Il était maintenant temps pour Hilda d’accomplir un nouveau rituel d’unification avec l’un de ses esprits Gardiens. Sa puissance ne cessait de croître à une vitesse hallucinante. Voilà un an, à quelques jours près, que la jeune femme avait quitté les siens, en quête d’apprentissage. Il fallait dire que cela s'était déroulé à merveille pour le coup. Désormais en contrôle de deux, bientôt trois, esprits pour le combat, sans compter Mann, Hilda avait d’abord rejoint l’Institut de magie, son but premier, et était même rapidement devenue la cheffe de la maison Anârcienne. Elle aurait bien aimé rejoindre la Milice également, mais ses fonctions à Sylfaën l’en empêchaient, devant rester neutre et impartiale pour ses élèves. Par contre, la jeune femme avait volontier intégrer les dragonniers. Bien qu’encore au rang bronze, la demi-elfe faisait des pieds et des mains pour atteindre le rang argent, voir plus. Sans oublier non plus l’ouverture de sa boutique à Kastalinn. Peu de gens pouvaient se vanter d’en avoir fait autant si rapidement.

Après avoir emballé tout son matériel, la nordienne scella son pégase et quitta BaldorHeim au petit matin, après s’être assurée d’avoir tous les ingrédients requis pour l’esprit auquel la völva désirait créer le nouveau lien. La seule chose qui lui manquait, c’était son bâton à trophées, rester dans sa chambre de l’Institut, mais heureusement, il n’était pas obligatoire. La première étape, comme à son habitude, fut de trouver un coin tranquille et reculé, mais surtout avec un accès à une source d’eau : un lac, une rivière, peu importe. Elle pensait bien trouver facilement depuis les cieux, mais finalement, ce n’est qu’en début d’après-midi que l’endroit idéal se présenta : une petite vallée où nichait un lac.

C’est sans attendre que la jeune femme descella sa monture et libéra Mann des sacoches de sa selle, laissant le renard-esprit et Muninn, son fidèle corbeau, s’amuser non loin avec son pégase, et commença à rassembler de grosses pierres afin de construire un rond de feu sécuritaire. Mais ce n'est qu'au crépuscule que le rituel de la nordienne débuta réellement, à commencer par la préparation du breuvage qui la plongerait en transe, lui permettant de communiquer plus aisément avec les esprits, et plus particulièrement Uruz, celui auquel la jeune femme désirait se lier pour l’aider en combat. Symbole de force, il s’agissait là d’un excellent choix.

Hilda commença par les ingrédients classiques, à savoir la jusquiame noire et l’amanite tue-mouche. Ces deux ingrédients étaient la clé principale de la mixture avec leurs effets hallucinogènes. Venait ensuite s’ajouter, tour à tour, de l’écorce de bouleau pubescent, des pétales de capucine, des brins de sphaigne, un éclat de calcite et, sans oublier le plus important : une dent de bovin réduite en poudre. Elle ajouta ensuite la rune liée à cet esprit, tirée de son ensemble comme toutes les autres fois. Alors que le tout mijotait sur le feu, la jeune femme en profita pour sortir sa tenue de cérémonie de son sac, la gardant pliée non loin, puis s’attaqua à retirer ses breloques et ses plumes de sa tignasse ainsi que dénouer toutes ses tresses. Hilda observait son breuvage avec une attention particulière malgré cela. La vapeur qui s’en échappait dansait dans l'air frais de la vallée, formant des spirales éthérées, comme si déjà les esprits guettaient son appel. Le feu crépitait doucement, accompagnant en rythme les battements de son cœur, tandis que l'atmosphère devenait plus dense, presque palpable. La magie primale des lieux semblait s’éveiller, prête à répondre à l'appel de la völva.

La nordienne ferma les yeux et commença tout doucement à psalmodier ses mantras afin de se mettre en transe, plongeant dans un état méditatif, une connexion profonde avec les esprits des lieux et ceux qu’elle appelait de toute son âme se faisant. Le vent s'était presque arrêté, laissant place à un silence inhabituel, un silence porteur de présages. Le monde autour d’elle paraissait suspendu dans l'attente du moment où elle entrerait en contact avec Uruz. Après un moment à réciter les paroles sacrées, la völva dirigea ses pas vers la rivière afin de se purifier. Quelques minutes suffirent à cela, par habitude.

Une fois la mixture prête, la demi-elfe s’en servit un verre avant de le boire d’un trait. En attendant de ressentir les effets de la boisson, Hilda enfila sa tenue. Une robe noire, une ceinture simulant une queue de corbeau à l’arrière, un fin bandeau de cuir orné de plumes noires sur la tête, un masque noir lui posant un bec sur le nez, une cape au tissus léger couverte de plumes également, sans oublié les tiges insérées dans les pans lattérales pour lui permettre de simuler des ailes durant ses danses. Tout pour ressembler à son animal totem en somme. Tenue confectionnée par elle-même il y avait maintenant plusieurs années.

Les premiers effets du breuvage ne tardèrent pas à se manifester. Son souffle ralentit, chaque inspiration devenant plus profonde, chaque expiration se mêlant aux arômes enivrants de la mixture. Sa vision se troubla un instant, avant que tout ne devienne plus net, plus vibrant. Les ombres autour du feu prirent des formes plus définies. Des formes qu’elle connaissait bien. Les esprits qui la guidaient étaient là, leurs présences réconfortantes l'entouraient. L'ours, la marmotte, Mann qui s’était joint à eux, sans oublier Ansur, le corbeau. Tout ceux auxquels la jeune femme c’était lié en remportant ses épreuves étaient là. Mais cette nuit, elle n’attendait que l'approbation de l’un d’entre eux : Uruz, l’esprit de la force, celui qui renforcerait son pouvoir et ses compétences au combat.

Sans s’en rendre compte, de part les effets du breuvage, la nordienne avait entamé les pas de danse malgré le manque de musique, n’ayant personne pour l’accompagner durant ses rituels. Sa voix s’éleva également, lançant sa prière aux esprits Gardiens.

J'en appelle aux dieux nordiens
Ainsi qu'aux Esprits Gardiens
Afin qu’aujourd’hui comme demain
Soit créé un nouveau lien

D’abord les éléments,
Jörð, Eldr, Vatn, et Vindr
Qui tel un assortiment
Donne vie à l’univers

Feoh, Nauthiz, Jara, Berkana, Inguz
Gardien de vie profuse
Cerf, Huître, Lapin, Écureuil, Bouquetin
Animaux plein d’entrain

Kaunaz, Wunna, Iwaz, Iwhar, Teiwaz
Gardien spirituel d’extase
Dragon, Chien, Serpent, Élan, Ours
Animaux plein de ressources

Uruz, Raidha, Giba, Ehwo, Othila
Gardien des voyages d’aléas
Bovins, Faucon, Fauvette, Cheval, Loup
Animaux plein d’atouts

Thuris, Ansur, Mann, Laguz,Daaz
Gardiens du savoir des sages
Scorpion, Corbeau, Renard, Truite, Coq
Animaux plein de compatriotes

Hagal, Is, Perthra, Sowelo, Wyrd
Guide du destin aride
Moustique, Marmotte, Rat, Aigle, Corneille
Animaux plein de merveilles

Uruz, le Bovin symbole de force
Offre moi ton aide aujourd’hui
Ainsi que ton côté féroce
Pour vaincre nos ennemis

Hilda s’arrêta subitement de danser, à bout de souffle. Les flammes dansaient non loin, projetant des ombres mouvantes sur les alentours, et les esprits vaporeux autour de la völva semblaient s’agiter, leurs contours spectraux scintillant avec la lumière du feu. Devant elle, les formes bleu clair de ses esprits Gardiens se matérialisaient plus nettement. Mann, le renard, observait avec une attention tranquille au milieu des autres, tandis que Muninn voletait en silence.

Alors, lentement, Uruz, le Bovin, se détacha de l'assemblée, avançant vers Hilda avec une majesté imposante. Son corps luisait d’une aura bleutée, puissante et apaisante à la fois. C'était l'esprit qu'elle avait invoqué, celui qui l'aiderait à puiser une nouvelle force pour ses batailles à venir. Sans hésitation, la demi-elfe saisit son couteau, une lame en défense de sanglier et possédant un manche en bois, le tout orné de symboles nordiens. Elle tourna la poignée dans sa main, sa prise ferme, avant d'entamer un mouvement précis, traçant une ligne nette dans la paume de sa main gauche. Le sang commença à couler, brillant à la lueur des flammes. Elle leva sa main vers Uruz, l'offrant comme un symbole de son engagement.

L'esprit du taureau s’avança, ses pas lourds et silencieux, ses yeux fixés sur la plaie ouverte de la völva. Il s'arrêta juste devant elle, et dans un geste lent et solennel, il abaissa son énorme tête, approchant son museau de la main ensanglantée d’Hilda. Au moment où son museau toucha la plaie, une petite lueur vermeille remplaça l’éclat bleuté de l’animal. La blessure, sous le contact de l’esprit, se referma doucement, la peau cicatrisant en quelques secondes, comme si la magie d'Uruz absorbait la douleur et la transformait en force. Pendant ces brèves secondes, le museau du bovidé brilla de rouge, et la nordienne ressentit un courant d'énergie brute traverser son corps. Un pouvoir ancien et sauvage, celui d'Uruz, se fondait en elle. Le lien était en train de se sceller, et à ce moment précis, Hilda comprit que sa force avait grandi. Le taureau se redressa, sa lueur revenant à son bleu spectral habituel, et recula lentement pour rejoindre les autres esprits, avant que tous ne disparaissent avec la fin des effets de la mixture.

Le silence retomba dans la vallée, seulement troublé par le crépitement des flammes. Hilda baissa les yeux sur sa main, la peau intacte là où se trouvait la plaie. Le rituel était accompli, et avec ce nouveau lien, elle sentait une puissance nouvelle infuser chacun de ses muscles. Avec un troisième esprit pour l’épauler en combat, la jeune femme sentait que plus rien, ou presque, ne pourrait l’arrêter. Et, pourtant, la völva savait pertinemment que c’était loin d’être le cas.

Épuisée, l’anârcienne décida de camper sur place et de ne rentrer à BaldorHeim que le lendemain. C’est donc sous un ciel étoilé, et fier de son avancement, que la jeune femme s’endormit ce soir-là.