Tziëg et Nova avaient finalement quitté la boutique sans un bruit, une sorte de commun accord silencieux, c'était plutôt étrange mais si le silence de l'orc qui l'accompagnait était le prix à payer contre des rubis, pourquoi pas. Ça, et éventuellement les galères futures à rencontrer. D'ailleurs, l'orquette aux cheveux de feux se posait des questions au sujet de cette fameuse mission à faire. Était-ce sans danger ? Hum, surement pas, sinon pourquoi faire appel à elle ? Quelque chose se tramait, quelque chose d'imprécis en plus, Nova n'avait pas vraiment intégré les consignes, pour ne pas dire qu'elle ne savait pas du tout ce qu'elle fichait là, et si ça lui avait été énoncé, elle ne s'en souvenait plus, trop satisfaite d'avoir eu ses rubis avec lesquels elle pourrait faire confectionner l'arme de ses rêves. Enfin... la seconde...

Pas réellement le temps d'avoir des réponses à ses nombreuses questions, car de toute façon elle ne les posaient pas, que les deux orcs se trouvaient face à une immense forêt. Forêt, forêt... Nova comparerait ça plus facilement avec la jungle qu'elle avait foulée à Wystéria et pourtant ils étaient en plein dans les terres Dùralassiennes... Les sombres terres du Nord, peut-être celles qu'elle avait le moins visitées, pas faute d'être une rôdeuse digne de ce nom. Toutefois, elle était déjà passée dans le coin il y a quelques temps déjà, accompagnée de Dragnizzo. Ils avaient fini à taper des Banshee peu sympathiques et fortement... moches. L'orque frissonna se remémorant où avait terminé son gourdin...

- Hé ! Hum... Arf.

Les pensées ragoutantes de Nova s'évaporèrent en une fraction de seconde lorsque le forgeron sembla tenter de formuler quelques paroles. Amusée elle attendit une suite qui n'arriva pas. Une gourde lui arriva dans les mains. Elle l'observa dans tous les sens, elle lui rappela un instant cette des régulateurs, dans laquelle se trouvait ce liquide dégueulasse qui avait fait par la suite apparaitre un tatouage sur son bras.

- C'est du Grög, et de la très bonne qualité, croyez-moi. J'ai galéré pour en trouver dans la ville de ces humains, mais j'ai finalement trouvé un moyen de commercer avec des tribus orques locales. J'en ai testé plusieurs, et celui-ci est de loin le meilleur.

Nova resta perplexe, elle regardait cet orque plus grand qu'elle, l'air un peu bête, qui n'avait pas décroché un mot et qui là se mettait à parler... Grög. Évidemment, elle connaissait la boisson, dans son campement, un cousin éloigné en faisait, il était plutôt bon et il se démerdait bien aussi pour le conserver.

- Je... Je suis désolé. Et cette fois c'est pas ce spectre à la noix qui me pousse à le dire, ça vient de moi. J'ai agi de manière peu amicale, même pour un orc et je m'en excuse. Vous êtes une orque et pas un de ces humains. Vous ne méritez pas que je me comporte comme une bête sauvage.

Et voilà. Le comportement TYPIQUE d'un orc rabat-joie. C'était pas possible de voir cette discrimination perdurer encore, encore et toujours. Que c'était fatiguant. Il pouvait bien balancer toutes les excuses du monde, même en inventant un quelconque... spectre ? Bordel mais c'était quoi cette histoire de spectre en plus, là ? Bref. La discrimination.

Nova avait les froncils sourcés (je le laisse parce que je l'ai écrit comme ça au début et je trouve ça rigolo, ça me le fait souvent le soir avec la fatigue), elle posa sa main libre sur sa hanche et agita la gourdasse en déblatérant à son tour tout un petit discours presque bien rodé.

- J'ai quitté le centre il y a un an, parce que je passais mes journées avec des abrutis d'orcs mal lunés qui crachaient la moitié de leur temps sur la gueule des autres races. Alors qu'il faut la voir la nôtre, on mesure 2 mètres, on est grands, baraqués, avec de grandes dents comme des hippopotames, on râle, on a des armes rustiques, on a des accoutrement parfois délirants et ce sont les humains qu'on critique ? Les humains ne méritent pas non plus qu'on se comporte comme des bêtes sauvages, on peut pas copiner un peu ? J'ai foulé ces terres durant ces mois afin de tâter un peu le terrain, connaître notre réputation au delà de nos frontières fermées et ben je peux te dire que c'est pas jojo. Heureusement que j'suis gentille et que j'ai rencontré des gens pas trop cons à qui j'ai pu faire croire qu'on était pas si brut. Faut voir ton comportement, typique, typique... Rah, ça m'énerve. On peut pas vivre dans un putain de monde où tout le monde respecterait tout le monde ? Et non pas critiquer les races parce que "oh, il a des armes en bois, je préfère le métal" ou "argh, c'est écoeurant, ses oreilles sont pointues" ou "sa peau est pâle et il boit du sang"...  Franchement, si tu veux qu'on continue cette aventure, j'te conseil de te remettre un peu en question, toi et tes idées d'ermite, parce que si les humains n'étaient pas là, notre monde serait pas plus joli, ils ont de sacrées compétences, ils sont amicaux, loyaux pour la plupart et en plus, ils ne m'ont pas jugée. Alors que les orcs si, parce que j'étais gringalette et incapable de me battre. Voilà aussi pourquoi j'me suis cassée, et voilà pourquoi je reviens sur ces terres aujourd'hui, j'veux prouver de quoi je suis capable, et je veux montrer aux miens que le monde qui nous entoure n'est pas si pourri. Pigé ?

Elle déboucha la gourde et en bu une grosse gorgée puis repris sa respiration et referma la gourde.

- Très bon, en effet.

Elle la relança à son locuteur, attrapa ses cheveux de ses deux mains pour les nouer, tresser, bidouiller afin de ne plus les avoir dans la tronche.

Nova observait l'orc face à elle, dubitative. Elle se tenait droite face à lui, plantée comme un piquet. Elle posa son pied sur une grosse pierre qui trônait au sol et prit une pause plus apte pour converser.

Mais t'es sérieux ? Sérieusement sérieux ? En quoi c'est important d'être bien vu ? Je sais pas moi, par exemple faire du commerce ? C'est pas important ça le commerce ? Tu fais pas des armures toi ? T'as pas envie d'avoir des clients ?! Et tu vas pas me faire croire qu'il n'y a que des orcs qui viennent faire leurs emplettes chez toi, j'te croirais pas.

Tziëg réagit immédiatement, la conversation promettait d'être intéressante...

Pour tout te dire, tu es ma première cliente depuis que j'ai ouvert cette boutique, et ce n'est pas vraiment quelque chose qui me dérange. Bon, c'est vrai que ma situation est un peu particulière, mais ce n'est pas vraiment important.
Je commerce comme les humains parce que je suis chez eux. Je n'ai jamais prétendu que c'était quelque chose qui me plaisait. Malgré tout, je ne cherche pas à construire quelque chose avec eux ; tout ce que je fais actuellement ne sert qu'à m'aider à atteindre mes objectifs concernant notre race. Si je dois utiliser leurs rondelles en or pour y arriver, alors je le ferai. Mais une fois ma tâche terminée, je m'éloignerai avec une joie immense de leur petit monde.

Pourquoi tu dis être chez eux ? T'es pas chez toi ? Tu te mets des frontière tout seul là. Tu n'as pas eu d'autorisation à avoir un commerce chez eux parce que tu étais un orc, ou du moins pas plus qu'un humain qui voudrait en ouvrir un !
Ah et tu disais qu'on avait géré notre race, mais ça c'est évident, et qui ne gère pas la sienne ? Ça t'empêche pas de t'intégrer, tu vas pas être vu comme un esclave quand même ? Ça n'a jamais été le cas, ça va pas commencer, faut se détendre. T'as vu les masses qu'on est ? Tu crois quoi ? Haha nan mais sérieux... Et le terme de sauvage, ben faut pas se demander pourquoi. Ils l'ont pas balancé parce qu'on était verts hein, ils l'ont dit (et encore, pas tout le monde), parce qu'on était des sauvages ! Ils veulent pas de notre disparition, j'sais pas où t'as vu ça toi, j'en ai rencontré pas mal, ils n'en ont rien à foutre, sauf les nains, mais eux, ils en veulent au monde entier parce qu'ils sont les plus petits.

Tu disais avoir trainé avec un bon nombre d'individus d'autres races, mais n'as-tu jamais ressenti leur peur et leur haine à ton égard, à notre égard ? Les gens m'évitent et me lancent des regards terrorisés, méprisants et haineux. Cette boutique, ce boulot, tout ça j'ai dû subir les humiliations d'un vieux forgeron avare, sale et méprisant. Pourquoi ? Parce qu'aucun forgeron ne voulait prendre un orc comme apprenti. Ma licence, les papiers officiels, tout ça je n'aurais pas pu les avoir parce qu'il y a des frontières entre eux et nous, et je ne suis pas le seul à le faire. Je ne me plains pas de ce que j'ai subis, je dis juste que je suis pas le seul à alimenter l'écart entre eux et moi.

Nan, j'ai pas ressenti ça, les gens étaient impressionnés, mais tous m'ont parlé, sans que j'ai besoin de faire le premier pas. Et eux, contrairement à toi, ne m'ont pas pris pour une machine de guerre mais pour un être vivant. J'ai conseillé des gens, j'ai gardé des enfants de d'autres races, j'ai chassé, j'ai traversé ces terres, j'ai fait tellement de choses en recevant du respect. T'as pas idée. T'es juste un ermite, faut que tu sortes de chez toi, tu te sens victimisé mais ces regards terrorisés, méprisants et haineux, je pense que c'est toi qui les balance. C'est juste un reflet que t'as. T'as un air de "j'vais te bouffer" pas étonnant qu'ils se chient dessus après ! T'es tombé sur un connard mais sache qu'il n'y en a pas tout autour de nous hein.

Tziëg lâcha un petit rire puis soupira.

Tu as peut-être raison. Tout ça, ça ne vient peut-être que de moi. Oui, je ne suis pas un orc qui parlemente avec les autres ; dès que je les ai vus pour la première fois, j'ai senti tous ces sentiments négatifs à mon égard et j'ai continué à agir pour que ça ne change pas.

L'orc fait une pause pour boire une nouvelle gorgée de Grög avant d'enchaîner.

Ermite, hein ? Oui, oui c'est un terme qui me va comme un gant. Un reclus, un paria. Mais j'ai toujours vécu ainsi, je n'ai jamais connu la vie en communauté, même dans mon clan. J'y ai été abandonné alors que je n'étais qu'un nourrisson. Tu te doutes bien que c'est compliqué de se faire accepter des autres lorsqu'on est l'étranger. Et je n'étais pas fait pour leur brutalité physique. En tant que clan sous domination des Drake-Mördher, seuls les plus forts s'illustraient, les autres n'étaient que des moins que rien, ce que j'étais. Le seul soutien que j'ai eu fut du vieux shaman de la tribu, un adorateur de nos vieilles traditions. Quand il m'a raconté que dans le passé nous étions les pires crapules, j'y ai trouvé des ressemblances avec ce que j'étais : faible, vicieux et adepte du déshonneur. Je pense que j'enviais la place importante des plus forts.
M'enfin bon, on a tous nos problèmes et on doit les gérer en conséquence. J'ai peut-être trop vécu dans le passé, pensant qu'il pouvait m'aider à être ce que je n'étais pas et ce que j'ai désiré être... Pfff. Désolé pour cette histoire ; je ne cherche pas la pitié des autres ou un moyen de justifier ce que j'ai fait et ce que je veux faire. Mais ce en quoi je crois n'est peut-être pas la solution. Je ne suis pas sûr, je dois encore y réfléchir, c'est... trouble.

Les deux compagnons de route se mirent en chemin, reprenant la direction qu'ils avaient suivi pour en arriver jusqu'à là. Nova avait dans ses mains ses gourdins, prête à dégainer au moindre problème.
Une fois de plus, elle foulait des terres qu'elle n'avait jamais parcouru ou très peu. Une fois elle était tombée sur un tout petit village dans les parages avec Dragnizzo mais ils n'avaient pas creusé plus loin afin de découvrir les terres locales.
Sans dire un mot, les deux nageaient dans leurs pensées, ou du moins c'était le cas de Nova. Elle pensait au retour qu'elle s'était promis de faire dans son campement et elle ne savait pas comment envisager la suite des événements. Elle verrait bien, elle fonctionnait toujours au jour le jour.

Sans voir le temps passer, Nova releva la tête une fois qu'une lumière apaisante vint caresser ses pieds. Elle fit un pas de plus afin que cette même lumière se repose sur son corps entier.
Elle ferma les yeux et tendit les bras, lâcha ses gourdins au sol.

Tu sais que 15 minutes de soleil par jour sur tes avant-bras et tu refais un plein de vitamines ? Je sais pas comment ça marche, on m'a dit ça un jour. Un vieux savant, je les aime bien eux.

Mais le calme et l'apaisement de Nova fut de courte durée. En avançant de ce pas, elle s'était mise dans une position peu confortable. Un caillou se trouvait pile au milieu de son pied. Elle était tiraillée entre shooter dedans, avancer d'un pas. Mais elle était trop bien pour oser bouger d'un millimètre.

Puis finalement, elle ré ouvrit un œil, leva son pied pour le décaler.

Tu connais la zone toi ?

Je n'ai pas pour habitude de jouer, encore moins chasser des trésors. Je croyais que tu avais un minimum d'idée quant à notre mission. Là tu m'dis qu'on doit... trouver un indice ? Un truc anormal... ce caillou ? Il est trop rond, j'aime pas les choses trop rondes. Ca passe ça ? On est dans une forêt et faut qu'on trouve un truc, sans savoir ce qu'on cherche... une première ça.

C'est... De la magie, et la magie c'est... Problématique. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé, comment j'en suis venu à devenir le réceptacle de l'esprit d'un mort. Je sais juste que je peux utiliser sa puissance et que celle-ci est grandement limité. Ces objets que je recherche, ces artéfacts, ils lui ont appartenu, ce sont des sources de pouvoir, en quelque sorte. On cherche un objet qu'il aurait beaucoup manipulé, au quel il était proche. Je ne sais pas ce que c'est, mais je saurai le reconnaître quand on sera proche de lui.
En attendant, nous devons trouver son ancien repaire qui, sans aucun doute, caché par un mécanisme ou un enchantement magique. Si tu vois quelque chose d'anormal, ce sera peut-être la clé pour passer à travers cette sécurité. Teste les choses, prend-les, jette-les, manipule-les, il doit bien y avoir quelque chose de pas normal ici. Je n'ai jamais vraiment voyagé, je ne sais pas ce qui est bizarre ou pas...

Le réceptacle d'un mort ?! C'est... crado ?

Nova continuait de faire roulotter la petite pierre sous son pied tout en regardant l'horizon. Elle écoutait les paroles de l'orc en s'interrogeant toutes les dix secondes sur sa présence ici et le réel intérêt de la chose. Surtout à se demander si ils finiraient par trouver LE quelque chose.

Kelh Egromh'or, le plus grand forgeron de Dùralas et un orc. Personne ne lui arrivait à la cheville sur ses techniques, et peut-être bien qu'il usait de la magie. Kelh a, semble-t-il, conserver des parties de son esprit dans des objets. Je fus en possession de son collier, ou de l'un de ses colifichets. Celui-ci fut en contact avec une quantité magique qui a dû lui permettre de renaître. J'imagine. Depuis, ce morceau spirituel est en moi et je peux utiliser certains de ses pouvoirs à travers mon marteau de forgeron.

Hum... c'est super bizarre. C'est de la magie noir ça ? Un mec vit dans un collier et paf, tu as un peu de lui en toi ?

Humpf. J'en sais rien. C'est de la magie, c'est bizarre par définition. Ces gars sont même capables de changer le bois en or, alors extraire l'esprit d'une personne pour la placer dans le corps d'un autre, ça ne me semble pas bien sorcier. Ah !

En effet... bah du coup, tu es plus à même que moi de retrouver l'entrée du machin, non ? Il est dans toi là, pas dans moi, il peut pas te causer un peu et te dire ce qu'il en est ? Bon, je suppose que non du coup, mais, on sait jamais. Genre toi tu marches partout, si tu ressens un truc, j'opère par là. Truc du genre.

Eh bien, c'est plus compliqué. Tu te souviens de ce qu'il a fait avec mon intendant gobelin dans ma boutique ? Ça l'a bien épuisé. C'est... Compliqué, j'en conviens. On peut faire comme ça, mais vu que je n'ai pas l'habitude de me balader à droite à gauche, je ne sais pas trop ce qu'on peut s'attendre à trouver ici. Tu me parles d'une pierre bizarrement ronde, pour moi ça reste une pierre. Tu as de l'expérience. Après, on peut toujours attendre que je trouve quelque chose, mais je ne sais pas combien de temps ça va durer.


Ah mais c'était lui ! J'avais pas pigé... en même temps... des forgerons qui rentrent dans des gobelins, c'est pas courant. Et pour mon expérience, merci, c'est flatteur, mais je peux te parler de la faune que je trouve... absente, de la flore qui me semble... normale, des armes qui semblent peu... actives en ces terres... bref, rien de... oh, tiens...

L'orc baissa les yeux. A force de faire rouler la pierre sous son pied, elle avait gratté la terre. Celle-ci était noire et particulièrement dure. L'orc s'accroupit et tapa le sol avec la pierre. Un son métallique résonna. Puis elle leva la tête délicatement vers Tziëg.

Et ça, c'est normal ?