Lorsque Melhyndil lui avait parlé de son problème avec l’arc, Eyara avait d’abord levé un sourcil de surprise, ses oreilles de renarde s’agitant légèrement. Ce n’était pas la première fois qu’un client revenait en quête de perfection, mais elle appréciait l’elfe, un véritable client fidèle et qui avait toujours su apprécier son travail à sa juste valeur.  

- Ce qu’il te faut, c’est un Harquelance. Y’a pas meilleur arc, du moins que je peux fabriqué, pour un aventurier de ton calibre.

La rouquine marqua une pause, agrémenté d’une forte quinte de toux. Mais sans s’en inquiéter plus qu’il ne le fallait, la jeune femme rangea dans sa poche le mouchoir qu’elle avait utilisé pour se couvrir le nez et poursuivit comme si rien ne s’était passé.

- Si tu veux en posséder un, il va falloir suer un peu pour l’obtenir. Tout simplement parce qu’il va me falloir des matériaux rares. Et je sais exactement où trouver ce qu’il nous faut.

Le soir même, l’arlequine avait réglé les préparatifs pour ses enfants. Elle les avait confiés à Nysali, une vieille amie et la grand-mère des jumelles. La maman promit également à ses enfants de revenir le plus vite possible et en un seul morceau, comme toujours. Isobel et Naomi avaient insisté pour qu’elle leur rapporte un truc "vraiment incroyable" des créatures qu’elle irait traquer, que l’harenienne s’empressa de leur promettre également.

Une fois ses affaires en ordre, Eyara avait rassemblé ses outils, vérifié son coutelas et demandé Mivian, son apprentie, de l’accompagner. Elle avait besoin d’une paire de mains supplémentaires pour une expédition de cette envergure, et c’était une bonne occasion pour la satyre d’apprendre.  

Le lendemain, avant l’aube, la renarde et la satyre avaient rejoint Melhyndil, accompagnée de quelques animaux de l’harenienne, à savoir sa griffonne, son hippogriffe et son archéoptéryx. La maman fut cependant surprise de croiser une manticore aux côtés de l’elfe, étant habituée de le croiser à la Garde Zéphyr avec un griffon. Et bien, voilà une preuve de plus de la puissance de l’homme aux oreilles pointues, connaissant la férocité de la créature désormais avec lui.

- On a un long chemin devant nous, Melhyndil. Mais si on revient avec ce qu’il faut, ton Harquelance sera un chef-d’œuvre.

Et ce commentaire était de lui plus qu’une simple affirmation, le talent de l’arlequine en matière de sculpture n’étant plus à prouver depuis longtemps. Les deux femmes grimpèrent en selle, Eyara prenant le petit volatile avec elle, puis la thérianthrope ouvrit la voie, guidant les autres membres de l’expédition vers la fameuse caverne mystérieuse.C’était sa première visite en ces lieux, mais la maman en avait tellement entendu parler qu’elle savait où la trouver.

Le spectacle de l’endroit la laissa un moment sans voix, jusqu’à ce que l’archer ne prenne la parole.

- Nous y voilà, savez-vous comment traquer cet animal ? À moins que ce ne soit lui qui nous trouve en premiers.

Son petit trait d’humour eut le talent de lui mettre un sourire sur le visage, avant de répliquer.

- Déjà, t’as pas besoin de me vouvoyer, je ne suis pas ta supérieur, et, connaissant la longévité des elfes, je suis clairement plus jeune que toi. Aussi, c’est ma première fois en ce lieux, mais j’en ai beaucoup entendu parler lorsque je n’étais qu’une petite fille, mes parents me comptant beaucoup de légendes sur Spelunca et ses différentes cavernes. Il faut s’attendre à croiser beaucoup d’anciennes créatures dangereuses, selon ces histoires.

La rouquine tourna son regard vers Kalsak, désormais perché sur son épaule. Le petit dinosaure pencha la tête de côté, comme s’il tentait de comprendre quelque chose que sa maîtresse ne lui disait pas encore. L’arlequine expliqua ensuite à l’elfe et son apprentie que l’espèce de cet animal provenait sans doute de cette caverne, mais que ce spécimen pouvait être né en dehors, ne sachant rien de sa naissance ou de sa capture. L’instinct étant en général important chez les animaux, ils pourraient sans doute reconnaître certains des dangers de l’endroit, d’où sa présence avec eux. Puis, l’harenienne adapta son odorat, transformant son nez en un fin museau.

-  Je n’ai jamais été douée à la chasse par contre. Ce métier étant réservé aux hommes dans mon clan, il n’a jamais été jugé bon de me l’enseigner, alors je ferai mon possible. Mais je ne garantit pas le résultat.

La jeune femme se mit à renifler l’air tout doucement, donnant les rênes de Vroska à Mivian au passage. Libre de ses mouvements, là voilà qui se familiarisait avec nombre de nouvelles odeurs. Dans le lot, l’arlequine reconnue celle de l’archéoptéryx, similaire à celle de Kalsak. Elle pouvait donc éliminer ces pistes à suivre. S’enfonçant dans la jungle de la caverne mystérieuse, Eyara s’arrêtait régulièrement, surtout lorsque le groupe tombait sur des traces de créatures inconnues. En effet, il n’y avait pas meilleur moyen pour la thérianthrope de placer une odeur sur une créature en particulier. Les plus grosses sentant l’herbe, et sachant qu’ils cherchaient un carnivore, la rouquine détournait bien vite son museau de ces pistes pour en chercher une autre.

Il fallut une bonne heure à Eyara avant de trouver la piste d’un carnivore. Était-ce bien leur cible, là était la question. Accroupie dans un buisson pour ne pas se faire repérer par la bête, somme toute assez petite, la renarde lança tout doucement à Melhyndil pour ne pas déranger l’animal qui mangeait :

- Celui-là, je sais qu’il s’agit d’un Talos, parfois appelé un faucheur. Selon le cours de potion, sa queue est utile pour la préparation de l’élixir préhistorique.

Les montures s’agitèrent alors, juste avant que Mivian ne lance un “attention” en criant. La bête qu’ils étaient venu traquer les avait trouvé et fonçait vers eux. Et le cri de la satyre avait bien entendu prévenu le plus petit raptor entre les deux espèces, l’Utahraptor faisant quand même pas loin de sept mètres de long, qui avait levé la tête vers le groupe. Les voilà donc pris entre deux feux. Sans sourciller, l’arlequine piocha ses premières cartes, suivi de près par son apprentie. Il était temps de se battre.