Grimhishtarnolerton Gris-Lac regrettait déjà la ville naine. Il troquait le confort des auberges naines et de leurs litres de bières fraîche contre celui rudimentaire de sa seule tenue de cuir. Le nain marchait, la mine renfrognée, alors que ses bottes suivaient machinalement le sentier. Il n'avait pas grand chose sur lui, pour cause, ses principales affaires étaient restées à l'auberge. Seul un sac de toile accroché à son ceinturon battait son côté. Il ne contenait que quelques maigres provisions toutefois.

« Il y a autant de forets autour de la ville, que de neurones dans l'crâne d'un elfe... Grommelait-il. Et il a fallu que j'tombe sur l'seul idiot qui va y paumer des trucs. Parole de Gris-Lac, s'il me dit pas où trouver mon venin d'accromentule, j'lui arrache les yeux. »

Grim s'était entretenu dans la ville, la veille au soir, avec un homme venu se désaltérer au bon endroit et au bon moment. Le bougre passablement éméché s'était confié. Humain, venu d'Ishtar pour commercer il disait avoir vu passer à plusieurs reprises des fioles de venin d'accromentule dans son village. Mais d'après lui, ces temps-ci particulièrement, cela se faisait rare. Toutefois, avait-il avoué à l'alchimiste attentif, il en avait eu récemment encore une en sa possession. Grim avait bien évidemment voulu savoir ce qu'elle était devenue, et s'il pouvait s'en procurer d'autres. Mais le marchand avait décidé de mettre à profit l'enthousiasme évident du nain.
Et voilà que Grim se retrouvait à crapahuter vers la petite foret de pin, dans la neige, à la recherche d'un sac contenant plusieurs peaux de renard que le marchand avait paraît-il, égaré.

« Non mais sans blague, comment on peut paumer un truc de cette taille ? Distrait, distrait... Il était bourré ouais. »

Plus que de rendre service à un abruti, ce qui faisait grogner et râler le vieux nain, c'était de devoir se rendre en foret. Il n'aimait pas du tout ça ! Il n'avait jamais lutté pour respirer l'air frais des forêts et de la nature... Ce n'était pas son genre : il y avait aussi de l'air dans les tunnels nains après tout ! Et cet air, il venait bien de l'extérieur, donc pour ce que ça changeait !
Grim poussa un soupir. Il fallait bien s'y coller à cette mission, alors puisqu'il atteignait la foret, autant se concentrer et en finir le plus vite possible. Avec dédain toutefois, et pour évacuer une dernière fois sa mauvaise humeur, il donna un coup de pied dans un caillou dépassant de la neige. Celui-ci s'envola et POC vint s'écraser contre un arbre bas plus loin. En le suivant machinalement du regard, le nain eu le temps de voir déguerpir un écureuil effrayé. Cela lui arracha un sourire et il se pencha alors, pour ramasser un nouveau caillou. S'il se remontrait il ne le louperait pas ! Parole de Gris-Lac. Mais soudain un léger bruit, comme un petit craquement attira son attention. Le nain trapu, sur ses gardes, regarda autour de lui. Il n'était pas seul, et ce qu'il entendait était plus gros qu'un écureuil...

Holà ! Qui va là ?! Montrez-vous sans tarder, c'est un conseil !

Mohana essaya de se dissimuler derrière un arbre, pour apercevoir discrètement l'arrivant.
Plus que des pas dans la neige, elle pouvait entendre un homme bougonner au loin. Mais plus il s'avançait, plus il devenait petit et ça ne faisait pas de doutes : il s'agissait d'un nain.
En même temps, croiser un nain aux alentours de BaldorHeim n'avait rien de bien étonnant.

Comme tous les nains, il était barbu, avait un air renfrogné et semblait d'un certain âge. Il était également trapu et équipé d'un manteau qui semblait assez moelleux et chaud.
Mohana avait a peine observé l'inconnu de loin, qu'il stoppa sa marche et s'exclama.

- Holà ! Qui va là ?! Montrez-vous sans tarder, c'est un conseil !

Mohana poussa un soupir, puis sortit de sa cachette.

- Voilà, voilà -la jeune femme s'exprimait d'une voix claire et douce- Je ne suis pas là pour chercher les ennuis, encore moins avec un nain. Cependant, vous avez effrayez ce pauvre écureuil et lui avez fait perdre son déjeuner.

Mohana se rapprochait vers le nain tout en parlant. Quand elle arriva à un une distance cordiale du barbu, elle lui tendit la main.

- Je suis Mohana Dharitri.

Heureusement, il n'avait pas fallu longtemps avant que sa mise en garde ne soit entendue et que la concernée obtempère. La concernée, en effet, c'était une femme... Et aux atout évidents. Si Grim avait attentivement noté la douceur de sa voix et l'attitude paisible qu'elle arborait; il avait bien évidemment fait ce que tout nain de son âge aurait fait face à une femme qui n'avait rien d'elfique : il avait laissé son regard se balader dans les premières secondes.
Rassuré -non par son élégance mais par l'absence d'armes visibles-, le nain grogna un coup. Bah oui, un nain ça grogne quand c'est rassuré... Et quand c'est content aussi. Il en fit la preuve lorsque sa fierté naine fût flattée par les paroles de l'inconnue. "Encore moins avec un nain" avait-elle dit : en voilà une qui savait que s'attirer des ennuis avec un nain était autrement plus corsé que de vexer un fragile elfe. Après ce nouveau grognement, le nain sembla se détendre un peu et quand la femme lui tendit la main, il était assez en confiance pour répondre d'une virile poignée de main.

« Hola, Mohana Dharitri. Je suis Grimhishtarnolerton Gris-Lac, pour vous servir demoiselle. Charmant, mais peu pratique à prononcer; cela ne semblait pas venir une seule seconde à l'esprit du nain. Désolé pour la mise en garde, mais on ne sait jamais sur quoi ou sur qui on peut tomber hors de la ville... Pardonnez mon interrogation mais qu'est-ce qui vous emmène ici ? Et vous n'auriez pas vu un sac de peaux par hasard ? Grognement sourd... Un... ami, l'a égaré non loin d'ici, en lisière de foret. »

Il trouvait un peu ridicule d'entamer ainsi une conversation, et pour tout dire cela ne le mettait pas à l'aise. Mais il fallait dire les choses comme elles étaient : il n'avait qu'une hâte et c'était de trouver ce sac pour se barrer. Les forets, vraiment, ce n'était pas son truc. Alors quitte à rencontrer quelqu'un qui y traînait, qui n'était pas un elfe et qui ne cherchait pas les ennuis; autant que ça s'avère utile.

Le nain grogna par deux fois. Mohana l'observait et attendait une réaction plus...compréhensible. Et cette réaction arriva bien vite : le nain se présenta. Cependant, Mohana leva un sourcil lorsque celui-ci prononça son prénom, dans lequel elle ne comprit que "Grim". Peut importe, elle l'appellerait donc Maître Gris-Lac. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle n'arrivait pas à appeler un nain "Monsieur", cela lui semblait trop..humain et elle considérait les nains comme méritant une appellation plus prestigieuse vu leur plus grand âge et leur expérience plus établie.

- Désolé pour la mise en garde, mais on ne sait jamais sur quoi ou sur qui on peut tomber hors de la ville... Pardonnez mon interrogation mais qu'est-ce qui vous emmène ici ? Et vous n'auriez pas vu un sac de peaux par hasard ? Grognement sourd... Un... ami, l'a égaré non loin d'ici, en lisière de foret.

Mohana sourit avant de prendre la parole.

- Je vous rejoins sur ce point, et d'autant dans les forêts des Baldors, les rencontres y sont souvent.. étranges. Hélas je n'ai pas vu de sac jusqu'ici. Pour vous dire je ne suis pas encore allée bien loin dans ce bois. Cela fait presque deux semaines que je suis établie à BaldorHeim pour effectuer quelques recherches.. et j'avais besoin de m'aérer les esprits et de retrouver le calme de la nature. Je suis issue de la vie sauvage, donc la ville me dépayse un peu trop. Elle sourit à nouveau.. Si vous le souhaitez, je peux vous aider à rechercher ce sac. Je pensais faire une petite balade dans les bois, je trouverais cela sympathique d'avoir de la compagnie.

La jeune femme était toujours pleine de bonnes intentions, et surtout elle savait qu'aucune rencontre ne se faisait par hasard. Et se retrouver seule dans ce bois avec ce nain devait forcément mener quelque part. Elle espérait juste que Maître Gris-Lac, qu'elle ne connaissait pas après tout, ne penserait pas qu'elle était intéressée par ce sac de peaux.

Le nain grogna de nouveau, ce qui amusa Mohana. Il continuait d'avancer, la jeune femme en conclut donc qu'il acceptait son offre et avança à ses côtés. Il la remercia puis lui donna quelques indications concernant le sac, la tigresse ouvrirait l'oeil. Elle arpentait du regard les alentours quand Maître Gris-Lac reprit la parole.

- 'scusez, jolie demoiselle, ma curiosité, mais vous avez dit être de la vie sauvage ? Et pourtant vous êtes à BaldorHeim pour des... recherches ? -léger temps de pause- Je ne suis ni suspicieux, ni vantard, vous savez... M'enfin, parmi les miens, en termes de recherches et de monde sauvage, j'crois que je suis bien le plus calé. Serait-ce mal placé de vous demander les raisons de votre présence ici ? Je peux peut-être vous renseigner.

Le son de sa voix était assez mélodieux finalement, du moins, si on pouvait parler de "mélodie" dans la voix grave et rocailleuse d'un nain. Cela ne gênait en rien Mohana qu'il lui pose quelques questions, après tout, malgré un air légèrement suspicieux. Elle traînait dans la forêt et pouvait très bien mentir sur qui elle était. La jeune femme tenait cependant à désépaissir les doutes de Grim.

- La raison officielle de mon séjour à BaldorHeim concerne la Garde Zéphyr. Je suis l'une des herboriste de la faction, et je suis également guérisseuse. Je suis donc venue à la rencontre des kazhariens afin de voir si nous pourrions nous entraider et au possible échanger quelques...recettes, remèdes et autres connaissances sur les produits de la nature permettant d'améliorer la qualité de vie et les soins des êtres vivants. -elle sourit un peu, en évitant une branche- Mais jusqu'ici, cela n'a rien donné.. les nains, du moins les kazhariens, semblent plutôt s'aider des savoir classiques de la médecine ainsi que de l'aide de certaines technologies technophiles. -La jeune femme marqua une pause, soupira, et reprit- La raison officieuse à ma venue, est le fait que je recherche mon frère depuis des mois. J’espérais que les kazhariensl'ait aperçu, mais encore une fois, ma demande semble sans issue.

Mohana avait parlé avec franchise à Grim Gris-Lac, bien qu'elle se douta que l'aspect émotionnel à sa venue dans les Baldors ne l'intéressait pas vraiment, et à vrai dire, la raison diplomatique probablement pas non plus.
Les deux marcheurs s'aventuraient de plus en plus profondément dans le bois bordant BaldorHeim, et bientôt ils allaient risqué de déboucher sur le début de la forêt de sapin. Mohana avait un pressentiment assez louche sur le sac finalement, peut-être l'ami de Maître Gris-Lac s'était quelque peu trompé sur l'emplacement où il l'avait laissé...