Voilà bientôt trois semaines que le vieil elfe avançait en direction de Stellaraë, et enfin, les contours de la ville se profilait sur l'horizon. Un soulagement intérieur parcourra tout son être à la simple idée d'aller s'assoir dans un divan de la bibliothèque et d'y trouver un peu de réconfort spirituel dans ses lectures. Pourquoi pas aussi parfaire quelques unes de ses connaissances magiques. Oui, il ne fallait pas non plus se prélasser et perdre ses objectifs de vue, ça non. En être arrivé à ce stade, aujourd'hui, n'avait pas été de tout repos et le travail de ses derniers siècles ne devaient pas être gâché par l'attirance d'une dangereuse paresse et d'un luxe inutile. Il se remémora durement les raisons de sa venue, comme à chaque fois qu'il venait ici d'ailleurs, étudier et mettre la main sur de nouvelles sources d'informations liées à la magie et tout ce qui pourrait, de près ou de loin, en découler.

Après une heure de marche, il passait enfin le corps de garde de la ville. Stellaraë était une ville bien agencée et bien entretenue à l'instar de certaines structures qui osaient se faire connaître sous l'appellation de cité... Tandis qu'en certains endroits du globe les ruelles étaient parsemées d'une puanteur immonde, ici, les commerces alentours, les artisans du coin et le parfum des damoiselles laissait une effluve agréable en toute saison. C'était une ville qu'Olórin avait toujours connu en pleine effervescence. Un signe de bonne santé économique généralement. Quoiqu'il en soit, le mage était venu ici pour rejoindre son lieu favori ; la bibliothèque. Passant les lourdes portes de l'édifice, il s'approcha du comptoir et déposa un croissant chaud à la secrétaire qui le gratifia d'un sourire discret, puis il continua sa route vers le rayon qui l'intéressait.

Aujourd'hui plus que jamais, ce rayon avait piqué violemment sa curiosité. En effet, en plus de contenir tout ce pourquoi il vivait en ce monde, il y avait une autre personne. Et il ne s'agissait pas d'un des morveux sans don qu'il avait l'habitude de croiser, eux même espérant follement un jour pouvoir profiter d'une magie quelconque, non. Il était question d'un individu possédant un pouvoir, aucun doute là dessus, son aura bien que faible ne trahissait pas les données perçues par Olórin. En bout de rayon, l'elfe-mage l'observa attentivement sans faire un bruit. Il sourit légèrement lorsqu'il aperçu l'ouvrage que tenait l'individu dans ses mains ; son propre travail. Parmi les quelques travaux littéraires qu'il avait stocké en ces lieux, l'homme avait sélectionné un volume qui trahissait, en plus de son aura, ses débuts dans le monde de la magie. Peu de temps après cette étude rapide, le jeune homme s'était retourné, permettant ainsi à Olórin d'apprécier la jeunesse du mage. Il sembla quelque peu surpris par cette intrusion et ses premières paroles n'en menèrent pas large sur son assurance.

« Euh... bonjour, m'essaie-je, vous... cherchez quelque chose en particulier. »

C'est un très bon choix que vous avez fait là. Ce livre est un ouvrage remarquable, pour le disciple comme pour le maître. Des lignes directives desquelles il ne faut jamais se détourner, si vous voulez mon avis, précisa-t-il en affichant un léger sourire. Bien que l'ouvrage était rédigé par un anonyme, Olórin connaissait tous ses propres livres par cœur, l'inverse aurait été une honte d'ailleurs. Il s'amusa intérieurement de s'être auto-congratuler de la sorte avant de détourner la question du jeune homme.

Chercher des réponses ? C'est la raison de nos vies, j'imagine. Mais si je puis me permettre, en cet instant, c'est plutôt vous qui semblez être en quête de savoir, n'est-ce pas ?

Son visage resta neutre désormais, la question avait été portée sur un ton plus dur que la précédente sans pour autant démontrer de l'hostilité. L'elfe patienta sereinement jusqu'à l'obtention d'une réponse.

Ces premiers mots avaient eu l'effet escompté. Le jeune homme sembla s'interroger tout en épiant la couverture de son ouvrage. Bien qu'il ne pu en être certain, l'elfe-mage se laissa bercer par l'hypothèse que l'individu s'était laissé porté par une bonne hypothèse quant à sa véritable nature magique. Du moins, il l'espérait, car quiconque pouvait user de sa cervelle pour comprendre son environnement ne pouvait être que mieux disposer à apprendre l'art de la magie. Il leva toutefois un sourcil à l'écoute de la première phrase.

J'ai l'œil, oui, si l'on peut dire. Mais ne vous avisez pas de me comparer de nouveau à un vieil homme. Autrement l'entente cordiale que nous avons là pourrait en être sévèrement entachée.

Il apporta ses mains sur les bordures de sa capuche, s'en emparant délicatement avant de la rabattre soigneusement en arrière. Le jeune homme devrait certainement comprendre la bourde monumentale qu'il venait de commettre, malgré lui, auprès d'un elfe-mage proche du sixième siècle de vie... Mais Olórin ne lui en tiendrait pas rigueur. La jeunesse n'était pas un défaut, au contraire, mais elle était relativement courte pour un homme et il lui faudrait user de ce temps intelligemment.

« Ah, j'ai oublié de me présenter, je me nomme Laurentius. Á qui ai je l'honneur de discuter ? »

Il sourit doucement, le détaillant du regard de haut en bas. Olórin essayait tant bien que mal de mettre le doigt sur le type de magie qui le possédait. Son faible de niveau de maîtrise ne lui laissait guère entrevoir la nature profonde magique du sujet, malheureusement.

Laurentius, seulement ? Hmmm... quant à ma personne, elle se nomme Olórin Calen.

Il ne précisa pas volontairement ses potentiels titres car ici ils n'auraient aucune importance. Et surtout parce qu'il ne définissait pas davantage le mage sur ce qu'il était, seuls les actes comptaient pour ce genre de chose. Il ajouta toutefois.

Vous êtes un mage donc... élémentaire ? Et surtout qu'elles motivations vous poussent à accroître vos connaissances magiques ?

Laurentius Safar. Une identité que l'elfe conserverait au fond de sa mémoire désormais. Quoiqu'il en soit cet individu n'était pas encore connu aux yeux d'Olórin, et ça n'était pas étonnant pour un jeune utilisateur de la magie. Il fallait admettre qu'il ne se souciait pas forcément des autres, surtout qu'il ne mettait pas sa confiance entre n'importe qu'elles mains, davantage envers ceux dont il n'avait aucune information.

Tandis que le jeune homme semblait fier de lui dévoiler sa flamme, Olórin s'était surtout arrêté sur la complémentarité de ses pouvoirs. Un pyromancien capable d'accentuer la voracité d'un foyer en usant de l'air environnant était un réel danger dans le monde de Dùralas, tant pour lui que pour les autres. C'était un coup à terminer en torche humaine... ou à voir des cités entières se volatiliser par simple impulsivité. Une telle combinaison, bien maîtrisée pouvait rivaliser avec un mage tel que lui, mais ce qui l'intrigua davantage c'est qu'il puisse déjà créer de la matière. Intrigante découverte lorsque l'on sait que la majorité des mages élémentaires ne sont capables de fabriquer la matière qu'après des années de contrôle et d'expertise. Une donnée qui méritait d'être relevée.

Si par objectif vous entendez rejoindre l'Institut de Magie, je peux vous y conduire. Ou vous indiquer la route, mais elle est longue et tortueuse.

Par cette démarche, il se donnait une occasion d'en apprendre davantage sur lui. Le voyage laisserait place à une discussion plus riche en informations, du moins, il l'espérait. Et pourquoi pas connaître plus en détails ses motivations. Il ne fallait pas qu'un tel être puisse tomber et être accompagner par de mauvaises mains... la catastrophe serait considérable. Olórin constata avec un léger sourire la manière dont Laurentius resserra l'emprise qu'il avait sur son grimoire. Était-il obligé de l'avoir pour user de ses pouvoirs ? Ou ne savait-il juste simplement pas comment exprimer son don autrement qu'au travers d'un artefact magique ? Des questions qui, peut-être, auraient des réponses prochainement. L'elfe-mage pouvait lui être très utile pour le former, mais méritait-il vraiment une telle aide ? Tout dépendait du jeune homme, en fait. Sans détours, il le questionna.

Ce grimoire... à quoi vous sert-il exactement ?