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'Attaque - Nain' :

Mon duel avec le cultiste était en train de mal tourner. Incapable de me battre à la claymore, j’avais dû me rabattre sur mon vieux couteau de chasse, et si en temps normal j’aurais largement eu la maîtrise pour abattre mes adversaires, ma faiblesse actuelle et la quantité de sang que j’avais perdu ne me donnait pas un avantage si net que je ne l’aurais voulu. Mon couteau tapa une nouvelle fois contre son cimeterre, et mon adversaire cru bon d’en profiter pour forcer, tentant de ce fait de me déstabiliser et de me faire tomber à la renverse. Poussé par mon instinct de survie, développé après des années de malédiction, je parvins à lui tenir tête, mais je sentais que mes points n’allaient pas tarder à péter. Merde, saloperie de cultiste, il allait finir par me tuer à ce rythme! Ce dernier en profita même pour se payer le luxe de me dire, un sourire glacial sur les lèvres:

“Tu es en bien mauvaise posture, le Maudit. Tu rejoindras bientôt notre maître à tou-...”

Son discours fut interrompu de façon violente, alors qu’il cracha une gerbe de sang sur mon visage, et qu’il s’écroula au sol, une pioche en travers du bide. Poussé dans mon élan, je m’écroula à mon tour à quelques pas de lui, à quatre pattes sur le sol de la forêt, alors que mon sauveur tendit une main amicale à mon encontre, lançant:

« Tu tiens encore d’bout ? Les points tiennent le coup ? »

Je m’aggrippai à sa main et me relevai, peut-être un peu trop fort car je vis en me relevant des tâches rouges commencer à remplir mes bandages. Mes points semblaient tenir bon, mais mon corps en revanche… Je lui répondis, d’une voix affaiblie par le sang que j’avais perdu en route:

“Merci, maître nain… J’ai connu pire. Quoi que je ne peux pas dire que je sois en super forme…”

M’assurant une ultime fois que tous nos adversaires avaient rejoint leur démoniaque maître dans le Pandémonium, je me traînai vers mon barda qui était encore éparpillé par terre, et commençai à faire de l’ordre, ne me retournant que pour dire au kazharien:

“Je ne serais pas contre le fait que vous me rameniez à la ville la plus proche. Sans ça, je pense bien que quelques infections ou la perte de sang trop importante auront raison de moi.”

Me souvenant, comme en un éclair de lucidité, la cupidité des nains, je sortis ma bourse et la fit bouger un peu, lui montrant qu’elle était pleine. Il aurait pû me la voler, bien sûr, et il lui aurait été aisé de m’achever pour me piquer mon or sans même avoir à me ramener dans un lieu sûr, mais je ne pensais pas qu’on déployait tant d’effort pour sauver quelqu’un pour au final le tuer. J’ajoutai donc, de moins en moins sûr que l’argent l’intéresse au fur et à mesure de mes réflexions sur la situation:

“Je peux vous dédommager… Après tout, vous semblez en pleine patrouille, et vous avez pris des risques pour me tirer de ce guêpier…”

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      L’umgi semblait encore tenir la route, mais pour combien de temps ? Sa première réponse ne rassurait pas vraiment l’explorateur d’ailleurs.

       « Je ne serais pas contre le fait que vous me rameniez à la ville la plus proche. Sans ça, je pense bien que quelques infections ou la perte de sang trop importante auront raison de moi. » – dit-il avant de sortir une bourse – « Je peux vous dédommager… Après tout, vous semblez en pleine patrouille, et vous avez pris des risques pour me tirer de ce guêpier… »

      Le nain fit une moue circonspecte avant de pousser un soupir.

      « Range-moi ça, gardien. Si les khazariens commencent à faire payer leurs alliés, on ne va plus s’en sortir. »

      Puis, une fois que Thorek se fut assuré que tout son équipement était toujours en place, il vint chercher une petite carte des environs. Alors qu’il la parcourait avec quelques grommellements et passages de paluche sur sa barbe, le nain se rappela d’un détail plutôt important :

      « Krut ! J’me suis pas présenté… Thorek Sveresson, du clan Drogund et Khazarien en service, mais ça tu d’vais l’avoir deviné. »

      Un petit coup d’œil à la carte en plus et un acquiescement plus tard, Thorek releva la tête à nouveau.

      « Baldorheim est loin d’ici. Mais il y a un petit village pas très loin… Faudrait que j’pense à noter les noms plus souvent… Tu penses pouvoir marcher quelques kilomètres ? »

Mon sauveur lança un soupir avant de répondre à ma proposition à la négative:

“Range-moi ça, gardien. Si les khazariens commencent à faire payer leurs alliés, on ne va plus s’en sortir.”

Acquiesçant silencieusement, je révisai un peu mon jugement hâtif sur les nains et rangeai ma bourse puis me consacrai à la réunion de mon barda, et le nain fit de même de son côté. Une fois rééquipé - en ayant pris soin de ne pas empirer mon état, je me rapprochai du nain qui avait fini depuis quelques temps déjà de réunir son matériel et était en train d’examiner une carte. Dû à la faiblesse de mon corps, je sentais bien plus nettement le poids de ma claymore et de mon armure de cuir. Cela me servirait de leçon pour l’avenir. Peut-être qu’avec une armure un peu plus lourde j’aurais pû m’en sortir un peu mieux.
Le nain, voyant que j’avais fini, leva le nez de sa carte et sembla soudain conscient de quelque chose. Il me dit alors:

“ Krut ! J’me suis pas présenté… Thorek Sveresson, du clan Drogund et Khazarien en service, mais ça tu d’vais l’avoir deviné.”

Je hochai à nouveau la tête, content de pouvoir mettre un nom sur mon sauveur. Si je n’étais pas d’un naturel affable, je n’allais pas manquer d’indiquer aux kazhariens que le brave Thorek Sveresson m’avait sauvé la vie. Il finit par ajouter, levant les yeux de sa carte d’un air légèrement satisfait:

“Baldorheim est loin d’ici. Mais il y a un petit village pas très loin… Faudrait que j’pense à noter les noms plus souvent… Tu penses pouvoir marcher quelques kilomètres ?”

Je ricanai légèrement, un peu amusé de la situation et de la question. J’étais peut-être blanc comme un linge, et dans un état proche de la mort, mais ma détermination à éradiquer la menace pandémoniaque et à continuer ma croisade surpassait largement ce désagrément. J’étais habitué à la douleur et aux efforts pénibles de ce type, et lui répondit donc:

“J’ai survécu à pire monsieur Sveresson. Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas quelques kilomètres de plus qui vont me tuer.”

Serrant les dents en apercevant que mes points étaient en train de lâcher à cause du poids que je transportais, je demandai une ultime faveur au dénommé Thorek:

“Encore merci, maître nain, mais pouvez-vous me faire une ultime fleur? Voyez-vous, je voudrais transporter mon matériel jusqu’à ce village mais mes points ne semblent pas de cet avis. Vous pourriez prendre ce sac? Encore désolé de vous déranger de la sorte, mais j’ai une croisade à mener et je ne compte pas qu’elle s’achève ici.”

Peut-être était-ce la douleur, rendant ma raison plus embrumée, qui me fit dévoiler si facilement mon but ultime, qu’était la croisade que je menais, mais cela ne m’importai pas vraiment sur le moment. De toute façon, je pense que Thorek avait tout à fait démontré ses bonnes intentions.

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      Devant la proposition de Brendan, Thorek se retrouva un brin gêné. Il n’avait même pas considéré que l’état du gardien pouvait être si grave qu’il ne pouvait même pas porter son paquetage journalier… Peut-être aurait-il dû soigner un peu plus ses points avant de partir en vrille.

      Le nain jeta alors un regard aux affaires du blessé et tenta de faire les comptes.

       « Hmm… De ce que j’en vois, il y a probablement moyen que je reprenne la majorité. Si besoin, j’ai de la place dans mon sac, j’ai voyagé léger pour cette vadrouille. » – Thorek pointa alors la claymore – « Celui-là en revanche, je vais avoir du mal à l’trimballer. »

      Tout en posant son paquetage au sol, Thorek grommela pour lui-même qu’il n’y avait pas idée de faire des armes aussi grandes. Ce fut alors que le nain nota un détail :

      « Croisade ?... » – Thorek releva le regard, l’air confus – « Original comme mot, faudra qu’vous m’donniez la définition. J’crois l’avoir entendu une fois à la taverne, mais ceux qui en parlaient étaient bien imbibés donc j’suis pas sûr du sens. »

« Hmm… De ce que j’en vois, il y a probablement moyen que je reprenne la majorité. Si besoin, j’ai de la place dans mon sac, j’ai voyagé léger pour cette vadrouille. Celui-là en revanche, je vais avoir du mal à l’trimballer. » dit-il en désignant ma claymore.

Thorek était vraisemblablement une bonne personne, et il accepta de me délester d'un peu de poids. Je ne me fis pas prier et lui tendit mon sac dans des mouvements pas trop brusque. Je voulais à tout prix éviter d'endommager plus que nécessaire les fragiles points que le nain m'avait fait. Il n'était clairement pas guérisseur, mais au moins avait-il comme moi reçu les enseignements de base pour sauver quelqu'un d'un hémorragie autrement mortelle, au moins le temps de recevoir de vrais soins. Il me dit ensuite, après un grognement caractéristique des nains, dont je ne m'enquis guère:


« Croisade ?...Original comme mot, faudra qu’vous m’donniez la définition. J’crois l’avoir entendu une fois à la taverne, mais ceux qui en parlaient étaient bien imbibés donc j’suis pas sûr du sens. »

Bah, maintenant que j'avais tout à fait mis les pieds dans le plat, autant aller jusqu'au bout. Je lui répondis donc, le dialogue me permettant de me focaliser sur autre chose que la douleur lancinante que je ressentais dans presque tout le corps:

"Et bien... Je ne suis pas érudit, mais il me semble qu'une croisade est une guerre idéologique, souvent religieuse. Mais il n'est pas question de religions ici. Voyez-vous, je mène depuis toujours une lutte sans merci contre les créatures du Pandémonium. Les démons, quels que soit leur horizon, et leur cultistes dévoués. C'est d'ailleurs des cultistes qui viennent de me mettre dans un si sale état. Depuis toujours ils me traquent, et depuis toujours je les traque également. Telle est la malédiction que je dois endosser, et que j'assume pleinement. Telle est ma "croisade"."

Je ne lui avais pas tout révèler, mais il n'appartenait qu'à lui d'en savoir plus ou pas. Je ne cacherais pas vraiment ces informations, encore moins à mon sauveur, et encore moins dans l'état où j'étais. Je m'aidais d'ailleurs maintenant de ma claymore comme d'une béquille afin d'avoir moins de poids à porter, même si cela ne m'enchantait guère d'enfoncer ma lame si effilée dans la terre. Afin de ne pas laisser un silence trop pesant, et pouvoir me concentrer sur quelque chose, je demandai à Thorek:

"Et vous maître nain, quel est le but de votre vie, que ça soit voulu ou malgré vous?"

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     Voir l’umgi planter son arme dans le sol comme une béquille tira une petite grimace au nain. Aucun outil, qu’il soit de guerre ou d’artisanat ne devrait avoir à subir ce genre de traitement. Les conditions ne leur laissaient cependant pas trop de choix.

     D’un autre côté, il avait surtout des choses à dire le bonhomme. Et Thorek écouta tout cela en silence, ce n’était pas comme s’il savait quoi commenter sur cette quête personnelle. Le nain se contenta alors d’un acquiescement vigoureux. En un sens, il comprenait Brendan. Le peuple nain avait ses ennemis et il n’hésitait à s’en débarrasser avec force.

      « Et vous maître nain, quel est le but de votre vie, que ça soit voulu ou malgré vous ? »

     La question surprit un peu Thorek avant qu’il ne réalise qu’en fait, eh bien, c’était probablement le cours d’une conversation normale. Encore un peu de progrès à faire de ce côté-là...

     « Mon but, hein ? demanda rhétoriquement Thorek avec un sourire en coin. J’dirais que servir mon peuple est plus que suffisant. Si ça implique d’effacer nos ennemis de ce monde, ainsi soit-il. »

     Le nain se permit un dernier regard haineux dans la direction des cadavres des cultistes.

     «Si ça implique de barbouiller quelques cartes pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Ainsi soit-il aussi. Si mon roi m'demande quelque chose, j'obéirais et ainsi soit-il. En somme, le seul but qui vaille la peine à mes yeux est celui des nains. »

Thorek ne tarda pas à répondre et me dit donc d'un air amusé:

" Mon but, hein ? J’dirais que servir mon peuple est plus que suffisant. Si ça implique d’effacer nos ennemis de ce monde, ainsi soit-il."

Il prit une pause pour regarder un instant derrière nous, probablement vers les cadavres des cultistes que nous avions laissé là vu son regard, avant de poursuivre:

"Si ça implique de barbouiller quelques cartes pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Ainsi soit-il aussi. Si mon roi m'demande quelque chose, j'obéirais et ainsi soit-il. En somme, le seul but qui vaille la peine à mes yeux est celui des nains."

J'acquiesçai silencieusement à ses dires, commençant déjà à avoir un certain respect pour le nain. Son but était simple, mais pas pour autant de moindre importance. Cette facette chauvine des nains m'avait toujours fasciné, moi qui avait vu bien plus d'un humain faire du mal à un autre humain par profit ou par plaisir. Ce genre de sentiments et d'aspirations n'était pas l'apanage de la race humaine, et pourtant elle semblait ancré dans la majorité des nains que j'avais croisé, comme si quelque chose dans leur sang les rendait fondamentalement liés à tous les autres. C'était sans nul doute une des grandes qualités de leur peuple, avec la forge. Une qualité qui était d'ailleurs très salutaire pour eux, car l'union faisait la force, et les nains l'étaient bien souvent, unis.

Je repris la parole après quelques minutes de silence, silence qui ne semblait pas déplaire à mon camarade nain, à mon plus grand contentement. Moi-même je n'étais pas très loquace, mais il fallait bien sociabiliser de temps en temps, surtout quand on était en présence de quelqu'un qui avait risqué sa vie pour sauver la mienne. Je lui dis donc:

"Je vous remercie encore de m'avoir sauvé maître nain. Je n'ai pas pour habitude d'être secouru, mais j'imagine que même quelqu'un qui a vu la mort autant de fois que moi ne peut lui échapper éternellement et a parfois besoin de soutien. Néanmoins j'aimerais vous remercier d'une quelconque façon. Si l'or ne vous intéresse pas, il y a bien quelque chose que peut faire un chasseur de démon émérite pour vous satisfaire, non? Même si ce n'est qu'une bière offerte après mon rétablissement, n'importe quoi qui puisse vous satisfaire, dans la mesure du possible."

En effet, je n'aimais pas vraiment être redevable. Pas que je doute de la fiabilité de Thorek, mais je me devais de rendre la pareille à quelqu'un qui m'avait sorti d'une mauvaise passe. C'était dans ma nature, à moins que ça ne soit feu ma mère qui me l'ait inculqué.

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      La proposition de Brendan prit Thorek de court. S’arrêtant à l’ombre de quelques pins qui bordaient le chemin de terre qu’ils arpentaient alors, le nain se retourna vers le gardien, sourcils froncés.

      « Me remercier ? Après tout ça ? » indiqua le nain en pointant la direction de feu le lieu de l’embuscade.

      Mais après avoir réalisé que l’humain était sincère avec cette demande, Thorek tenta de prendre un minimum de recul. Il n’avait pas affaire à un nain ou même un khazarien, ce bonhomme avait de bonnes intentions, mais il ne pouvait pas tout comprendre. En somme, à Thorek d’essayer d’être « compréhensif ». Ainsi, après avoir pris une bonne inspiration, l’explorateur tenta d’expliquer :

      « Les nains que nous avons tués plus tôt méritaient ce qui leur est arrivé. Dans mon peuple, on appelle ce genre d’acte « rendre service » … Crois-moi, Brendan, ce que tu m’as permis de faire aujourd’hui te vaux déjà des louanges. »

      Le nain fit mine de repartir, puis une idée sembla passer.

      « Mais… S’tu veux vraiment me donner quelque chose… Eh bien, si mes souvenirs sont bons, il y a une p’tite taverne dans le village où nous allons. Et au vu de ton expérience et de tes buts, t’as dû souvent voyager. Donc je n’serais pas contre quelques histoires de ton cru autour d’une choppe. Le tout bien sûr accompagnés de quelques descriptions géographiques, j’aime tenir mes cartes à jour, tu vois ? »

Le dénommé Thorek s'arrêta un instant à l'ombre d'un pin, et se tourna vers moi en fronçant les sourcils:

«Me remercier ? Après tout ça ? »

Il désigna le lieu de notre récent affrontement, et je reconnais que j'eus du mal à comprendre où il voulait en venir. J'avais croisé quelques nains au cours de ma longue de vie de vadrouille, mais je n'avais jamais relevé de traditions aussi étrange que ne pas remercier quelqu'un qui venait de me sauver la vie. Il finit par me dire, après avoir réfléchis un petit moment, éclairant donc ma lanterne:

« Les nains que nous avons tués plus tôt méritaient ce qui leur est arrivé. Dans mon peuple, on appelle ce genre d’acte « rendre service » … Crois-moi, Brendan, ce que tu m’as permis de faire aujourd’hui te vaux déjà des louanges. »

Je haussai un sourcil, surpris de voir que c'était mon sauveur qui me remerciait. Quel peuple étrange que celui des semi-hommes, assurément! Je n'avais fait que mon devoir, et ces cultistes m'auraient abattus si je ne les avais pas abattus avant. Je n'avais agis que pour survivre, et aussi parceque c'était mon devoir de chasseur de démon que de veiller à ce que ceux qui se sont égarés sur la voie du démonisme périsse. Car dans ce genre de voie périlleuse, finir par invoquer des démons par profit était synonyme de non retour, et même les érudits démonistes me laissait un sentiment de malaise malgré leur apparent contrôle des choses et intérêt purement savant. Thorek, qui commençait à repartir, se retourna finalement et me lança:

« Mais… S’tu veux vraiment me donner quelque chose… Eh bien, si mes souvenirs sont bons, il y a une p’tite taverne dans le village où nous allons. Et au vu de ton expérience et de tes buts, t’as dû souvent voyager. Donc je n’serais pas contre quelques histoires de ton cru autour d’une choppe. Le tout bien sûr accompagnés de quelques descriptions géographiques, j’aime tenir mes cartes à jour, tu vois ? »

J'acquiesçai à sa proposition, jugeant que c'était probablement la récompense la plus simple à offrir. Quelques récits sordides autour d'une bonne bière, c'était tout à fait dans mes cordes. Je lui répondis donc, alors que je me remettais en marche:

"Va pour quelques histoires autour d'une chope alors. Quant à la géographie, je ne suis pas un spécialiste mais quelques paysages me reviennent en tête à la réflexion. Sitôt que mes blessures auront été bandées par un guérisseur et mes plaies recouvertes de baume, on ira à cette fameuse taverne, et vous pourrez vous aussi me raconter votre vie de kazharien. Je n'aime pas bien être le centre de l'attention, mais je ferais un effort pour vous, maître nain."

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      « … Je n'aime pas bien être le centre de l'attention, mais je ferais un effort pour vous, maître nain.
      — Eh bien on est deux ! Plus qu’à espérer que la bière nous délie nos langues. »

      Sur cet échange, le gardien et le kazharien s’en allèrent clopin-clopant jusqu’au village le plus proche. Le trajet fut plus long que prévu, en grande partie à cause des blessures de Brendan qui n’allaient pas en s’améliorant. D’après Thorek, l’humain s’en sortirait, surtout qu’il avait l’air plus costaud que d’autres… Mais, la base de comparaison du nain étant d’autres nains, il n’était pas complètement sûr de cette hypothèse.

      Une fois arrivé aux abords de la petite communauté, un village de bûcherons nains sans histoire, Thorek s’en alla quérir quelqu’un pour soigner proprement son allié du jour. Le badge kazharien à son épaule fut plus que suffisant pour convaincre la populace.

      Il ne fallut pas attendre longtemps avant qu’un simili ancien local n’arrive en quadruple vitesse avec de quoi bander la plaie et un baume improvisé. Quand on était habitué à soigner des bûcherons, on pouvait bien faire des blessures de guerre.

      Alors que Thorek laissait Brendan à son soigneur, il lui indiqua qu’il l’attendrait à l’auberge locale. Le lieu étant un point de passage pour les patrouilles et quelques caravanes marchandes, un débit de boisson semblait presque tout trouvé…

"Hum... Je peux quand même vous demander comment vous vous êtes retrouvés dans cet état?"

L'esprit embrumé désormais non pas par la douleur mais par le lait de pavot que l'on m'avait offert, je gardai tout de même toute ma tête, et répondit à mon interlocuteur d'une manière neutre mais néanmoins ferme:

"Non. Je vous remercie pour votre aide, mon brave, mais il y a des choses qu'il vaut mieux garder secret."

Si je n'aurais probablement pas pris de pincette à l'époque, les Gardiens m'avaient appris avec le temps à ne pas inquiéter la populace, et savoir qu'un groupe de cultiste démoniaques avaient été aperçus non loin de leur village les aurait probablement effrayé. Préférant donc garder ce secret pour moi, je me relevai alors que le guérisseur venait de finir de bander ma dernière plaie, non sans avoir ajouté un baume cicatrisant pour m'aider à me rétablir plus vite. Malgré mon état, je n'avais pu m'empêcher de le voir jeter de temps à autre des coups d'oeil aux dizaines de cicatrices qui sillonaient tout mon corps, de provenances multiples, que ça soit de fouet, de lacération ou de contusion. J'avais peu l'habitude de me dévêtir, et j'avais oublié l'effet que faisait la vision de mon corps aux communs de ce monde. Sans plus de cérémonie, je sortais de la maison du guérisseur, qui semblait être aussi son lieu de travail, en ajoutant simplement: "Merci."

Jetant un coup d'oeil aux alentours, je cherchai du regard ce qui pouvait s'apparenter à une auberge ou une taverne. C'était là que le dénommé Thorek m'avait donné rendez-vous une fois mes blessures pansées, afin que l'on discute autour de quelques pintes. Je n'étais pas grand amateur de boisson, car elles altéraient la conscience et que ma malédiction m'empêchait de me relâcher de trop, mais vu l'effet narcotique du lait de pavot, et perdu pour perdu, je me disais que c'était bien la moindre des choses pour remercier mon sauveur. Je trouvais rapidement l'objet de ma convoitise, le village n'étant pas bien grand, et entrai d'un pas assuré dans l'établissement, restant ferme sur mes appuis malgré mes blessures pour ne pas attirer l'oeil sur moi. Je n'étais désormais habillé que de ma vieille chemise en lin et d'un pantalon tout à fait commun, ayant demandé au guérisseur s'il pouvait me trouver quelqu'un pour réparer mon armure de cuir qui en avait salement bavé durant l'affrontement. J'avais tout de même toujours dans le dos ma fidèle claymore, et gardait dans une de mes bottes une dague dissimulé au cas où un ennemi tenterait de me surprendre. Sondant la pièce d'un coup d'oeil méfiant - les vieilles habitudes avaient la vie dure - je repéra rapidement Thorek parmi les quelques villageois occupés à boire ou à discuter. Il n'y avait pas grand monde dans l'auberge, et mon entrée fit seulement retourner une ou deux têtes qui reprirent très rapidement leur discussion. La plupart des clients ici ne semblaient pas des locaux, mais plutôt des marchands ou des voyageurs itinérants. Ainsi donc ce village était une étape de voyageur. Gardant cette information dans un coin de ma tête, je me dirigeai toujours de mon pas assuré et en conservant ma stature malgré les vertiges vers le nain qui attendait paisiblement dans un coin de la pièce assez discret, encore aucune chopine entre les doigts. Peut-être le service mettait-il du temps, ou bien avait-il eu la politesse - pas foncièrement obligatoire - de m'attendre avant de commander?

M'assoyant en face de lui, lentement pour éviter de m'appuyer sur un bleu, je fis un signe au jeune serveur nain qui passait les commandes non loin, et une fois sûr qu'il m'ait vu, je me tournai vers Thorek et lui lança, un peu plus chaleureux que d'habitude:

"Encore merci, maître nain. Sans vous, j'aurais probablement connu un sort peu enviable. Alors dites moi, qu'est-ce qui vous ferait plaisir? Prenez ce que vous voulez, c'est la moindre des choses après ce que vous avez fait. Et posez les questions que vous voulez, je suis sûr que vous saurez tirer quelques enseignements de mes pérégrinations en tant que chasseur de démon."