Gabriel est un jeune homme dans la fleur de l'âge. Assez petit par rapport aux autres de son âge - il frôle hargneusement le mètre soixante-cinq, son allure est assez fine mais athlétique : il a bénéficié d'un entrainement physique dès son plus jeune âge et ça se voit. S'il a grandi en étant plutôt pâle de peau, se protégeant du soleil conformément aux cannons de beauté de la noblesse Stellaroise, ses derniers mois de circassiens ont commencé à haler sa peau d'un bronzage encore timide et décore régulièrement son corps de bleus plus ou moins marqués.
Avec un minois aux traits fins et élégants, un regard doux - voire naïf, diraient certains - on lui a toujours dit qu'il avait une tête de Stryge blanc. Il en a conscience et n'hésite pas à en jouer : il sait quels sont ses plus beaux sourires, à quel point écarquiller ses yeux bleus pour sembler surpris ou choqué, quelle expression déconfite apitoiera le plus son interlocuteur... Mais il apprécie le plus généralement afficher un air tout simplement avenant.
Il a une légère cicatrice au niveau de son arcade sourcilière droite, trace d'une mauvaise chute de son enfance.
Après des années à désespérer de voir une quelconque pilosité faciale se développer, de timides poils de barbe commencent à venir assombrir son menton, mais laissant ses joues et le haut de ses lèvres imberbes.
Les cheveux de Gabriel sont bruns et il les coiffe de la même manière depuis la fin de son adolescence : un peu de longueur sur le dessus qu'il laisse tomber sur un côté de son visage, et plus court sur les côtés. Si cette coupe lui était prodiguée par un coiffeur de la capitale, il l'entretient régulièrement par lui-même.
Mais ce n'est pas son seul rituel de beauté : il prête beaucoup d'attention à son apparence : entretenir ses sourcils, couper ses ongles, poncer la corne de ses mains, huiler ses cheveux, hydrater son visage... il n'y a pas une semaine sans qu'il prenne du temps se pouponner, quelques soient ses conditions de voyage : un reliquat de ses origines nobles.
Ces dernières transparaissent à plus d'un titre : ses manières sont élégantes, son port altier, son langage précis. Il s'amuse parfois à caricaturer son éducation et mangeant par exemple de façon outrageusement distinguée dans les pires situations.
Il possède un pendentif en argent frappé aux effigie d'un lion - l'emblème de la famille Aethery. Quand il le porte, c'est au bout d'une chaine, mais avec le motif dissimulé, face contre son torse.
Son héritage Lowën est récent et son corps porte des traces de son altercation avec le lion : une énorme trace de morsure orne son avant bras droit.
Dans sa forme animale, Gabriel devient lion à l'apparence anthropomorphique : il gagne une trentaine de centimètres de hauteur (sans compter la crinière), se retrouve doté d'une queue féline, sa carrure s'épaissit légèrement, tout son corps se recouvre de poils, ses mains et ses pieds se dotent de griffes...
Ses yeux deviennent jaunes et perdent toute humanité, sa gueule peine à articuler des mots intelligibles. Ses mouvements deviennent sauvages et brusques et il se retrouvera souvent à marcher à quatre pattes malgré sa morphologie demeurée bipède.
Gabriel cherche encore sa place dans le monde. Sa nouvelle nature Thérianthrope est un véritable séisme pour lui : il pensait s'en ficher des regards des autres sur lui, mais vit aujourd'hui dans la peur du rejet et de la haine des autres à l'égard de sa condition.
Haine qu'il partage : lui d'ordinaire si doux et jovial, il sent constamment au fond de lui une bestialité qu'il peine à contrôler et qui lui échappe pleinement à chaque pleine lune.
Il continue à savoir créer du lien, même avec les inconnus, mais a beaucoup l'impression de jouer un rôle et préfère cacher le plus possible sa honteuse nature.
Les sévices de sa première transformation lui pèsent également au quotidien : il en fait des cauchemars régulièrement et est depuis d'autant plus sensible à la souffrance d'autrui : il a parfois l'impression d'entendre ses propres hurlements de douleurs dès qu'il voit quelqu'un avoir mal. Souvent, sans s'en rendre compte, ses pensées vont dériver sur ces souvenirs atroces ou ses angoisses liées à sa nouvelle condition.
Pendant qu'il se débat avec sa bête intérieure, son rapport aux autres animaux a radicalement changé depuis : lui qui arrivait sans problème à les amadouer, tous lui sont méfiants voire hostile. Cela l'attriste beaucoup.
Heureusement, pour l'aider à surmonter cette période difficilement lionesque, la nature l'a doté d'une véritable (mais métaphorique) tête de mule ! Légendaire depuis son enfance au point que sa famille disait qu'il devait y avoir du sang satyre dans la famille, Gabriel aime n'en faire qu'à sa tête. S'il est décidé à faire quelque chose, il sera obstiné, déterminé, usera sans vergogne de son charme, mentira si besoin, pour obtenir ce qu'il veut et n'acceptera qu'avec grande difficulté de plier face à l'adversité.
Cela fait de lui quelqu'un de tenace et plein de ressources, mais peut aussi le mettre dans de sacré pétrins car il aura du mal à gérer son impulsivité, écouter les conseils des autres, évaluer les dangers... et parfois le faire agir comme un gamin capricieux.
Quand il quitta le milieu des nobles, la découverte de Dùralas sans son vernis doré fut un véritable choc pour Gabriel : il n'avait pas conscience de la difficulté de la précarité d'une vie de paysan, ce qu'était une vie sans domestiques... Il ne sait pas trop quoi penser ou faire de cette découverte, mais préfère pour le moment taire sa lignée et en apprendre toujours plus sur ce monde et mode de vie qu'il avait alors ignoré.
Noblion capricieux
Les Aethery sont une vieille famille noble de Stellaraë, mais au prestige vacillant. Les exploits militaires des plus vaillants de leurs ancêtres des siècles précédents les avaient propulsé au panthéon de la gloire, instaurant le lion, animal majestueux et courageux comme leur emblème. Mais cela faisait deux générations que les Aethery ne s'étaient distingués d'une quelconque manière. Leur influence diminuait, leurs richesses aussi.
Dans les années 780, le jeune Inyas Aethery rongeait son frein de cette situation et s'était promis qu'il ne quitterait pas cette terre sans avoir redoré le nom de sa famille. Il réussi à se marier stratégiquement avec une noble d'une famille un peu plus influente, non sans une dot copieuse et redoubla d'effort, à coup de fêtes et d'intrigues, pour que son nom soit de nouveau associé à des termes tels que "faste" et "majestueux".
Cependant, il aurait voulu que les Aethery se distinguent à nouveau sur le champ de bataille. Lui, né infirme, était privé de ce destin, mais comptait bien faire en sorte qu'un de ses descendants s'en charge.
C'est dans ce contexte que naquirent ses deux frères, sa sœur et enfin, en l'an de grâce 791, Gabriel.
Toute la fratrie reçu la même éducation draconienne : entrainement stricte par un maître d'arme, éducation aux arts de la cour...
Dire que cela ennuyait Gabriel était un bel euphémisme : à la moindre occasion, il filait entre les doigts de ses précepteurs pour aller vagabonder... et surtout jouer avec Valdo, l'une des chiennes de la famille, sa préférée. Une de ses irrévérences fut celle de trop : alors qu'il avait 14 ans, Gabriel avait interrompu une réunion importante de son père, la course poursuite qu'il réalisait alors avec Valdo s'était finie en roulé boulés fort peu élégants sur le tapis du salon, renversant même un meuble sur son passage.
Agacé par ce gamin qui refusait de filer droit, enragé d'avoir perdu la face devant des invités de haute stature, Inyas mis à mort la chienne le soir venu.
Gabriel ne le pardonna jamais à son père et si la violence de la punition avait réussi à suffisamment lui faire craindre les suivantes, une haine farouche pour cet homme odieux qui lui servait de père s'était inscrite en lui.
Dans les années qui suivirent, Gabriel se s'évertua à se fondre un peu plus dans le carcan de la fratrie Aethery, trouvant un peu de soutien chez son frère aîné, Nohé, le seul de la famille qui semblait partager sa haine de ses racines, et dans de multiples mesquineries à l'encontre de son père.
C'est bien simple : si par exemple son père organisait une réception, il se débrouillait pour distraire le personnel, embrouiller un livreur... juste assez pour que les choses ne se passent pas comme prévu, qu'Inyas enrage, mais rien de suffisamment grave pour que Gabriel ou ses malheureux complices malgré puissent être inculpés...
C'était gratuit et pas si satisfaisant, mais ça lui permettait de retrouver de l'énergie pour ronger son frein en attendant... quoi, au juste ?
Vers ses 15-16 ans, Gabriel commença à comprendre que la gente féminine lui tournait parfois autour et que cela était source de grand stress pour son père, notamment quand il s'agissait de personnes en dessous de leur condition. Il multiplia donc les flirts, il appréciait l'attention que cela lui procurait et la colère qui irradiait des yeux de son père à la moindre intonation mielleuse que Gabriel donnait à sa voix.
Ses parents essayèrent de lui faire rencontrer des partis nobles, mais aucunes dames, si belles ou élégantes soient-elles, ne parvenaient à émouvoir Gabriel au delà d'un vague amusement. Ses parents savaient que forcer leur dernier fils à un mariage finirait en désastre au vu de son caractère, ils se résolurent donc à de la patience, espérant que le temps lui révèle un jour la sagesse de son sang.
Circassien fugueur
Le jour, quand il avait 19 ans, Gabriel tomba amoureux deux fois. Le cirque Zoltane était venu en ville et Gabriel y était allé. Il appréciait le cirque : le burlesque, les exploits acrobatiques, la diversité de la créativité... Rien ne sortait de l'ordinaire. La célèbre Zoltane était l'une des meilleures jongleuses du continent, faisaient virevolter ses massues avec une dextérité sans pareil.
Puis il y eut un numéro. De deux jeunes hommes, présentés sous les noms d'Alvin et Soleil. Un cerceau était suspendus à plusieurs mètres du sol, et faisant fis de la gravité et de l'espace restreint, les deux acrobates dansaient dans les airs, entre eux, se suspendaient d'un membre dans le vide, tournoyaient... tout en échangeant des regards profonds, des effleurements doux au milieu des arabesques et des portés... de la tendresse ?
Premier coup de foudre : ces façons de se mouvoir dans les airs, le contrôle de leurs corps, la danse entre les cordes et le métal... Gabriel n'avait jamais vu numéro pareil et accourut féliciter les artistes au terme de la représentation.
Deuxième coup de foudre : Alvin.
Ce soir là Gabriel rentra complètement sonné de sa soirée. Alvin avait accueilli à bras ouverts les compliments de Gabriel et l'avait invité à venir festoyer avec le reste de la troupe. La tête de Gabriel lui tournait et ce n'était pas que l'alcool. Il ne s'était pas senti aussi bien depuis des années. Un sourire perpétuellement aux lèvre, il était.... amoureux ? Le mot placé sur cette émotion qui lui tordait le ventre depuis qu'il avait vu le duo aérien le laissa sonné pour le reste de la nuit.
Il sentait qu'il était à un embranchement fatidique. Que s'il revoyait Alvin rien ne serait plus pareil, cela voudrait dire qu'il s'autoriserait à vivre ce qu'il avait caché toutes ces années...
Aller à l'encontre de son sang et son rang était dans ses habitudes, oserait-il aller jusque là ?
Le lendemain, Gabriel retournait au cirque Zoltane. Re-vit le spectacle. Re-passa la soirée avec la troupe. Étreignit Alvin en lui disant au revoir en lui promettant qu'il reviendrait demain.
La semaine suivante, le cirque Zoltane pliait bagage direction Kastalinn. Gabriel prépara quelques affaires, fit ses au revoir à Nohé, à Madame (le vieux chat de la demeure Aethery), et parti avec le cirque.
Alvin et Soleil lui apprirent avec enthousiasme leur art et Gabriel se révéla être un élève acharné - donc doué.
En traversant le désert vers Kastalinn, à l'une des oasis, la troupe trouvèrent un petit lionceau qui avait l'air abandonné. Gabriel le prit sous son aile, disant pouvoir le dresser et pouvoir lui faire faire de superbes numéros, mais surtout ravi de pouvoir de nouveau avoir un animal de compagnie. Il le prénomma Mello et ils devinrent rapidement aussi inséparables qu'avec Alvin, ce qui n'est pas peu dire !
Quelques mois passèrent et le cirque continuait sa tournée : après Kastalinn, Endorial, puis Kothemba.
Les numéros aériens de Gabriel plaisaient. Son numéro avec Mello également.
Lions en cage
Au bout de 9 mois, Mello continuait de grandir... beaucoup. Plus que ce qui serait raisonnablement attendu d'un lion. La troupe en vint donc à la conclusion qu'il s'agissait en fait d'un lion géant ! Tous étaient plus amusés qu'angoissés à cette idée - Mello était la douceur même depuis tout ce temps.
Mais un village sur la route d'Ishtar ne fut pas de cet avis. Dès l'arrivée du cirque, les villageois exigèrent que Mello soit mis en cage. Gabriel refusa de façon obstinée, mais leurs hôtes n'en démordaient pas. Pour apaiser les tensions, Alvin fini par réussir à convaincre Gabriel de céder et Mello fut enfermé. Dans une cage en métal aux barreaux énormes.
Mais après quelques jours de résidence, au moment de la libération de Mello fut un drame. Tous les villageois étaient à cran. La nervosité de la foule et l'angoisse de sa captivité avait tendu le lion et malgré tous ses efforts Gabriel n'arrivait pas à le calmer. Le lion sorti prudemment de la cage... et un gamin lança une pierre sur le lion.
Mello fondit toutes griffes dehors sur le gamin et Gabriel se jeta en travers de sa route, essayant vainement de contenir le fauve. Dans la lutte, les mâchoires de Mello se refermèrent profondément sur le bras du jeune homme. Sous le choc le lion se figea. Les villageois sortirent tous leur armes pour mettre l'animal à mort... ainsi que Gabriel.
La troupe de Zoltane arrivèrent à négocier in extremis leur vie sauve en échange qu'ils soient tous les deux enfermés dans la cage.
Une fois la situation plus apaisée, d'avantage de discussion leur permirent de comprendre la méfiance et le raisonnement des villageois : habitant près de Spelunca, ils étaient emprunts d'une haine féroce à l'encontre des Thérianthropes et bien plus que l'animal, ils craignaient que Mello soit porteur de la maladie.
La probabilité était infime et pourtant, la fièvre qui s’abattit sur Gabriel quelques heures après leur donnèrent raison.
La semaine de maladie fut pour Gabriel un enfer indicible. Douleurs, cauchemars, brûlures, hurlements, délires... Tantôt homme, tantôt lion, il se tordait de douleur dans sa cage tandis que Mello se faisait le plus petit possible dans un coin, terrifié par les évènements. Il réussissait à peine à boire et à s'alimenter à travers les barreaux de la cage. Sa conscience était éparse. Mais il parvint à y survivre.
Une fois la douleur passé, avec l'impression d'être redevenu lui-même, Gabriel supplia les villageois de le libérer, il rencontra un refus obstiné. Il s'adressa alors à la troupe de Zoltane, mais tous - y compris Alvin, détournaient le regard.
Même Mello ne semblait plus le reconnaître. Il restait tapis, sans le quitter des yeux un seul instant, à grogner dès qu'il faisait mine de s'approcher. Gabriel ne comprenait pas : pourtant rien n'avait changé ?
Lorsque le cirque repris sa route, Alvin alla subtiliser la clé de la cage aux villageois et la donna discrètement à Gabriel en guise d'excuse. En lui demandant de ne l'utiliser que le lendemain. Et de ne pas les suivre.
Ainsi Gabriel s'évada, Mello également, mais déguerpi aussitôt dans demander son reste dans la nature, laissant le jeune Thérian, seul.