Melhyndil au sol sous la pluie de coups qu’il avait reçu, Hilda s’était donc mise en tête de lui refiler un coup de main. Le premier de la bande arrêté, il n’en restait que cinq qui, voyant sa force, avaient préféré s’en prendre directement à elle et ses invocations. Au moins, voilà que leur attention s’était détourné de son ami, ce qui était le but premier de la jeune femme. Ce qui, en revanche, n’était pas prévu, c’était de perdre le contact avec Teiwaz et Is et le coup de couteau qu’elle ne pu bloquer avec son bouclier et qui lui balafra l’épaule gauche, le côté ou justement elle tenait son écu de bois. Voilà qui serait problématique … et qui fit changer le regard de la demi-elfe, celui-ci devenant plus froid, plus colérique. S’il y avait bien un truc qu’elle détestait, c’était que l'on s’en prenne aux siens, mais aussi de perdre quand le combat n’était pas honorable, ce qui était le cas ici, à deux contre cinq.

- Messieurs, ce sera mon dernier avertissement. Rendez-vous, ou vous en subirez les conséquences.

L’un des contrevenants éclatant de rire malgré le ton froid de la jeune femme, suivit de près par les autres. Hilda n’attendit pas qu’il se calme et fonça à nouveau dans la mêlée, assommant un autre contrebandier d’un coup de bouclier en plein visage. Mais cette action là mit bien vite en danger, les quatre encore debout l’encerclant.

- Alors, comme ça, on veut faire sa maligne, ma jolie ? Tu sais, si c’est toi qui se rend, ça éviterait de compliquer les choses. Et puis, ma fois, t’es pas trop moche, on pourrait s’arranger d’une certaine …

La nordienne ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase, elle savait très bien où il voulait en venir, et avait donc placé un joli coup de pied là où c'était sensible.

- Dans tes rêves, ouais.

Mais cet adversaire-là ne serait pas au sol bien longtemps, la demi-elfe espérait simplement que Melhyndil arriverait rapidement à reprendre le dessus pour lui filer un coup de main.

Le combat revenait en leur faveur, malgré la perte de ses esprits Gardiens. Heureusement d’ailleurs, car le duo restait encore un brin en sous nombre comparé à leur ennemis. Et comme Melhyndil semblait encore sonné …

- Vous ne toucherez pas un seul de ses cheveux, bande de pervers lubrique.

Et voilà que deux flèches se fichèrent dans les jambes de l’un de ses assaillants, le forçant à s’écrouler au sol. Un sourire narquois se manifesta sur le visage de la nordienne mais, tournant le dos à l’archer, celui-ci ne le remarqua pas. Deux hommes étaient encore debout, un troisième se tenait l’entrejambe et se tordait au sol, et les trois autres de la bande étaient inconscients. Voilà qui rééquilibrait enfin les forces.

- Et bien, messieurs, vous changez d’avis et vous vous rendez ou on poursuit la baston ?

Leur dague en main, les deux contrevenants préférèrent rester en position de combat.

- Très bien, dans ce cas.

Hilda fonça, prête à poursuivre le combat. Mais avec sa tête de mule, elle avait déjà oublié sa blessure à l’épaule … qui pour le coup se rappela bien vite à son esprit, causant une douleur encombrante chaque fois que la jeune femme désirait lever son bouclier. Mais sans réussir, l’objet était définitivement devenu trop lourd. Furieuse, et voyant le voleur reprendre le dessus sur sa douleur et se relever, la demi-elfe jeta sa protection au sol. De toute façon, elle savait parer avec sa lame, bien que plus complexe à réaliser. Ne restait plus qu’à souhaiter que Melhyndil arrive encore à mettre hors-combat l’un des contrebandiers, car la jeune femme était de nouveau encerclé. Heureusement, Melhyndil était à nouveau sur pied pour la sortir de ce mauvais pas.

Le combat est difficile, mais les deux dragonniers reprennent peu à peu le dessus. Bien vite, alors que le malfrat ayant reçu un coup de pied de la nordienne se relève, une nouvelle flèche vient siffler non loin des oreilles de la jeune femme, se fichant dans l’épaule du blessé et le placardant au mur. Voilà qui ramenait enfin le combat sur un terrain plus juste.

Son bras gauche plaqué sur son torse pour amoindrir la douleur dans son épaule, Hilda se met alors en position pour la suite, la lame dressée devant elle. La völva ne put empêcher l’un des contrebandiers restants de foncer sur Melhyndil, ayant déjà un souci avec l’autre, mais la demi-elfe n’avait aucun doute sur la solidité de son ami : il saurait se défendre. Le bandit para son coup et lui entailla alors la jambe de sa dague. Grognant sous le coup de cette nouvelle douleur, Hilda recula de quelques pas. Ce qui, bien sûr, n’était qu’une feinte de sa part, car, d’un mouvement rapide, la demi-elfe balança son arme, pommeau vers l’avant, sur le crâne de l’un des malfrats restants, qui s’écroula aussitôt. Il fallait dire que la jeune femme avait frappé assez fort aussi.

"Parfait, plus qu’un." Si tout se déroulait bien, dans quelques minutes le combat serait enfin terminé, pour une victoire des deux dragonniers, heureusement.

La douleur dans son épaule meurtrie était atroce, mais la nordienne tenait bon. Et puis, Melhyndil était en difficulté, en tant que coéquipière, c’était son devoir de l’aider. Ne tenant plus que sa lame, la demi-elfe avança vers le malfrat qui venait encore de frapper son ami. Quelques pas, rien de plus, et voilà que le pommeau de son épée s’abattit sur le crâne du contrebandier, l’envoyant dans les vapes avec les autres.

Aussitôt, Hilda siffla son renard esprit, lui signifiant son besoin de soin.

- Tu peux commencer à les ligoter pendant que Mann me soigne, s’il te plaît ? On inversera les rôles quand il aura terminé.

Comme de raison, une grimace de douleur passa un bref instant sur son visage, avant que ne suive un autre, plus serein suite à la magie du petit canidé. Après cela, la jeune femme pourrait récupérer son bouclier et, une fois les six bandits bien saucissoner, les deux dragonniers pourraient faire une dernière livraison avant d’être libréré de leur mandat.

- Fort bien, je vais les attacher, mais est-ce que tu vas bien ? C'est ce qui m'importe le plus en ce moment.

- Oui, oui, t’inquiète. Laisse juste le temps à Mann de fermer mes plaies.

Épuisée, autant par le combat que par la douleur, la nordienne s’était assise sur le sol pour souffler. Le renard-esprit était déjà non loin, enveloppant Hilda d’une douce lumière bleutée. Toutes les blessures de la jeune femme se refermaient peu à peu, celle de son épaule étant bien sûr la plus longue à soigner. Une fois cela fait, la demi-elfe récupéra son bouclier, puis envoya Mann s’occuper de Melhyndil tandis qu’elle prenait le relais. Ces gaillards étaient solides, mais le duo avait tout de même vaincu les bandits, là était l’important.

Lorsqu’il fut assuré que les six malfrats étaient bien ligotés, qu’aucune marchandise de contrebande n’était à la portée de tous et que les blessures avaient été prise en charge par le canidé spectral, les deux dragonniers purent livrés leurs cibles en bonne et dû forme aux autorités locales.

Après avoir accompli leur mission, Hilda et Melhyndil restèrent un instant sur la place, observant les prisonniers escortés au loin sous la surveillance des gardes. Muninn, désormais perché sur l’épaule de la nordienne, poussa un croassement de satisfaction. Autour d’eux, le marché portuaire reprenait doucement son souffle après l’agitation, les commerçants et les passants lançant des regards discrets et admiratifs aux deux dragonniers. Le soleil, maintenant haut dans le ciel, illuminait les pavés mouillés de rosée, accentuant chaque détail de leur tenue couverte de poussière et de sang séché. La demi-elfe posa un instant la main sur son autre épaule encore un brin endolorie, ressentant la fatigue de la bataille qui pesait lourdement sur ses muscles. Un léger sourire de soulagement aux lèvres, elle regardait en direction de la mer, observant les vagues qui déferlaient calmement contre les quais.

Après quelques instants de silence partagé, ils se tournèrent l’un vers l’autre d’un air entendu. Sans un mot, ils quittèrent la place, suivant les rues sinueuses d’Ishtar. Ils se dirigeaient vers le marché du port, où ils savaient pouvoir trouver de quoi se réapprovisionner. Leurs pas les conduisirent ensuite vers la sortie de la ville, chacun encore perdu dans les souvenirs de la bataille qui les liait un peu plus à chaque affrontement.

Alors qu’ils atteignaient les abords d’Ishtar, un vent frais venant de la mer les enveloppa. Dans ce souffle salé, ils sentirent l’appel de la route et, sans un regard en arrière, ils reprirent leur chemin, leur fardeau allégé, prêts à affronter les défis qui les attendaient au-delà des remparts de la ville.