Aube avait suivi Albert et son épouse. Comme la moitié de la caravane avait pris la route vers le Sud, eux avaient bifurqué vers le Nord. Contrariée au début, puisqu’elle voulait se rendre à Stellaraë, elle avait eu une longue conversation avec le forgeron. Son objectif final était les montagnes tout à l’est et il avait réussi à la convaincre de passer par le nord, donc Kastalinn. Il lui avait été assez facile de lui faire comprendre -ou croire- que c’était le chemin le plus rapide, alors, elle n’avait pas protesté longtemps. De toute façon, elle préférait rester avec un groupe plutôt que de voyager seule dans un désert qu’elle ne connaissait que de nom.

Le voyage ne fut pas aussi chaotique qu’elle l’avait imaginé, et quand le sable fit place à l'étendue verdoyante des plaines d’Aràn, elle sut qu’elle avait fait le bon choix. Le soleil était encore haut et il y avait du vert à portée de vue. C’était très différent de la forêt qu’elle connaissait mais aussi beau. Quoi qu’un peu trop grand peut-être… Elle avait la sensation qu’il manquait des arbres partout. Sensation qui n’avait pas été là quand elle avait commencé à parcourir le désert.

Anar Eru semblait plus heureux aussi, il agitait la queue et bien que ses articulations soient vieilles, il semblait en proie à une frénésie particulièrement communicative. Il avait envie de courir, sans doute de faire peur aux peu d’animaux qui se dissimulaient encore dans les fourrés. Et, quand l’elfe lui fit comprendre qu’il pouvait, elle n’eut pas besoin de répéter. Plus encore, elle sautait elle aussi de la charrette pour aller courir avec lui.

Ce n’était plus une enfant, loin de là, et même si elle devait bien se comporter, la sensation de liberté la poussait à poursuivre le chien en courant. Les deux vieux humains se moquèrent un peu d’elle et de sa fougue jeunesse. “Aube ! Ne t’éloigne pas trop on avance nous  !” lance la femme. “Oui, Anar Eru vous retrouvera si on vous perd de vue !” Elle ne savait pas du tout s’il était capable de faire ça, elle avait son sac sur le dos, et… “Silvaë nû  elogirm, Anar Eru !”

Il ne fallut pas longtemps à Aube pour que la charrette disparaisse derrière elle. Elle se sentait bien, bien mieux qu’assise sur la banquette de bois. Et puis, qu’est ce qui pourrait bien lui arriver dans cette plaine ? Tout semblait si tranquille. Si on omettait un vieux chien un peu fou qui courrait derrière quelques rares papillons ou insectes volants…

Aube ne prenait pas garde où ils allaient, et si leurs pas les écartaient un peu du chemin, elle ne le remarqua pas. Elle se sentait si bien, et voir Anar Eru si content était vraiment une chose à laquelle elle voulait s’habituer. Alors, quand un petit rire la sort de ses jeux, et que son regard tombe sur une silhouette inattendue dans les hautes herbes, elle se fige.

Le chien, lui, poursuit un peu sa course avant de revenir vers elle. La queue battant l’air, il se retourne et voit à son tour l’observatrice. Aube ne sait pas comment réagir mais c’est Anar Eru qui se charge de briser la glace : il bondit joyeusement en sa direction en jappant. Heureux comme tout, il ne semblait pas avoir peur du tout et cherchait à attraper les quelques fleurs dans ses bras qui bougeaient avec le vent. L’elfe ne put s'empêcher de sourire et de s’avancer à son tour. Si son ami n’avait pas peur, elle n’aurait pas peur non plus. Même si la jeune femme semblait avoir apparu d’un seul coup.

« Bonjour ! Je crois qu’Anar Eru vous aime bien ! » C’était peut-être enfantin,peut-être qu’elle passait un peu pour une gamine qui rencontre un nouveau copain, mais elle était encore un peu sur son petit nuage de liberté. En la regardant, ses cornes principalement, elle n’avait même pas penser à regarder plus bas, elle se souvint de Redaka. Ce fut fugace mais pas désagréable.

« Je m’appelle Aube ! » fait elle en glissant sa main sur la tête du chien qui faisait des allées retours entre les deux jeunes femmes.