Dansez… Dansez pour le père de la colère. Dansez pour ne pas que le Rebis soit détruit par la haine envers les Hommes. Les faunes s’apparentent souvent à des augures, ni bon, ni mauvais, ils n’ont d’yeux qu’à apaiser les maux par leurs chants et leurs jeux. Tout est un jeu pour un satyre.

Baalumeth fut fort triste que son appel ne mène à rien. Mais elle était heureuse, heureuse de pouvoir danser au milieu des fleurs argentées, de pouvoir manger leur essence délicieusement sucrée. Carmina ne comprenait pas la joie de Baalumeth, mais ça lui était égal, elle accueillit les bouquets de fleurs et la couronne brillante sous la lune comme un énième jeu. Riant au milieu des poupées articulées.
Elle ria, découvrant une ranger de dents pointues, la démone était heureuse d’avoir pu partager sa nuit avec une créature de la nuit. Bientôt l’aube découvrirait son grand manteau, et l’astre argenté laisserait sa place au soleil et à la vie. Les Hommes se réveilleraient et vaqueraient à leurs petites occupations mortelles. Et Baalumeth retournerait se cacher avant de tomber dans les bras de Morpheus. Quelques fois, lorsqu’elle dormait, la faune croyait toucher le voile entre les mondes. Mais dès lors qu’elle se réveillait, elle perdait toutes sensations.
Son regard se posa sur la lune, et sur le ciel qui s’éclaircissait à l’horizon.

« Baalumeth remercie Carmina. Baalumeth dansera souvent pour Carmina ! »
Car les faunes se souviennent toujours de ceux qui les ont aidés et n’oublient jamais la valeur d’un service rendu.

« Ce fut un plaisir de te rencontrer petite Reine des plaines d’Aran. »

Répondait Carmina avec un sourire bienveillant tout en relançant son portail qui tournoyait à ses côtés pour peu à peu se matérialiser dans une sorte de spirale carmin. Elle embrassa chacune de ses petites poupées, les serrant un instant dans ses bras, alors que l’une après l’autre allait passer le portail ainsi ouvert. Elles furent toutes une élégante révérence à la faune avant de partir et que le portail ne disparaisse.

« Et je suis flattée que tu danses pour moi Baalumeth. Ne perd jamais cette joie de vivre que tu as en toi. Jamais… »

Ajoutait elle ensuite en se redressant doucement avec toujours son sourire.

« Et si un jour tes sabots venaient à te guider jusqu’aux massifs de Spelunca, saches que le château Von Darken sera heureux de t’accueillir, pour que nous passions un nouveau moment ensemble. Tu ne craindras absolument rien dans ma demeure. »

Puis elle regarda le ciel avant de reposer ses yeux rouges sur la faune.

« Le jour va reprendre ses droits… il va être temps pour moi de te laisser ma chère Baalumeth. J’espère un jour te revoir. »

[i] Elle lui fit une élégante révérence à son tour avec un nouveau sourire, puis elle prit le chemin de la grotte où elle avait élue domicile. Du moins temporairement. Elle pourrait rejoindre l’Institut de Magie à la prochaine nuit.[.i]

Baalumeth fut, un long moment, perdue dans la contemplation des fleurs argentées. Accroupie sur ses jambes caprines, la faune ne ressentait que paix et joie au plus profond de sa petite âme de démon. Elle avait accompli ce pourquoi elle était née cette nuit, et bien qu'orpheline, loin de ses frères et sœurs, elle décida pourtant de ne pas se laisser abattre.

Un jour, elle danserait de nouveau au bord des volcans qui tapissent le fond des abysses du ténébreux Rebis.
Elle chantera pour le Père de la Colère, de la haine et de la vengeance afin de calmer sa colère, sa haine et sa soif de vengeance.
Elle jouera, entourée de ses frères et sœurs de magma vêtues, et ils feraient oracles du futur des hommes.
Pour l'heure, elle ne pouvait que profiter de ce monde qui se découvrait à elle, peu à peu. Elle devait apprendre à vivre parmi ces hommes qui lui avaient tant prit, et apprendre à se jouer d'eux comme ils se sont joués d'elle. Pour amener à son avantage leurs faiblesses afin de mieux se repaître de leurs âmes.

Carmina mit un terme aux réflexions de la satyre, captant son attention de sa voix douce qui roulait comme du velours à ses oreilles. Baalumeth ignorait ce qu'était un "massif de Spelunca". Ce qu'était un "château" Von Darken. Mais elle prit soin de noter dans un coin de sa mémoire ancienne, et jeune à la fois, les précieuses informations que lui donna la belle grande dame. Elle se dit qu'un jour, elle apprendrait ce que c'est et un jour, elle saura retrouver sa camarade d'une nuit, qui était mère de drôle de créature.

Avant que Carmina ne disparaisse derrière les derniers rayons de l'astre pâle, Baalumeth tandis que vers elle une mimine griffue, poing serré, elle ne lâcha son contenu qu'une fois bien au-dessus de sa main. Une poignée de graines argentées tomba telle une poudre luminescente.

"Baalumeth remercie Carmina Von Darken. Baalumeth aime danser... Baalumeth se souviendra d'elle et sera heureuse de la revoir. Graines de fleurs de Lune pour Carmina."

La satyre sourit de toutes ses quenottes pointues avant d'observer Carmina disparaître derrière des collines. Baalumeth trouvera bientôt un petit coin douillet, à l'ombre d'un buisson pour passer la journée.