Alrun écarta avec agacement les branches mortes lui obstruant le chemin. La vampire se frayait un chemin sans se préoccuper des obstacles, brisant, écrasant, piétinant. Cette émotion ne l’avait quittée depuis la forêt aux sapins, depuis qu’elle l’avait laissé pour mourant, ce pauvre ère que l’infortune avait placé sur son chemin… Elle s’empara d’un rameau noircie par la gangrène et le cassa.
Faible, faible, si faible ! Incapable de commander à sa propre raison ! O que sa mort serait jouissances pour ce monde que son existence assombrissait lentement !
Elle regarda sa paume, pleine de ce bois brisé. Elle était similaire à cette branche. Vestige de siècles passés, s’obstinant à pourrir son environnement de sa présence mais aussi faible face à la réalité de sa nature…
Son pas s’arrêta.

« Ne pense même pas mourir, siffla-t-elle. Tu en as perdu le droit depuis bien longtemps… »

Elle reprit sa marche de façon plus retenue, sans toutefois prendre la peine d’épargner ce qui rendrait sa progression difficile. Sa robe d’un fin tissu brodé aurait dû se prendre dans les branches mais la vampire avait assez d’expérience pour se passer de ces incommodités ; que tant d’années d’existence aient une utilité quand même.
Soudain, elle suspendit son bras au dessus d’une branche. Sa peau nue luisait sous les quelques rais de lumière rare assez présente toutefois pour percevoir le frémissement qui la parcourait. Quelqu’un… une présence la guettait.
Ce n’était pas la forêt qu’elle connaissait depuis longtemps déjà et dont l’étrangeté lui était devenue familière. Non. Il s’agissait d’une toute autre chose. Fut-ce de la magie ? La sensation avait été si ténue que la vampire n’en était vraiment sûre malgré son savoir. Ne pouvant se fier à ses impressions, Alrun clôt ses paupières et le nez levé, emplit ses poumons des odeurs qui l’entouraient : pins, feuilles en décomposition, terre, humidité, déchets organiques, insectes…
Tiens.

La vampire d’obsidienne drapée rouvrit ses yeux vermeil, sans esquisser la moindre émotion. Elle avait perçu quelques fragrances surprenantes… celles propres aux terres elfiques. Que ferait donc un de ces êtres dans ce coin-ci du monde, eux si aimant de la nature et de ses beautés ? Tout n’était que nuit et ténèbres dans cette forêt morte.
Un sourire osa s’esquisser sur ses lèvres. Et elle donc ? Ame vagabonde parmi les esprits errants de ces lieux, avait-elle vraiment sa place ? Peu importait au final… elle y aspirait. Mais plus tard, lorsque toutes les promesses auront été tenues. Alors reviendra-t-elle un jour pour y agoniser et connaitre les tourments nés de ces péchés.
D’un geste las, elle essuya les restes de sang séché sur son visage et poursuivit sa marche.

Fortune facétieuse ou simple tour de l’aléa, les choses furent telles qu’Alrun rencontra l’être dont la présence avait été trahie tantôt. Elle lui apparut auréolée de noirceurs, sortie d’entre les arbres telle une dryade sombre, le visage impénétrable et inchangé malgré les siècles qui lui pesaient. Son regard vint percer le doute flottant dans les yeux de l’elfe aux cheveux clairs, comme pour le forcer à répondre à sa question informulée : que faisait-il ici ?

Alrun haussa un sourcil face à la supplique de l’elfe. Sa présence… Elle paraissait incongrue dans cette forêt d’ombres et de ténèbres : à ses yeux effrayés, à quoi pouvait-elle ressembler, vêtue de sa robe noire ? Elle laissa échapper un profond soupir pour toute réponse et sans bruit aucun, le dévisagea, lui qui gardait les yeux clos contre une menace supposée, et qui aurait pu être véritable… Si une autre âme n’avait pas déjà souffert à sa place. Son visage se fit plus sombre.
Attendre qu’il se calme, avant d’obtenir des explications… Avant de reprendre sa déambulation solitaire.
Quand enfin il sembla avoir tu sa panique première, elle s’avança d’un pas silencieux, le bas de sa robe charriant un flux de feuilles mortes. Ni menaçante ni amicale, Alrun se porta ainsi à la hauteur et d’une voix murmurante mais claire toutefois dans la quiétude inquiétante de la forêt, elle lui demanda :

« Que faites vous en ces lieux désolés, vous, elfe des bois qui tenez tant à la vie ? »

Elle resta quelques secondes silencieuse, immobile à le scruter intensément de ses yeux pourpres. Rien ne l’engageait à devoir lui prêter assistance mais elle n’avait nulle urgence qui eut nécessité son départ prompt non plus. Le choix lui était au final… indifférent. Toutefois, car aucune affaire ne la pressait autre part, elle se décida à l’accompagner. Par curiosité. Celle de voir l’aboutissant d’une telle entreprise…
La vampire le quitta finalement des yeux pour tourner son regard vers la pénombre profonde de la forêt, et se fit songeuse.

« Un mal immense… souffla-t-elle avant qu’un sourire doux ne vienne s’esquisser sur ses lèvres entrouvertes. Et vous, qui témoignez de peur devant un être de chair, seriez le seul à même de le vaincre ? »

Elle se retourna pour lui faire face, le visage emprunt de quiétude et d’amusement.

« M’autoriseriez-vous, Elfe, à suivre vos pas vers ce Mal qui semble vous ronger tout autant que cette forêt condamnée ? »

La vampire suivait les pas graciles de l'elfe d'une marche silencieuse, telle l'ombre de celui qui la précédait ; elle détaillait son dos et ses armes visibles,l'examinait à la recherche de la moindre bosse trahissant une lame dissimulée... Toutefois, cela n'aboutit à grande information utile. Elle entreprit ainsi de l'observer simplement : un elfe aux années encore juvéniles et n'ayant une vision fixée de son monde. De cela en découlait son apparente témérité - et sa fragilité aussi...
Néanmoins il pouvait se montrer capable d'initiatives. Alrun trouvait cela d'ailleurs fort étrange que sa frayeur eusse laissé si tôt place à une toute nouvelle détermination. Et si de moindres actes eurent été répréhensible, la vampire ne lui tint rigueur du ton impérieux utilisé à son égard ; elle n'était pas d'humeur belliqueuse.

De ce fait...
En rien elle ne se fut engagée à lui prêter main forte lors du combat qui s'annonçait, chose que l'elfe avait omise. Enfin.

« Je suis NéoLéo Elfe Sylfannique, et comme vous l’aurez compris je suis en quête pour éliminer un grand Mal qui s’insinue dans les contrées de Dùralas. Et vous ma Dame ? »

Elle lui retourna pour réponse qu'un regard sombre, les sourcils froncés ; elle avait relevé avec une surprise dissimulée le changement de son élocution… et la répétition de propos déjà tenus auparavant. Comment réagir à cela... ?

« Alrun Siegfried » fit-elle simplement sans suspendre sa marche.

L’avancée se poursuivit de manière toujours aussi taciturne, alors que la pénombre s’accentuait autant que les arbres se décharnaient. Que les attendait-il au fond de cette forêt ? C’était bien cette interrogation qui poussait Alrun à accompagner l’elfe…

La vampire sentait… sentait au loin une présence ténue s’affirmer peu à peu ; les bruits animaux se raréfiaient, les branchages ne bruissaient plus, les feuilles restaient silencieuses sous leurs semelles… Rien n’osait venir interrompre la quiétude menaçante régnante. Et aussi habituée des lieux fut-ce Alrun, elle percevait l’anomalie tapie au cœur de la forêt, là où la lumière déjà maigre disparaissait totalement.
Malgré tout, elle continuait d’avancer. La curiosité, comme toujours…

« Nous sommes, d’ici quelques mètres, nous tomberons sur ce que je recherche. Je ne sais pas si vous êtes là en tant que spectatrice ou en tant que compagnon d’arme… Mais sachez que le combat est inévitable, fit soudainement NéoLéo après ce qui sembla être une transe.
- Quitte à faire face à l’inéluctable, autant l’affronter. (Elle esquissa un sourire à peine visible dans l’obscurité.) Je vous aiderai si besoin en est, convenons-là-dessus. »

Ceci dit clairement, ils arrivèrent bientôt dans une clairière, ou plutôt un vaste espace circulaire…
Alrun dégaina lestement ses deux dagues. Prête à frapper.
Car toutes les parcelles de son corps lui indiquaient la présence d’un être hostile… là au-devant d’eux deux.

Début du combat Alrun, NéoLéo - Ennemi

Alrun se contenta de hausser un sourcil en assistant au manège narcissique de leur ennemi, prenant son temps pour se dévoiler. Elle avait en horreur ces petites gens affectionnant de façon démesurée la théâtralité et la mise en scène... Au lieu de quoi elle préféra rengainer une dague sous les plis sombres de sa robe, n'en gardant qu'une laissée au clair et prête à mordre la chair de cet arbre ensorcelé, tout imposant fut-il en comparaison à la finesse de sa lame.
Peut-être était-il grand, à l'écorce dure, mais jamais il ne rivaliserait avec la vitesse d'une vampire ni la précision des tirs elfiques.
Ils en viendraient à bout.

Faisant trêve de réflexions autres, Alrun se propulsa avec toute la puissance possible afin de se porter à coté de leur adversaire en quelques secondes à peine ; et sans freiner le mouvement, son bras décrivit un large cercle afin de venir frapper les racines de l'arbre. Les branches et autres éléments en hauteur, l'elfe s'en occuperait mieux qu'elle.

Début du combat Alrun, NéoLéo - Ennemi

La dague vint tailler avec un chuintement satisfaisant les racines tendres de l'arbre - toutefois, son allié manqua de la défendre et un puissant coup de branches vint percuter son dos, l'envoyant valdinguer dans les airs avant de rentrer en collision avec le tronc.
Un filet humide s'écoulait du front de la vampire.
Sa langue léchant le liquide lui apprit qu'elle saignait... Mais heureusement la plaie n'était que superficielle et ne la gênerait pas ; preuve en est, Alrun esquiva une seconde attaque d'un bond rapide, et haut. Dans la foulée, elle fit pivoter la dague dans sa main et projeta l'arme avec toute sa force vers la plus grosse des racines, espérant que cela suffise pour ralentir leur ennemi.

Combat Alrun, NéoLéo - Ennemi