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Le Monde de Dùralas


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 [Officiel]Le Grand Exil

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MessageSujet: [Officiel]Le Grand Exil   [Officiel]Le Grand Exil EmptyMer 17 Avr 2019 - 20:31
Séparation du contenu
Cet écrit est l’œuvre d'un Djöllfulin rescapé du Cataclysme exprimant sa propre vision de l'événement. La réalité pourrait être légèrement différente.



Le Grand Exil

Voilà maintenant presque une moitié de siècle que le peuple Djöllfulin a quitté sa terre natale pour investir Dùralas. Notre peau rouge, nos sabots et nos cornes font de nous des êtres remarquables à bien des égards. Nos croyances aussi ont rapidement attiré l'attention. Mais il est encore un certain nombre d'éléments que les autres races ignorent. Une partie d'entre elles concerne notre monde d'origine : à quoi ressemblait-il ? Et surtout – et c'est là la question à laquelle je vais m'efforcer de répondre, si ma mémoire veut bien s'y prêter – pourquoi sommes-nous partis ?

 Ce fut une période sombre... Nous, Djöllfulins, venons du Nord. Mais pas le Nord qui vous vient à l'esprit quand j'évoque ce terme. La terre de mes ancêtres est située par-delà la grande banquise. Le climat y était rude, mais nous y vivions heureux. Jusqu'à ce terrible matin...

 Je m'en souviens comme si c'était hier. Le temps était clair. Nous aurions dû nous en réjouir, mais nos voyants – ceux qui parmi nous communiquent avec les dieux – y virent un mauvais présage. Oh, comme ils avaient raison ! Ils sont venus du nord, des légions entières de morts, recrachés par la glace. C'était comme si la terre elle-même décelait en eux une essence contre-nature. Et leurs yeux... Cette lueur bleue... On avait l'impression de perdre une partie de son âme rien qu'en les regardant. Nous avons d'abord essayé de les combattre. Leurs lances semblaient dérisoires face à nos armes, nous pensions que leur avancée aveugle ne pouvait qu'être stoppée par notre foi. Nous étions dans l'erreur... Leurs assauts se faisaient par vagues interminables. Rien, ni le froid, ni la mort ne semblait les freiner. Évidemment, comment un mort pourrait-il avoir peur ? Lentement, inexorablement, ils gagnaient du terrain. À chaque fois que l'un des nôtres tombait au combat, il revenait d'entre les morts, et se retournait contre ses frères. Alors que nos rangs ne cessaient de diminuer, les leurs grandissaient. C'est à ce moment que nous avons compris. C'était un combat que nous ne pouvions gagner. Notre salut était dans la fuite.

 Mais ces revenants, ces êtres maléfiques... Ils ne voulaient pas nous laisser en paix, et ils nous poursuivirent. Pourquoi ? Aujourd'hui encore, je n'en ai pas la moindre idée. Nous nous étions toujours battus, mais ça n'était que des escarmouches. Ce à quoi j'assistais, c'était au-delà : une campagne d'extermination.

 Nous avons marché, pendant des jours, sous la neige et le vent, emportant nos enfants et nos vieillards. Mais les morts étaient à nos trousses. Ceux qui s'arrêtaient, à bout de force, priaient pour que le froid vienne les tuer avant ces abominations. La voie vers le Sud semblait interminable. Nous commencions à perdre tout espoir. Notre race allait s'éteindre ici, dans l'indifférence et le secret. Alors, en désespoir de cause, nous nous sommes tous assis en cercle, comme nous le faisions si souvent, et nous avons prié. Nos chants couvraient le bruit du vent, et nous déchiraient la gorge. Mais nous devions le faire. Nous suppliâmes nos dieux de nous venir en aide. Nous sommes restés à prier des heures durant, alors que l'ennemi s'approchait de nous. Nous n'avions plus rien à perdre.

Et les dieux nous ont répondu.

 La terre s'est mise à trembler, le sol glacé se craquelait. Des tréfonds de la terre, il est apparu. Une créature gigantesque, faite de rochers marqués du sceau de Lagmarù. Le géant de pierre s'interposa entre nos assaillants et nos familles. De ces poings massifs, il écrasa des centaines, peut-être des milliers de revenants. Nous n'avions plus la force de nous battre, mais nous nous pensions sauvés. Mais la Mort blanche est insatiable. Même ce golem ne pouvait rivaliser avec une horde infinie d'ennemis. Utilisant une magie perfide de glace, ils refroidirent notre protecteur. Sans aucun souci pour leur propre intégrité, ils se jetaient contre lui, jusqu'à le faire chuter. La dernière chose que nous vîmes fut son cœur vaillant se refroidir, et devenir une pierre.

 Mais nous ne pouvions laisser ce courageux sacrifice vain. Mus par une nouvelle énergie, nous en avons profité pour reprendre un peu d'avance. Nous pensions nous en sortir, mais le froid, le vent, la faim et la fatigue nous rattrapèrent. Nous recommencions alors nos prières. Là où la Force de Lagmarù avait échoué, peut-être la Ruse d'Urgaal'Mar allait, elle, fonctionner. Nous avons prié, encore plus fort, suppliant le dieu Diablotin de nous aider. Et il répondit... Sous l'impulsion de notre chant, nos vêtements devinrent aussi blanc que la neige qui nous entourait. Nos chausses devinrent aussi légères qu'une plume. Un jeune Djöllfulin se releva et fit quelques pas. Quelle ne fut pas notre surprise quand nous vîmes qu'il ne s'enfonçait plus dans la neige, et que ses sabots ne laissaient plus aucune trace ! À nouveau, l'espoir revint. Ainsi camouflés, nous pouvions espérer nous en sortir.

 Et pendant un temps, nous y avons cru. Les bruits d'armes, les cris venus des limbes cessèrent. Sans moyen pour nous pister, devenus invisibles dans une étendue aussi uniforme, nous pouvions échapper au funeste destin qui nous semblait promis. Après un temps interminable, l'un de nos jeunes voulut aller chasser, pour remplir nos besaces bien trop légères. Mais alors qu'il s'approchait silencieusement d'un renard, une bête noire se jeta sur lui, et le dévora sous nos yeux. On aurait dit un chien, mais la lueur de mort qui s'échappait de ses yeux, et qui passait entre ses crocs couverts de sang, nous indiquait une nature bien plus terrible : une goule. Nous n'avions pas pensé à cela : s'ils ne pouvaient plus nous voir, ces bêtes impies pouvaient nous suivre à l'odeur. Nous avons eu le temps de tuer l'immonde créature, priant pour gagner un peu de temps.

 Nous reprîmes donc notre route une nouvelle fois. Mais à la faim et au froid venait s'ajouter le désespoir. Nous ne pouvions les combattre et nous ne pouvions les semer. Cette armée monstrueuse avançait inexorablement sur nous. Alors, pour la dernière fois, nous avons prié. Jamais nos chants ne furent si puissants ni désespérés. L'existence même de notre peuple reposait sur cette ultime liturgie. Si la Force de Lagmarù et la Ruse d'Urgaal'Mar n'avaient pas pu nous sauver, notre dernier espoir reposait dans l'infinie Sagesse de Kar'Magûl. Nous priions, nous priions, mais cette fois-ci, rien ne vint. Alors, nos prières se firent plus intenses encore. Notre foi ne nous avait jamais fait défaut, et dans les moments les plus sombres, elle était notre lumière. Au sommet d'une colline, les premiers revenants des glaces commençaient à se masser. Certains d'entre eux étaient nos camarades tombés au combat, et ramenés à la vie par une magie interdite. Nous étions épuisés, nous marchions à pas forcés depuis des jours, notre groupe avait perdu plus de la moitié de ses membres. La prière était notre seul refuge. Nous avons tous fermé les yeux, implorant le Grand Djinn d'intervenir. Que sa sagesse nous donne un moyen...

 Un hurlement nous tira de notre transe. Un cri perçant, que nul n'avait entendu. Même nos assaillants semblaient étonnés. Quelle créature suffisamment puissante pouvait produire un tel bruit ? Et alors, il est apparu. Le Dragon bleu ancestral. S'élevant de toute sa hauteur, il obscurcit le ciel par sa seule présence. Il fonça dans notre direction, et de son souffle glacé, créa un mur infranchissable entre ce qu'il restait de notre groupe et les revenants. Il était assez haut pour toucher les nuages, suffisamment dur pour résister aux assauts de nos ennemis, et trop lisse pour envisager de l'escalader. Derrière, on pouvait entendre les morts des glaces tenter de faire une percée, en vain. Le mur s'étalait sur plusieurs kilomètres, à perte de vue. Il faudrait des jours, peut-être même des semaines, si ce n'est plus, pour en faire le tour.

 Nous étions sauvés. L'apparition du dragon des légendes était-elle une intervention de Kar'Mâgul ? Je me plais à le croire. Dans son infinie sagesse, il a compris qu'il aurait besoin d'aide pour nous secourir. Il savait aussi que le dragon punit les êtres mauvais, et l'a convaincu de nous aider. Quelques heures pus tard, nous parvînmes au premier village des Hommes du Nord, qui nous ont recueillis. Notre calvaire prenait fin.

 Refusant de rester plus longtemps en des terres qui, de toute évidence, ne voulaient plus de nous, nombre de Djöllfulins sont partis plus au Sud, dans les terres. Ils sont partis à la recherche d'un nouveau foyer. Moi, je suis resté chez ces hommes du Nord, et je mets à l'occasion ma magie à leur service. Après tout, ils le méritent. Mais je me fais vieux maintenant, et il ne doit pas me rester beaucoup de temps. Je sais que je ne reverrais plus la terre qui m'a vu naître. Tout ce que j'espère, c'est que les nouvelles générations viendront reprendre ce qui leur revient de droit. D'après les rumeurs, le mur du dragon de glace a disparu, et les revenants se sont dispersés. Mais nul doute que quiconque souhaite reprendre la terre de nos ancêtres devra s'attendre à leur visite. Que Les Trois les guident, et les fassent réussir où nous avons échoué...
Kamul Seliph, ancien Djöllfulin




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