Les rues de Kastalinn s'emplissaient de la clameur de ses habitants en cette belle matinée. Les cris des enfants se confondaient avec le pas cadencé des miliciens occupés à leur ronde, pendant que les vendeurs du marché hélaient les passants en leur expliquant combien leurs produits étaient meilleurs que ceux de leurs voisins.

La chaleur estivale qui sévissait généralement sur tout Dùralas en cette période n'arrivait pas atteindre complètement les hauts murs de la ville du nord, et un vent frais tout à fait bienvenu rendait l'atmosphère très agréable.

Assis sur la margelle d'une fontaine, Doppel, sous la forme du satyre Cyprès appréciait grandement ce temps clément. Il réalisa que cela faisait un petit moment qu'il n'avait pas eu le plaisir de ne rien faire, simplement profiter de l'instant présent. Que pouvait bien lui réserver cette nouvelle journée ? La bonne humeur naturel du satyre déteignait sur le Djöllfulin, et s'il se laissait aller, il entamerait une petite danse de plaisir.

Qu'allait-il bien pouvoir trouver à faire ?

Depuis que j’étais arrivé à Kastalinn, le temps n’avait jamais été aussi clément, si bien que j’hésitais à poser ma peau d’ours. Néanmoins l’été n’avait pas atteint Kastalinn, la frêle brise fraîche venait me le rappeler.
Les doux mais rares rayons de soleil qui venait s’écraser sur la joue ainsi que l’agitation populaire me rappelait la valeur de cette vie. Ils venaient me rappeler que je devais profiter de ses instants où aucune armes ne se fracassent, où le sang ne coule pas.
La journée était vraiment agréable et l’on pourrait même la qualifier de somptueuse. En effet, avant de sortir prendre l’air, j’avais réussi à acheter au tavernier un morceau de fromage. De la tomme de chèvre il me semble, mais quoiqu’il en soit il était impensable de le manger au milieu de la rue sans la moindre retenue. Je devais trouver un endroit paisible où il ferait bon de déguster ce fromage. Je m’aventurai dans les rues de Kastalinn, mon fromage dans ma sacoche. Après plusieurs dédales franchis, j’apercevais une fontaine qui avait l’air d’être un endroit correspondant à mes attentes. Sans plus tarder, je pris place sur une margelle de la fontaine, commençant à déballer mon butin. Et sans le moindre échauffement je dégainais ma dague, prêt à trancher des tranches généreuses.
Mais alors que je dégustais mon repas, je ne puis m’empêcher de me rappeler à l’ordre. Je devais chercher la Milice, j’étais peut être entrain de perdre mon temps...
Je ne l’avais pas remarqué en arrivant, mais un satyre était là, assis quelques margelles plus loin. Je le regardais d’un coup d’œil furtif par dessus l’épaule avant de regarder de nouveau devant moi. Son pelage était brun et il faut le reconnaître, son gabarit avait l’air un peu plus imposant que le mien. Au premier coup d’œil, il avait l’air plutôt sympathique, mais je devais me méfier, j’ai déjà payé le prix de ma naïveté. Mais ne serait il pas profitable de se faire un ami ?
J’oscillais entre discipline et liberté.

Alors qu'il flânait, le regard de Cyprès fut attiré par un individu qui se posa non loin de lui. Grand, baraqué, il portait un singulier tatouage, d'un rouge vif, à l'oeil. Le métamorphe avait généralement une bonne mémoire des visages, et il en était certain, il n'avait jamais vu cette personne. Pourtant, ce n'était pas le genre de bonhomme qu'on pouvait louper.

Pourtant, malgré son physique imposant, il n'avait pas l'air bien méchant, au contraire. Apparemment seul, il entamait un fromage avec gourmandise.

- Tu devrais faire attention avec ça l'ami. Les pigeons du coin sont voraces, et ils n'hésiteront pas à venir se servir.

Les pigeons de Kastalinn et des alentours étaient connus pour leur grande férocité.

- Et fais gaffe aux petits, chuchota-t-il en désignant des yeux un groupe d'enfants. Ils adorent jouer les pique-assiette en faisant les yeux doux.

Il laissa le temps à l'inconnu de finir sa bouchée, avant de lui tendre la main.

- Je m'appelle Cyprès.

Je ne savais toujours pas quoi faire, mais en y repensant, je trouvais qu’il y avait une ironie dans mon existence. À l’inverse de certains peut être, le fait de combattre ou de survivre n’avait jamais demandé de réflexion pour moi mais j’étais là, incapable de trouver la bonne façon d’aborder quelqu’un. Quelque chose d’une telle simplicité n’était pas à ma portée en l’état. Mais alors que je désespérais, le destin se décida à me donner un coup de pouce, le satyre se retourna et dit

« Tu devrais faire attention avec ça l'ami. Les pigeons du coin sont voraces, et ils n'hésiteront pas à venir se servir. »

Je dois bien avouer que les pigeons étaient plutôt impressionnant, tirant plus de l’aigle que du moineau. Sans attendre et d’un coup de regard il ajouta :

« Et fais gaffe aux petits, ils adorent jouer les pique-assiette en faisant les yeux doux. »

Je dois bien avouer que, me connaissant, j’aurai sûrement céder un morceau de fromage aux enfants s’ils me l’avaient demander. Cet inconnu, avait l’air sympathique et joyeux. Et juste après avoir avaler ma bouchée il finit par me tendre la main, ajoutant :

« Je m’appelle Cyprès. »

Après tout, je m’étais peut être trompé. Même si j’ai des fois donné ma confiance trop naïvement, je devais avoir le courage de rester droit dans mes bottes et de ne pas perdre foi dans l’autre.
Je lui serrais la main avant de me présenter, souriant :

« Enchanté Cyprès ! Je suis Khan Sang-de-Dragon, je te remercie pour ces précieux conseils. »

J’essayais d’être sérieux en restant sympathique et joyeux, j’espérais avoir réussi. Un grand sourire au lèvres je lui dis :

« Et toi, tu es plutôt du genre vorace ou pique assiette ? »

Étant donné que je voulais avoir des amis, je m’étais dis que faire un peu d’humour ne ferait pas de mal malgré le fait que je n’avais pas totalement confiance en moi. Mais sans lui laisser le temps de douter je rajoutais :

« Je plaisante bien entendu! Tu es un habitant de la ville ? »

Tout en finissant la phrase je lui tendis un morceau de fromage, pour imager mon envie d’amitié.

L'homme se présenta comme Khan Sang-de-Dragon, un nom peu commun.

« Et toi, tu es plutôt du genre vorace ou pique assiette ? Je plaisante bien entendu! Tu es un habitant de la ville ? », ajouta-t-il en lui donnant un morceau de fromage, que le satyre pris avec plaisir. Au goût, c'était un fromage de qualité, le marchand ne l'avait pas volé.

- Je n'habite pas ici, je viens de l'ouest, de Sylfaën.

Khan semblait gêné. Peut-être avait-il du mal à nouer des contacts avec des étrangers ? Beaucoup de personnes partagent ce trait de caractère. Doppel était bien placé pour le savoir d'ailleurs...

- Mais ça fait un moment que je traîne mes sabots sur ces pavés. Et toi ? Viens-tu de la région, ou d'ailleurs ?

Attendant sa réponse, le satyre reprit une bouchée de fromage, et observa son interlocuteur. Son tatouage, en particulier, l'intriguait. C'était le genre de chose qu'on pouvait voir sur les habitants du Nord. Enfin, pour ceux qui descendaient jusqu'à Kastalinn. Il en avait la carrure : légèrement plus petit que lui, il était bien plus musclé. Au moins, l'apparence de Cyprès lui permettait de compenser cette différence.

Je dois bien avouer que le moment où je tendais le fromage et celui où Cyprès le saisissait fut long, tellement je doutais. En effet, je n’avais pas vraiment l’habitude de plaisanter avec quelqu’un et il m’était impossible d’anticiper sa réaction. Peut être allait il se vexer ? Ou peut être n’allait il pas comprendre ? Plus habitué à cogner qu’à parler, je craignais d’être maladroit. Mais encore une fois, le satyre balaya mes inquiétudes en me répondant :

« Je n'habite pas ici, je viens de l'ouest, de Sylfaën. »

Sylfaën, j’avais entendu parler de cette région. Mon oncle eu tenté maintes fois de m’enseigner la géographie de notre monde. Mais je dois avouer que, imaginant ne jamais quitter le Nord, je n’avais pas retenu grand chose de l’Ouest. Cependant j’étais presque sur d’avoir retenu l’existence de la clairière des centaures, se situant non loin du village des elfes. Toutefois, alors que je recollais dans ma tête ces souvenirs d’enseignement, Cyprès ajouta :

« Mais ça fait un moment que je traîne mes sabots sur ces pavés. Et toi ? Viens-tu de la région, ou d'ailleurs ? »

Il avait pris une bouchée de fromage en attendant ma réponse et je suspectais dans son regard une interrogation au sujet de ma peinture de guerre, mais je n’étais sur de rien.
Sans trop me poser de question cette fois, je lui répondis :

« Je suis bien un homme du Nord effectivement mais je n’avais mis les pieds dans cette cité auparavant. Je viens des alentours de Fimbulvetr, comme toute ma famille. »

En finissant ma phrase je me rendais compte que j’étais de plus en plus à l’aise en discutant avec lui. J’avais envie de poursuivre cette conversation mais je ne voulais pas être indiscret. Cependant, je devais m’efforcer de rester vigilant en restant souple. Si un problème devait surgir, je serai capable de le gérer. Et puis depuis le début Cyprès avait été plus sympathique que toutes les personnes que j’avais pu rencontrer. Je devais laisser germer ma confiance envers lui, cesser de me méfier.

« Je suis bien un homme du Nord effectivement mais je n’avais mis les pieds dans cette cité auparavant. Je viens des alentours de Fimbulvetr, comme toute ma famille. »

Fimbulvetr, la ville qui formait la porte d'entrée vers le Grand Nord. Doppel s'était souvent dit qu'elle constituait une première étape vers la découverte de cette grande étendue glacée qui couronne Dùralas. On raconte que c'est de là-bas que sont venus les premiers Djöllfulins. Que pouvaient bien cacher cette région, si fermée et si inhospitalière pour les étrangers ? Un jour, il comptait bien le découvrir.

- Ah Fimbulvetr ! J'en ai vaguement entendu parler. Mais je n'y suis jamais allé. Il fait bien trop froid, ahah !

Intérieurement, Doppel rit en imaginant le satyre, qui se baladait essentiellement torse nu, dans le Grand Nord, en proie au froid. S'il y allait, ce serait probablement sous une autre apparence.

- Mais ce n'est pas non plus la porte à côté. Qu'est-ce qui t'amènes ? Les affaires ?

La conversation était agréable, nous nous déridions de plus en plus. Intérieurement, je sentais que je reprenais du poil de la bête, je restais optimisteface à cette nouvelle rencontre. Après lui avoir dit que ma famille et moi étions d'origine du Nord, je pouvais voir une certaine réflexion dans ses yeux. Peut-être était il lui aussi un grand pensif ? Je l'apprendrais sûrement avec le temps. Presque instantanément, il me répondit :

« Ah Fimbulvetr ! J'en ai vaguement entendu parler. Mais je n'y suis jamais allé. Il fait bien trop froid, ahah ! »

Il est vrai que je ne me rendais sûrement pas compte de la dureté de l'hiver par chez nous. Pour être franc, je dois dire que l'air de Kastalinn serait presque réchauffant pour moi. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais je trouvais ce froid apaisant et bénéfique. Il rendait peut être la vie plus hardue, mais chaque moment avec les siens près du feu ou le temps d'entrevoir un rayon de soleil, et un plaisir qu'on se doit d'apprécier dans le Nord. A l'inverse, constatant que le climat de Kastalinn était déjà moins rude que celui de Fimbulvetr, je n'osais imaginer le jour où je devrais découvrir les régions chaudes de notre monde. Mais sans trop me laisser le temps de réfléchir, il me questionna :

« Mais ce n'est pas non plus la porte à côté. Qu'est-ce qui t'amènes ? Les affaires ? »

Cyprès avait indiqué précédemment être dans les parages depuis quelques temps, il pourrait peut-être me montrer où je pourrais trouver la Milice. Avant toute chose je devais progresser, mais je me sentais obligé de voir de mes yeux si cette organisation est bien celle dont mon oncle me parlait. Je décidais de faire confiance à mon nouvel ami, et lui demander un coup de main :

« Je suis venu m'engager sur les conseils de mon oncle à la Milice de Kastalinn. Par hasard, tu ne saurais pas où je pourrais rencontrer ces Miliciens? »

La sensation qui m'envahissait était étrange. En effet, j'étais entre la hâte, l'enthousiasme et l'anxiété.

« Je suis venu m'engager sur les conseils de mon oncle à la Milice de Kastalinn. Par hasard, tu ne saurais pas où je pourrais rencontrer ces Miliciens? »

C'était donc la raison de sa venue. Sa remarque ne l'étonna qu'à moitié. Du peu qu'il en savait, la Milice n'intégrait que peu d'étrangers. Ou plutôt, elle n'accordait sa confiance qu'aux gens qui avaient vraiment à coeur de protéger Kastalinn et ses habitants. Ce qui, généralement, regroupaient des gens nés près de la ville, ou tout du moins au Nord de Dùralas. Donc, en toute logique, un gars de la carrure de Khan ne devrait pas avoir de problèmes à se faire embaucher.

- Bien sûr ! Suis-moi !

Sur ces mots, le satyre bondit de la margelle pour se retrouver sur ses deux sabots, dans un bruit creux et sec, caractéristique de la corne. Il dévora ce qui lui restait de fromage, avant d'inviter Khan à le suivre. L'agitation des rues était un peu retombée avec la fin du marché, et Kastalinn était devenue un peu plus calme. Le bâtiment principal de la Milice se situait dans les hauteurs de la ville, du haut duquel le Jarl surveillait sa ville.

J’espérais vraiment que Cyprès pourrait m’aider. Il est vrai que ces quelques jours à trainasser furent appréciables mais je devais me mettre à la tâche, et je bouillonnais d’impatience, désireux d’enfin me rendre utile.
J’avais entendu que la Milice embauchait la plupart du temps des guerriers issus du Nord, et que ce n’était pas un boulot fait pour tout le monde. Je demeurais motivé, prêt à tout donner pour faire montrer de quoi j’étais capable. Néanmoins, j’appréhendais la rencontre avec leur chef. Avais je assez de charisme pour convaincre ? Avais je les capacités nécessaires ?
Ce serait mentir de dire que j’avais pleinement confiance en moi, mais je devais garder la tête haute. Et alors que j’étais perdu dans mes inquiétudes, Cyprès me répondit :

« Bien sûr ! Suis-moi ! »

Il bondit avec vigueur de la margelle puis finit son morceau de fromage avant de m’inviter à le suivre. Sans me faire prier, je remballais tout mon attirail avant de me redresser à mon tour, relevant les épaules, puisant ma force dans ma détermination. L’agitation populaire s’était dérobée au profit d’un calme agréable, sûrement suite à la fin du marché.
Avant de nous mettre en route, je posais ma main sur l’épaule de Cyprès et lui dit :

« Merci, mon ami »

Les deux hommes partirent donc à l'ascension de Kastalinn. Doppel, dans son rôle de Cyprès, tachait d'être aussi avenant que possible, s'improvisant pour l'occasion guide touristique. Il lui présenta par le menu l'organisation générale de Kastalinn : les différents quartiers de la ville, son fonctionnement, les endroits à connaître, et ceux à visiter.

Peut-être Khan savait-il déjà tout ça ? Peut-être, mais si tel était le cas, il le cachait bien. Cyprès avait donc tout loisir d'exposer ses connaissances dans la bonne humeur, le tout agrémenté de quelques blagues potaches à base de jeux de mots idiots. Avec un tel nom, il s'agissait presque d'un impératif.

Il lui présenta donc, de loin, la masse carrée de la Loge de chasse, un lieu que le Satyre expliqua ne pas aimer fréquenter. Trop de cadavres d'animaux suspendus et vénérés comme des trophées, ça avait le don de lui faire perdre sa bonne humeur. Bien sûr, tout un chacun devait se nourrir, il n'y voyait bien sûr aucun problème. Mais la valorisation du fait de se nourrir de manière aussi triviale le rebutait. Il ajouta d'ailleurs qu'il trouvait le bâtiment tout aussi laid que les activités qu'il accueillait. Mais c'était un lieu de rendez-vous récurrent, car facile à trouver grâce à son architecture si typique. Alors autant que Khan soit au courant.

Il lui expliqua également les rudiments du fonctionnement de la Milice, en harmonie avec Kastalinn. Il s'amusait à restituer ce qu'il considérait comme un savoir de base pour tout habitant de la ville fortifiée : les relations compliquée entre les habitants de la ville et leurs voisins nordiques, et comment l'adversité avait conduit les deux anciens ennemis à s'allier sous la houle du Traité d'Aràn. Il lui décrivit la Jarl. Il avait pu la voir de loin, une fois, alors qu'il assistait à une audience dans la Skjaldmöheim, la salle où elle recevait les doléances des Kastalinnois. Il avait accompagné son père venu pour un litige, alors qu'il était jeune, mais il garda ce détail pour lui.

- Mais je parle, je parle, pardonne mon impolitesse. As-tu hâte d'intégrer la Milice ? Vu ton gabarit, je ne vois pas pourquoi ils refuseraient... C'est quelque chose que tu voulais faire depuis longtemps, ou c'est ton oncle qui t'y as poussé ?

Intérieurement, Doppel avait envie de se mettre des baffes, à être intrusif de cette manière. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher, telle était la nature de Cyprès : curieuse et extravertie, mais toujours bienveillante.

Cyprès s'investissait dans son rôle de guide, prenant le temps de s'arrêter sur chaque détails qui pourrait m'être utile. Il me paraissait patient et passionné. Sans jamais fatiguer il me présenta les différents quartiers de la ville, et pris soin de me détailler les rouages de son fonctionnement. Il ne manqua pas non plus de me recommander des endroits à visiter, dont certains que l'on devait connaître impérativement.
Je dois bien avouer qu'en plus de me conduire à mon but, Cyprès m'avait offert un gain de temps précieux en me détaillant la vie a Kastalinn. De plus, je pouvais sentir qu'une vraie sympathie s'était crée, Cyprès s'essayait à l'humour, et je dois bien avouer avoir rigoler une fois ou deux.
Après avoir fais le tour d'une multitude de bâtiments, Cyprès me présenta de loin la Loge de chasse, lieu qu'il ne semblait pas apprécier. Je n'osais pas lui dire que j'eu l'occasion de chasser de nombreuses fois dans ma vie, mais je comprenais son sentiment. Certains chasseurs ne respectent par leurs proies, ce que je trouve aussi inaceptable.
Cependant, Cyprès m'indiqua que, d'après lui, ce lieu, bien que controversé, était un point de rendez vous récurent que je me devais de connaître.
Ensuite, il prit le temps de m'enseigner le fonctionnement de la milice et son origine.
Cyprès se plaçait en historien, me racontant comment l'adversité avait réunis sous la même bannière les habitants de la ville et leurs voisins nordiques, pourtant en mauvais termes.
Pour finir, il me décrit la Jarl, Selsya Asa. Si j'en croyais la description de mon ami, elle semblait belle, bien que je n'ai pas souvent eu l'occasion de me procurer des éléments de comparaisons. Je ne savais me souvenir du dernier instant où j'ai tenu une conversation autre qu'une de routine avec une femme. Je dois concéder, qu'un instant seulement, l'anxiété de rencontrer la Jarl vint se rappeler à moi.
Mais alors que mes pensées fusaient dans tous les sens, Cyprès me rappela dans la réalité en m'adressant la parole :

« Mais je parle, je parle, pardonne mon impolitesse. As-tu hâte d'intégrer la Milice ? Vu ton gabarit, je ne vois pas pourquoi ils refuseraient... C'est quelque chose que tu voulais faire depuis longtemps, ou c'est ton oncle qui t'y as poussé ? »

Je commençais à vraiment apprécier discuter avec lui, voilà de bonnes questions que soulevait mon nouvel ami. J'avais effectivement hâte de rejoindre la milice, mais j'avais la pression. Est ce que je voulais faire ça depuis longtemps ? Pas facile... Pouvais je seulement me rappeler ? Je répondis à Cyprès, en souriant :

« J'ai toujours voulu faire attention aux autres, c'est ainsi, ça fait partie de moi. Quand j'étais enfant, ma mère me disait que les héros sourient au peuple pour l'inspirer. Alors si j'ai le pouvoir de faire quelque chose, ça serait du gâchis de rester là sans rien faire non ? »

« J'ai toujours voulu faire attention aux autres, c'est ainsi, ça fait partie de moi. Quand j'étais enfant, ma mère me disait que les héros sourient au peuple pour l'inspirer. Alors si j'ai le pouvoir de faire quelque chose, ça serait du gâchis de rester là sans rien faire non ? »

La remarque fit sourire le satyre. Était-ce de la naïveté ? Peut-être. Mais il devait reconnaître qu'il appréciait ça. La vie pouvait être dure à Kastalinn quand on est mal né. A l'exception de la disparition de ses parents, Doppel devait admettre qu'il n'était pas particulièrement à plaindre. Pour s'être rendu plusieurs fois dans les bas-fonds de la ville, il avait pu constater que certaines personnes, adultes ou enfants, y avaient une vie vraiment misérable. Ils commettaient parfois - souvent - des actes techniquement répréhensibles, mais la plupart n'avaient pas un mauvais fond, ils cherchaient simplement à survivre. Doppel imaginait que cette situation se retrouvait dans toutes les grandes villes du continent;

Alors, même si certains pouvaient considérer ça comme de la naïveté, Doppel croyait en l'existence de héros, capable d'inspirer les gens par leurs actions, même les plus anodines. Il aurait même adoré en être un lui-même. Mais à côté de Khan, il faisait bien pâle figure. Bien que très légèrement plus grand que son compagnon, la différence était beaucoup plus importante en ce qui concerne la corpulence. Et Doppel n'arrivait pas à imaginer un héros avec un gabarit aussi fin que le sien. Mais tout ça, bien sûr, il ne pouvait le partager avec personne.

- Ahah, c'est certain !

Finalement, leur petite marche les amena devant un grand bâtiment, caractérisé par ce côté épuré typiquement kastalinnois. Mais sur celui-ci, on avait suspendu des étendards bleu et gris, décorés d'une tête de loup. Le quartier général de la Milice.

- Nous y voilà !