !

« Mais entre nous... Manquer sa cible n'est pas très spectaculaire. Moi-même il m'arrive de faire des mauvais choix voyez-vous ! »

- Détrompez-vous mon brave ! Tout bon spectacle contient du rebondissement. Un final trop rapide serait bâclé. Il faut savoir ménager son public !

« Jamais ! Vous m'entendez ? Jamais j'vous servirai de bouffon, plutôt crever ! »

Le vampire laissa échapper un bruyant soupir.

- Mais vous ne voyez pas que nous sommes en pleine discussion ? En plus d'être idiot, vous êtes aveugle ?

L'inconnu semblait partager son avis. En fait, plutôt qu'un agacement, c'était plutôt la tristesse qui semblait animer son compagnon de masque.

« Il avait promis !! »

Sur ces mots, il s'élança vers le paysan. Quel individu étrange. Il n'y avait aucune raison rationnelle de réagir de cette manière pour une telle broutille. Après tout, rares étaient les personnes - au grand dam du vampire - qui acceptaient de devenir des bouffons de vampire de manière volontaire.

Pour une raison qu'il avait du mal à saisir, la détresse de l'inconnu le toucha. Et dans le même temps, elle réveillait en lui un instinct sadique.

- Effectivement. C'est très mal élevé de ne pas tenir sa promesse. Mentir est mal, et il faut punir les menteurs...

[Attaque le Paysan B]

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'Attaque - Vampire' :

Le compagnon de Mélaskholés mit un terme définitif aux festivités en mettant à son tour à terre le deuxième et dernier paysan. Un silence absolu s'installa tandis que tous les regards étaient rivés sur eux. La foule s'attendait à les voir s'en prendre violemment à l'un d'entre eux. Pourquoi adoptaient-il un comportement si étrange aussi soudainement ? Bien au contraire, Mélaskholés avait quant à lui envie de fêter ça en sautant sur place et en lançant des « Hourra ! ». Toutefois, il s'en abstint se contentant de se diriger vers son compagnon.

« Je crois bien que tu viens de plomber l'ambiance... » Expliqua-t-il comme pour justifier le malaise qui pesait. Il poursuivit alors, d'une voix pleine de bienveillance. « Mais moi je ne t'en veux pas, je t'ai même trouvé très gentil, et drôle aussi ! » Il est vrai que Mélaskholés s'était beaucoup amusé aux côtés de son compagnon. Rares étaient les moments de complicité qu'il pouvait partager. Il lui tendit alors la main. « Moi c'est Mélaskholés, mais on m'appelle aussi Mélas. Enfin, on m'a appelé ainsi quelques fois... » Il resta là, sa phrase en suspens recherchant dans sa mémoire la dernière fois qu'on l'avait appelé de la sorte.

Les tensions semblèrent se dissiper lorsqu'on le vit agir. Ainsi, les hostilités venaient de prendre fin dans l'esprit des paysans. Quelques uns partirent vaquer à leurs occupations sans plus se soucier d'eux. D'autres restaient là à les regarder comme s'ils avaient des bêtes en cage dans un cirque. L'idée effleura Mélaskholés qui étouffa un rire tant cela lui paraissait absurde !
On vint également récupérer les deux paysans qui n'avaient toujours pas repris connaissance. Les deux malheureux qui s'étaient portés volontaires pour secourir les hommes à terre firent alors face à des difficultés. Ils s'efforçaient de les soulever, mais en vain. Mélaskholés se tourna soudainement vers son compagnon.

« Attend-moi ici, je reviens ! »

Sur ces mots, il s'esquiva d'un pas rapide. Il éprouvait bien de la peine à voir ces hommes s'affairer de la sorte. D'autant plus qu'il se sentait en majeure partie responsable. Après tout, c'était un peu de sa faute si la fête avait mal tournée. Il accourut auprès des deux bons samaritains qui sur le coup eurent un mouvement de recul en le voyant arriver. Celui-ci leva les deux mains en signe de tranquillité.

« Je veux simplement vous aider, donnez-moi vos vestes ! » Demanda-t-il. Les deux paysans s'exécutèrent sans broncher, mais à voir leur expression on pouvait bien remarquer qu'ils semblaient confus. Qu'allait-il pouvoir faire d'un veston pour relever un homme à terre ? Ils retirèrent néanmoins leur vêtement et les tendirent du bout du bras au jeune homme. Elles étaient moites de sueur et noires de crasse, mais cela serait suffisant. Il les secoua et les étendit sur les corps au sol. Reculant de quelques pas, il déclara d'un ton satisfait.

« Voilà qui fera l'affaire ! »

Il repartit alors en direction de son compagnon, d'un pas toujours aussi dansant et rapide laissant sur place les deux paysans totalement abasourdis.

« Ils étaient un peu empotés... » Dit-t-il lorsqu'il fut à ses côtés. Il semblait alors pensif et préoccupé, comme si quelques pensées le chagrinaient.« Tu sais, parfois je n'arrive pas à comprendre les gens. Ils me paraissent tellement incompréhensibles et font des choses insensées alors que parfois la solution est toute simple ! » Expliqua-t-il en montrant du doigt les deux paysans, toujours au sol mais désormais recouvert d'un veston crasseux.

Un silence pesant tomba en même temps que le deuxième paysan. Visiblement, cela avait fait son petit effet.

« Je crois bien que tu viens de plomber l'ambiance... », lui dit l'homme masqué.

- C'est dramatique, les gens aujourd'hui sont incapables d'apprécier un spectacle digne de ce nom. Un vrai manque d'éducation...

« Mais moi je ne t'en veux pas, je t'ai même trouvé très gentil, et drôle aussi ! »

La remarque fit très bizarre à Azriel. Il s'agissait d'un compliment, et il le prenait comme tel, mais cela faisait très longtemps que quelqu'un lui avait dit qu'il était gentil. Quant à drôle, n'en parlons pas. Cet individu était vraiment étrange... Non que ce soit un problème, aux yeux du vampire c'était même une qualité qui se faisait rare. Il se présenta sous le nom de Mélaskholés, un nom peu courant.

- Azriel, enchanté, répondit-il en serrant la main tendue.

« Attend-moi ici, je reviens ! »

Azriel regarda Mélas se diriger vers un groupe de paysans qui s'occupaient de ceux qu'ils venaient de corriger. Il leur demanda leur veste, et en recouvrit les deux inconscients. Sous son masque le vampire souleva un sourcil interrogateur. Qu'est-ce qu'il essayait de faire ? Il n'en avait pas la moindre idée. Et visiblement, les deux paysans n'en avaient pas non plus. Il revint tout naturellement vers lui, dans une démarche amusante, comme s'il essayait de danser.

« Ils étaient un peu empotés... Tu sais, parfois je n'arrive pas à comprendre les gens. Ils me paraissent tellement incompréhensibles et font des choses insensées alors que parfois la solution est toute simple ! »

Azriel le fixa de ses yeux d'or, tentant de comprendre ce qu'il essayait de lui expliquer ? Est-ce que son discours était décousu, ou est-ce que ce pigeon lui avait picoré le crâne plus fort que ce qu'il imaginait ? Il ne saurait le dire.

- Je pense que je vois ce que tu veux dire. Enfin j'imagine...

Il garda pour lui le fait qu'il était lui-même du genre à faire compliqué alors qu'il pouvait faire simple, juste pour l'art de la mise en scène.

- Tu n'as pas l'air de leur en vouloir de t'avoir agressé. Tu me parais bien magnanime.

Ainsi donc son compagnon s'appelait finalement Azriel. Il mettait enfin un nom sur ce masque à défaut de son visage. Celui-ci n'avait d'ailleurs pas l'air bien convaincu par son incompréhension générale sur les autres, mais peu importait, Mélaskholés venait déjà de passer à autre chose. Il ne lui fallait pas grand chose pour détourner son attention et à moins de l'aider à se focaliser, il avait une fâcheuse tendance à passer du tout au rien.

- Tu n'as pas l'air de leur en vouloir de t'avoir agressé. Tu me parais bien magnanime.

Le jeune homme le regarda longuement, intrigué par sa remarque. Cet Azriel semblait être un bien curieux personnage. Il se demanda même s'il n'avait pas un trouble de la personnalité paranoïaque à se montrer aussi méfiant envers les autres.

« Je ne comprends pas, je n'ai pas été agressé ! » Fit-il finalement avec enthousiasme. Il avait dit cela avec tellement de légèreté que le doute n'était pas permis. L'entendre parler ainsi ne pouvait que vous laisser croire qu'il pensait véritablement ce qu'il disait. Mélaskholés percevant bien l'air suspicieux d'Azriel, il s'engagea à lui expliquer la situation afin de ne pas le laisser dans l'ignorance la plus totale. « Ils voulaient simplement nous inviter à leur festivité... » Il prit le temps de réfléchir à nouveau, repensant aux évènements. « Mais c'est dommage tout de même, ils se sont endormis avant la fin. » Ajouta-t-il naturellement, comme s'il était tout à fait normal de s'endormir à même le sol.

Mélaskholés se sentait soulagé maintenant que les choses étaient claires pour tout le monde. Il éprouvait même un grand sentiment de satisfaction à l'idée d'avoir ouvert les yeux de son compagnon. Satisfaction qu'il traduisit sur l'instant en bombant le torse.

« J'imagine bien ta confusion, ces gens-là sont différents de nous. Leurs coutumes ne sont probablement pas celles des gens civilisés, comme toi et moi. Leur ignorance ne doit pas être mal perçue et nous ne devons pas bouder leurs coutumes sans quoi cela ferait de nous des ignorants à notre tour. »

S'il n'avait pas lui non plus porté un masque, Azriel aurait certainement vu qu'il souriait à cet instant. L'innocence de Mélaskholés le poussait à vivre dans un monde qu'il imaginait délicat et agréable ainsi que dirigé par de bonnes intentions. Chose curieuse, cela faisait de lui un ignorant contrairement à ce qu'il pensait. En effet, il ignorait tout de la réalité et ignorait de ce fait combien la connaissance pouvait être source de désillusion et de bien des tracas.

« D'ailleurs, tu es arrivé au moment le plus opportun ! Que faisais-tu si loin de notre civilisation ? J'ai remarqué que tu éprouvais un certain plaisir à jouer avec tous ces gueux. »

« Je ne comprends pas, je n'ai pas été agressé ! Ils voulaient simplement nous inviter à leur festivité... Mais c'est dommage tout de même, ils se sont endormis avant la fin. »

Azriel se demanda s'il avait bien entendu. Il avait dit ça avec une telle... sincérité. Il semblait vraiment penser ce qu'il disait. Était-il fou ? Peut-être. Mais il n'avait pas l'air bien méchant. Et puis, il savait s'exprimer, et avait du goût pour s'habiller. Le vampire n'aurait pas forcément fait un tel choix, mais il savait reconnaître quelqu'un qui avait du goût. Après toutes ces années passées à Kastalinn, il commençait à désespérer. Alors, il pouvait bien supporter une petite légèreté d'humeur.

« J'imagine bien ta confusion, ces gens-là sont différents de nous. Leurs coutumes ne sont probablement pas celles des gens civilisés, comme toi et moi. »

Cette phrase alluma une petite flamme dans les yeux d'or du vampire. Combien de fois se l'était-il répété ? La vie dans la grande ville l'insupportait. La crasse des rues se cumulait avec la crasse des gens, tant sur le physique que dans le caractère. Il était entouré d'individus tellement bas... Sans ambition, sans avenir, avec des perspectives limitées... Ah ça, par Adam, dire qu'ils étaient limités était un doux euphémisme.

« Leur ignorance ne doit pas être mal perçue et nous ne devons pas bouder leurs coutumes sans quoi cela ferait de nous des ignorants à notre tour. »

L'espace d'un instant, Azriel se figea. Quoi ? Non ! Pourquoi devait-il faire avec l'ignorance crasse de ses races inférieures ? Et puis les coutumes humaines, merci bien... Celles-ci se résumaient le plus souvent à boire et à remercier des divinités païennes.

« D'ailleurs, tu es arrivé au moment le plus opportun ! Que faisais-tu si loin de notre civilisation ? J'ai remarqué que tu éprouvais un certain plaisir à jouer avec tous ces gueux. »

- Et bien justement, je commençais à connaître une certaine.. lassitude vis-à-vis de cette civilisation. J'ai été habitué à l'isolement, alors je me suis dit qu'un petit bol d'air frais ne me ferais pas de mal... Quant au fait de jouer... Disons qu'un petit divertissement ne peut pas faire de mal.

Enfin, ça dépend pour qui, pensa-t-il avec un coup d'oeil en direction des paysans.

- Mais, et toi, que fais-tu ici ? Tu es du coin ? Je ne t'ai jamais vu à Kastalinn. Et quelqu'un de ton genre se remarque, assurément.

Ainsi Azriel était là pour s'amuser. Bien que cela ne se remarquait pas, Mélaskholés sourit derrière son masque. Car, étrange coïncidence, lui aussi aimait particulièrement s'amuser. L'homme qui souriait discrètement ne pouvait pas dire le contraire après une soirée comme celle-ci.

- Mais, et toi, que fais-tu ici ? Tu es du coin ? Je ne t'ai jamais vu à Kastalinn. Et quelqu'un de ton genre se remarque, assurément.

Le jeune homme prit le temps de réfléchir et probablement plus que de nécessaire. En même temps, lui-même ne s'était pas posé tant de questions. De ce fait, il était dans l'incapacité de répondre spontanément à ces questions. Il n'était pas de ceux qui agissaient pour une raison ou pour une autre. C'était notamment une des choses qu'il ne comprenait pas, chez les autres. Il lui semblait qu'ils devaient nécessairement avoir une bonne raison pour faire quoique ce soit. Ce qui n'était, bien évidemment pas du cas de Mélaskholés.

« Ce que je fais ? » Commença-t-il après un temps d'absence. Répéter ainsi la question allait lui permettre de savoir par où commencer. « En fait, j'en ai pas la moindre idée ! Je me suis retrouvé là, tout simplement je crois. » Dit-il d'un ton détaché comme si cette réponse était des plus satisfaisantes. « C'est drôle, je ne t'avais jamais vu moi non plus. Sacré coïncidence tout de même, tu ne trouves pas ? » La question s'adressait aussi bien à Azriel qu'à lui-même car c'était là un deuxième fait curieux. Il n'avait aucune idée de ce qu'était le destin, n'y croyant tout bonnement pas. Mais ce genre de circonstances ahurissantes avait de quoi l'ébranler.

« Je dirais que c'est normal, après tout j'ai beaucoup voyagé avant d'être jeté dehors. » Son esprit s'évada le temps d'un instant pour le renvoyer au temps où il vivait heureux en famille. Tout ceci lui manquait terriblement, mais ils ne l'aimaient plus désormais. « Personne n'aime qu'on lui refuse son amour, non ? »

Encore une fois, cette dernière question s'adressait aussi bien à Azriel qu'à lui-même. Bien qu'il avait cessé de ressasser toutes ces choses-là, toujours est-il qu'il restait encore des questions sans réponse. Et cela était probablement un mal pour un bien. Au moins continuait-il d'idéaliser sa famille sans avoir conscience du mal.

Voilà qu'ils étaient que tous les deux dans la rue. Plus personne n'était là pour les observer aussi curieusement qu'auparavant. Il fallait croire que le spectacle était bel et bien terminé. Quel dommage ! Le village paraissait maintenant plus triste, moins vivant. Mélaskholés était persuadé jusque-là qu'ils auraient eu le droit à des festivités pour fêter leur victoire.
Désormais, il ne pouvait qu'admettre que cela ne se produirait pas. Cela ne l'arrangeait pas vraiment, son estomac ne faisait que se contracter et crier famine. Autre phénomène assez déconcertant, lorsque son estomac lui sommait de manger, Mélaskholés éprouvait de la faim à son tour. A croire que lui et son ventre ne faisait qu'un !

« Crois-tu que tous ces paysans accepteraient de nous servir si on allait manger et boire quelque part ? Je crains qu'ils soient rancuniers. » Il termina ces derniers mots en pouffant de rire, comme s'il venait de dire quelque chose de drôle.

C'est d'un air tout à fait détaché que Mélaskholés lui expliqua qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait là. L'idée lui semblait assez étrange, pour ne pas dire terrifiante. Pour lui, tout avait un but, et il avait du mal à concevoir qu'on puisse faire quelque chose sans but. Mais le personnage semblait assez... excentrique, alors après tout, pourquoi pas ?

Tout en discutant, les deux hommes masqués s'étaient dirigés vers l'entrée de Kastalinn, laissant les paysans s'occuper de leurs comparses.

« Je dirais que c'est normal, après tout j'ai beaucoup voyagé avant d'être jeté dehors. Personne n'aime qu'on lui refuse son amour, non ? »

La question, et surtout la phrase qui la précédait, arrêtèrent net le vampire dans sa marche. Il se retourna vers son interlocuteur, afin de s'assurer qu'il avait bien entendu. La question ne pouvait manquer de le faire réagir, compte tenu de son histoire personnelle. Il essaya de dire quelque chose, mais ne trouva pas les mots. Il n'avait pas l'habitude de parler de lui, encore moins de ses histoires de famille, et encore moins avec des quasi-inconnus. Il se contenta d'un laconique :

- Non, effectivement, rares sont les gens qui aiment ça.

« Crois-tu que tous ces paysans accepteraient de nous servir si on allait manger et boire quelque part ? Je crains qu'ils soient rancuniers. » demanda Mélaskholés en riant.

Azriel était toujours aussi perturbé par les remarques qui semblaient à ce point déconnectées de la réalité. Mais il devait l'admettre, il l'amusait. Dans le bon sens du terme. Il lui indiqua le chemin vers une petite taverne peu fréquentée, mais qui servait des plans copieux pour des sommes plutôt modiques.

- Et donc... ça fait longtemps que tu... voyages seul ?

Azriel lui indiqua une sorte d'auberge qui ferait l'affaire. Elle paraissait bien modeste, ce qui assurait des plats peu recommandables mais dont le prix battait des records. Mélaskholés s'engagea donc dans sa direction tout en poursuivant sa discussion. Du pied, il frappait tous les cailloux qui avaient le malheur de croiser son chemin. Il faisait cela machinalement, un peu comme s'il en était inconscient.

« Si je suis sur la route depuis longtemps ? Répéta-t-il distraitement. Non, j'ai longtemps voyagé en famille. »

Cela faisait un certain temps qu'il était seul désormais, mais le jeune homme n'avait pas directement conscience du temps et de ce fait il était incapable de donner une idée du temps qui avait passé.
Ils étaient à quelques pas de l'auberge. Quand ils furent devant la grosse porte en bois qui donnait accès à la salle chauffée par les odeurs de cuisine, les quelques clients qui fumaient à l'aide d'une pipe les dévisagèrent. Ils semblaient aussi intrigués qu'inquiets. Personne n'osa les interpeler bien que leurs regards signifiaient assez explicitement leurs arrières pensées. Ils n'étaient apparemment pas les bienvenues en ces lieux. Toutefois Mélaskholés n'y prêt guère attention pour la simple et bonne raison qu'il ignorait tout de cela. Il fallait dire qu'il n'était pas très doué avec les autres et encore moins quand il fallait interpréter leurs arrières pensées.

Il fut donc le premier à pousser la porte. Etrangement les gens avaient une fâcheuse tendance à l'éviter. Mélaskholés trouvait ça très agréable de la compagnie. Pensant à cela, il se tourna vers Azriel et lui adressa un sourire qu'il ne pouvait toutefois pas voir à cause de son masque. Mais ses yeux se plissèrent malgré tout, laissant apercevoir une joie enfantine dans son regard.

« Après vous ! » Lui dit-il après avoir croisé les pieds, fléchit les jambes et pour finir sur une courbette exagérée.

Mélaskholés entra à son tour et fut pris par une forte odeur de fumée. Apparemment, certains ne prenaient pas la peine de sortir pour fumer leur pipe malodorante. A ceci s'ajoutait une odeur de légumes trop cuits. Pas de quoi ouvrir l'appétit, mais le jeune homme mourrait littéralement de faim, si bien qu'il ne comptait pas faire son difficile. Il s'installa à une table libre sous les yeux des paysans qui les fixaient comme s'ils craignaient de les voir tout ravager sur leur passage.
S'étirant, il jeta la tête en arrière pour faire craquer son dos. Parvenant à ses fins, il lâcha un soupir de soulagement assez bruyamment.

« J'ai une de ces faims ! Dit-il assez fort. Je pourrais manger n'importe quoi, même un paysan ! » Et il se mit à rire de sa blague.

« Non, j'ai longtemps voyagé en famille. »

La remarque fit sourire Azriel. Voyager en famille, voilà bien une chose qui lui paraissait totalement inconcevable. Au-delà des questions logistiques - trouver où s'abriter durant la journée, et si possible pas les égouts - il y avait peu de chances que la famille Lorca soit ouverte aux voyages.

« Après vous ! » Lui dit-il avec une courbette, ce qui lui arracha un nouveau sourire derrière son masque. Ce jeune homme savait se comporter, comme c'était agréable. Le vampire ne savait plus depuis combien de temps il n'avait pas côtoyé des gens éduqués. Même s'il s'était habitué à la rustrerie des habitants de Kastalinn, il devait reconnaître que les attitudes bourrues des locaux l'agaçaient prodigieusement. Non content d'être mal habillés, ils pourraient au moins être bien élevés. Tout se perd...

Comme très souvent quand il entrait dans une taverne, les regards se tournèrent vers ceux qui venaient de passer la porte. Sauf que là, non seulement il n'était pas seul, mais en plus son compagnon était habillé dans le même style que lui. Mais habitué, Azriel n'y prêta pas attention.

« J'ai une de ces faims ! Je pourrais manger n'importe quoi, même un paysan ! »

Azriel étouffa un rire derrière son masque. Lui aussi, aurait bien mangé un paysan. Mais probablement pas de la façon dont l'envisageait Mélaskholés. Mais, malgré l'ouverture d'esprit dont ce dernier faisait preuve, il y avait à parier qu'il n'aurait pas apprécié voir le paysan se faire égorger comme un goret et Azriel se repaître de son sang.

Le vampire masqué passa une commande rapide, avant de se concentrer à nouveau sur son interlocuteur. Ce jeune homme avait du potentiel, il pouvait le sentir. Suffisamment pour le rejoindre dans ses grands projets ? Peut-être. Il allait devoir s'en assurer.

- Et que comptes-tu faire à Kastalinn ? As-tu un endroit où aller ?

Les plats arrivèrent enfin. Le temps que la serveuse les pose devant eux, Mélaskholés se frottait les mains avec une grande énergie. Depuis le moment qu'il attendait, les festivités allaient enfin pouvoir commencer. Il huma l'odeur et poussa un soupir d'allégresse. D'un geste rapide il décrocha son masque qu'il posa juste à côté de son assiette, dévoilant ainsi à Azriel des traits fins, plus enfantins que féminins. Avant de répondre à la question de son compagnon, il prit soin de prendre deux bouchées.

« Ce que je fais à Kastallin ? » Répéta-t-il comme à son habitude. Réfléchissant, il se grattait le menton du bout de sa fourchette. « Voilà une drôle d'idée, je ne me suis jamais posé cette question ! » Dit-il la bouche pleine. Il mâcha frénétiquement et déglutit bruyamment. Nombreux étaient ceux qui avaient horreur de ces bruits là.
Il trouvait les interrogations de son compagnon très curieuses. D'où lui venaient toutes ces idées ? Il ne le prenait pas mal, loin de là mais il ne pouvait que remarquer l'étrange façon de penser d'Azriel. « Tu te poses beaucoup de questions j'ai l'impression et pas très utiles qui plus est ! » Le franc parler de Mélaskholés avait de quoi mettre mal à l'aise et même de mettre en colère. Pourtant, il n'y avait rien de plus innocent que ces remarques. Et comme pour prouver cette idée, il lança un franc sourire à son compagnon.

Mélaskholés continuait de manger ce qui semblaient être des légumes mijotés dans une sauce épaisse, le tout accompagné d'une viande qui se voulait rare. Il y avait une petite coupelle contenant une sauce qu'il versa dans son assiette. Il ignorait de quoi il s'agissait, mais sa couleur était si belle qu'il ne doutait pas un seul instant qu'elle puisse être bonne.
Un homme quelque peu éméché vint à ce moment à leur table. Il parvenait toutefois à marcher droit, ce qui montrait combien il tenait aisément la boisson. Celle-ci le poussa certainement à venir les voir tandis que tous les autres le regardaient (et le laissaient) faire sans oser intervenir. Il s'accouda lourdement sur le côté de la table, s'adressant directement à Mélaskholés et son compagnon, Azriel.

« Vous êtes quoi au juste ? Des saltimbanques ? A vous voir, on croirait voir un cirque ! » Et sur ces mots il s'esclaffa sans pudeur. Il fut cependant le seul à rire dans la salle. Cet homme devait être habitué à amuser la galerie et à provoquer des éclats de rire quand il sortait des vannes aux étrangers. Mais cette fois-ci, il n'obtint pas l'effet escompté. Il s'interrompit brusquement, regarda autour de lui cherchant du soutien dans le regard de ses camarades de boisson, qui quant à eux se faisaient petits dans leur coin.

Azriel écoutait ce que lui racontait Mélaskholés, en se demandant à qui il avait à faire. Il semblait... différent. Il n'avait pas l'air de réagir de la même manière que tout un chacun. Jouait-il la comédie ? Il l'avait pensé au début. Mais si tel était le cas, il était vraiment très fort, parce qu'il était resté dans son rôle depuis leur rencontre. Qu'est-ce qui rendait une personne comme ça ? Il faudrait approfondir la question. Le vampire n'avait même pas relevé l'impertinence de l'homme masqué, tant il semblait avoir dit ça sans mesquinerie.

« Vous êtes quoi au juste ? Des saltimbanques ? A vous voir, on croirait voir un cirque ! »

Un client plus qu'imbibé était venu les invectiver, sans raison. Lentement, Azriel se leva, et lui fit face. Il baissa les yeux, et le toisa de son regard d'or. Malgré ses regard embrumé par l'alcool, il sentait que l'homme comprenait son erreur. Sans faire de geste brusque, Azriel sortit de sa poche une carte. Il lui insuffla un peu d'énergie, et de la carte émergea une longe épée effilée. La lame vint rapidement se placer sous le menton de l'impromptu.

- C'est tout à fait ça très cher. Nous venons d'un cirque. J'ai d'ailleurs un merveilleux numéro de lancer de couteaux. Ce sont davantage des épées que des couteaux, mais que voulez-vous, il faut bien que les spectateurs au fond de la salle voient l'action. Mais je crois que j'ai un peu perdu la main... Voudriez-vous me servir de cible d'entraînement. S'il vous plait...

L'air penaud, l'homme repartit à sa table, et le vampire fit de même. Mais l'air de rien, la remarque de cet abruti avait allumé une petite flamme dans son esprit. Un cirque... En voilà une couverture intéressante. Les neurones d'Azriel tournaient à toute vitesse. Il pourrait recruter des gens aux talents rares... Et en plus se faire un peu d'argent... Plus il y pensait, plus ça lui plaisait. Bien sûr, ça nécessitait quelques préparations logistiques, mais rien d'insurmontable.

Une fois le flux de ses pensées calmé, son regard se posa à nouveau sur Mélaskholés, occupé à manger. Comment pouvait-il tourner sa question pour la rentre attrayante pour quelqu'un comme lui ?

- Dis moi, je suis à la recherche de personnes talentueuses. Je compte ouvrir un cirque, trois fois rien, quelque chose comme une famille. Est-ce que par hasard... tu connaîtrais quelqu'un que ça intéresserait ?

Azriel fit une démonstration spectaculaire en faisant apparaître une lame d'une carte. Ebahi, Mélaskholés le regardait faire en agitant les pieds sous la table pour montrer son excitation. Il s'apprêtait à exprimer sa joie quand soudainement une main se plaqua contre sa bouche. Cette main c'était la sienne qu'il avait délibéremment mis là pour l'empêcher de déconcentrer son compagnon. Il craignait avant tout de le déranger.
Cette menace qu'il ne saisit pas dans le ton d'Azriel était pourvu d'humour, qu'il réussit cette fois-ci à percevoir. Il augmenta la pression de sa main sur sa bouche pour ne pas exploser de rire. Il aimait beaucoup l'humour de son compagnon et aimait encore plus la tête de ce paysan qui ne semblait pas bien rassuré par ce petit tour. D'ailleurs, il finit par retourner à sa table, la tête basse sans même avoir eu le courage de servir de cible.
Fortement déçu, Mélaskholés laissa retomber sa main d'un geste lent. Sa déception était telle qu'il n'avait même plus la force de tenir sa main. Il finit dès lors par s'accouder sur la table et à mettre son visage entre ses mains en coupe, l'air quelque peu boudeur. Il aurait aimé voir ce spectacle, vraiment.

Azriel face à lui semblait préoccupé par des idées, mais le jeune homme l'ignora. Il finit par prendre le bout de sa fourchette et à remuer la bouillie dans le fond de son assiette. Il faisait des lignes qu'il effaçait aussitôt.
Au bout d'un moment il finit par entendre d'une oreille distraite que son compagnon était en train de lui parler. Il n'avait absolument rien écouté, bien qu'il ait entendu. Son esprit s'efforça donc de se souvenir de ce qu'il venait d'entendre quelques secondes plus tôt afin de donner un sens à ces sons. Lorsqu'il parvint à remettre de l'ordre, il réfléchit à son tour posant ses couverts croisés dans l'assiette. Décidément, Azriel n'avait pas seulement de drôles d'idées, ses projets l'étaient tout autant.

« Je ne connais personne de talentueux » dit-il ignorant tout du concept de talent. Son esprit se focalisa sur le mot famille qui avec le temps commençait lui-aussi à perdre de son sens. Il avait connu ça il y a quelques années. Il avait aimé ça aussi. Mais ayant perdu ce qu'il aimait son esprit avait cherché à le lui faire oublié. « Tu veux fonder une famille ? Finit-il par demander. J'ai eu une famille autrefois et j'ai aimé ça. »

Il se servit un verre du pichet contenant un breuvage assez fort. Mais il ne réagit même pas, laissant la brulure au fond de la gorge s'atténuer d'elle-même pour finalement disparaître. Pas une seule fois l'idée de rejoindre cette famille ne l'effleura. Peut-être pensait-il qu'il avait eu sa chance et que son tour était passé. Toujours est-il qu'il ne se projetait pas dans ce cirque dont lui avait parlé Azriel. Plein de naïveté, il ajouta d'un ton quelque peu rêveur.

« Ce doit être bien de faire partie d'une famille.. »

Les premières réponses de Mélaskholés ne furent pas à la hauteur des espérances d'Azriel. Il était incapable de dire si son interlocuteur avait véritablement compris la question, ou même les tenants et les aboutissants d'un tel projet. Peut-être que oui. Probablement pas. Quoiqu'il en soit, Azriel devait essayer de faire preuve de pédagogie. Il était incapable d'expliquer pourquoi, mais quelque chose l'attirait chez Mélaskholés, une sorte de... potentiel qu'il arrivait à déceler. Et puis, il devait le reconnaître, ils partageaient des goûts vestimentaires, ce qui n'était pas pour déplaire au vampire. Les gens avec du goût étaient si rares de nos jours...

- Je pense que tu es talentueux. Peut-être que tu n'en as pas conscience, mais il me semble que tu as beaucoup de... potentiel.

« Ce doit être bien de faire partie d'une famille.. »

La phrase fit résonner quelque chose chez le vampire. La famille était l'une des valeurs fondamentale chez les vampires alphas, et pourtant, la sienne n'avait pas hésité une seule seconde à le faire disparaître de l'équation. On ne choisit pas sa famille, mais on peut choisir comment s'en débarrasser... Azriel tenta de prendre un air à la fois sérieux et sincère, chose qu'il n'avait pas fait depuis trop longtemps pour s'en souvenir. Il essaya de choisir ses mots le plus soigneusement possible, afin de lever toute ambiguïté

- Je ne sais pas comment était ta précédente famille, et je comprendrais si tu n'as pas envie d'en parler. Ce que je te propose, c'est de te retrouver avec des gens qui partagent des intérêts communs avec toi. Tu peux appeler ça "famille", ou autrement. C'est juste un groupe de personnes qui s'entraident. Et qui font des spectacles. Est-ce que... ça t'intéresse ?

L'esprit de Mélaskholés lui laissait percevoir une idée qui ne l'avait pas encore effleuré jusque-là. S'il comprenait bien les propos dépourvus de sens logique de son compagnon, il pouvait retrouver une famille. Au départ cette idée lui paraissait tout à fait inconcevable et purement de l'ordre de l'impossible. Le jeune homme avait déjà appartenu à une famille et l'avait perdu. Définitivement. N'était-il pas orphelin depuis ? C'est une vérité qu'il avait mis des années à accepter et avant ça à comprendre.
C'est pour cette raison qu'il saisissait difficilement l'offre (puisque s'en était une en réalité). Il s'arrêta alors de frotter son menton à l'aide du manche de la fourchette. Il la reposa soigneusement comme si l'ordre cosmique des choses était d'une fragilité effrayante. Il sentait cette fragilité et savait également qu'il était possible de la rompre d'un simple geste.

« Des inconnus m'applaudissaient. » Dit-il pensif. Quelle étrange sensation. Son passé qui ne lui appartenait plus depuis voilà bien des années maintenant resurgissait sans crier garde. Ce passé lui était étranger et plus le monde s'ordonnait sous ces yeux et plus il avait le sentiment de se rappeler. Il avait fait le deuil de celui qu'il était et ne l'avait pas accepté, mais oublié en réalité.
Il avait le sentiment d'avoir été amputé d'une main et que tout à coup on lui offrait de la remplacer. Il avait conscience, et rares étaient ces occasions, que cela était impossible. Mais cet homme, ce compagnon, cet Azriel affirmait ou du moins pensait qu'il était talentueux. N'était-ce pas la même chose ? Mélaskholés savait qu'il pouvait lui faire confiance. C'était une intuition, voilà tout. Et puis ce n'était pas dans ses habitudes que de rechercher un fondement logique après tout. Il savait donc qu'il pouvait lui faire confiance et cela suffisait pour lui faire confiance.

« Je crois que les choses auraient peut-être plus de sens ainsi. » Il s'adressait de toute évidence à Azriel pourtant il donnait plus l'impression de parler pour lui-même. Ces pensées échappées de son esprit révélaient toutefois qu'il acceptait. Voilà peut-être ce qui lui manquait, du sens. Il aurait un rôle, comme autrefois et pourrait vivre véritablement. Seul, Mélaskholés en était bien incapable et pour preuve, il avait perdu la raison de façon définitive. Voilà l'occasion de limiter la casse et de vivre à nouveau avec ce qui lui restait.

« Nous ferions des spectacles où des gens applaudissent ? » Demanda-t-il soudainement comme s'il craignait que sa question lui échappe. Cela lui arrivait si souvent. C'était une véritablement torture de savoir qu'il avait une idée en tête sans toutefois s'en souvenir. Il ferma les yeux quelques instants, soulagé d'avoir su libérer ses pensées avant qu'elles ne s'envolent d'elles-mêmes. Une bonne chose de faite qui le fit sourire gaiement lorsqu'il croisa le regard de son compagnon. Son sourire s'effaça aussi soudainement qu'il était apparu. Ce qu'il craignait venait de se produire à l'instant même. Il devait faire quelque chose et venait d'oublier quoi. Il frappa son poing sur la table et fronça les sourcils. De colère, il pourrait hurler et envoyer le service de table voler à travers la taverne. Il se contenta néanmoins de serrer le poing jusqu'à faire apparaître des jointures blanches. « Je suis avec toi ! » Finit-il par crier. La voilà l'idée qui s'était dérobée mais qu'il avait ressaisit avant qu'elle ne soit trop loin. Il ria sur place, trop heureux d'avoir réussi à dompter ses idées et ne pas manquer une occasion comme celle-ci.

« On part quand ? On va où ? » A cet instant il ressemblait à un enfant, impatient comme jamais.