Sujet: Anecdotes historiques Jeu 11 Jan 2018 - 1:14
Salutations !
En ce jour, j'ouvre ledit sujet à vos yeux que j'imagine déjà ébahis et friands d'anecdotes plus débiles et loufoques que les autres... parce que pourquoi pas ? (et pis bon normalement si vous avez cliqué sur un titre pareil, c'est que vous êtes intéressé)
L'histoire, certains trouvent cela barbant, c'est leur choix. Mais il serait dommage de passer à côté des petits détails croustillants simplement parce que retenir une date se révèle être une plaie. Et puis, ça permet quelques fois de briller en soirée quand on peut expliquer pourquoi est-ce qu'on rentre uniquement par la gauche dans un avion
Donc, le but dudit sujet va être de tout simplement permettre à ceux qui le veulent de partager des anecdotes historiques, des détails plus précis pour dispenser un peu de culture à quelques têtes blondes et autres joyeusetés du genre !
J'entame le bal avec une série de vidéos d'un grand bonhomme nommé l'Odieux Connard (oui, le nom est volontaire). Un ex-prof d'histoire qui s'est reconverti dans l'écriture de divers bouquins (dont certains historiques) et la tenue d'un blog de critiques cinémas que voici. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est trois vidéos d'une bonne heure chacune où il va vous apprendre quelques détails sur la période des deux guerres mondiales et toutes les petites blagues qui ont eu lieu à l'époque. Le type sait de quoi il parle, c'est son domaine et, malgré quelques erreurs de chiffres par-ci par-là qu'il reconnait lui-même, le tout est bien raccord. (je suis allé jusqu'à vérifier les rapports militaires déclassés des évènements pour la plupart, donc ça m'a l'air bon )
Pour ceux qui ont moins de temps à consacrer à tout cela, il a fait quelques vidéos plus courtes pour résumer certaines anecdotes présentées dans les vidéos ci-dessous (et il rajoute même des détails parfois) que vous trouverez sur sa chaîne ici: https://www.youtube.com/channel/UCDyyFxXcMKrRLc6QM2OlRwA. Mais bien entendu, les conférences en racontent plus
Bon visionnage !
Je rappelle enfin que le sujet est ouvert à tous et que les commentaires et propositions de sujets sont plus que recommandées !
Personnellement, j'ai quelques idées en tête comme par exemple essayer de casser quelques mythes sur les armes blanches ou vous conseiller diverses chaînes Youtube qui traite d'histoire en général. Oh, et dernier détail, si vous voulez mentionner une anecdote, essayez d'avoir au moins une source derrière qui la valide. Cela rendra votre discours autrement plus crédible.
Sauveuse de Dùralas (Event)
Destructrice de l'Ombre (Event)
Combattante de l'alliance des quatre (Event)
Chasseuse suprême de Pâques
(Event)
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 11 Jan 2018 - 12:28
Ce topic est une merveilleuse idée, bravo ! Je crois d'ailleurs que tu m'avais exposé l'idée il y a quelques mois... Tu as bien fait de te lancer. J'ai écouté la première vidéo, j'avoue que le mec connait son sujet, c'est génial. Bon seul petit hic, j'ai un peu de mal à suivre autant de temps quelqu'un qui parle comme ça, comme les vidéos de chaînes YouTube. Cependant les documentaires j'en décroche pas.. Plus calme peut-être? Je ne sais pas. Le fait est que le contenu est super intéressant et j'ai bien aimé la première vidéo, j'irai à l'occasion en voir d'autres ! Le début de l'aviation me tente. Après j'avoue que la 2GM n'est pas ma période favorite, j'suis plus friante de petites choses anciennes (enfin, plus anciennes).
J'dois avoir pas mal d'anecdotes de côté mais là sur l'instant, rien ne me vient... C'est toujours en pleine discussion qu'un truc va venir. Par contre, si j'pense à quelque chose, je passe par ici !
N'hésites pas à partager les chaînes historiques que tu aimes suivre, peut-être que j'arriverais à en suivre une, bien que le format à chaque fois...me lasse. Ton monotone? Je ne sais pas. Tiens étrangement ça me fait penser à Métronome, avec Lorant Deutsch. Il retrace Paris sur toute so histoire au rythme des stations de métro, avec des petites anecdotes super sympas ! J'imagine que tu dois connaître, mais pour ceux qui ne connaissent pas, je recommande, une série de quatre documentaires très intéressants !
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 25 Jan 2018 - 9:39
Allez histoire de relancer le sujet :
Un croissant averti en vaut deux : Les origines du croissant ne se trouvent pas en France comme on vous l'a toujours fait croire. En réalité, la célèbre viennoiserie a été créé par un boulanger autrichien après une victoire de l'Autriche contre les Turcs. La forme de croissant vient d'ailleurs du symbole musulman.
Ce matin, un lapin, a tué un chasseur.. : Napoléon a déjà dû essuyer l'attaque d'une horde de lapins. Pour une partie de chasse, environ 3000 lapins avaient été rassemblés au même endroit. Lorsque les cages ont été ouvertes, les lapins n'ont pas fuit dans dans tous les sens, au contraire ils ont foncé dessus.
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Thorek Sveresson
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Le pitch de cette chaîne est de vous raconter divers évènements/périodes historiques du point de vue de ceux qui l'ont vécu avec moult acteurs de qualitay. Et comme le tout est sur un ton Kaamelott hilarant, est-ce que je dois encore dire quelque chose pour vous motiver à y aller ?
Pour l'instant, ils ont fait "la Guerre des Gaules", une partie de la période Ptolémaïque (avec César, Cléopatre, et tutti quanti) et la 1ere, 2e et 3e croisade. Non seulement, ils font des recherches poussées, mais en plus ils brisent beaucoup de clichés sur ces époques.
Par exemple, saviez-vous que Richard Coeur de Lion, Roi d'Angleterre qui a participé à la 3e croisade... N'avait en fait passé que quelques mois en Angleterre, un pays qu'il détestait cordialement ? A vrai dire, il était né en Aquitaine et adorait ce coin du pays Français où il avait grandi.
Vous en voulez d'autres des comme ça ? Alors cette chaîne est pour vous !
NB: j'essaie de voir comment organiser un petit post sur les armes blanches, histoire de casser quelques clichés dessus dans les grandes lignes. Cela devrait donc arriver d'ici quelques semaines. Et puis qui sait, je pourrais peut-être diverger sur diverses armes complètement débiles qui parsèment notre histoire
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Mar 27 Fév 2018 - 10:05
Merci pour la chaîne ! Dis je voulais savoir si t'avais d'autres anecdotes concernant des armes loufoques, genre les grenades qui ricochent ou autres de la seconde guerre mondiale ?
Sujet: Re: Anecdotes historiques Mar 27 Fév 2018 - 14:04
Au niveau des armes débiles, tu en as peut-être plus durant la première guerre que durant la seconde, la faute au côté expérimental de la chose. Cependant, la deuxième guerre a vu passer son lot d'abominations Petit Nota Bene, je ne parlerais pas des chauves-souris équipées de ceintures au napalm qui sont déjà présentées par l'Odieux Connard dans sa première vidéo je crois. J'ai cependant retrouvé des images de la bombe rebondissante mentionnée par l'Odieux Connard, encore une fois, dans sa deuxième vidéo : ici
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On pourrait commencer avec le Goliath présenté ci-dessous par une vidéo d'époque (tout en anglois 'méricain cependant)
C'était une sorte de mini-tank allemand avec une bombe à l'intérieur. L'idée était de l'approcher de l'ennemi et de le faire péter à côté de leurs tanks. Dans le principe, pourquoi pas, et il devait peut-être s'agir du premier véhicule télécommandé de l'histoire Mais, le bousin était visible, pas franchement rapide (environ 10 km/h) et son câble qui servait à le connecter à la télécommande était facile à couper ou endommager. Et bien sûr, il était atrocement cher à produire pour juste péter un tank de temps à autre... Donc autant dire qu'il n'aura servi à rien
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On pourrait aussi mentionner l'Antonov A-40, un fabuleux bidule russe. L'idée était de larguer un tank sur le front sous forme d'un planeur tiré par un bombardier relativement puissant. Quelques prototypes avaient été testés, mais ce fut un échec plutôt complet.
Le pire étant que les russes avaient déjà largués des tanks légers sur le champ de bataille durant Barbarossa par le biais d'un TB-3. Sauf qu'il fallait larguer l'équipage séparément, ce qui rendait l'opération plutôt compliquée... L'image ci-dessous montre un TB-3 avec T-27 accroché en dessous.
***
Passons aux armes "classiques" et donc du niveau d'un soldat.
Le fusil Ross, un petit machin canadien à l'histoire compliquée. A première vue, c'est un fusil à verrou plutôt simple... Sauf que non. Ce truc était tellement compliqué à utiliser et mal foutu que sur les 1000 premiers créés, 113 incidents suffisamment graves pour le faire retirer du service eurent lieu (l'un d'entre eux était sympathique, lors du tir, la culasse a sauté et s'est enfoncé dans l’œil du tireur). On dénote un poids trop important, on pouvait se couper le pouce avec le cran de sureté, s'il était mal assemblé des morceaux tombaient et les munitions anglaises rentraient mal dans le magasin peu adapté, etc... Cette catastrophe ambulante a été utilisée durant la première guerre majoritairement où, lors de la bataille d'Ypres, sur un régiment de 5000 canadiens, 1400 ont préférés lâcher ledit fusil pour s'équiper de carabine Lee Enfield... Et il a finit dans les mains de quelques malheureux régiments de la seconde guerre mondiale. Même si ces derniers eurent des versions légèrement plus au point.
Chose amusante, quand il marchait, il tirait plutôt bien.
***
Le Type 89 "Knee Mortar" ou, de son vrai nom, 八九式重擲弾筒. Il apparaitra donc pour beaucoup que le type 89 était utilisé par l'armée japonaise à la base
Tout d'abord, cette arme est mentionnée ici non pas à cause de son efficacité médiocre. Eh non, car les japonais l'utilisait plutôt bien, très bien même et ce truc causait de sacrés dégats dans les rangs américains.
MAIS, là où le type 89 a brillé, ce fut quand des américains en avaient capturés. Une tentative de traduction du nom japonais a donné "Knee mortar" ou "genou mortier". Rajouter à ça que les GI's du front voyaient les japonais se mettre à genoux pour tirer cette arme et on obtient un sacré raté.
Les GI's ont pris l'arme, l'ont posé sur leur genou ou leur jambe avant de tirer. Ont fait feu, et pis en général on entendait un sympathique *crac* que faisait l'os de ladite jambe à cause du recul.
***
Mention rapide à l'AVT-40, un SVT-40 russe modifié pour tirer en continu plutôt qu'en semi-automatique. Le problème étant que la base était celle d'un fusil semi-auto, on se retrouvait avec un truc imprécis au possible, capable de surchauffer atrocement vite et qui avait parfois tendance à vous fracasser l'épaule à cause du recul. Des rapports russes de l'époque mentionne qu'après le premier tir, on ne touchait plus la cible.
***
Et un petit bijou de nos copains d'outre-manche : le PIAT.
C'est un lance-mortier ou quelque chose du genre. L'idée était d'avoir des munitions de mortier d'un bon kilos et de les envoyer sur un tank ennemi à environ 100m... grâce à un ressort.
Et oui, ce bidule a un mécanisme a ressort uniquement. Les avantages étaient que c'était relativement discret, pas de fumée comme sur les autres armes anti-tanks et les munitions étaient franchement peu chères. SAUF que d'après la troisième loi de Newton, quand vous balancez un truc dans une direction, il y a une force opposée. Et dans le cas du PIAT, votre épaule prenait très cher.
Rajoutez à cela des munitions peu efficaces, un mécanisme facile à briser et d'autres problèmes du genre et vous obtenez une arme pas franchement terrible. (surtout que 100m de distance pour tirer sur un tank allemand, c'était moyen niveau sécurité)
Dernière édition par Thorek Sveresson le Ven 16 Aoû 2019 - 15:07, édité 1 fois
Dilon Deraborne
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Mer 7 Mar 2018 - 12:43
Désolé de répondre que maintenant !
J'étais pété de rire pour le tank téléguidé. On dirait moi quand j'étais petit dans le 4x4 électrique et que je voulais écraser mon petit frère avec.
Concernant les avions, je trouve le concept plutôt sympathique. Ça fait attaque surprise.. Manque juste un peu d'inertie à la chose si j'ose dire.
Pour le Fusil pas grand chose à rajouter, il me semblait pas au point ^^
Concernant le Knee mort là par contre y a du lourd . Ne serait-ce que par son aspect pompe à vélo. Puis le principe est juste génial si on excepte les petits soucis mécaniques. J'aime bien celui-ci, surtout avec le coup des os qui craquent et l'origine du nom.
Quant au dernier avec le ressort on pourra quasi en faire une arme technophile entre le côté rustique du ressort et le souci du recul. Un truc de gros blindés quoi.
***
Tout ça me fait penser à une arme que j'avais découverte sur un site :
Le mortier de poing. Comme son nom l’indique, le mortier de poing est une arme que vous pouvez tenir à une main et qui peut envoyer des explosifs à moyenne portée. L’utilisateur était censé amorcer une grenade avant de la tirer via l’arme grâce à de la poudre à canon. Utilisée principalement entre le 16e et le 18e siècle, l’arme n’était pas très populaire en raison de son manque de fiabilité et de sécurité. En effet, les grenades pouvaient parfois se bloquer à l’intérieur du canon ou encore exploser trop tôt à cause de la poudre à canon.
Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 26 Avr 2018 - 14:00
Sur un ton relativement plus sérieux cette fois-ci, je me suis dit que vous montrez des exemples d'armures et habits utilisés à diverses époques pourraient se montrer intéressant.
Après tout, c'est bien beau de s'imaginer un chevalier... Mais qu'en est-il du temps qu'il met à s'habiller ? Qu'utilisait-il en fonction de la période ? Les belles armures de plaques qu'on voit souvent dans divers films ou autres datent de la renaissance plus que du XIIIe siècle et on peut donc se demander comment les chevaliers se protégeaient avant d'utiliser des plaques d'acier en masse.
Les vidéos ci-dessous sont malheureusement uniquement en anglois (pardon pour ceux qui haïssent la langue de Shakespeare) mais quand on cherche des informations historiques, on tombe souvent sur des traités dans une langue plus "internationale". Je les mets ici surtout parce qu'elles me semblent tirés de bonhommes qui ont fait un minimum de recherche et que ça a l'air cohérent.
D'ailleurs, je reprécise au cas où : CE SONT DES EXEMPLES PAS DES VÉRITÉS ABSOLUES.
***
Commençons par les "vikings" avec un exemple d'habillage de guerrier dans les environs du Xe siècle. Ils admettent eux-même avoir fait des approximations (comme le camail qui semble un peu hors de propos pour des vikings). Mais avec les scandinaves, on fait forcément des compromis à cause du peu d'informations sur le sujet. Cela donne néanmoins une assez bonne idée de ce à quoi pouvait ressembler un guerrier plutôt noble ou du moins assez riche. Une cotte de mailles étant chère et complexe, bien peu de gens pouvait se permettre d'en avoir une à l'époque. J'émets mes propres doutes sur la cape avec intérieur fourrure, mais là c'est purement personnel. Pour ce qui est du casque, si mes souvenirs sont bons (donc à prendre avec des pincettes), le casque nasal est celui qui serait le plus cohérent pour un viking. Le casque à corne étant une hérésie sortie d'un cliché lui-même ressorti par l'influence romantique du 19e, il sera oublié dans l'instant. Pour ce qui est du casque dit à lunettes, il est plausible aussi... Mais on en a trouvé qu'un seul pour la période viking si je ne m'abuse. Les autres équivalent étant des casques romains tardifs modifiés.
***
On continue avec l'équipement de chevaliers du XIIIe et XIVe siècle. On remarque déjà une évolution assez nette dans les équipements et cela me semblait important de la montrer. En fonction de l'époque et de la région dans laquelle on se place, les équipements changent drastiquement. La première vidéo détaille plutôt bien divers parties de l'équipement et comment elles sont formées, ce qui peut intéresser certains
***
Et enfin, un petit bonus que je trouvais assez, eh bien, éducatif et qui pourrait briser quelques clichés sur la mobilité d'une bonne grosse armure de plaques.
Une bande d'allumés ont décidé de comparer la mobilité d'un pompier, d'un militaire et d'un chevalier à pied sur un terrain d'obstacles. Deux courses ont été faites, une avec un équipement léger et une autre avec l'équipement complet.
Je vous laisser juge de la qualité de ladite expérience, mais cela montre bien qu'un chevalier était autrement plus mobile qu'une boîte de conserve sur pattes.
Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 25 Oct 2018 - 22:56
Salutations noble assemblée !
Continuons l'épopée des anecdotes et autres explications alambiquées par un sujet qui pourrait en intéresser certains parmi nous :
Détails sur le forgeage
Lorsqu’on parle d’armes blanches, on pense d’abord à l’épée ou au couteau. Puis arrivent les variations diverses et improbables que toute une flopée de forgerons tordus a pu inventer. Mais, si leurs utilisations possibles et donc leur efficacité à transformer le bonhomme en face en pâté viennent rapidement à l’esprit, on a tendance à oublier les détails de leur fabrication. Or, ils comptent pour beaucoup.
Certes, au premier abord, on pourrait se dire qu’un morceau de métal qui coupe (ou pire qui se contente d’écraser), ce n’est pas bien compliqué à faire. On prend du fer, on fout ça dans un four, on fond le bidule, on tape dessus, on aiguise et pif paf pouf, par la magie du RPG on obtient « Excalibur, le katana aux propriétés tranchantes dignes d’un sabre laser ». Eh ben, dans les faits, nan. Là, vous auriez au mieux « Excaliburne, le couteau difforme qui beurre mal une biscotte ». Je caricature, mais vous avez l’idée.
NB : Je reviendrais plus tard sur l’efficacité réelle des armes blanches, mais aujourd’hui concentrons-nous sur le sujet actuel : la forge et la fabrication d’armes blanches.
Rien ne se perd, rien ne se créé à dit un jour un scientifique – j’ai dû faire tiquer un paquet de thermodynamiciens – et ça s’applique aussi aux armes blanches.
D’après ce principe physique, que la magie a tendance à foutre en l’air, vous comprendrez que votre sympathique compagnon « Sproutchy Mc Breum » la masse kifésproutchékitu n’est pas vraiment apparue mystérieusement par une nuit de pleine lune à partir de l’air ambiant, parce que voilà. Il a fallu qu’elle soit forgée par un forgeron et que vous l’achetiez chez lui ou un marchand d’arme. Voire que vous la forgiez vous-même. Jusqu’ici, tout va bien. Là où ça se complique, c’est que le grand public semble complètement inconscient des efforts et SURTOUT du temps demandé par la création d’un tel machin. Parce que non, une épée, ça ne se fait pas en deux heures chrono. Enfin si, on peut, mais même de nos jours le résultat serait franchement dégueulasse et serait plus proche de la batte de baseball du Tiers-monde. Alors je vous laisse imaginer au Moyen-Âge.
Je vais donc tenter de vous donner une vague idée du monde de la forge et donc de « comment qu’ça marche » dans les grandes lignes. En revanche, il est impensable pour moi d’oser prétendre être un expert en la matière (je ne suis qu’ingénieur matériaux, pas maître forgeron) et vous dire « voici la seule et vraie méthode universelle pour forger » serait une hérésie totale et reviendrait à foutre le feu à tous les traités historiques sur le sujet. De nos jours, rien que pour l’acier, il existe plusieurs milliers de variantes différentes aux applications tout aussi variées et il devait exister autant de manière de fabriquer une arme métallique (donc bronze, fer, acier, cuivre, etc..) au travers des âges.
Donc, ici, ça va vulgariser sec.
Pour commencer, partons du principe que nous sommes dans une époque ‘généralement’ médiévale telle que celle de Dùralas. De plus, nous allons copieusement ignorer les cas exceptionnels de Deus ex Machina si cher aux auteurs de fantasy – dont je fais aussi honteusement partis lors de moments d’errance… Ainsi, on reste dans un domaine que vous, membres du forum, connaissez et ça me permet de généraliser encore plus. Aussi, on zappe la magie dans un coin oublié parce que c’est trop facile sinon.
La majorité des armes blanches, avant d’être forgée, sont généralement composées d’un métal et, possiblement, de bois ou d’autres trucs fantaisistes pour accompagner. Donc d’une, il faut chercher vos matières premières en quantité suffisantes. Ceci implique de miner du fer/cuivre/charbon/autre, de couper du bois, d’avoir les installations pour les conserver à l’abri des éléments, d’avoir les équipements et connaissances pour pratiquer le forgeage et préparation d’ingrédients, d’avoir le temps pour le faire, etc… Maintenant relisez cette liste de tâches en vous mettant à la place d’un habitant d’un village médiéval, aux ressources limitées par son environnement proche et le commerce avec les autres localités. Surtout qu’à partir du XIIe siècle environ, les forges plus massives sont quasiment obligées d’avoir une source d’eau à côté de l’atelier pour utiliser l’énergie hydraulique à présent vitale pour suivre la cadence et donner assez de puissance pour travailler les pièces (mais là c’est presque plus proche de l’acier à but « industriel » que pour l’armement).
Exemple de forge hydraulique, je n'ai cependant pas l'année de création :
Pour résumer : ce n’est pas donné à tout le monde. Certes, cela ne demande pas d’être le seigneur local pour avoir une forge, mais l’investissement est conséquent. Ce détail de précisé, passons à la première étape :
1) La préparation du minerai
Ce dernier va souvent se présenter sous la forme d’un caillou tout à fait banal, mais qui brille parfois un peu plus que la moyenne. Si vous avez de la chance, vous pouvez avoir quelques amas difformes de métal, mais ce n’est pas forcément proche du gros bloc bien brillant et poli qu’on aperçoit parfois au détour d’une représentation générique. Ce qui fait qu’il faut les nettoyer puis faire chauffer tout cela une première fois afin de se débarrasser de toute la crasse et autres machins inutiles accumulés autour en les brûlant/fondant. Certains forgerons devaient sauter cette étape coûteuse et chronophage en achetant directement le métal préparé, mais cela devait dépendre de leurs moyens et de leur accès auxdits marchands.
Petite précision grossière et rapide:
L’acier et le fer sont sensiblement proche puisque l’acier est un composé de fer et de carbone. Le fer est généralement plus ductile (mou) que l’acier. Ce dernier est d’ailleurs capable de subir divers traitements thermiques améliorant ses propriétés mécaniques. Mais l’acier est plus sensible à la corrosion.
La fonte, est un acier à très haut taux de carbone ( > 2% ). Elle fond à une température plus basse (environ 1300°C) et a des caractéristiques mécaniques moindres que l’acier et est souvent utilisé pour des objets métalliques massifs dont on se moque un peu des propriétés mécaniques et donc pas d’armes.
Le bronze, lui, est un alliage de cuivre (soit cuivre-arsenic, soit cuivre-étain plus récemment). C’est un métal plus ductile et plus résistant à la corrosion que le fer ou l’acier, ce qui le rend plus durable en un sens car il se plie plus qu’il ne se brise (On a des récits de légionnaires au début de l’empire Romain qui redressaient leurs épées sur leurs genoux en pleine bataille). Mais il est aussi moins efficace en tant qu’arme à cause de cette ductilité.
Dans le cas de l’acier/fer, il vous faudrait un bas-fourneau ou haut-fourneau :
Le bas-fourneau était la méthode la plus simple et elle a perduré pendant de très nombreuses années (jusqu’au XIXe siècle) et permettait d’obtenir du fer directement à partir de minerai. L’idée était de foutre le tout dans un four, laisser chauffer avec du charbon, attendre que les impuretés soient cramées (4 à 20 heures, tout le village se relayait parfois aux soufflets) et casser le four à la fin pour récupérer une « loupe » de fer qui sera retravaillée plus tard. Il y eu aussi des versions plus durables avec des moyens de récupérer la loupe sans casser le four. Le haut-fourneau, lui, fut une invention plus tardive en Europe (les chinois en utilisaient peut-être depuis le Ve siècle). On mettait le minerai dans un four généralement plus massif et performant car utilisant des soufflets hydrauliques et un volume plus important afin d’arriver à fondre le fer. Car oui, le bas-fourneau, lui, arrivait rarement à faire fondre le fer (700 à 1200°C au lieu des 1538°C à atteindre pour enclencher la fusion) ! Le haut-fourneau (qui n’était qu’un bas-fourneau amélioré en quelque sorte à l’époque) coûtait sensiblement plus cher mais permettait d’atteindre les 1600°C. Ce qui donnait de la fonte en fusion en sortie. Cette-dite fonte était alors réchauffée vers 900°C pour donner de l’acier en brûlant l’excès de carbone (procédé indirect).
A noter que certains forgerons ajoutaient des produits avec leur fer ou autre métal comme du sable ou de la poudre d'os qui vont absorber les impuretés lors de la fonte. Ceci était plutôt utilisé dans le cas de four à creuset où le minerai était dans un petit pot en céramique scellé (voire vidéo Ulfberth plus bas pour exemple)
Je pourrais continuer et détailler plus avant toute la chimie du pourquoi du comment, mais j’ai peur d’achever une bonne partie du public…
Pour résumer, la majorité des forgerons du moyen-âge européen devaient avoir à leur disposition du fer et non de l’acier. Certains heureux avaient probablement accès à de l’acier dit naturel (voir la technique avec la fonte mentionnée au-dessus) ou de l’acier de cémentation. Dans ce dernier cas, on prenait du fer que l’on faisait réagir avec du monoxyde de carbone par divers procédés à haute température (900°C) pour créer de l’acier en surface de l’objet. Ce dernier procédé est moins efficace que l’acier naturel car uniquement en surface et le cœur de l’arme resterait en fer, ce qui induit divers problèmes de tenues mécaniques. L’acier de cémentation était surtout utilisé en Inde d’après ce que j’ai pu voir, avant une vague introduction en Europe au XVIIe siècle. Mais je connais assez mal ses procédés.
NB : Je fais un détour rapide pour parler d’un truc que j’ai aperçu par endroits : le moulage. Alors, j’en conviens, à moins de s’y connaître un peu on ne peut pas le savoir à l’avance… Mais par pitié évitez ça. A moins que vous ne souhaitiez avoir une arme moisie. Je m’explique. D’une, coulez du métal en fusion dans un moule est certes rapide mis aussi chiant, cher (il faut un moule à chaque fois) et pas franchement précis. C’est bien pour des gros trucs massifs (genre cloche), mais pour une épée ? Entre la pièce à ébavurer (bonjour le stock de limes), les possibles bulles d’air qui flinguent tout et le fait que microstructuralement c’est le bordel complet (pensez à de la compote solidifiée) ben ça ne sert pas à grand-chose. Donc vous aurez une pièce rapidement, mais d’une qualité au mieux médiocre.
2) La forge proprement dite :
Si on a tendance à généraliser le terme de forgeage en disant qu’il s’agit de toute manipulation faite par un forgeron, eh bien, ici encore, il y a marteau sous enclume. (Ho ho ho). En effet, un « forgeage » à proprement parler est en fait uniquement l’acte de tabasser une pièce de métal dans le but d’améliorer ses propriétés mécaniques tout en la mettant en forme.
Comment que quoi donc, allez-vous me dire ? Eh bien, pour faire simple, vous chauffez votre morceau de métal pour le rendre plus malléable. Une fois cela fait, vous le ramenez sur une enclume (en fonte généralement parce qu’il faut un truc solide en dessous) et vous tapez dessus allégrement. Mais pas n’importe comment.
Les coups doivent être précis et soignés, d’une part parce vous pouvez vous épuiser facilement en faisant n’importe quoi et que si vous voulez une belle forme pour votre arme, ben, il n’y a pas de miracle faut faire ça proprement. Surtout qu’en allongeant votre loupe de fer ou bloc difforme de quelconque métal, vous allez diriger le sens du matériau dans une direction privilégiée, ce qui le rend plus solide.
De plus, en frappant le métal vous dégagerez des étincelles, ces dernières sont les impuretés qui auront migré en surface avec la chaleur. Plus il y a d’étincelles, plus vous dégagez d’impuretés, plus votre métal de base était d’une qualité médiocre. Eh oui, car normalement ces saloperies, ben elles ne devraient plus être là en fait après la cuisson du minerai. Mais comme à l’époque, on faisait avec ce qu’on avait, ben on se retrouvait à dégager le gros des inclusions au marteau.
Après interviennent diverses techniques où les forgerons replient le métal sur lui-même plusieurs fois comme de la pâte en cuisine pour s’assurer une certaine homogénéité et autres subtilités de mises en forme. (Je reviendrais sur l’acier damassé dans un autre post rapide). Un exemple simple, la gouttière au centre des épées était là pour gagner de la masse sur votre arme. En amincissant le centre, le reste de la matière était poussée sur le bord et l’arme était plus grande pour la même quantité de métal. Rien à voir avec l’idée débile que ça permettait d’écouler le sang de ses ennemis où je ne sais quoi. N’oubliez jamais une chose : les armes sont chères, surtout les épées, donc si on peut économiser un peu…
3) La suite :
Vous croyez que c’était fini ? HA, bah non.
En fait, il arrive la partie marrante : le traitement thermique. On ne dirait pas, mais c’est littéralement le plus important. Vous ne le faites pas, votre épée aura les propriétés d’un truc de l’antiquité et encore même à l’époque on en faisait parfois. Donc c’est cassant, ça ne coupe pas super bien et ça marque vite. Vous le ratez, votre arme est à refaire complètement. Eh oui, pour annuler un changement aussi lourd sur la structure d’un métal, faut le fondre. Et si vous le faites mal, votre arme aura des défauts probablement dangereux car, par exemple, une masse rendue plus dure que de raison va probablement casser comme du verre au premier choc.
Amusant, hein ? D’où le fait qu’il faut savoir ce que l’on fait.
La technique la plus répandue est la trempe. Vous chauffez très fort le métal puis vous le plongez dans un liquide pour le refroidir brusquement. Ceci le rend plus dur et donc généralement plus efficace. A l’époque c’était probablement au pif qu’ils ont trouvé (comme beaucoup de choses en forge en fait). Or, de nos jours, on comprend mieux le phénomène, mais il n’est pas forcément applicable à tous les métaux :
Spoiler si vous ne voulez pas trop vous ennuyer avec les détails ::
Dans le cas du fer et/ou acier, l’idée est de changer la microstructure de votre métal. A température ambiante, les atomes de fer s’organisent selon une structure cristalline particulière (Cubique centré). Or, celle-ci n’est pas la plus solide !
En effet, si on chauffe l’acier et qu’on le fait refroidir à grande vitesse, on coince des précipités de carbone (qui se déplaçaient à cause des changements de phases induit par la température) entre les atomes, ce qui induit un durcissement structural.
On notera que la trempe peut se faire à l’eau, l’urine (oui, oui, il y en a qui ont essayé), l’huile... Cette dernière donne de meilleurs résultats, car elle forme moins de bulles de gaz chaud à l’ébullition. Ces dernières allant courir le long de la lame, elles empêchent par endroit le liquide d’atteindre le métal chaud et donc ça refroidit moins localement. Attention cependant avec l’huile, car quand on sort son arme on peut se retrouver avec de l’huile enflammée tout du long. Les forgerons professionnels arrivent à la souffler aussi sec et ça vaut mieux car le traitement thermique pourrait être altéré par accès de chaleur soudain.
En général, à l’époque, on essayait d’atteindre des couleurs particulières d’acier chauffé au rouge cerise ou autre pour avoir les meilleurs résultats, etc… Cela dépendait des forgerons. D’ailleurs, si vous entendez un ping sonore lors de la trempe, votre arme a fait un choc thermique et s’est brisée localement. Elle est foutue, vous pouvez la refondre. D’où le fait que ça doit être maîtrisé. On souhaitait aussi avoir des trempes jusqu’au cœur de l’acier plutôt qu’en surface – une différence de propriétés n’étant pas très bonne pour l’arme.
Il existe ensuite plein d’autres traitements thermiques, comme le recuit (on chauffe le métal à une température basse de 200-300°C et donc feu doux pendant quelques heures) qui adoucissait le métal. L’avantage du procédé était de défaire en partie le durcissement de la trempe qui surcontraint votre arme, ce qui peut la rendre cassante. Ainsi on garde une arme solide, mais aussi capable de supporter des chocs. Bien entendu, il y a foutreplein de variantes. Certains forgerons médiévaux faisaient deux trempes voire plus, laissaient l’épée dans le feu pendant trois couplets d’une chanson locale pour avoir le temps, etc… Cela ne montre pas de l'incompétence, plutôt de la curiosité et des tests à répétition. Mais quand ils trouvaient par hasard un truc qui marche, eh bien ils gardaient.
Votre traitement thermique terminé, vous pouvez assembler l’arme – parce que oui, jusqu’ici vous n’aviez que la partie métallique – et la sertir de diverses gravures, gemmes, etc… Et l’aiguiser. Et ajouter un traitement chimique de votre cru pour donner des airs irisés à la lame, et tutti quanti.
En somme, c’est très varié et il y a beaucoup de choses que je n’ai pas abordé, mais j’espère vous avoir donné une meilleure idée du schmilblick qu’il y a derrière la forge d’une arme.
ATTENTION CEPENDANT : Nous sommes ici sur un forum Rp. Si vous souhaitez forger votre lame d’une manière loufoque, ben faites-le. L’idée est de s’amuser avant tout. Je n’ai écrit tout cela que dans le but de vous donner quelques idées de comment on le faisait réellement, pas de vous reprocher votre méthode d’écriture. C’est à vous de piocher dans ce post selon votre bon vouloir et de mixer le fantastique et le réel à votre dosage.
Aussi, je me répète peut-être, mais si vous trouvez des erreurs ou avez des questions, je suis plus qu'ouvert à la critique !!
Sur ce, je vous laisse ! Un prochain post sur les aciers damassés arrivera prochainement pour suivre ce thème.
Sources :
Wikipédia (duh)
Une vidéo sur la possible méthode de création des Ulfberth. J'ai réussi à la trouver avec un doublage français, mais elle date un peu et généralise un petit brin sur les vikings. Certaines infos ont changé entre temps (par exemple, une théorie récente serait que le fer viendrait plutôt d'allemagne) mais ça reste très très bien fait et je la conseille ardemment. On y suit un forgeage quasi-complet d'ailleurs. https://www.youtube.com/watch?v=kS1EaNg9yiY
Un document d'un armurier sur divers traitements chimiques de surfaces que l'on peut appliquer sur des armures ou des armes. C'est principalement pour des armes à feu, certes, mais les anciennes techniques à l'intérieur montrent assez bien le côté improvisation-recette-de-grand-mère de certaines pratiques. (aussi pardon, il est ultra lourd mais mon scan est trop puissant faut croire ) https://drive.google.com/file/d/1ctH9Q8d1eaeCCaB3ftqPYucpbBTfcqiz/view?usp=sharing
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Ven 26 Oct 2018 - 1:46
Pas mal du tout Thorek! Je dirais même parfait. Il y a tout: de la vulgarisation intéressante ET simple à comprendre, des détails, les sources, une certaine passion retranscrie dans l'écriture, gg à toi vraiment. En plus ça aide à améliorer le cohérence du rp des forgerons d'arme qui lirons ça, même si comme tu le dis le forum étant medieval-FANTASY il n'y a pas de mal à ajouter un peu de fantasy aux rps de forge x)
Perso je connaissais beaucoup de choses parmi ce que tu as dit mais j'ai quand même appris certaines choses ou plutôt approfondis certaines connaissances où j'étais un peu lacunaire, donc je suis content Et concernant la Ulfberth je connaissais pas cette vidéo mais celle de la Forge d'Aslak, que je vous conseille d'ailleurs, mais Thorek pourra sûrement apporté son expertise sur la légitimité d'Aslak (qui par soucis de vulgariser à déjà déformer un peu "la vérité" pour simplifier, mais ça reste un bon vulgarisateur de forge à mes yeux malgré tout).
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Sam 27 Oct 2018 - 13:09
Je plussoie complètement mon VDD. C'est très intéressant, clair et détaillé.
Je suis loin de connaître les rouages du forgeage. Mais j'ai eu la chance de tester en direct cet art. Pour la faire brève un ami de ma mère s'est confectionné un atelier dans son garage avec tout le matériel nécessaire pour du forgeage. Il fait principalement des couteaux et des dagues et m'a fait testé la fabrication d'un couteau. Eh bah franchement.. C'est pas de la tarte. Pourtant le modèle était minime, mais il fallait taper et retaper de chaque côté de la barre de fer (je ne sais plus le matériau exact), le faire rougir au four, etc. Puis bien évidemment la trempe une fois l'objet un peu travaillé.
Au final en une après midi on avait fait un couteau vraiment brut, genre pas du tout travaillé au niveau de la lame.
Au niveau des délais de fabrication ça peut même prendre plusieurs semaines !
Après je cache pas que je fais plus rapide dans mes Rps. Même si je considère toujours qu'il faut au moins plusieurs jours pour fabriquer une arme. Même si bon, faut forcément mettre un peu de piment quand on melange dans la même arme un sabot diamanté et une mâchoire de Teeban
Sujet: Re: Anecdotes historiques Mer 26 Déc 2018 - 12:04
. Salutations en ces jours de fêtes !
Le sujet du jour arrive quelque peu en retard par rapport à ce que j'avais initialement prévu, mais mieux vaut tard que jamais à ce qu'il paraît Sans plus attendre voici donc :
Les aciers dits « Damassé »
De temps à autre, si vous vous baladez dans les boutiques en lignes d’armes blanches, vous pouvez trouver des armes dites damassés avec cette alternance caractéristique de couleurs noires et grises sur la lame. En guise d’exemple, je vous enjoins à remonter un peu plus haut, à la fin de mon dernier post qui vous en montre une parmi tant d’autres. De nos jours, ce procédé est principalement esthétique et s’applique surtout aux couteaux et épées, même si rien n’interdit de l’utiliser dans d’autres produits. Cependant, il y a un certain bagage historique qui précède !
La première anecdote est assez simple : damassé ne veut pas forcément dire grand-chose. Tout d’abord parce que le nom de ladite technique de forge est en fait inspiré des aciers dits de « Damas », ou plutôt Wootz iranien soi-disant à cause de la provenance du minerai. Le wootz, qui présente des motifs similaires, est donc la version originale mais cette technique a été perdue vers le XVIIe. Lesdites lames possédaient une certaine réputation par leur qualité mais aussi par leur apparence qui détonait pour l’époque. La version actuelle est en fait une tentative de reproduction européenne de ce visuel unique.
Pour obtenir cet effet, il faut prendre plusieurs fers/aciers différents, les assembler en une sorte de mille-feuille, chauffer le tout et les forger ensemble. Puis, on replie un certain nombre de fois la plaque d’acier semi-homogène en fonction du visuel souhaité. Plus on plie la future lame, plus le motif se fait fin et il existe une infinité de variantes. On peut ajouter du nickel ou du chrome pour avoir des zones plus démarquées, utiliser différents acides pour dévoiler plus ou moins le motif, etc… En somme c’est très joli, mais les propriétés mécaniques de la lame finale et ses performances en combat dépendent grandement des aciers/autres trucs utilisés dans sa conception. Le nombre de plis en revanche, ne change pas grand-chose de nos jours. D’ailleurs, le procédé a aussi été utilisé pour des armes à feu. On assemblait plusieurs barres d’aciers différents que l’on torsadait puis forgeait et enfin perçait pour faire un canon stylisé. L’acier des armes à feu étant souvent de qualité médiocre (il faut juste tenir l’explosion et puis basta) on pouvait se le permettre.
Et c’est là qu’arrive le point important : au moyen-âge ou à d’autres périodes, l’acier était de qualité très variable puisque que le minerai et les techniques l’étaient aussi ! A l’époque, faire une épée coûtait atrocement cher et prenait un temps monstrueux… Alors faire de jolis vaguelettes tout le long qui risquaient d’en réduire les performances ? Autant dire qu’à part une commande royale ou d’un très riche seigneur, et encore, c’était difficilement imaginable.
Dans les faits, c’est une technique que l’on pourrait qualifier de Système D. Les forgerons n’avaient pas forcément beaucoup de choix dans leurs approvisionnements et le minerai de qualité était plus que rare. Alors autant obtenir le maximum en utilisant le moins possible ! Ainsi, ils prenaient du bon et du mauvais acier/fer, les mélangeaient en les repliant un grand nombre de fois afin d’homogénéiser le tout et obtenir une lame convenable. Plus littéralement, vous avez un bol de soupe que vous diluez avec de l’eau pour avoir plus à boire. Et ici, plus vous repliez l’acier, meilleur c’est ! Puisque vous enlevez plus d’impuretés dans le procédé ET le matériau est plus homogène. Néanmoins, votre lame ne sera jamais d’une qualité supérieure au meilleur acier que vous utiliser dans sa conception.
Point important, seul les indiens et leur Wootz s’amusaient à mélanger des aciers particuliers pour obtenir l’effet dit damassé qui demande un certain travail de préparation. Les autres forgerons utilisaient soit des aciers uniques ou trop proches pour y voir une différence sur le produit final.
Il y a un autre exemple célèbre : le katana. Eh oui, la composition si particulière du sabre japonais et sa conception complexe… ne sont que de la récupération glorifiée. Certes, de la très bonne récup qui donne un résultat plus qu’acceptable, mais rien de mystique ou légendaire derrière. D’ailleurs, ils n’étaient pas les seuls à avoir une lame dure soudée à un corps plus ductile, les vikings le faisaient aussi par exemple parmi beaucoup d’autres (voire plus bas). Cela permettait d’avoir une lame qui tranchait mieux sans pour autant avoir une arme fragile comme du verre qui cassait net au premier choc.
En somme, la forge, en plus des expérimentations, c’est aussi beaucoup d’optimisation et de débrouillardise avec les moyens de bord.
***
J’ai tiré mes informations des deux vidéos ci-dessous (en anglois uniquement, d’où mes petits pavés descriptifs au-dessus pour les non-anglophones). Le sujet y est très bien décrit avec bien plus de détails que mon texte précédent. Attention cependant, le vocabulaire est peut-être un peu complexe par moment pour les non-initiés. Cependant, même si ne parlez pas anglais, eh bien jetez-y quand même un œil. Vous pourrez y voir BEAUCOUP de vidéos de forgeage et c’est toujours plaisant en plus de faire réaliser le travail qu’il y a derrière.
***
En guise de bonus, voici deux vidéos qui montrent comment créer une « dane axe » ou probablement la hache viking la plus représentée de nos jours. Le bonhomme semble savoir ce qu’il fait et il respecte la méthode historique qui consiste à plier le métal pour le refermer et ensuite ajouter la partie plus dure de la lame par après. Ce qui, en soit, est là aussi une méthode d’optimisation des ressources disponibles à l’époque. Néanmoins le fait qu’il ponce la lame reste une drôle d’idée selon moi puisque cela a tendance à bousiller l’état de surface. A prendre avec des pincettes donc, mais cela donne une bonne idée de la technique.
Vidéos dans le spoiler:
La prochaine fois, on parlera des Russes et de la conquête de la Sibérie... Parce que jusqu'ici les sujets étaient beaucoup trop sérieux Mais promis, mon petit résumé de l'utilisation des armes blanches est toujours dans les cartons.
Dernière édition par Thorek Sveresson le Mer 26 Déc 2018 - 15:26, édité 1 fois
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Mer 26 Déc 2018 - 13:11
Excellent Thorek, comme toujours. Du coup tes anecdotes historiques semblent se diriger plus vers le domaine de la forge, est-ce que c'est voulu ou c'est juste que tu veux clôturer le sujet que tu as commencé?
Sinon je savais une partie de ce que tu as raconté, mais j'ai appris des trucs (que tu as eu l'amabilité de sourcer pour vérifier tes dires en plus) et ça ca n'a pas de prix
Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 17 Jan 2019 - 22:23
Chose promise, chose due, voici la suite avec du gros, du lourd, du n'importe quoi en pur concentré : La conquête de la Sibérie par les Russes (en plusieurs épisodes, il y a de quoi dire)
En lisant le livre de Eric Hoesli sur "L'épopée Sibérienne", je me suis rendu compte que les Russes, bah c'était bien n'importe quoi. C'est alors que je me suis aussi dit qu'en fait, pour de futurs Rps et créations de personnage, ça peut donner des idées.
Donc cet article s'adresse aux curieux de l'histoire du pays du grand Est mais aussi à ceux qui veulent s'imprégner de l'état d'esprit un peu particulier de ses habitants.
Je vais vulgariser sévèrement et je vous enjoins donc très fort à aller lire le livre cité plus haut. C'est un gros pavé, mais vous en apprenez de sacrément bonnes. J'essaierais de faire de petits épisodes avec les anecdotes les plus croustillantes.
Bonne lecture
La Sibérie :
Nous sommes au XVIe siècle, vers 1550. La Russie est un pays que l’on pourrait qualifier de bordélique.
Son dirigeant, Ivan IV ou nommé aussi Ivan le Terrible (à la suite d’une mauvaise traduction du terme Grozny qui signifie redoutable) dirige le pays d’une main de fer qui frappe dans tous les sens. Il a beau être le premier Tsar, un nom dérivé de César, le Terrible n’est pas exactement un symbole de sympathie. Réputé pour ses crises de rages, qui empirent après la mort de sa femme en 1560, et son impression d’être un simili-messie, le bonhomme se retrouve dans des guerres sans fins contre les polonais, suédois et autres tatars de l’Oural qui ravagent son royaume à répétition. Guerre qu'il ne gagnait jamais vraiment en Europe d'ailleurs.
Portrait d'Ivan le Terrible:
Pour vous donner une meilleure idée de la situation locale, utilisons des exemples:
Le copaing Ivan avait en quelque sorte établi deux « royaumes » en Russie. Le premier, l'opritchina, était autour de Moscou, dirigé par lui et contrôlé lourdement par ses institutions. Le deuxième, le zemchtchina, était, ben, heu, le reste. Le hic étant que les Oprichniki, sorte de police locale du Terrible avaient le droit de faire ce qu’ils voulaient dans cette deuxième région. On a même des cas où un Oprichniki a demandé à des habitants de la zemchtchina de régler des dettes imaginaires alors qu’ils ne les avaient jamais rencontrés de sa vie, tout simplement parce que la loi l’y autorisait. Et les habitants avaient intérêt à payer ou ils étaient battus au knout chaque jour jusqu'à acquittement de la dette.
Dans une autre occasion, le tsar Ivan arrive devant un grand monastère. En voyant le père supérieur sortir avec le pain et le sel, Ivan décide de le décapiter. Puis, réalisant sa bourde cosmique, récupère la tête ensanglantée du père supérieur et se balade avec dans l’église en implorant le pardon divin en répandant du sang partout.
En 1552, alors que le bourg de Solimansk est attaqué par les Tatars et qu’ils demandent l’aide du Tsar… Eh bien, ce dernier a une réaction tout à fait logique et leur envoie une idole de St Nicolas Thaumaturge. En la passant sur les murs, les habitants doivent ainsi galvaniser les défenseurs et faire fuir les assaillants. Oui, c’est tout, le reste de son armée est à l’Ouest à taper sur des européens alors qu’ils se démerdent.
En mai 1571, Moscou est en cendres après le passage d’une armée des Tatars de Crimée cette fois-ci. Il faut dire qu’une ville en bois ça brûle bien et en l’occurrence, il aura fallu six heures pour engloutir la cité. Ivan lui-même n'y échappe que de peu. D'après l'allemand Von Staden qui a assisté au désastre, il ne restait qu'à peine trois cent hommes en état de combattre... S’ensuit alors quelques années de famine meurtrière, peste et massacre des Oprichniki qui battent la campagne pour punir des gens au hasard (Novgorod, par exemple, voit sa population massacrée pour complot imaginaire).
Autant vous dire qu’à côté, Mad Max, c’est un campement de scouts dans les Vosges.
Cependant, au même moment, un autre gros joueur est à prendre en compte, la famille des Stroganov. Ce sont des marchands de sels très puissants (le sel étant extrêmement rare en Russie) qui ont tellement bien joué leur coup qu’ils possèdent des villes, forteresses, église et armée à leur nom. Et par bien jouer leur coup, j'entends qu'il sont allés envoyé une pétition à Ivan le Terrible pour lui demander des territoires énormes au nord-est mais encore inhabités et pleins de ressources (dont du sel en abondance). En sachant qu'à l'époque, demander une pétition se dit "battre [le sol] de son front" en russe, on comprendra que la demande frise le culot le plus indécent. Néanmoins, Ivan aime bien les Stroganov et accepte avec quelques conditions (cession de vingt ans et seulement pour l'industrie du sel avec obligation de rapporter toute découverte de minerais). Après tout, ils rapportent des fonds à l'état et ne l’ennuie pas chez lui puisqu’ils s'installent loin dans le nord de la Russie. Ils représentent en quelque sorte le début de la conquête Russe par ailleurs puisqu'ils étendent presque à eux seuls les frontière du pays.
Introduisons enfin un autre élément : l’économie Russe. Soyons francs, ça ne vole pas bien haut à cette époque, mais s’il y a un truc dans lequel les Russes sont doués, c’est la fourrure. Ils sont les champions en la matière. A un point où certaines espèces de petits animaux à fourrure sont presque éteints par leur faute (comme la zibeline). En Russie, à cette époque et bien après, tout est payé en fourrure. Et quand je dis tout, c’est TOUT. L’église est subventionnée en fourrure, on paye les gens en fourrure, le marché est celui de la fourrure. C’est littéralement vital pour ce pays qui contient énormément de trappeurs isolés un peu partout.
Pour donner une idée du pouvoir d’achat de la fourrure, en 1623, une vente de deux peaux de renard noirs rapportent cent dix roubles à un prospecteur. Pour ce prix, il peut obtenir cinquante-cinq acres de terrain, y construire une cabane, acheter cinq chevaux, vingt têtes de bétail, vingt moutons, plusieurs dizaines de têtes de volailles et il lui restera encore la moitié de sa fortune.
***
Maintenant que vous avez le contexte, remontons un peu en arrière pour arriver à l'élément déclencheur. Tout commence donc en 1552, quand Ivan le Terrible prend la forteresse de Kazan et d’Astrahkan aux Tatars, ce qui ouvre la voie de l’Oural et la Volga. Et donc de la Sibérie. Et donc des innombrables fourrures qui s’y trouvent. Si vous relisez le paragraphe juste au-dessus vous comprendrez pourquoi est-ce qu’une véritable ruée vers la fourrure qui dura des siècles eu alors lieu. Les Stroganov sont d'ailleurs en tête de pont de cette conquête et fédèrent les tribus locales à tours de bras en envoyant trappeurs sur trappeurs pour profiter des juteux investissements. Les Tatars, eux, sont humiliés et deviennent des vassaux des russes. Mais la conquête amena un autre détail assez amusant au passage : le Iassak. C’était un tribut que payaient les tribus locales aux tatars quand ils dominaient. Eh bien, les russes l’ont repris sans vergogne en tant que nouveaux dirigeants locaux. La raison ? Les autochtones sont encore meilleurs qu’eux pour ramener des fourrures. Donc on les taxe en peaux bien sûr !
Cela prend de telles proportions que les autochtones sont surprotégés autant qu'ils sont exploités. Un Voïvode (sorte de dirigeant militaire) n’a le droit de tuer un local que sur autorisation directe du Kremlin. Leur contrat ne dure qu’un à deux ans pour éviter la corruption et ils ont interdiction d’avoir des fourrures en dehors de celle du Iassak qui doivent partir à l’état. Quand un Voïvode part pour prendre ses fonctions, leur inventaire est extrêmement rigoureux, mais quand ils reviennent on frise l’interrogatoire de la gestapo. Le Kremlin demande même à ce qu’on fouille les lits, les bouteilles et le pain cuit pour voir si des fourrures ne passent pas illégalement.
.. Mais les plaintes de corruption arrivent quand même dans tous les sens. C’en était à un point où, lors de mariages avec les autochtones, les autorités russes ne baptisaient que les femmes. Pourquoi ? Eh bien, un baptisé orthodoxe devenait un citoyen russe. Or un citoyen russe ne payait pas le Iassak. Mais les femmes, elles, ne payaient pas le Iassak de toute manière. Donc ça allait.
On se retrouve donc avec un fisc russe qui invente plus de vingt-cinq types de taxes douanières (pour ne parler que d’elles) qui frappent tout trappeur qui a le malheur d’entrer dans une ville. Mais malgré cela, la ruée fait son effet et les fourrures affluent. La chose fut d’une telle violence et fut tellement prolifique qu’un jour, en 1595, quand Rodolphe II, empereur du St Empire Germanique demanda de l’aide aux Russes contre les Ottomans, il ne fut pas déçu. Les russes lui avaient envoyé huit fois l’équivalent du produit intérieur brut de la Russie (quatre cent milles roubles) en fourrure. Il y en avait tellement qu’il fallut vingt salles entières du château de Prague pour tout contenir, et encore, ils durent laisser les centaines de milliers de peaux d’écureuils dans des chariots dans la cour. Je vous laisse imaginer le reste dans les salles... En fait nan, je vais vous donner les chiffres : « quarante mille peaux de zibelines, vingt milles peaux de martres, trois cent trente-huit mille d’écureuils ainsi que trois milles parures de castor, mille de loups et cent vingt de renards noirs ».
Néanmoins, les Tatars sont toujours là. Vous vous souvenez de l'incendie de Moscou en 1571 ? Eh bien, quelques temps après ce désastre, le diplomate de Koutchoum (le khan tatar de l'Oural) arrive pour payer le Iassak. Autant dire que le spectacle d'une capitale réduite en cendres fut édifiant. Aussitôt, les tatars de Koutchoum autrefois soumis reprennent du poil de la bête et leurs vieilles habitudes de rapines. De plus, devant l'état pitoyable de la Russie à cette époque, les tribus opprimées par les Stroganov et leurs impôts se rebellent les unes après les autres. Pour couronner le tout, ce n'est que grâce à une armée de milles hommes rassemblée par lesdits Stroganov qu'un raid tatar est repoussé de justesse en 1572 devant ce qui reste de Moscou.
Ce revers n'arrête pourtant pas le moins du monde le khan Koutchoum qui continue ses raids et est bien installé dans sa capitale de Sibir en plein Oural. Ivan est donc dans la merde et s'imagine presque maudit... Néanmoins, même dans ce foutoir, le Terrible s'intéresse aux territoires de l'Est. Quand les russes arrivent à en tirer quelque chose, les bénéfices sont énormes. Son intérêt est tel que le tsar fait même preuve de "compassion" et demande aux Stroganov de ne pas pousser trop loin leurs représailles, histoire de convertir quelques tribus locales à leur cause.
C'est alors qu'Ivan a une idée. Ses armées sont occupées à l'Ouest et l'Est qui semble prometteur est la propriété des Stroganov mais est aussi rempli de tatars rebelles. Alors que les Stroganov s'en occupent.
Au printemps 1574, le tsar fait convoquer les deux frères Grigori et Iakov Stroganov, à la tête de la famille pour une entrevue personnelle. La faveur est surprenante mais les deux frères y vont faire part de leurs doléances et conseils sur la région à la demande d'Ivan. A la fin de la discussion, le tsar statue un édit stupéfiant : les Stroganov obtiennent ce qu'ils souhaitent, un accès et le droit de construire aux alentours des rivières Kama et Tchoussovaïa, et privatisent ainsi la région ce qui implique de la défendre... Sauf qu'ils obtiennent aussi des territoires gigantesques au-delà de l'Oural, des terres qui appartiennent au khan rebelle Koutchoum à l'heure des négociations mais qui sont riches en promesse. Les Stroganov se retrouvent donc, sans l'avoir demandé, à la tête d'un territoire plus grand que le Portugal ou la Bulgarie et avec la tâche de se débarrasser des tatars. En somme, ils ont le destin de la Sibérie entre les mains.
C’est alors qu’intervient Ermak Timofeïévitch, un cosaque et ses copaings. A l’époque les cosaques sont des marins de rivières (et pas encore des cavaliers) et font de la piraterie un peu partout, mais Ivan les recrute et les envoient chez les Stroganov qui doivent les équiper pour leur expédition future. L’idée est simple : envoyer ces mercenaires que personne ne regrettera (certains sont condamnés à mort par Ivan d’ailleurs) chez les Tatars pour les calmer en échange d’une supposée armistice/paiement/autre. Et comme les marchands Stroganov s’en occupent, eh bien Ivan peut reprendre ses guerres à l’Ouest. Les Stroganov voient donc arriver les cosaques, ils les équipent et les envoient sur les rivières avec d’autres troupes. Sauf que problème, à peine sont-ils partis que les Tatars attaquent et foutent le feu partout. Ivan demande qu’on rapatrie les cosaques mais ces derniers sont déjà partis trop loin.
En parlant de lui d’ailleurs, Ermak est bel et bien sur la bonne route. Il défonce quelques villages perdus à coups d’arquebuses et emporte du butin en continuant vers Sibir, la capitale de Koutchoum. Quand ce dernier l’apprend, il est sidéré. Ses troupes d’élites sont en Russie à tout brûler et voilà que des Russes l’attaquent à domicile ? Le khan rassemble en toute hâte une armée de ses arrières-gardes et se prépare. Ainsi, quand Ermak arrive à Sibir, une bataille éclate mais les cosaques écrasent les forces Tatars et prennent la ville. Or, il y a un hic : ils sont seuls et en territoire ennemi. Ermak demande de l’aide à Ivan mais ce dernier a mal pris le fait qu’ils soient partis sans les défendre contre les armées tatares au début de la campagne et les laissent mourir à petit feu dans Sibir. Ermak lui-même mourra noyé dans une rivière lors d’un raid.
Une peinture qui représente la prise de Sibir:
La peinture a été faite par Vassili Surikov en 1895 et est... disons, empreinte d'un certain patriotisme national. Mais cela permet de donner une idée du bordel.
Les Russes finiront par revenir, une fois qu’ils apprirent qu’en fait la région était blindé de richesses et arrivent dans Sibir sur les restes fantomatiques des cosaques encore en place. Mais la cité est prise et devient définitivement russe. Elle deviendra Tobolsk et enclenche la conquête de la Sibérie au-delà de l’Oural.
Et c’est dans ce contexte absurde que la conquête de la Sibérie commença. Des trappeurs russes et locaux filèrent de plus en plus à l’Est, installèrent des comptoirs et firent avancer les frontières avec eux dans ces régions perdues et inconnues.
La suite, au prochain épisode.
NB : j'ajoute en citation un retour sur un autre forum d'un amateur de la période et qui apporte des précisions
Citation :
Il faudra par contre trier le vrai du faux dans la légende noire d'un tel souverain...
Considérons que pour certains Chrétiens orientaux, Vlad l'Empaleur a pu aussi être vu comme le champion de l'Eglise face à l'Islam turc, après le traumatisme de la prise de Constantinople !
Cette folie, ou ce jeu autour de la folie du Prince, ou même ce "dit de folie" monté en épingle, a aussi servi efficacement des jeux politiques tendant à l'indépendance, à l'unification et à la montée en puissance d'un nouvel Etat russe :
- indépendance, garantie militairement, de la nouvelle Russie face à l'ennemi turc et tatar ; - montée en puissance de Moscou et du prince de Moscovie face à Novgorod, sa puissante rivale du Nord, qui est restée russe, balte, "chrétienne" et indépendante pendant tout le Moyen Âge ; - annihilation et mise au pas de la classe des grands seigneurs indépendants et faiseurs de roi, les Princes (kniaz'), comme de celle des seigneurs régionaux et locaux (boyards) ; - unification culturelle autour de l'Eglise orthodoxe russe, elle aussi mise au pas, qui donne les clefs de l'aura sacrée du Prince de Moscovie (et bientôt Tsar), et à la Russie nouvelle le nom et le destin impérial d'une troisième Rome ; - maintien et montée d'une famille amenée à devenir célèbre, les Romanov ; - et même si Ivan a connu pas mal de difficultés face aux puissances de l'Occident russe, les Turcs, les Suédois ou les Polono-Lituaniens ont dû apprendre à faire avec la Russie !
Son règne a en tout cas marqué l'Histoire, même s'il fait peu de doute que le Prince ait été vraiment frapadingue, ne serait-ce que par épisodes délirants.
Mais là encore, être catégorique est délicat : le système des opritchniks a "seulement" duré sept ans (le temps de la mise au pas de toute opposition ?), ces séides ayant été exterminés à leur tour lorsqu'ils ont tenté de se poser comme un pouvoir rival...
Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 24 Jan 2019 - 22:38
Et on continue l'aventure russe avec le deuxième post ! Désolé pour le côté "livre d'histoire en pavé" mais je n'ai pas trouvé mieux comme présentation d'une telle masse d'informations.
On vient de voir comment la Sibérie a été rendue accessible aux russes. Mais pour vraiment comprendre l’ampleur du phénomène qui va suivre, il semble nécessaire de remonter un peu en arrière pour considérer un théâtre plus grand que ladite Russie, alors que le commerce des fourrures prenait déjà son essor.
Plaçons-nous avant la prise de Khazan et Sibir. La Sibérie n’était pas encore ouverte que des fourrures affluaient déjà dans le pays et les richesses étaient innombrables pour celui qui savait se placer intelligemment.
Une question simple se pose alors : Comment cela aurait-il pu passer inaperçu ?
1558, la reine Elisabeth monta sur le trône d’Angleterre. Mais à peine couronnée, la reine se retrouva avec la « Russia Company » sur le dos qui lui demandait de nouer des relations diplomatiques avec lesdits russes. En effet, depuis bien peu de temps, une voie maritime a été (presque) ouverte avec les Stroganov et le commerce de fourrure qui en découlait était proprement faramineux. En évitant la baltique et les lourdes taxes danoises en passant par la mer arctique, les anglais avaient frappé fort. Mais le marché noir qui suivit frustra grandement les britanniques qui préfèreraient l’officialiser.
Il y avait auparavant eu quelques problèmes pour atteindre le port de ce qui deviendra Arkhangelsk. Et par problèmes, on entend la mort de nombreux marins et de la perte de plusieurs navires, pris dans les glaces et les conditions terribles du Nord. Il fallait dire que les cartes de l’époque ne valaient pas grand-chose, faute d’exploration, et de telles températures étaient rarement affrontées par les puissances européennes. Mais la connexion fut faite et le commerce démarra. Les anglais voulaient la Chine, ils eurent la Russie. On pressa donc la Reine de nouer des relations avec le Terrible, encore présent à cette époque. Surtout que le tsar appréciait cette connexion avec l’Europe et ses ressources.
Le tout commença par touches mais, très vite, Ivan demanda toujours plus (armes, experts, etc) et Elisabeth temporisa comme elle le put ce tsar entreprenant. Cette tactique du semi-évitement (les armées russes avaient quand même reçu autre chose que du thé et de la soie des anglais, au grand dam des adversaires Suédois du Terrible) frustra Ivan cependant. Il aurait plutôt souhaité que les anglais le rejoignent contre ses ennemis dans la Baltique.
Entre des alliances défensives sans valeur et divers refus à demi-mot, le Tsar décida soudainement d’accélérer les choses et, dans sa paranoïa, annula les droits de la Russia Company. En prime, il se moqua d’Elisabeth en indiquant qu’elle ne régnait pas sur son pays et était à la solde des commerçants. Les marchands anglais furent scandalisés mais le Terrible, qui demandait une preuve de l’attachement des anglais à son pays, surprit alors tout le monde et demanda l’asile aux mêmes anglais au cas où et il ira même demander la main de lady Hastings, une parente de la reine ! Elisabeth temporisa encore, parce que bon, c’est un peu gros là, surtout au niveau diplomatique avec les autres factions en présence. Or, quand le diplomate russe venu pour examiner la dame Hastings (que les anglais font passer pour défigurée par la variole) en eut terminé avec son auscultation, il cria « C’en est assez ! » et partit. Les anglais furent forcément inquiets du résultat possible de cette entrevue. Mais Ivan mourra peu de temps après, mettant un terme à l’imbroglio diplomatique. Elisabeth en fut probablement fort soulagée.
Les anglais continuèrent leurs commerces avec les russes, profitant des quelques exemptions de taxes et de leur accès privilégié par le nord de la Scandinavie. Peu de temps après, ces étrangers furent suivis par d’autres marchands comme les néerlandais. Ainsi, Arkhangelsk s’européanisa (on a des quartiers néerlandais qui apparurent par exemple) et les marchands voulurent aller toujours plus loin, acheter plus, remonter des fleuves pour chercher les fourrures eux-mêmes… Ce qui finit par inquiéter les russes. Au lieu de recevoir des ressources vitales par le commerce, ils allaient se retrouver dominés comme les nombreuses colonies européennes ! Les russes préférèrent alors sécuriser leurs frontières à l’Ouest et au Nord. Dans la foulée de ce changement de politique, les accès de certaines rivières du nord de la Russie furent interdits aux étrangers. Ce fut d’ailleurs le dernier pied de nez du Tsar Ivan avant sa mort, et ce avec le soutien des Stroganov qui voulaient garder leurs intérêts locaux intacts.
Sauf qu’une fois le Terrible parti, ce fut au tour du règne de Boris Godounov… Et là commença un bordel sans nom de complots et de révoltes qui parcoururent le paysage russe. Entre les décisions aléatoires de Godounov, les assassinats d’héritier, les faux héritier soi-disant revenus d’entre les morts (Dimitri Ivanovitch, fils d’Ivan le Terrible, revint miraculeusement à la vie trois fois de suite), famines, ingérence polonaise et les attaques de cosaques, autant dire qu’on ne s’y retrouvait plus.
Tenez, un exemple assez parlant qui reprend les protagonistes mentionnés plus haut : En 1591, Boris Godounov fait (très probablement) assassiner le véritable Dimitri Ivanovitch pour s’assurer le trône de Tsar. Le bonhomme mourra dans la petit ville d’Ouglitch en Russie centrale. Mais il y a un problème. En effet, des sympathisants du jeune prince avaient fait sonner la cloche de la ville pour prévenir les habitants du drame. Pour Godounov, cela était inacceptable. Le nouveau tsar fait donc arrêter tous les sympathisants et les condamna soit à être exécuté, soit à avoir la langue coupée pour être ensuite envoyé croupir en Sibérie. Et par « tous » les sympathisants, on entend tous, la cloche fautive comprise. Ladite cloche se fit donc arracher du campanile et on lui retira son battant devant les habitants pour enfin l’envoyer dans l’Est jusqu’à Tobolsk. Elle devait y être oubliée et avec interdiction à tout jamais de sonner à nouveau. L’histoire retiendra alors cette cloche comme étant la première déportée pénale en direction de la Sibérie. D’ailleurs, cette méthode de déportation vers l’Est deviendra avec le temps très fréquente pour se débarrasser des gêneurs. La peine de mort sera même annulée pour être systématiquement remplacée par cette sanction, l’arsenal répressif russe trouvant toujours un moyen de rentabiliser cette main d’œuvre gratuite.
Sans surprise, cette situation de faiblesse attisa d’autant plus les convoitises étrangères. Les anglais furent même tentés d’envahir Arkhangelsk ! Un projet qui avorta néanmoins puisque le roi Jacques Ier décida que ce n’était pas un bon mouvement. En un sens, il eut raison. Au même moment, la dynastie des Romanov montait sur le trône, apportant enfin un calme relatif au pays. Et en 1620, l’interdiction sous peine de mort de suivre la route maritime du Nord fut prononcée.
La situation s’améliorait, mais il leur fallait un accès à la Baltique pour être indépendant de ces marchands et autres rapaces. Il fallut attendre Pierre le Grand pour le leur donner avec la création de St Pétersbourg.
Vous aurez compris que s’ouvrir vers l’Ouest aura été compliqué, long et retors pour les russes. S’y installer demandait des investissements conséquents que leur pays ne pouvait qu’à peine se permettre… Ainsi, devant tout ce merdier diplomatique, les russes souhaitèrent assez vite passer en Sibérie pour en être les seuls maîtres. Ses vastes étendues vierges de tout européen et le retour sur investissement de ce côté-là étant fichtrement plus intéressants. La leçon fut donc retenue : place à l’Est, place à la Sibérie.
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Petit aparté pour poser une question : Et la France dans tout ça ? Eh bien, disons qu’on avait loupé le coche.
On vendra en Russie des vins et autres produits de galanterie, mais sans plus.
Charles de Danzay, diplomate à la cour royale du Danemark s’enragea de voir cela. Les profits seraient immenses si la France rejoignait la course à la fourrure et autres produits russes ! Mais ni Catherine de Médicis, Charles IX ou le cardinal de Richelieu ne donnèrent suite à ses courriers répétés. Et pourtant, Danzay, qui était en bon terme avec le roi danois arriva à négocier un droit de passage exclusif aux français dans la Baltique et sur les côtes danoises. Aucune taxe ne serait à payer aux danois ! Même les anglais n’avaient pas pu se payer ce privilège et étaient forcés de voyager en groupe pour éviter de passer à la caisse. Mais la tentative resta lettre morte et les français ignorèrent l’aubaine.
Quand enfin un navire français dirigé par Jean Sauvage mouilla à Arkhangelsk, il fut fort bien reçu mais ce fut trente-trois ans après les anglais !
Danzay se réjouit… Pour un temps seulement. En effet, il apprit juste après la bonne nouvelle que l’équipage français avaient eu la « bonne » idée de tenter de frauder le contrôle danois avec de faux passeports ! Danzay passa un moment à rattraper cette bourde diplomatique.
Le France tenta bien quelque chose plus tard avec sa compagnie du Nord pour doubler les Pays-Bas, mais sans succès. Surtout que la révocation de l’édit de Nantes envoya nombres de marchands Huguenots chez les Néerlandais, au grand dam du Roi Soleil.
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La mer arctique, même sous Ivan, fut le théâtre de tentatives maritimes russes. Très souvent à l’initiative des Stroganov qui voulaient remonter l’Ob avant les étrangers. Ce fut un échec cuisant à chaque fois, et ce malgré les moyens investis. La conquête se ferait donc à travers l’Oural. Ainsi, quand Ermak ouvrit enfin la voie en prenant Sibir et fit exploser le verrou des Tatars, ce fut une véritable explosion géographique qui prit place.
On estime que 40% des cités russes ont été créé à cette période et l’expansion ne prit presque fin qu’une fois arrivé de l’autre côté du continent.
Toutes les opportunités manquées, les guerres, la diplomatie poussive et autres problèmes à l’Ouest se firent balayer dans la minute dès que les russes posèrent un pied après la chaîne de montagne. Les russes autrefois confinés dans leur pays et assaillis de partout se retrouvaient subitement avec de la place. Beaucoup de place.
Des cohortes de vieux-croyants, de reclus et de paysans (plus de la moitié des arrivants pour ces derniers) partirent alors pour les terres nouvelles et des fortins prirent forme. Ils fuyaient la Russie d’Europe et ses troubles pour la plupart, les autres n’y voyaient que des opportunités de nouvelle vie.
Avec l’avancée, le Iassak fut demandé aux autochtones sans vraiment qu’on leur demande leur avis sur la question et le commerce redoubla à son tour. Les rébellions furent écrasées, des cartes furent tirées, les fourrures furent récupérées à une échelle encore jamais vue alors. Des prisonniers furent envoyés en des nombres croissants pour fournir la main d’œuvre nécessaire. Et dans ces régions sauvages, loin de l’influence des tsars et des propriétaires terriens, les futurs sibériens développèrent un esprit plus libre, plus indépendantistes.
Les cultures étaient cependant impossibles dans le sol gelé et rocheux, ce qui fit que les paysans évitèrent les villes de la taïga, avant tout créées pour la recherche de fourrures. Alors l’expansion passa allègrement par les steppes tatares et kazakhes. Néanmoins, dans la taïga, le gibier et le poisson abondaient et l’avancée inexorable continuait son cours.
En 1632, après tant d’autres, Iakoutsk fut montée sous la forme d’un fortin et servira de départ à un grand nombre d’expéditions. En 1639, Ivan Moskvitine mena justement une expédition de cosaques vers l’Est et découvrit enfin la mer, ce qui relança l’intérêt pour l’avancée que des révoltes d’autochtones avaient endiguées (par exemple, celle des tatars menés par la princesse Koda qui fut surnommée la « Jeanne d’Arc tatare »).
Finalement, pour tenter d’ouvrir l’Ouest et la Baltique, il aura fallu près de deux siècles. Pour dominer la Sibérie, il aura fallu moins de 60 ans. Six décennies pour parcourir six mille kilomètres, mille par décennies. A cette époque, les colons d’Amérique du Nord n’avaient pas encore passés les Appalaches, mais les Russes, eux, étaient déjà sur l’océan Pacifique.
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Et c’est ici, dans ce contexte de ruée vers l’or des fourrures, que nous commençons la prochaine grosse anecdote très représentative de la période (et qui terminera ce post d’ailleurs).
Nous sommes à Iakoutsk, dans les années 1640. Les avant-postes de trappeurs sont légion mais dans cette partie plus éloignée du monde, il reste encore beaucoup à faire. La ville est le dernier centre administratif du pays en termes de distance et compte 200 baraquements étalés sur un kilomètre le long de la Lena. Trappeurs promichlenniki, marchands de fourrure et agent de commerce des maisons marchandes de Moscou et d’Arkhangelsk, douaniers et quelques tirailleurs assurant la défense du fort se côtoient quotidiennement. Des expéditions sont menées assez souvent par des aventuriers Pomores, des hommes du Nord ou d’Arkhangelsk, de la Mer Blanche voire même des régions des Stroganov. Ce sont des durs à cuire, formés à la navigation sur fleuve et mer, prêt à se battre si besoin et capable de chasser qui se retrouvent ici-bas faute de terres là où ils avaient pu naître.
Le cosaque Semion Dejnev est l’un d’entre eux.
Sa trajectoire fut typique de celle d’un cosaque de son temps. Arrivé du nord-ouest, analphabète, on ne sait quasiment rien de lui, de son âge ou de son apparence si ce n’est des bribes vaguement récoltées au détour d’un rapport officiel dans ces régions reculées. Les prêtres de l’époque ne se souciaient pas vraiment d’inscrire ce genre de détails… Ainsi, il aura fallu qu’un grand nombre d’historiens parcourent les archives nationales pour y trouver ces miettes éparses et ainsi reconstituer la vie du cosaque. Et pourtant, il fut un des plus grands « découvreurs » de son temps.
En 1638 Dejnev arrive à Iakoutsk, on le sait uniquement grâce à un contrat portant sa marque attestant sa présence cette année-là dans le chef-lieu de la Lena. Il se fera embaucher sous les ordres du voïvode Golovine qui gouverne la région.
Semion se fait bien vite remarquer. D’une part, il est un excellent chasseur de zibelines (il sera le seul parmi les cosaques de cette époque à avoir déclaré la capture d’une centaine de peaux au comptoir fiscal du fort de Iakoutsk). De l’autre, il est occupé (pendant les cinq ans qu’il passe à Iakoutsk) à régler diverses missions armées dans les districts les plus remuants et à chaque fois il répond aux attentes de ses supérieurs.
Par exemple, il se retrouve à collecter le iassak auprès d’un peuple de Yakoutes réputés rebelles et qui ont attaqué le fort principal de la région. Son rapport est le suivant : « J’ai pris cent quarante zibelines au chef Sakhey, à ses enfants et à sa parenté ». Évidemment, il n’explique en rien comment il a bien pu accomplir un tel miracle.
C’est alors qu’une série d’évènements et d’indices arrivent. Il semblerait qu’à l’est, des tribus de Youkaguirs soient en possession d’un très grand nombre de fourrure. Et même mieux, les terres là-bas possèderaient de l’argent ! La Russie souhaitant enfin réussir à se rendre indépendante en minerai, ce serait une aubaine. Les cosaques poussent donc les autorités pour envoyer des expéditions… Surtout qu’il semblerait que les autochtones soient nombreux, « des habitants innombrables, aussi nombreux que des cheveux sur une tête » dit-on. Cela signifie du iassak à foison.
Semion Dejnev fait partie de ceux qui misent sur une de ces missions d’explorations. Il se retrouve alors provisoirement à Oïmakion (un trou perdu où la température avoisine les -60°C en hiver) et on apprend dans un rapport qu’il serait marié à une yakoute. Il la baptisera orthodoxe afin de la naturaliser russe et confie à son intention une vache et un veau en guise de pension alimentaire durant son absence. Une meilleure idée qu’il ne pensait, car au lieu de ne partir qu’une année comme prévu à la base, il partira pour de plus de vingt ans et accomplira un des plus grands exploits de l’histoire russe.
Le voyage de Dejnev:
Il suivra une première expédition partant de Iakoutsk qui remonte la Lena puis longe la côte sur 2500km. Un long trajet en barque, à pied à travers la taïga et la banquise, mais qui permet à Dejnev et Stadoukhine (un cosaque arrogant de haut rang qui porte l’expédition et que Dejnev connaît bien) de confirmer les rumeurs : Il existe un autre fleuve tout aussi imposant que la Lena à l’est qui s’appelle aujourd’hui la Kolyma. Et cette région est riche en opportunités… Mais il semblerait qu’il y ait plus. De l’autre côté de la « ceinture de pierre » que les cosaques n’ont fait que longer pour revenir, il y aurait de l’or, de l’argent, des fourrures et même de l’ivoire ! Pour couronner le tout, il y aurait un fleuve qui irait se jeter dans une gigantesque mer frigorifiée. Cela semble correspondre avec la découverte de Ivan Moskvitine quelques années plus tôt qui avait découvert l’océan Pacifique.
Images représentant Dejnev et Stadoukhine:
Stadoukhine et Dejnev sont fascinés par ces découvertes en perspective (en grande partie à cause des profits à s’y faire). Ils se trouveraient donc entre deux océans, celui des estuaires de la Lena et de la Kolyma et celui découvert plus tôt par leur compatriote. Ainsi, ils seraient sur un isthme ou une péninsule. Mais maintenant, il s’agit de trouver un moyen d’atteindre cette région à l’est pleine de promesses.
L’option une, que Stadoukhine préfèrera, est de passer par les montagnes. Le voyage est long, dangereux et il y a un risque d’affronter les tribus de tchouktches nomades qui sont réputés comme de bons guerriers qui n’aiment pas la visite d’étrangers. La deuxième option serait de passer par la mer arctique, remonter la côte Sibérienne et atteindre la mer Pacifique en contournant, eh bien, rien moins que le bout du monde connu. Les risques sont encore plus grands. Les seules cartes de l’époque sont floues au possible et ne sont qu’inspirés de récit pomores. Et si la zone était un isthme et non une péninsule alors aucun lien avec le Pacifique ne serait possible. Tout cela sans oublier les températures, l’isolement en mer et les icebergs. En ces temps de foi, cela reviendrait à aller frôler le gouffre au bout du monde.
Sans surprise, Semon Dejnev est partant pour la deuxième option. Une raison probable ? Il aurait très sûrement entendu parler des récits pomores parlant d’une « nouvelle terre » au nord de notre monde. De quoi attiser la curiosité de notre cosaque… Les deux cosaques se séparèrent alors, mais le sort les rassemblera bien assez tôt.
Fedot Alexeïev, un marchand souhaitant prendre un pari risqué pour se refaire, se porte volontaire pour sponsoriser le voyage avec Semion Dejnev en tant que représentant du tsar et chef de l’expédition. Un premier départ est tenté en 1647, mais la glace les empêche d’aller plus loin. A leur retour, la choses se compliquent. Deux maisons marchandes puissantes (les Oussov et les Gousselnikov) veulent tenter l’aventure eux aussi. Et en plus, un certain cosaque fraichement arrivé et nommé Guerassim Ankoudinov conteste à Dejnev le leadership de l’expédition à grands coups d’intrigues et dénonciations calomnieuses. Pour mettre un terme au différend et Ankoudinov ayant une réputation de voyou, Dejnev l’autorise à rejoindre l’expédition mais sans être intégré au groupe. Il se démerdera seul avec ses suivants sur son kotch (sorte de petite barque de mer cosaque représentée juste en dessous qu’utilisent les membres de l’expédition).
Image d'un kotch reproduit au XIXe siècle:
Le 20 juin 1648, l’expédition part enfin. 90 participants (Ankoudinov et sa troupe comprise) dont une seule femme, la concubine yakoute du marchand Alexeïev. Comme tout bons explorateurs européen, les divers groupes de l’expédition emmenèrent avec eux divers objets : des tonnes de farines (oui, de vraies tonnes), des dizaines de mètres de toiles et autres tissus, des perles, de l’étain, des chaudrons en cuivre, des filets de pêche, de la laine, etc… De quoi commercer avec les autochtones en somme et vaguement de quoi survivre dans l’environnement rude qui s’annonce.
On dénombre sept kotch. Environ vingt mètres de long, 6 à 7 de large, faible tirant d’eau et forme ronde qui leur permettent de se faufiler entre les blocs de glace et sur les rivières sans trop de danger. Au lieu d’être écrasé par les glaces, la forme du navire lui permet d’être plutôt soulevé. Avec ce savoir-faire pomore, tout est fait pour affronter la banquise et s’adapter à ses rivages changeants… Mais cela trahit aussi son gros problème : un kotch est très mal adapté pour une tempête en haute mer.
A la fin juin, les marins doivent avancer au rythme du dégel. Les barques avancent vers l’est en suivant les berges, évitant de traverser les étendues d’eau ce qui ralentit terriblement le voyage. Et à tout moment, le vent du nord peut refermer la banquise sur les côtes et donc les barques…
Dans l’humidité et le brouillard on s’efforce de ne pas perdre de vue le continent, l’expédition avance à petit pas… Mais elle accomplit sans le savoir un exploit qui ne sera reproduit que deux siècles et demi plus tard. Des météorologues pensent que Dejnev a simplement eu une chance inouïe puisque la banquise se serait déplacée plus au nord qu’à l’accoutumée, dégageant un passage. C’est une première mondiale, quasi-suicidaire et pourtant cela se passe dans l’anonymat le plus complet. Notre seul suivi des évènements proviendra du rapport demandé à Dejnev à son retour avec les survivants, mais il est très succinct.
En septembre, deux milles kilomètres plus loin, l’expédition trouve un cap rocheux que Dejnev appelle le « Grand Nez de pierre » et quelques îles. Dejnev vient alors de trouver la pointe du continent eurasiatique et d’apporter une réponse à une grande question qui passionne les européens : la mer arctique est liée au Pacifique, l’Amérique et l’Asie ne sont pas liées. Et cela a été prouvée par une modeste bande de cosaques analphabètes en recherche de fourrures.
Dejnev aperçoit aussi des tchouktches aux dents aiguisés et aux les lèvres percés avec des os et dents de poissons. Les locaux utiliseraient des os de baleines comme poutrelles naturelles pour leurs bâtiments.
Jusqu’ici, Dejnev ne mentionnait pas grand-chose dans son rapport lapidaire, probablement à cause du calme de la mer arctique. Mais une fois le « Grand Nez de Pierre » passé, les choses se gâtent. La saison des tempêtes arrive et ils sont dans le nord du Pacifique. Autant dire qu’entre les courants contraires, les vagues et les vents violents, la situation dégénère assez vite. L’embarcation d’Ankoudinov fait naufrage et Dejnev se retrouve avec la vingtaine de « brigands » sur son navire. Le 20 septembre, probablement pour chercher de l’eau potable sur la côte, ils se font attaquer par les tchouktches et Alexeïev est blessé.
Mais cela n’est rien en comparaison avec la deuxième tempête qui s’abat sur eux une fois le détroit passé. Pire, la côte autrefois hospitalière et bordée de criques disparaît de la vue des membres de l’expédition. Ils sont en haute mer et un vent violent se met à souffler. Les kotchs sont ballotés dans tous les sens : « Alors Fedot, se souviendra Dejnev, m’a été arraché par la mer ». Une phrase, c’est tout ce que le cosaque donnera comme description d’une véritable tragédie. En effet, avec Fedot Alexeïev, le sponsor de l’expédition, disparaissent aussi d’autres membres d’équipages. Sur les six kotch encore en état de flotter, cinq disparaitront à tout jamais. Il ne reste que celui de Dejnev qui s’échouera de toute manière le 1er Octobre. Des quatre-vingts hommes au départ, il ne reste que vingt-quatre compagnons de voyage proche de Dejnev.
On sait que deux des embarcations perdues ont néanmoins réussies à accoster plus loin, au Kamtchatka. Dejnev l’apprendra des années plus tard en retrouvant la femme d’Alexeïev qu’il croyait morte. Ankoudinov, qui faisait partie des survivants concernés, mourra du scorbut et les survivants se feront attaquer avant d’abandonner ladite dame avant de fuir par la mer on ne sait où.
En attendant, Dejnev, lui, est coincé sur une côte sibérienne, sans embarcation et donc de solution de retour, en face du Pacifique, perdu au milieu de nulle part et avec environ ¾ de son équipage qui a disparu. Il tente donc de chercher la « rivière des zibelines » dont il avait entendu parler avant le départ de l’expédition. Le groupe part alors au nord et la trouvent après une longue marche. Dix semaines de marche pour être exact. Dejnev, dans son style peu porté sur l’hyperbole, décrira : « Nous avons marché tous ensemble dans la montagne, sans savoir nous-mêmes où était le chemin, affamés et accablés par le froid, pieds nus, nous sommes arrivés à la rivière Anadyr à un endroit proche de la mer ».
On pourrait alors se dire que tout va bien ! Mais non. Dejnev, à nouveau, décrira : « Nous n’avons pas réussi à trouver de poisson, il n’y avait pas de forêt, et, morts de faim, les pauvres hères que nous étions se sont séparés pour nous en tirer. »
Rien à l’horizon, pas de zibelines, pas de locaux, pas de nourriture. En désespoir de cause, Dejnev envoie la moitié de son escouade en reconnaissance le long de la rivière. Des éclaireurs, trois d’entre eux reviennent exténués vingt jours plus tard. Ils n’ont trouvé personne, le pays est désert. Les autres ne pouvaient plus avancer et se sont enfouis sous la neige, trois kilomètres plus loin. Quand le reste de l’expédition arrive avec des couvertures pour les sauver, il n’y a plus personne et il est probable qu’ils se soient fait tuer dans l’intervalle par des tchouktches en maraude.
Les pionniers de l’arctique ne sont plus que quinze pour affronter l’hiver.
Mais on parle de cosaques et il en faut plus pour les achever. Le printemps 1649 les trouvent plus haut sur la rivière où ils ont découvert une forêt. Ils purent alors se faire un cabanon et une barque de fortune pour explorer la région. Mieux, ils ont affronté un clan autochtone, pris leur chef en otage et ont exigé le paiement du iassak en échange, bien entendu, de la protection du tsar. Mais sans zibeline et autres fourrures, l’espoir s’amincit au fur et à mesure…
Puis, un an plus tard et sans prévenir, des russes arrivent. Surprise de taille puisqu’en plus cette expédition miraculeuse n’est dirigée par nul autre que Mikhaïl Stadhoukine ! Après plusieurs tentatives, le cosaque et ancien patron de Dejnev avait enfin réussi à traverser les montagnes jusqu’à la « fabuleuse » rivière qui se jetait dans le Pacifique. Et c’est en suivant son cours, en se baladant à ski et à traineau, après des mois de traversée de montagnes de paysages désertiques aussi grand que l’Europe qu’il a trouvé le groupe de Dejnev.
Mais l’effusion n’est pas au programme puisque les deux groupes se tirent aussitôt la gueule et font bande à part. Le butin est maigre, alors l’idée de partager n’enchante personne. Stadhoukine continuera vers l’est et le Kamtchatka. Semion Dejnev, lui, restera encore une dizaine d’années en territoire Tchouktches. Il veut rentabiliser son voyage de plus de dix milles kilomètres et la mort de dizaines de ses compatriotes et cherche donc l’ivoire dont on lui avait tant parlé.
Il s’obstine, établit le lien avec la Kolyma et Iakoutsk, obtient des renforts et soumet plusieurs tribus locales. Tout n’est pas jouasse cependant : en 1655, une tempête emporte quatorze trappeurs en mer et la même année une vingtaine d’entrepôts de vivres et de fourrures sont balayés par une montée des eaux. Mais la chance a enfin tournée : en remontant l’estuaire de la Anadyr au printemps 1652, Dejnev et ses hommes tombent sur une crique de reproduction de morses. Les trappeurs chargent et, alors que « tous les morses ne sont pas restés sur la terre, mais qu’ils sont nombreux en mer » regrette Dejnev, ils reviennent avec un butin de deux tonnes de « dents de poissons ».
Quand Semion revient enfin, ce fut par les montagnes. Personne n’allait jamais plus égaler son exploit naval de 1648 et aucun kotch ne pourrait supporter la masse de butin qu’il ramenait de toute manière. À elle seule, sa part personnelle d’ivoire pèse plus de deux tonnes et demie. Cela représente tellement d’argent que le comptoir de Iakoutsk est obligé d’envoyer Dejnev au Sibirski Prikaz à Moscou pour qu’il puisse être payé entièrement et on l’y invite à s’y déplacer. Il y parviendra deux ans plus tard, en septembre 1664.
C’est à ce moment-là, quand il présente au tsar Alexeï Mikhaïlovitch une « requête de dédommagement pour les services rendus » entre 1643 et 1661, que l’on apprend ce qui s’est passé lors de l’expédition. Le document reprend plusieurs rapports dans lesquels Dejnev dicte ses aventures aux scribes du Sibirski Prikaz. Et le tsar versera son dû, un tiers en argent, le reste en soie et autres tissus. Parce que oui, la somme est tellement importante que même pour l’Office central des affaires sibériennes ne peut pas tout payer en argent… Dejnev se servira de la somme pour payer des dettes et mourra en 1673 après avoir repris du service en Sibérie au cours d’un déplacement.
Sa mort est inaperçue, son récit est envoyé croupir dans les archives et le cosaque Semion Dejnev restera un inconnu pendant des décennies. Il a ouvert le tronçon le plus difficile de la route arctique du Nord, a prouvé la séparation de l’Asie et de l’Amérique et pourtant, lui-même semble s’en foutre royalement. Le rapport final qu’il adresse, en « humble esclave de son souverain », insiste surtout sur ce qu’il considère comme son principal mérite : il y a, très loin de la cour, des rives où l’ivoire abonde. Il les a découverts et recommande à l’empire de poursuivre son œuvre. Le reste n’était que des moyens.
En 1898, après que l’on ait reconnu son exploit, le tsar Nicolas II baptisera le « Grand nez de pierre » (entre-temps nommé Eastern Cape par Cook) cap Dejnev.
***
NB : pour ceux qui ont survécu à ce post, déjà bravo Ensuite, je tiens à rementionner que ma source a été principalement le livre présenté plus tôt : "L'épopée Sibérienne" de Eric Hoesli. Il en est de même des images de ce post puisque le net ne semblait pas très fourni en la matière. Il faut croire que l'histoire de Semion Dejnev est toujours aussi obscure.
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Ven 25 Jan 2019 - 21:35
Eh beh... Ce pavé (César, nous te saluons) !
Je ne sais pas quoi dire. Euh... Bien bah euh... Bravo ?
C'est ce que l'on appelle une documentation détaillée, on est presque sur un exposé, voire de la dissertation. Je dirais même plus la dissertation, parce que tu pars même d'une problématique avec la question de départ "Comment cela aurait pu passer inaperçu ?".
C'est très bien écrit déjà sur la forme, et tu as bien structuré le texte ce qui le rend quand même globalement agréable à lire malgré la quantité d'informations
J'avoue ne pas m'y connaître du tout concernant L'Epopée sibérienne, mais c'est vraiment très intéressant !
J'ai aimé la comparaison avec Mad Max du premier message
Et que dire à part que les Stroganov sont de sacrés filous tout de même.
Et aussi que c'est fou, parce qu'au final, on part de nos amis les russes pour en faire une affaire européenne avec plein de protagonistes différents.
Mention spéciale aussi pour les photographies, je n'ai compris que grâce au post scriptum que c'était toi qui les avais prises, je pensais vraiment que c'était des informations trouvées sur Internet.
En clair c'est très complet, ça fait plaisir à lire, et c'est édifiant pour la culture générale
A ceux qui aimeraient le lire : je vous invite à vous organiser un petit temps avec une tasse de thé
Merci à toi en tout cas, Thorek, pour ces anecdotes historiques.
PS : et carrément que cela peut donner des idées pour les personnages futurs ou même des RPs. C'est un pan peu traité mais qui pourrait très bien avoir des liens sur Dùralas ! (Et oui, on n'autorise pas mal de libertés sur Dùralas )
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Mer 30 Jan 2019 - 23:46
Tenez, puisque je viens de finir une petite traduction personnelle d'un livre de recettes viking, je me suis dit que cela pourrait en intéresser certains ici.
Notez que les recettes ne sont pas forcément simples à faire et proviennent du livre An Early Meal – A viking Age Cookbook & Culinary Odyssey de Daniel Serra et Hanna Tunberg, deux historiens. Cela permet cependant d'avoir une idée de certains plats de l'époque viking.
Le livre en question est très intéressant à lire puisqu'il donne les sources archéologiques et mythologiques des recettes ainsi qu'une étude sur la nourriture de la période... Mais est uniquement en anglais et pas forcément facile à trouver en France. Par respect pour leur travail, il m'est décemment impossible d'en faire un copié-collé en ces lieux. Mais si vous l'apercevez, foncez c'est du bon !
Sans plus attendre, voici quelques recettes du livre (vous m'excuserez les possibles coquilles, j'ai traduit ça ce soir-même) :
NB : Oui, le pain noir de Birka est un pain de sang. J'ai découvert son existence dans ce bouquin et ça me rappelle que les vikings étaient parfois bien allumés Pour l'anecdote, ils en auraient trouvé dans une tombe dans le Sörmland sud en Suède et d'après les relevés de protéines et de matières grasses, le sang semblait être un ingrédient. Les auteurs ont donc extrapolés la recette en fonction de leur recherche.
Sujet: Re: Anecdotes historiques Lun 6 Mai 2019 - 11:07
Le périple absolument épique de la Flotte de la Baltique lors de la guerre russo-japonaise de 1904.
C'est un très, TRES gros dossier. C'est extrêmement délicat d'en faire le récit parce que, pour citer le roi Arthur, "c'est systématiquement débile, mais c'est toujours inattendu". La comédie commence au départ de l'expédition avant même que tous les navires n'aient appareillés et se déroule de manière quasi-ininterrompue en allant toujours plus loin dans l'absurde pour ne s'arrêter qu'avec la destruction totale de la flotte par la marine japonaise.
La plupart des sources sont en anglais, je n'ai trouvé que peu d'informations en français, et le seul moyen de retracer une chronologie (incomplète) de l'évènement serait de jongler d'articles wikipédias en article wikipédias de biographies d'amiraux, de fiches de navires et de rapports d'incidents. je vous propose la traduction d'un compte-rendu assez détaillé (et de loin le plus complet) narrant la plus grande partie de l'aventure, en ayant ajouté quelques anecdotes trouvées sur d'autres pages wikipédias et articles sur le sujet.
La flotte quitte son port de Libau, en Lettonie moderne, pour un voyage épique. Le ton de l'expédition fut donné lorsque le navire amiral s'échoua et qu'un des croiseurs d'escorte perdit sa chaîne d'ancre. Pendant que la flotte attendait que le navire amiral soit remis à l'eau et que le croiseur récupère son ancre égarée, un destroyer percuta accidentellement le cuirassé "Oslyaba" et dû rentrer à Reval (Tallinn, en Estonie moderne) pour y être réparé.
L'APPROCHE DU DANEMARK
Après avoir surmonté ces problèmes initiaux, la flotte navigua dans les eaux étroites entre la Suède et le Danemark. Une atmosphère d'hystérie s'était installée lorsqu'elle avait été informée du fait que des torpilleurs japonais seraient stationnés au large des côtes danoises. La question de savoir comment un escadron de torpilleurs japonais (dont la portée était limitée) avait réussi à parcourir 18.000 miles en si peu de temps n'avait jamais été posée.
Des rumeurs selon lesquelles les Japonais auraient miné les mers et stationnés des sous-marins le long des côtes vinrent ajouter à la panique. Elles provoquèrent une nouvelle poussée d'hystérie au sein de la flotte. Pour rassurer les marins, Rojesvensky, commandant de l'armada, a alors ordonné "qu'aucun navire de quelque sorte que ce soit ne serait autorisé à approcher de la flotte".
Lorsque deux pêcheurs livrant des dépêches consulaires du Tsar s'approchèrent de la flotte, les Russes ouvrirent le feu. Ironiquement, les deux hommes, heureusement indemnes en raison des performances épouvantables de l'équipage maniant l'artillerie russe, portaient un message personnel du Tsar Nicholas pour Rojesvensky, l'informant qu'il venait d'être promu vice-amiral.
Pour faire bonne mesure, le navire de réparation de la flotte "Kamchatka" indiqua qu'il était attaqué par des torpilleurs. Lorsqu'on lui demanda combien, il répondit "environ huit, venant de toutes les directions". C'était evidemment une fausse alerte. L'étrange comportement du capitaine et de l'équipage du "Kamchatka" seraient à l'origine de plusieurs incidents d'un caractère de plus en plus ridicule plus tard dans l'expédition.
LA "BATAILLE" DE DOGGER BANK
Après avoir survécu aux attaques de torpilleurs japonais fantômes et avoir négocié un champ de mines inexistant, l'escadron navigua dans la mer du Nord où les Russes aperçurent une flotte de petits chalutiers britanniques pêchant sur la Dogger Bank. Les Russes identifièrent les innocents bateaux de pêche comme étant, encore une fois, des torpilleurs japonais et ouvrirent le feu - un incident qui causa presque la guerre entre la Russie et la Grande-Bretagne.
Lors du chaos qui suivit, plusieurs navires russes signalèrent que des torpilles les avaient touchés. Sur le navire de guerre "Borodino", certains membres de l'équipage portaient des gilets de sauvetage et restaient couchés sur le pont, tandis que d'autres courraient dans tout le navire, sabres à la main, criant que le bateau était abordé par des commandos Japonais, ne faisant qu'accroitre la panique.
Les cuirassés russes tirèrent sans interruption durant presque 30 minutes, endommageant quatre chalutiers britanniques et en faisant lentement couler un. Pour faire bonne mesure, ils réussirent également à toucher deux de leurs propres croiseurs, le "Aurora" et le "Donskoy", identifiés comme deux navires japonais et bombardés par pas moins de sept cuirassés alliés.
Au lever du jour, la méprise causée par l'hystérie des marins russes fut révélée. Heureusement pour les chalutiers britanniques (et les deux croiseurs russes), les équipe d'artilleurs étaient si mauvaise que les dégâts avaient été minimes. Le navire "Oryol" avait tiré plus de 500 obus sans rien toucher.
Le gouvernement russe a rapidement présenté des excuses, mais l'opinion publique britannique et les médias réclamèrent la guerre contre la Russie. Vingt-huit cuirassés britanniques de la Home Fleet reçurent l'ordre de passer à l'action, tandis que les escadrons de croiseurs britanniques rattrapaient la flotte russe alors qu'elle traversait le golfe de Gascogne et naviguait le long des côtes portugaises.
En approchant de Vigo, Rojesvensky reçut l'ordre de s'ancrer et de laisser derrière lui les officiers responsables de l'attaque des chalutiers britanniques. Rojesvensky se servi du scandale diplomatique pour se débarrasser du capitaine Klado, l'un de ses critiques les plus acerbes.
Klado reçut l'ordre de retourner à Saint-Pétersbourg pour préparer des renforts pour la flotte. Il profiterait de cette occasion pour se venger de Rojesvensky en rassemblant de vieux navires obsolètes que l'Amiral avait décrit comme étant de "vieilles baignoires" et que les troupes appelaient sarcastiquement les "Coule-tout-seul".
LA FLOTTE ATTEINT L'AFRIQUE
La flotte principale s’est alors approchée de Tanger après avoir perdu le contact avec le "Kamchatka" pendant quelques jours. Le "Kamchatka" a finalement rejoint la flotte en déclarant qu'il avait tiré 300 obus lors d'un engagement avec trois navires japonais. Les navires ennemis étaient en réalité un navire marchand suédois, un chalutier allemand et une goélette française. Pour faire bonne mesure, alors que la flotte quittait Tanger, un navire réussit à couper le câble télégraphique sous-marin de la ville avec son ancre, ce qui empêcha la communication entre l'Europe et l'Afrique pendant quatre jours.
La phase suivante de l'opération consistait à retrouver dix navires de ravitaillement allemands au large de Dakar, en Afrique occidentale. Après avoir pris contact, la flotte a ensuite chargé le double des réserves de charbon. Ces charges supplémentaires ont dû être stockées sur les ponts, dans les coursives, jusque dans les cabines, ce qui provoqua la propagation de poussière de charbon sur les navires. La poussière de charbon, combinée à l'atmosphère équatoriale humide, entraina la mort de certains marins souffrant de graves problèmes respiratoires à cause de l'air noir et sale qui encombrait leurs poumons.
Après avoir été silencieux pendant quelques jours, le "Kamchatka" provoqua une nouvelle vague de panique lorsqu'il envoya le mauvais signal lors d’une tempête au large des côtes angolaises. Au lieu d'émettre le code "Nous allons bien maintenant", il envoya le message "Voyez-vous des torpilleurs ?"
Alors que la flotte approchait du Cap, en Afrique du Sud, Rojesvensky reçu un signal indiquant que Klado envoyait des renforts pour le rejoindre. Connaissant l'état des navires, l’amiral décida d’éviter le rendez-vous. Le moral de la flotte atteint son point le plus bas, de nombreux marins ayant acquis la conviction qu'ils naviguaient vers leur destruction certaine.
Pour se remonter le moral, les équipages ramenèrent à bord des animaux exotiques trouvés lors de leurs visites à terre - incluant un crocodile et un serpent venimeux qui provoqua la panique sur un navire de guerre lorsqu'il s'enroula autour des canons et mordit le commandant. La flotte se transforma en zoo flottant alors qu’une étrange ménagerie d’oiseaux et d’animaux était laissée libre d’errer sur les ponts. Les événements prirent un tour plus dramatique lorsque la centrale de refroidissement de "l'Espérance", le navire de cargaison réfrigérée de la flotte, tomba en panne. Des stocks entiers de viande en décomposition durent être largués, ce qui conduit la flotte à être escortée en permanence par des hordes de requins.
DE MADAGASCAR A L'OCEAN INDIEN
A Madagascar, les événements s'aggravèrent. L'amiral Rojesvensky tomba gravement malade pendant deux semaines et resta confiné dans sa cabine. Son chef d'état-major eu une hémorragie cérébrale et resta partiellement paralysé. Personne ne maîtrisait réellement la flotte, et les équipages passaient de plus en plus de temps à terre dans les bars, bordels et salles de jeux. La maladie s'installa avec des décès quotidiens dus au paludisme, à la dysenterie et à la typhoïde. Lors de l'enterrement de l'un de ses morts, le "Kamchatka" tira une salve d'adieu avec des obus chargés à blanc. Malheureusement, l'un des canons fut chargé avec un véritable obus qui toucha le croiseur "Aurora", maintenant habitué à être la cible des navires de sa propre flotte.
La détresse mentale provoquée par la longue période passée en mer commença à faire des ravages parmi les équipages, lorsque la ferveur religieuse éclata. Les pires cas, un groupe de mutins et de révolutionnaires, ont été renvoyés en Russie sur le navire de ravitaillement "Malay". De nombreux officiers étaient souvent ivres ou drogués. Un officier avait acheté 2 000 cigarettes à Madagascar, qui se sont avérées être remplies d'opium.
La flotte devait également être ravitaillée en munitions après avoir tiré la plupart de ses obus lors de la "bataille" avec les chalutiers britanniques. La joie éclata lorsque le navire d'approvisionnement "Irtysh" arriva. L'Irtych devait transporter des munitions pour la flotte. Lors du déchargement de la cargaison, il s'est avéré que celle-ci comportait 12 000 paires de bottes doublées de fourrure et un nombre correspondant de manteaux d'hiver - ce qui était idéal pour le climat d'Afrique équatoriale où la flotte était maintenant stationnée.
Pour tenter de rétablir un semblant d'ordre et de préparation au combat, Rojesvensky ordonna la mise en tenue d'une séance d'entrainement de tir au canon. Aucun des destroyers ne réussit à toucher la cible immobile. Parmi les cuirassés, seul le navire amiral réussi à toucher quelque chose. Il coula le bateau chargé de remorquer la cible d'entrainement. Sept torpilles furent tirées - dont une resta coincée, trois manquèrent la cible, et deux coulèrent. Une autre dévia complètement et se mit à tourner en rond au milieu de la flotte, provoquant la panique sur les navires. Pour faire bonne mesure, le "Kamchatka" envoya un message signalant qu'il était en train de couler - il ressort d'une enquête que ce n'était rien de plus qu'un tuyau de vapeur fissuré dans la salle des machines.
RENDEZ VOUS AVEC LA DESTINEE
Après avoir réussi à éviter la mutinerie, ils parvinrent enfin à se rapprocher du Japon. L'amiral décide d'essayer de se faufiler entre le Japon et la Corée sous le couvert de l'obscurité pour se rendre à Vladivostok.
Tous les navires éteignirent leurs feux pour rester furtifs. À l'exception du navire-hôpital "Oryol", qui les garda allumés conformément aux règles de la guerre. Un navire éclaireur japonais repère l'Oryol, mène une enquête et détermine qu'il pourrait s'agir d'un navire de soutien d'une flotte plus importante. L'Oryol, pour sa part, identifie à tort le navire japonais comme étant un navire russe et lui signale la position du reste de la flotte en lui demandant de faire attention.
LA FIN
Après tous ces périples, la flotte de la Baltique parvient enfin à rejoindre tant bien que mal la flotte du Pacifique, et le terrible fiasco de la bataille de Tsushima provoqua la destruction de la majeure partie de la force navale russe.
Ironie du sort : de toute la flotte de la Baltique envoyée en renforts qui effectua le périple autour de l'Afrique, seule l'Aurora, qui avait passée son temps à se faire tirer dessus par ses alliés, survécu à la bataille.
Dernière édition par Néhebkaou le Mar 7 Mai 2019 - 7:38, édité 3 fois
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Sujet: Re: Anecdotes historiques Lun 6 Mai 2019 - 21:20
Oh FOUTRIDIOU quelqu'un a ajouté une anecdote de son propre chef !
Heurm... Pardon, l'émotion, tout ça.
Eh bien, décidément c'est du lourd cette histoire. Du très lourd. C'est presque cela qui est beau avec la Russie. Quand on pense avoir touché le fond, ils arrivent encore à nous surprendre et de la manière la plus improbable qui soit.
Et pour l'anecdote tiens, la flotte japonaise qui bousilla les russes... Était en partie française. Un certain Louis-Émile Bertin, non content de révolutionner notre propre marine avait en effet aidé grandement les japonais à mettre la leur à jour. Comme quoi.
En bonus, ma représentation probable des commandants de cette flotte remarquable:
Cette série d'anecdotes me permet surtout de mieux comprendre pourquoi les russes se sont fait sauvagement houspillé par les japonais durant la guerre Russo-japonaise. Parce que oui, même sur terre l'armée russe ne volait pas vraiment plus haut.
Les Japonais avaient marqué leur plus gros coups en prenant Port-Arthur, port principal russe sur le Pacifique (surtout parce qu'il leur permettait d'éviter les mers glaciales plus au Nord et donc au Kamtchatka tiens)... Alors que bon le truc était réputé pour être une forteresse imprenable. Le siège ressembla assez grossièrement à un précurseur à la 1ere guerre mondiale qui pointait déjà le bout de son nez d'ailleurs. Entre les pertes ridiculement élevées et les guerres de positions, ainsi que des barrages d'artilleries intenses, on était dans le même contexte mais pendant 6 mois.
Au final, même en recevant des renforts du Transsibérien qui roulait tant bien que mal dans des régions de la Mandchourie récemment acquises, les assaut pour reprendre Port-Arthur furent un échec de la part des russes.
On notera d'ailleurs que dans cette région fort sympathique du globe, on conseillait au voyageur du Transsibérien de voyager armé d'un revolver en cas d'attaques de bandits. (ce qui me rappelle que je devrais continuer ma série sur la conquête de la Sibérie, il restant encore tant à dire)
Sujet: Re: Anecdotes historiques Jeu 11 Juil 2019 - 22:57
Aujourd'hui, deux anecdotes un peu plus simples avant de le gros pavé sur la Sibérie. Parce qu'il faut savoir se contenter de peu aussi
Tout d'abord, commençons avec ce tableau :
Vous allez me dire que c'est en vil anglois. Certes, mais il n'existe qu'en ça donc mes excuses Pour en revenir au sujet, il s'agit d'un tableau représentant les athlètes les mieux payés de tous les temps. Et on s'aperçoit que c'est un romain le champion.
Gaius Appuleus Diocles était un aurige de char particulièrement réputé pour son époque car il aurait finit premier lors de 1438 de ses 4257 courses... Une sacrée carrière qui lui permis d'engranger 35,863,120 sesterces et donc 26 tonnes d'or en gros. Ce qui, après une petite conversion, nous donne une fortune de 15 milliards de dollars (de 2011).
Donc bon, les athlètes connus d'aujourd'hui, ils sont certes lourdement payés, mais on faisait mieux avant
En me baladant dans une brocante non loin de chez moi, je suis tombé sur ce petit bouquin
Spoiler:
Vous comprendrez ma joie d'avoir pu trouver un livre vieux de 105 ans complètement au pif
Et à sa lecture, on en apprends des bonnes sur les tactiques de l'époque. Par exemple, voici quelques citations et détails de l'introduction :
"L'expérience prouve que, faute d'une méthode appropriée; le travail individuel exécuté sans vigueur et dirigé sans méthode dégénère souvent en une école de mollesse"
Tu y apprends aussi que le soldat français "a l'esprit simple et positif" et que le "seul moyen d'obtenir le succès" dans l'attaque c'est un "redoublement d'activité offensive"
"il n'a pas semblé utile d'envisager le cas où certaines fractions des renforts ou des troupes disponibles [...] seraient arrêtés par le feu de l'ennemi et impuissantes à déterminer la reprise de mouvement" La suite indique que c'est "le fait de l'ennemi", qu'il n'y a pas règles dans ce cas et que les troupes doivent mettre tout en œuvre pour repartir en marche et aller faire leur boulot. C'est à dire mettre des baïonnettes dans le bidou des ennemis. Et tout cela "en allant jusqu'au sacrifice complet"
On y apprends aussi que chercher des positions de tirs ou utiliser des "manœuvres ingénieuses", c'est pas utile et que seul le mouvement tout droit va marcher.
"Une tactique simple s'inspirant de résolution et d'énergie, est d'ailleurs la seule qui s'adapte au tempérament du soldat français, intelligent et ardent dans l'action."
D'un seul coup, on comprends mieux les pertes de l'armée française au début de la guerre. (Pour les deux du fond qui ne suivait pas en cours d'histoire : on s'est fait démonté. Le 22 août 1914, on a perdu 27 000 soldats. Oui, en un seul jour. )
Rappelons tout de même que ce délire éveillé de Joffre, venait de la défaite écrasante que la France avait subie en 1870. Pétri de vengeance, les français avaient été bercés dans une ambiance de colère, de ressentiment et de "On va charger tellement fort dans leur tronche aux boches" jusqu'au début de la guerre. 40 ans d'endoctrinement progressivement plus agressif avec le temps donc. Cela donna des situations improbables sur le front où, fin 1914, les officiers avaient plus de mal à faire creuser des tranchées à leurs troupes qu'à les faire charger sur des mitrailleuses.
En tout cas, je vais continuer la lecture du petit bouquin, parce que même si c'est débile, c'est intéressant... Et puis ils indiquent comment utiliser une baïonnette, donc c'est toujours bon ça
Sujet: Re: Anecdotes historiques Ven 16 Aoû 2019 - 15:26
Allez mesdames, messieurs, reprenons nos aventures sibériennes !
Le post qui suit est, à nouveau, un bon gros pavé vulgarisé depuis le livre de Éric Hoesli L'Épopée Sibérienne que je vous conseille ardemment... Et je pense m'arrêter après celui-là, parce que sinon je vais finir par vous mettre tout le livre avec
Il y a beaucoup de contexte, mais ça me semblait nécessaire pour que vous compreniez vraiment les enjeux de ce qui se passe avec ces deux gaillards.
Le voyage de Nikolaï Rezanov
Avançons un peu jusqu’au début du XVIIe siècle, vers les années 1720. A ce moment-là, le tsar Pierre le grand demande une expédition pour étudier la Sibérie et découvrir cet océan Pacifique qui s’étend quand même sur un bon morceau de son empire.
L’expédition prend des proportions absolument dantesques avec de centaines de savants de tous horizons (principalement allemands d’ailleurs) mais encore peu de russes. L’université de St-Pétersbourg n’ayant vu le jour que récemment, ce sont surtout des savants étrangers qui forment le gros des effectifs. Ces acharnés de la science vont donc passer plusieurs années en Sibérie, à en analyser les plantes, la faune, les peuples, les langages, etc… Dans les conditions rudes et brutales de la Sibérie que l’on connait. Mais ils en tireront une carte d’une précision inespérée pour l’époque.
Puis une expédition maritime est mise sur pied, dirigée par le danois Vitrus Béring. A cet instant, l’exploit ahurissant de Dejnev est complètement tombé dans l’oubli et son rapport croupit dans une archive impériale… Ce qui fait que personne ne sait ce qu’il y a entre l’Amérique et la Sibérie et ils sont bien décidés à tenter de le prouver à nouveau. Les navires en piètre état partent (certains capitaines de navire ont été forcés de payer la construction de leur propre navire) et enchainent les déboires. Ils touchent l’Amérique pour mieux en repartir dans des conditions désastreuses. Vitrus Béring lui-même mourra du scorbut sur une petite île (appelée île Béring de nos jours) où son navire (le dernier encore en course à ce moment-là) se sera échoué au large des côtes du Kamtchatka. Cependant, les savants qui survécurent, comme Georg Wilhelm Steller, fournirent des informations précieuses sur la faune des îles du Nord du Pacifique. Une faune qui ne sera d’ailleurs plus observée par l’homme puisque la plupart des espèces concernées s’éteindront peu de temps après.
Cependant, après cette expédition aux proportions absurdes, il y avait un détail qui attira l’attention. Alors que le reste de l’équipage de Bering avait passé de longues semaines sur la future île Béring, Steller et les marins avaient dument noté la présence de renards bleus, de loutres, de vaches des mers, et autres animaux. Donc de fourrures qui pullulaient à foison.
Sans surprise, en 1743, une saison à peine après le retour des rescapés, une nouvelle expédition fut mise sur pied pour retourner sur l’île. Quand ils reviennent un an plus tard, ce fut avec mille deux cents fourrures de loutres de mer et quatre cents de renards bleus. Une de ces fourrures valait environ trente à quarante roubles, mais on pouvait en tirer le triple à la frontière chinoise. Ce qui implique que leur cargaison vaudrait au bas mot quatre-vingt mille roubles. En sachant que le salaire annuel d’un chasseur tourne autour de cent roubles, on comprendra la furie qui se mit à habiter chacun des trappeurs Sibériens et plus encore.
Ce fut une véritable ruée vers l’or, puisqu’après tout au vu des prix c’est le cas, qui prit forme dans des proportions encore plus imposantes que celle en Amérique et ce un siècle plus tôt. Mais ici, point de mineurs et de trains de wagons. Non, ici on a des russes, sibériens et autochtones qui montent dans des embarcations de fortune pour se diriger vaguement au souvenir et à la boussole entre les îlots du Pacifique pour trouver la sacro-sainte fourrure.
Même les anglais et français s’intéressent à ce nouvel Eldorado après que ce qui restait de l’expédition de Cook vint s’approcher des côtes Russes. Un capitaine anglais avait même dû mettre fin à une mutinerie sur son navire quand on annonça aux marins qu’ils allaient retourner en Angleterre plutôt que de continuer à chasser de la fourrure (ces dernières équivalant à deux ans de salaire chacune pour eux). Cet arrivage de concurrents étrangers aura néanmoins des répercussions sur la traque russe. Déjà que la perte du moindre navire (et cela était fréquent) revenait souvent à faire couler l’entreprise derrière au vu des bénéfices « ça passe ou ça casse » des expéditions... Disons que les sibériens ne virent pas cela d’un bon œil.
Rentre alors en jeu un certain Grigori Chelikhov. Ce « marchand » rustre à la réputation d’homme cruel et de véritable requin en affaire va pleinement profiter de la situation. Surtout que du côté impérial, Catherine la Grande, qui est une libéraliste convaincue, annule le iassak et autre privilège de monopole commercial pour laisser le commercer prendre son essor. Et cela fonctionne, plusieurs fortunes personnelles implosent un peu partout en utilisant la fourrure comme principale source de revenus.
Grigori n’étant pas idiot, il s’impose en tant qu’une des principales compagnies du domaine et réalise que les ressources en fourrure de ces îlots ne tiendront pas forcément longtemps. Cela faisait déjà plusieurs décennies que ce manège marin continuait sans cesse. Donc pourquoi ne pas tenter sa chance de l’autre côté de l’océan ?
Le bonhomme ira même jusqu’à proposer son idée à l’impératrice elle-même en utilisant de bonnes relations et pas mal d’argent… Mais cette dernière était une européenne convaincue. Elle avait déjà fort à faire avec sa conquête de la Mer Noire et les guerres avec les Ottomans, alors les quelques aventuriers pouilleux de l’autre côté de son pays n’étaient pas à l’ordre du jour.
Grigori est déçu, mais il s’obstine. Il monte lui-même la Compagnie du Nord-Est et la dote d’un capital immense pour financer son expédition qui voit le jour le 16 août 1783. Trois galions contenant 500 Russes s’élancent sur le Pacifique et atteignent les îles Kodiak (non sans difficulté). Les koniags locaux n’apprécient pas vraiment cela et tentent de faire rembarquer les colons qui répondent par la tactique du canon. Et même si Chelikhov se sera montré plutôt vindicatif, il tentera tout de même de lier des relations avec les locaux après cela.
L’amérique russe est donc créé et la fortune des Chelikhov prend de l’ampleur malgré les refus répétés de Catherine la grande pour lui autoriser un monopole du commerce qu’il réclame constamment… Jusqu’à ce que Grigori meure brusquement en 1795.
Rentre alors en jeu notre personnage du jour : Nikolaï Rezanov. Ce dernier est un courtisan de Saint-Pétersbourg qui s’est marié à la fille de 13 ans de Grigori Chelikhov. Et avec la mort de son beau-père, l’homme de 31 ans se retrouva propulsé héritier d’une des plus grandes fortunes de Russie. Pour rappel, le chiffre d’affaires de la Compagnie était estimé à quelques trois millions de roubles quand le budget de l’État était de quarante millions environ.
Cependant, rien ne prédisposait Nikolaï à cette tâche. Il n’était pas un des pionniers trappeurs Sibériens qui avaient forgé leur pays. A vrai dire, il était plus un secrétaire du palais impérial (ce qui n’est pas rien). Ce fut d’ailleurs à Saint-Pétersbourg que Nikolaï rencontra les Chelikhov (la femme de Grigori était de la même catégorie que son mari). Ces derniers avaient rejoint la capitale afin de trouver du soutien pour leur grand projet de conquête de l’Amérique. Soutien qu’ils trouvèrent en divers nobles de la cour impériale qui amenèrent Nikolaï avec eux. Intéressé par leur projet, ce dernier épousa donc la fille du couple et obtint de plus en plus une part de responsabilité dans la gestion de la compagnie.
La mort de Grigori mit donc Nikolaï sur le devant de la scène avec Nathalia Chelkihova, la veuve de Grigori. Ils tentèrent de poursuivre l’œuvre du gaillard en avançant, à raison, que la présence de plus en plus pressante des étrangers dans le Pacifique risquait de mettre en danger la Russie elle-même. Et malgré ses réticences, Catherine se retrouva forcé de l’admettre elle aussi. En septembre 1796, un texte donnant le monopole à une compagnie Russo-américaine (RAK) voit le jour et semble donner des résultats prometteurs pour Nikolaï et Nathalia… Mais Catherine meurt quelques semaines plus tard et tous les plans tombent à l’eau. Les soutiens à la cour sont désavoués par le nouveau tsar Paul 1er, fils de Catherine et personnage un brin paranoïaque et dérangé. Pour en rajouter une couche, il haïssait sa mère au plus haut point et il prit un malin plaisir à défaire tout ce qu’elle avait mise en place (quitte à changer de résidence et faire changer les uniformes de l’armée pour adopter un style plus prussien).
Sauf que cet esprit de contradiction joue en faveur de Nathalia et Nikolaï. En effet, en utilisant l’influence de Gavil Derjanive, un des rares courtisans de Catherine à avoir survécu au remaniement, ils indiquèrent au tsar que Catherine abhorrait les monopoles commerciaux. Paul 1er se fit donc un plaisir d’un créer un en officialisant la RAK. La compagnie obtint un privilège de vingt ans sur le monopole des activités commerciales pour tout ce qui se trouve au-delà du 55e degré latitude N sur les archipels et côtes américaines du Pacifique. Sans le savoir Paul 1er vient de délimiter la limite entre l’Alaska et le Canada. Et pour la compagnie, Nikolaï Rezanov, nommé haut représentant au capital, en est le véritable maître.
En 1801, Paul 1er est assassiné par ses courtisans qui le craignent de plus en plus et il est remplacé par Alexandre, petit-fils de Catherine qui avait tout fait de son vivant pour préparer l’avènement de son enfant chéri. Le nouveau tsar est d’ailleurs un fervent partisan de l’entreprise américaine et l’aide à prospérer. Après tout, c’est un moyen d’obtenir des terres et de l’argent pour la couronne sans trop se fouler. Les actions gonflent, le commerce est efficace, la vie dans les colonies est rude mais les russes tiennent bon face aux prétentions étrangères. Tout semble aller pour le mieux.
Puis Nikolaï Rezanov perd sa femme, Anna, en 1802 après un accouchement difficile. Le coup est dur et l’homme semble dériver dans la tristesse. Cela inquiète tant de gens que le tsar lui-même l’invite dans sa résidence d’été six mois plus tard. Il est question d’un voyage, d’une ambassade. On lui demande d’aller faire un voyage d’au moins trois ans pour nouer des relations avec le Japon et de laisser derrière lui dans le même temps ses deux enfants. Pour Nikolaï, la nouvelle est un choc, mais il finit par accepter. Commercer avec la Chine et le Japon étaient des objectifs de toujours pour la RAK et même Grigori Chelikhov. L’Alaska n’était qu’une étape pour atteindre les riches empires asiatiques… L’occasion était trop belle.
Deux mois plus tard, Nikolaï Rezanov fait ses bagages et est nommé représentant plénipotentiaire de la Russie auprès du « Céleste et tout-puissant souverain du très vaste empire du Japon » deux mois après l’audience.
L’opération est laissée aux mains de la RAK qui apprécie le geste. Ils ont bien l’intention d’utiliser ce voyage autour du monde pour prouver qu’il est possible de ravitailler les colonies russo-américaines par ce biais. Pour le moment, les marchandises sont transitées par traineaux à travers la Sibérie et on construit quasiment les navires au Kamtchatka. Les ancres venant de l’Ouest sont mêmes brisées puis refondues vaguement en un morceau une fois arrivé sur la côte. La compagnie ayant perdu trois navires en mer récemment, elle passe donc par une crise importante. Non seulement les colonies ne sont plus ravitaillées, mais les américains de Boston et autres se font un plaisir d’investir les lieux, de chasser à loisir sans crainte de répercussions et, d’après les rumeurs, arment même les amérindiens locaux dans l’espoir qu’ils chassent les russes pour eux ! Ce voyage sert donc aussi à envoyer deux voiliers (la Neda et la Nadejda) pour calmer cette situation explosive.
Le 10 juillet 1803, Rezanov reçoit le titre de « figure pleinement maîtresse non seulement durant le voyage, mais également en Amérique » et, afin que les choses soient claires, il est précisé : « Les deux vaisseaux [Neva et Nadejda] ainsi que les officiers et servants, puisqu’ils se trouvent au service de la Compagnie, sont placés sous votre commandement ».
Cela semble clair, mais cela n’est l’était pas en vérité. En effet, le capitaine Krustensern, qui dirigeait les deux navires et a géré tous les préparatifs (même l’idée du voyage vient en partie de lui) estimait qu’il restait le maître à bord. Pour lui, Rezanov n’était que le porte-monnaie de l’expédition. Les règles de l’amirauté vont même dans ce sens… Le malentendu va donc prendre de l’ampleur surtout que Krustensern dira plus tard qu’on « lui avait bien remis des instructions mais qu’[il] ne les avait pas lues ».
Les deux voiliers partirent le 26 juillet 1803, le quiproquo est installé. Les marins restèrent convaincus que Rezanov n’était qu’un passager à bord d’après les journaux de certains… Un passager encombrant même qui s’était ramené avec un bric-à-brac digne d’une foire : porcelaine, napperons, un portrait du tsar en tapisserie, des tapis, des centaines de mètres de soie, des chandeliers, des médailles d’argent, des rubans de l’ordre de Saint-Vladimir, etc… Et lors d’une escale à Londes, Rezanov récupèra même une machine électrique qui l’a impressionné en faisant bouger un cadavre. La liste est longue et montre bien que des cadeaux son prévus tout au long du voyage.
Et on est parti pour les anecdotes sur cette expédition :
On apprend, peu de temps après le départ, qu’un certain lieutenant Fiodor Tolstoï, officier du prestigieux bataillon de garde Preobrajenski et réputé pour ses duels multiples se distingua par ses cuites spectaculaires avec le moine supérieur Gédéon, autorité spirituelle de l’expédition. Après l’une d’entre elles, Fiodor se réveilla sur le pont à côté de son camarade de beuverie encore assoupi. Pris d’une idée soudaine, le lieutenant alla dérober de la cire dans les quartiers du capitaine et colla la barbe fournie du révérend au ponton… Avant d’y apposer le sceau impérial. Quand le moine se réveilla, il fut forcément horrifié et n’ose même pas briser ledit sceau. L’équipage se retrouva donc obligé de couper la barbe du moine qui resta accroché au ponton tout le long du voyage. Tolstoï, lui, sera débarqué et renvoyé par voie de terre à Saint-Petersbourg. Et si son nom vous est familier, il était l’oncle de Léon Tolstoï qui écrira « Guerre et Paix ».
Un peu plus loin dans l’expédition, le conflit entre Krustensern et Rezanov éclata enfin quand le choix d’une escale s’impose. Krustensern voulait relâcher à Teneriffe, Rezanov à Madère. Une dispute éclata et dura sur un demi-tour du monde. Quand Rezanov, en dernier recours, vint lire les ordres qu’il avait reçu et ses droits, on frôla la mutinerie. Aucun des marins ne reconnaissait l’autorité de Rezanov qui hurlait, gesticulait et s’insurgeait en vain. A leurs yeux, il n’était qu’un nobliau arrogant qui ne connaissait rien de la mer et des règles à bord. Il passa la majorité du voyage dans une semi-dépression, cloitré dans sa cabine dont il ne sortait que pour échanger des insultes avec les officiers. Lors d’une escale brésilienne, les deux commandants de l’expédition s’insultèrent copieusement dans leurs lettres respectives à Petersbourg et repartent. Krustensern ira même profiter d’une escale pour demander au charpentier de bord de monter une paroi pour isoler Rezanov des officiers et le confiner à la compagnie des spécimens d’insectes et autres batraciens récoltés par les naturalistes de l’expédition.
Puis, après avoir passé ce qui deviendra Hawaï, Rezanov craqua et s’enferma pour de bon dans sa cabine. Il venait d’apprendre une triste nouvelle : les Tlingits d’Alaska s’étaient soulevés. Armés avec de la poudre et des canons, ils avaient pris Novo-Arkhangelsk, quartier général de la RAK et massacré la population. Rezanov demanda, épuisé, à ce que la Neva parte immédiatement pour l’Alaska tandis que la Nadejda continuerais sa mission japonaise. Krustensern tombe d’accord pour une fois et les navires se séparent. Cela sauva les colonies américaines qui se reconstruisirent grâce à ce soutien providentiel, mais elles changèrent aussi de régime. Adieu les sibériens et autres cosaques, bienvenue les officiers de marine et le régime colonial.
Rezanov et Krustensern finirent par « remédier » à leur lutte mutuelle une fois arrivé au Kamtchatka où on donne raison à Rezanov. Le capitaine de l’expédition fut forcé de faire des excuses publiques et Rezanov donna les pleins pouvoirs sur le navire et son équipage audit capitaine, officiellement, en mer.
Et maintenant arrive le Japon. L’heure de gloire de Rezanov qui s’avéra être un désastre total. Dès l’arrivée de la frégate dans la rade de Nagasaki en 1804, les choses ne vont effectivement pas se passer comme prévu. Rezanov apprêta ses cadeaux sur le pont en se réjouissant de rencontrer le Shogun (Tokugawa Ienari) rapidement.
D’une, à peine arrivé, on les refoula aussi sec. Seule l’île de Dejima, excroissance du port de la ville, était accessible aux étrangers. Et cela comptait pour tout le Japon. Et pour en rajouter une couche, les néerlandais, déjà bien installé avec les portugais, sont les maîtres du commerce sur place et ne manquaient pas d’en profiter. Alors que la frégate s’approche, des navires de pêcheurs, au lieu des accueillir, leur firent rapidement comprendre qu’ils ne sont pas les bienvenus. Les autorités suivirent et on leur demanda de jeter l’ancre à quatre milles marins de la côte, dans une zone venteuse et agitée où les passagers purent purent profiter du roulis pendant leur attente. Elle dura six mois. Six longs mois où il fallut batailler pour approcher de la côte, approcher de Dejima, accoster, poser le pied sur l’île, puis enfin y résider. Pour ne rien arranger, aucun des représentants japonais ne parlait français, russe ou anglais. Ils durent passer par le représentant local hollandais, Hendrik Doeff, et donc utiliser un mélange de bas-allemand connu par le docteur de l’expédition, et du néerlandais pour commencer les négociations.
La conversation ne fut qu’un long dialogue de sourd : Quel est le nom de votre auguste monarque le Shogun, demandèrent les Russes ? C’est un secret répondirent les Japonais. Où réside-t-il, et peut-on lui rendre visite ? En aucun cas, dirent les Japonais qui firent remarquer à Rezanov que ses lettres de créance étaient rédigées dans un japonais sommaire et très vulgaire (Pour ce dernier point, cela était dû au fait que les Russes ont utilisés des pêcheurs japonais ayant échoués sur leur côtes pour traduire. Pêcheurs qui seront d’ailleurs interdit de retour chez eux en partie, l’un d’entre eux finira par se suicider par hara-kiri). Et combien de temps faudra-t-il pour attendre son agrément ? « Vous avez de la chance d’avoir eu la grâce d’accoster » fut la seule réponse. Tout était dit avec le sourire Japonais. Et pour en rajouter une couche, Rezanov fit tout pour les conversations se passent mal. Il refusait de s’incliner, se plaça en biais au lieu de s’asseoir en tailleur, hurlait, s’insurgeait, brusquait les ambassadeurs, tout le contraire du code social japonais en somme. Mais, comme ce n’était pas assez, le plénipotentiaire de l’expédition ne trouva rien de mieux que de se balader sur le pont du navire en sous-vêtements avant d’aller uriner par-dessus bord. Lorsqu’ils débarquèrent sur Dejima, on les parqua à l’écart, dans des huttes en bambou qui permettaient aux japonais curieux d’observer ces Russes étranges. Les mêmes Japonais d’ailleurs, après avoir vu Rezanov arpenter les lieux en robe de chambre, bonnet de nuit et sans pantalon, décidèrent d’envoyer des médecins à l’expédition russe. Ils s’y présentèrent et annoncèrent s’inquiéter de la santé de Nikolaï Rezanov. Il semblait, d’après eux, « souffrir de mauvaise foi et de manque d’humour ». Après cet épisode, il était clair que l’expédition russe n’avait plus aucun crédit aux yeux des Japonais.
Quand tomba la réponse du Shogun, le 23 mars 1805, ce fut la douche froide. D’après le message de ce dernier, le Japon n’avait pas grand-chose à offrir aux Russes et les besoins du pays étaient tout à fait satisfait par la Chine et les Hollandais. Ainsi, ils n’ont pas besoin du commercer avec les Russes. Rezanov, à qui le diplomate Japonais fit en plus une remarque sur la pose en biais du premier lors de l’audience, fut humilié et ne put que repartir. Lorsqu’ils embarquèrent, on lui remit un paquet de graines à l’intention de la tsarine. Elle pourrait ainsi se divertir à la vue des fleurs japonaises depuis son jardin.
Rezanov revint en Sibérie un homme brisé. Avant même de pouvoir annoncer son échec japonais, un courrier du tsar lui annonçant la nomination de Krustensern à l’ordre de Sainte-Anne finit d’achever sa patience. L’idée de devoir annoncer son raté tout en voyant son rival se faire décorer était de trop pour lui. Ainsi, loupant de peu un courrier avec un cadeau du tsar pour sa personne, Rezanov repartit pour les Amériques en envoyant un courrier rageur au tsar qu’il ne reverra plus d’ailleurs.
Il rejoignit Novo-Arkhangelsk, en piètre état et en pleine reconstruction depuis l’attaque des Tlingits. Les malades s’entassaient dans des mouroirs et la famine guettait. En dernier recours, il se décida à tenter sa chance plus au Sud, avec les espagnols de Californie.
Le 25 février 1806, avec dix-huit bien portants et quinze des plus malades, Rezanov quitta la colonie américaine pour mettre le cap vers le sud avec le Juno. En Europe, Napoléon s’était jeté sur l’Espagne, mais on espérait que les colonies tenaient encore le coup.
Un jour, après avoir tenté de trouver un lieu pour une nouvelle colonie au passage, l’équipage aperçoit de la fumée au loin. Huit kilomètres plus loin, se trouvait l’expédition de Lewis et Clark, alors en quête d’une route commerciale vers l’Asie et le Pacifique. Les deux empires se frôlèrent sans même le savoir.
Le 28 mars, à l’aube, le Juno arriva devant la baie de San Francisco. Depuis le promontoire fortifié qui défendait la baie, l’équipage de la corvette aperçoit des espagnols qui leur faisaient de grands gestes en leur criant des ordres par porte-voix. Clairement, ils n’étaient pas attendus et n’étaient pas les bienvenus. Tout contact avec des étrangers était interdit par Madrid… Mais, les Russes n’avaient plus de choix. L’équipage était épuisé et Rezanov lui-même était atteint par le scorbut. Alors les Russes crient à tue-tête « Si, Señor ! Si, Señor !», font mine baisser les voiles et l’ancre et mirent le cap en plein dans la baie pour forcer le passage. Quand les espagnols comprirent enfin ce qu’il se passait et tirent au canon, le navire était déjà dans la baie. L’équipage fut accueilli au port par la garnison locale. Mais Rezanov, qui présentait ses plus beaux atours pour l’occasion, utilisa à son avantage sa réputation obtenue après le « tour du monde russe » précédent que les Espagnols connaissaient. Ainsi, malgré une introduction complexe, les Russes attendirent tranquillement dans le presidio l’arrivée du gouverneur local, absent pour le moment. Quand ce dernier revint, il se retrouva avec des Russes surprises chez lui et, en prime, Rezanov lui demandait la main d’une de ses filles, Doña Maria de la Conception. Et ça passe. L’idée d’une alliance était alléchante et Rezanov a fait jouer ses talents pour mettre tout le monde de son côté afin d’obtenir les réserves de blés et promesses de commerce de la part des Espagnols. Rezanov repart ainsi tout heureux avec ces nouvelles pour Saint-Pétersbourg. Néanmoins, on ne saura jamais vraiment si son amour espagnol était sincère ou purement pécunier, mais il promit à sa promise de revenir. Ce qu’il ne fera jamais, car son état de santé se dégrada durant le voyage à travers la Sibérie et il mourra en chemin.
L’alliance espagnole tomba à l’eau dans le même temps. L’Amérique russe tiendra encore quelque temps après la mort du dirigeant de la Compagnie. Mais diverses tentatives de construction de nouveaux forts firent long feu et une demande d’annexion de Hawaï (oui oui) organisée par un autre membre de la compagnie fut repoussée par le tsar qui n’y voyait que des problèmes diplomatiques. L’Amérique russe vivait ainsi ses derniers jours.
La conquête du Fleuve Amour
Mars 1848, le gouverneur général de la Sibérie, un certain Nikolaï Nikolaïevitch Mouraviev, entra à Irkoustk pour prendre ses fonctions.
Très vite, les marchands et fonctionnaires sibériens furent stupéfaits par les méthodes et les manières de leur nouveau dirigeant, un jeunot tout droit sorti de nulle part. Ce dernier ignore complètement les « personnages » les plus importants, vira la plus grande part des corrompus de son administration malgré leur pouvoir sur la région et opèra une série de réformes. On s’insurgea à la capitale, mais le jeune gaillard avait ses appuis et on lui conseilla seulement de faire preuve de plus de tact dans ses manœuvres.
Sauf que ce Mouraviev ne sortait pas de nulle part avec ses grandes idées. La couronne en avait assez de ces terres sibériennes qui coutaient plus qu’elles ne rapportaient. Donc le mot d’ordre fut simple : on fait table rase, on arrête le gaspillage et on repart. Surtout que les tensions avec l’empire Ottoman ne faisaient qu’aller en s’aggravant et ce avec l’Angleterre et la France alliés tous les deux au premier. De plus, l’empire céleste chinois vacillait depuis que les Anglais et les autres européens avaient forcés le passage des ports avant d’inonder le pays d’opium. Donc s’il était possible de surveiller cette frontière : tant mieux… Mais si on pouvait récupérer quelques parcelles, c’était encore mieux. Surtout que la Chine était autrefois le meilleur partenaire commercial de la Russie.
Et, si on passe outre les accomplissements du gaillard, un de ses plus grand fut de prouver que le fleuve Amour était praticable. Un des dix plus grands fleuves du monde était effectivement considéré comme impossible à naviguer, car n’ayant pas d’embouchure praticable à cause des bancs de sable qui s’y trouvaient.
Or Mouraviev était convaincu qu’il l’était.
Pour lui, un fleuve pareil se devait d’être navigable depuis l’océan Pacifique. Et si les Russes et encore plus les Chinois s’obstinaient à ne même pas tenter l’aventure en considérant ce fleuve comme un simple frontière naturelle, alors ils iraient vers une catastrophe complète. Les navires étrangers filaient de plus en près des côtes sibériennes et y péchaient voire chassaient sans être importunés par la maigre flottille russe qui y vadrouillait. Et leur intérêt pour l’Amour se faisait de plus en plus pressant. Par trois fois, des étrangers, souvent anglais, vinrent se faire passer devant les autorités pour des scientifiques pour atteindre le lac Baïkal et l’estuaire de l’Amour.
Autant dire que pour Mouraviev, c’était maintenant ou jamais qu’il fallait ouvrir cette route avant que d’autres ne le fassent et puissent arriver en plein cœur de la Sibérie et donc de l’Empire russe.
Sauf que cette route, on avait déjà tenté de l’ouvrir. Même après que le tsar en personne ait demandé à détourner une corvette pour tenter sa chance à la demande de Mouraviev, rien. A l’Ouest du pays, on était soulagé cependant. Les folies du nouveau gouverneur n’iraient pas leur faire perdre trop de temps avec cette idée incongrue.
Néanmoins, il en fallait plus pour décourager Mouraviev et il fit affréter un navire qu’il donna à un bon ami : Nevelskoï. Sauf que si les deux hommes étaient motivés à l’idée, cela revenait à un affront direct envers la couronne que d’essayer. Alors ils utilisèrent un navire, le Baïkal, initialement destiné à simplement venir ravitailler quelques cités côtières sibériennes, pour ensuite le détourner et tenter de percer l’estuaire de l’Amour. La deuxième partie de la mission était laissée volontairement floue et le déchargement fut accéléré pour laisser de la marge au navire avant que le stratagème ne soit découvert.
Nevelskoï tenta donc et trouva, le 22 juillet 1849, un passage dans les bancs de sable au travers du brouillard et des cartes erronées. Des fermiers chinois médusés virent donc passer, pour la première fois, un navire de guerre moderne sur le fleuve qu’ils pensaient infranchissable. L’homme revint en triomphe et fut accueilli par un Mouraviev en liesse. A Saint-Pétersbourg en revanche, l’ambiance fut toute autre. On s’insurgea contre ce crime de lèse-majesté et autre escroquerie en traitant Nevelskoï de menteur. Une bataille rangée s’engagea contre l’administration impérial et les relations avec le souverain furent un brin plus compliqué. Surtout que le tempérament de Mouraviev devenait de plus en plus cassant avec le temps, grognant qu’on lui bridait ses libertés dont il avait tant besoin. Le gouverneur enchaîna ainsi les trajets entre la Sibérie et la capitale, tant et si bien qu’on estima qu’il avait parcouru près de 120 000 kilomètres à cheval avant sa démission, d’après son adjoint Venioukov.
Après un nouveau pied-de-nez aux chinois et l’administration quand Nevelskoï vint créer un fortin le long de l’Amour, la situation sembla définitivement perdue pour Mouraviev qui était en passe d’être désavoué… Mais c’était sans compter sur le grand-duc Alexandre, futur tsar Alexandre II, qui, après avoir reçu l’aval de son père le tsar, reprit en main la question de l’Amour. Le tsar venait de choisir son camp après de longues et âpres discussions : l’Amour devait être conquise par la Russie. Les ministres révoltés furent pour la plupart reconduits et on reprit les travaux en grandes pompes.
Mais tout restait encore à faire et la tension avec les puissances étrangères ne firent que s’accentuer. En 1853, les américains ouvrirent de force les ports du Japon à coups de canon. Et les Ottomans finirent par déclarer la guerre à la Russie, étant ainsi joint par la France et l’Angleterre. La Mer Noire devint ainsi le théâtre de la guerre de Crimée.
Mouraviev en revanche, ne perdit pas le Nord pour autant, avançant que la Sibérie était une proie terriblement facile pour les Anglais et Français. D’après lui, si les Anglais mettaient la main sur la baie d’Avatcha au Kamtchakta, ils pourraient faire pression, gagner la guerre ainsi, mais jamais ils ne la rendraient cette baie-là. Ces inquiétudes ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd et on accorda à Mouraviev le droit à la parole. A la question de comment faire pour acheminer des troupes pour protéger la Sibérie alors que les ports sur l’Ouest étaient presque bloqués et la flotte russe avec, Mouraviev répondit : l’Amour. D’après lui, on pouvait rassembler une flotte en Sibérie avec des troupes et les acheminer par le fleuve jusqu’à la côte Est. Il proposa ainsi d’assembler une flotte de bric-à-brac avec des vapeurs et autres navires de pêches pour contrer une invasion de frégates franco-anglaises.
La situation était désespérée et l’idée avait déjà été soumise par le gouverneur sibérien deux ans plus tôt. Tant pis, essayons, fut le mot d’ordre. Le 14 janvier 1854, le plan fut accepté avec une annotation de la main du tsar « mais que ça ne sente pas la poudre », car il fallait convaincre la Chine de changer ses frontières au passage.
Quatre mois plus tard, Mouraviev embarqua sur un vapeur, l’Argoun, de l’autre côté du lac Baïkal. Il rejoint cinq barques, quatre voiliers, dix-huit chaloupes, treize barges, huit pontons et vingt-cinq radeaux. Cette flottille emporte avec elle quatre cents tonnes de ravitaillement, quatre canons, sept cent cinquante-quatre fantassins de ligne, six officiers, cent vingt cosaques ainsi que six artisans et quatorze musiciens.
Emmené par le vapeur, la flotte s’ébranla et remonta le fleuve Chilka pour rejoindre l’Amour sous les hourras des Russes et les regards ahuris des Chinois plus loin. Des rumeurs parlèrent de chaînes posées par l’empire céleste pour empêcher cette flotte surprise de passer… Mais quand ils arrivèrent à la frontière officielle (la jonction entre la Chilka et l’Amour), aucune chaîne en vue. Il fallut attendre trois semaines de navigation pour enfin apercevoir les premiers villages mandchous sur la rive droite du fleuve. A l’approche de la ville d’Aïgoun, Mouraviev envoya une estafette au gouverneur local. Le message était simple : nous ne faisons que passer, il n’y a aucun danger pour vous, nous voulons défendre nos possessions sur le Pacifique. Le gouverneur chinois n’y comprit rien, surtout qu’il n’avait reçu aucun ordre de Pékin à ce propos et il opposa donc son refus catégorique… Puis il vit arriver le cortège de navires remplit de troupes sur le pied de guerre. Il préféra donc temporiser.
Une délégation russe vint alors accoster pour discuter de la question de leur passage sur le fleuve. Le gouverneur chinois, paniqué, demanda que des tentures soient dressés en vitesse et qu’un millier d’hommes avec des bâtons peints en noir pour leur donner une apparence de lance et d’arcs qu’ils portaient à l’épaule se placèrent derrière. Autant dire que les Russes ne furent pas vraiment impressionnés par cette pseudo-démonstration de force. Surtout venant d’un pays qu’ils craignaient encore deux siècles plus tôt. Au final, le gouverneur chinois préféra voir partir cette armada encombrante plutôt de risquer un incident diplomatique et la flotte repartit.
La flottille arriva avec grand émoi à rejoindre le reste des forces russes au Kamtchatka à Petropavlovsk et commença ses préparatifs à grands coups de tranchées et autres fortifications. Mais à peine une semaine après leur arrivée, voilà que la flottille franco-anglaise était en vue. Trois frégates, une corvette, un brick et un vapeur portant deux mille hommes et cent quatre-vingt-dix canons. En face, malgré les renforts, les russes n’avaient à leur opposer que huit cents hommes (équipages, habitants et autochtones compris) ainsi que soixante et un canons dont vingt-sept se trouvaient dans les navires cachés dans la rade.
Durant dix jours, les deux factions s’affrontèrent dans un duel étrange auquel aucun n’était vraiment préparé et qui fera tout même cinq cents victimes. Au départ, les Anglais et Français commencèrent par pilonner le fort de Petropavlovsk. Mais la coordination entre alliés partit plutôt mal. L’amiral britannique Price, commandant en chef de l’escadre, mit soudainement fin à ses jours dans sa cabine, deux jours seulement après le début des hostilités. Les opérations furent interrompues, les officiers étaient désemparés, mais on lui trouva un remplaçant : l’amiral Février Despointes « un officier très âgé et handicapé » d’après le chroniquer anglais Ravenstein. Les Anglais voulaient débarquer, l’amiral français hésite et les assauts terrestres échouent par deux fois à prendre le fort. On enterre les morts et l’escadre repartit, battue.
A l’Ouest, on souffla en apprenant la nouvelle. Le siège de Sébastopol avait commencé en Crimée et cela s’annonçait bien assez mal comme ça. Au moins, à l’Est, le front tenait.
Au printemps 1855, les Russes remettent le couvert et en grandes pompes. Sur deux kilomètres, une armada de cent-vingt-cinq embarcations remontèrent l’Amour pour venir ravitailler ce front lointain. Et les embarcations étaient plus massives, car cette fois le gouverneur avait fait amener des paysans sibériens avec leur bétail pour coloniser la région.
Et si les Russes s’étaient renforcés, les Anglais aussi. Et ils étaient un peu grognons, car cette fois, ce fut dix-sept vaisseaux de guerre, dont un seul Français, qui repartirent à l’assaut. La force de frappe était plus de deux fois supérieure à la précédente. L’objectif de cette flottille ? Anéantir les forces russes et laisser la main libre aux occidentaux sur la région.
Sauf que quand l’escadre de l’amiral Bruce arriva dans la baie : personne. Pas la moindre trace de vie. Le gouverneur général de la Sibérie avait fait évacuer la région en ayant prévu le retour en force des alliés. L’idée est au quitte ou double surtout qu’elle allait à l’encontre des ordres habituels.
Ainsi, quand l’amiral Bruce regarda la cité de Petropavlovsk depuis sa lunette, il n’aperçut qu’une chose : le drapeau américain dressé au-dessus d’un magasin comme un pied de nez aux anglais. Juste après, les Anglais firent incendier les bâtiments officiels et raser les fortifications de la ville. Puis, la flotte repartit pour chercher des Russes.
Ils ne trouvèrent que quatorze prisonniers. Le reste s’étant enfuit par l’estuaire du fleuve Amour en profitant du brouillard.
Le pari était risqué, mais il fonctionna et ainsi Mouraviev sauva l’est de la Sibérie et le fleuve Amour des assauts franco-anglais. La guerre en Crimée finit par être perdue par une Russie humiliée, mais qui avait tout de même réussi à conserver son arrière-campagne tout en gagnant même un peu de territoire par la suite.
Sujet: Re: Anecdotes historiques Mar 5 Mai 2020 - 22:47
Allez, ça fait un long moment que je n'ai pas posté quoi que ce soit en ces lieux, alors revenons avec une histoire débile.
Nous sommes vers la fin de la seconde guerre mondiale, dans les environs de 1945, et nos amis outre-atlantique (aka les 'ricains) se disent qu'un gros tank pourrait être utile pour péter les fortifications de la ligne Siegfried qui posent quelques problèmes sur le front de l'Ouest.
Ils sortent donc le T-28 "Super Heavy Tank".
Vous allez me dire "mékeskecé ke ce truc" et vous avez raison, parce que les américains eux-même n'était pas sûr. Il a été appelé T-28 Super Heavy Tank. Puis on s'était dit qu'en fait, vu son armement, sa taille et son manque de tourelle, ouais c'était plutôt de l'artillerie donc 105 mm Gun Motor Carriage T95 (c'était pas pris)... Puis... Finalement, c'était un peu idiot de dire que c'était de l'artillerie vu son utilisation possible, donc T-28.
Avec ses 95 tonnes et son canon de 105 mm il reste encore aujourd'hui le plus gros tank jamais produit par l'armée américaine. A titre de comparaison, le Tigre allemand, en poids de combat, pesait un "petit" 57,25 tonnes et le Tigre II aka Konigstiger (un surnom peu utilisé par les allemands d'ailleurs) est à 69,8t. Et ces deux derniers faisaient partie des plus gros de l'époque.
Donc, il est gros, massif, ultra lourd, a besoin de quatre chenilles pour rouler sans s'enfoncer dans le sol et ne passe bien entendu pas le pont le plus proche. Utile comme bestiole.
Et double pas de bol pour les ingénieurs du machin, la ligne Siegfried a été explosé sans le T-28 et l'Allemagne signe l'armistice quelque mois plus tard. Comme quoi il n'était pas si nécessaire que ça. Et forcément, on passe sa production à juste deux exemplaires plus par curiosité qu'autre chose.
En 1947, les américains testent les deux uniques modèles qu'ils possèdent au terrain de test d'Aberdeen. (c'est entre Philadelphie et Washington, à ne pas confondre avec la ville d'Aberdeen dans l'état de Washington de l'autre côté du pays... Oui la géographie c'est pas leur truc au ricains). Ils vont même le mettre dans une barge de débarquement par je ne sais quel miracle.
Durant les essais, le premier, dont la photo est au-dessus, prend feu et est irrécupérable. Le deuxième, d'après les archives aurait été détruit à la suite des tests et démonté... On peut alors résumer les tests par : il était nul et impraticable, mais pour un tank de cette taille il était assez endurant tout bien considéré.
Affaire classée.
Sauf qu'en fait l'histoire ne s'arrête pas là. Eh oui, le deuxième tank existe toujours, on peut actuellement le voir au Musée Patton à Fort Knox si je ne m'abuse. Mais alors, pourquoi diable a-t-il été indiqué comme détruit ? Honnêtement ? Personne ne sait. Pour l'armée américaine et à peu près tout le monde après 1950, le truc n'existait plus.
En réalité, les américains avaient tout bêtement oublié/perdu ce tank n°2 de 95 tonnes dont ils se foutaient bien, jusqu'à qu'un chasseur local retrouve le bestiau inexplicablement caché dans un champ militaire en Virginie 157km plus loin, à peine rouillé et caché par deux misérables buissons.... 27 ans plus tard.
Photo de l'état dans lequel on a retrouvé le tank fantôme:
Ici, probablement le chasseur en civil avec un militaire sur le tank retrouvé
Voilà. Il a fallu aux États-Unis d'Amérique 27 ans pour retrouver "par hasard" le plus gros tank de leur histoire avec un camouflage pareil. Et personne ne sait pourquoi il était là.
Sujet: Re: Anecdotes historiques Dim 10 Mai 2020 - 8:47
Mdr il faut vraiment avoir pas de bol pour perdre un si gros bébé x)
Super intéressant, encore une fois, et étonnamment ça nous vient des ricains et non des russes cette fois-ci. Après je vois mal l'utilité de faire un tank aussi lourd, parceque je veux bien qu'un tank doivent être solide et est souvent lent mais déplacer 100t c'est pas facile. Je me demande d'ailleurs où sont les 100t parceque le tank semble pas si immense que ça, comparé à d'autres tanks au gabarit moins colossal.
En tout cas merci de nous avoir partager ton coup de coeur historique du moment!
Sujet: Re: Anecdotes historiques Dim 10 Mai 2020 - 22:30
Pour te répondre, le tank est plutôt massif. Si on compare avec un Tigre on a :
Longueur : 11,1m contre 8,45m (en comptant le canon à 12h) Largeur : 4,39m contre 3,72m
Donc il est déjà bien gros pour l'époque. Maintenant, il faut aussi prendre en compte son armure. J'ai oublié de le mentionner mais si un tigre a une armure de superstructure (le bloc principal) de 10cm, ce truc en avait 30,5 mm.
Je te laisse imaginer le poids de seulement la plaque frontale avec son 30cm d'épais. Rajoute le canon peu léger. Tu arrives très rapidement au poids total débile de 95 tonnes.
Quant à son utilité, eh bien il semblerait que l'US army n'en ait pas trouvé non plus vu que le projet a été abandonné