Après la rencontre avec Trynn à Ishtar puis avec l'elfe noir dans les sombres montagnes de Kanaan, Ehawee était désormais tout proche de son objectif. Le Grand Nord lui ouvrait enfin ses portes, et elle espérait que sa soif de connaissance ne la précipite pas à une mort certaine. L'on racontait en effet de nombreuses histoires sur cette partie du monde. Que les hivers étaient impossibles à tenir, et que les rares peuplades qui y vivaient auraient développé un corps adapté pour résister à ce froid. Les légendes toutes aussi étranges et terrifiantes les unes que les autres étaient légions et incluaient des monstres dévoreurs d'enfants, des créatures de glace et même des dragons ! Les gens qui y vivaient étaient aussi décris comme sauvages voire primitifs et impitoyables, ne jugeant que par des actes de sang. L'elfe se remémora tout ce qu'elle avait pu lire dans le passé à ce sujet. Il était temps de fermer les livres et d'oublier leurs légendes pour aller découvrir d'elle-même ce qu'il en était. Elle était également persuader avoir bien plus en commun avec ces peuples que ce qu'elle semblait avoir. Peut-être était-ce aussi l'isolement des nordiens qui nourrissait les légendes à leur propos et attisait la curiosité de l'aventurière.

Accompagné de son cerf royal Tadi, l'archère s'enfonçait de plus en plus dans le Grand Nord et ce qu'elle voyait des contrées l'ensorcelait déjà. Elle avait pourtant visité les forêts les plus luxuriantes de Dùralas, vogué sur l'océan infini et tumultueux, parcouru le désert et la savane, découvert de nombreuses montagnes volcaniques et enneigées à Kanaan ou FrörHeim, mais elle devait admettre que le silence mystique des terres les plus froides de ce monde possédait quelque chose de magique et envoûtant qu'elle n'avait ressenti nulle part ailleurs. Mais très vite, cette beauté montra ses épines. La température traversait les couches de ses vêtements, comme une griffe de glace qui voulait agripper sa peau et la transpercer jusqu'à l'os. Malgré toutes ses précautions, dont notamment son kit de survie, Ehawee allait devoir apprendre à voyager différemment dans cette partie du monde. Elle espérait d'ailleurs rencontrer quelques natifs pour tirer les enseignements de leur expériences.

Déjà loin dans le territoire et guidée par sa seule intuition, l'elfe sylvestre aperçut au loin les bois d'un groupe de cervidé. Elle s'approcha, voyant là l'occasion de découvrir un animal local. Pas à pas, alors qu'elle était de plus en plus proche d'eux, ils relevèrent la tête, intrigué par cette présence étrangère. Puis, elle descendit de sa monture. Tadi et les rennes se fixaient avec circonspection, comme des cousins éloignés qui semblaient se connaître alors qu'ils ne s'étaient jamais rencontrés auparavant. Ehawee était désormais au sol, afin de ne pas effrayer le troupeau. Peut-être était-ce sa familiarité avec les cervidés de Sylfaën, ou bien le fait que Tadi semblait à l'aise avec elle, mais les rennes acceptèrent qu'elle vienne à leur contact.

L'archère observait la créature juste devant elle. Il semblait que la forme de leurs bois était différente. Leur pelage, quand à lui, était plus clair, certains tiraient même jusqu'au blanc et leur muffle était également plus allongé. Tandis qu'elle prenait connaissance de ces éléments, elle se rendit compte qu'elle était observée.

-Qui es-tu, que fais-tu là ? Un homme à sa droite l'inspectait. Emmitouflé dans d'épaisses couches de fourrures, un arc et une lance étaient accrochés à son dos, tandis qu'il tenait un filet de poisson dans ses mains. Son attitude traduisait d'une méfiance certaine, mais également d'une sorte d'intérêt. La zéphyrienne se tourna vers lui et se présenta comme il se devait de le faire, en découvrant sa chevelure brune et ses oreilles pointues de sa capuche sombre.
-Mon nom est Ehawee, fit-elle accompagnée d'une courte révérence avant de remettre sa capuche pour se protéger du froid. Je suis une exploratrice originaire de Sylfaën, j'arpente le Grand Nord dans le but d'en apprendre plus sur le Monde.
-Une exploratrice ? questionna-t-il, peu convaincu, mais toujours marqué par un certain intérêt, surtout lorsqu'elle présenta la créature qui l'accompagnait.
-Oui, et voici Tadi, mon fidèle compagnon de route. L'homme regarda ce drôle de renne avec attention. Les bois des cerfs royaux de Sylfaën étaient bien plus imposants que ceux des autres cerfs et même des rennes autour d'eux. Mis en confiance par ce lien animal, il se décida à en dire d'avantage.
-Ehawee, l'exploratrice, tu es ici dans l'élevage du Clan Fatoekr.
-Je ne veux pas importuner les habitants de ce lieu, je viens pour les rencontrer et trouver un endroit où affronter le froid et survivre à la nuit.
-Nous ne possédons pas grand chose qui intéresse les aventuriers là-haut. Mais si ce que tu dis est vrai et que tu souhaites rencontrer les miens avec de bonnes intentions, tu peux me suivre dans les hauteurs.

L'elfe accepta l'invitation et ils continuèrent leur échange sur le chemin ascendant. L'individu était dénommé Ÿmur et s'avérait être un chasseur-pêcheur. Il expliquait à l'archère que les Fatoekr n'avaient pas l'habitude de recevoir des invités, mais qu'ils n'avaient pas peur d'eux non plus, puisqu'ils ne possédaient aucunes richesses précieuses. En effet, leur mode de vie paraissait être simple et primitif, une tribu nomade en relation avec la nature. Il avoua également que la présence du cerf royal l'avait conforté dans sa décision et qu'il n'avait jamais vu telle créature. Ÿmur marmonna quelques prières à cette occasion, en touchant le pelage de Tadi dont Ehawee ne détenait pas le sens. Elle comprit cependant que les cervidés étaient des créatures importantes, peut-être même vitales pour la survie de ce clan.

À l'arrivée dans les hauteurs, le camp était semblable à ce que le pêcheur avait décrit à l'elfe plus tôt. Constitué essentiellement de tentes, le village temporaire était érigé à l'entrée de plusieurs cavités souterraines en haut d'une montagne, ce qui permettait à certaines familles de s'abriter à l'intérieur de la pierre. Elle découvrit les architectures rudimentaires de bois et de peaux, des feux de camps, des chasseurs et trappeurs revenant avec leurs prises, des tanneurs affairés à tendre les peaux, des chamans en plein rituel. Rien à voir avec Maenor et la noblesse elfique, et pourtant, les deux peuples semblaient avoir un lien privilégié avec la nature. Ehawee avait déjà hâte d'en apprendre plus sur ces personnes, et quoi de mieux pour cela que de proposer son aide en accomplissant quelques tâches ?