J’étais heureuse d’être de retour sous le grand chapiteau du cirque, cela faisait plusieurs mois que Lune et moi étions parties en voyage et il s’en était passé des choses depuis que je l’avais quitté à Sylfaën. J’avais rejoint la garde Zéphyr, une cause noble que je me devais de défendre, mes pouvoirs magiques, se furent étoffés et Lune prit une forme “physique”. La louve de brume était d’ailleurs couchée à côté de moi alors que, assise près de ma coiffeuse, d’un air pensif et un sourire aux lèvres, je regardais Azriel donner ses derniers ordres (ou plutôt en profitait pour râler) à son armée de sous-fifre, qui hochait la tête avec conviction, faisant teinter leurs petites clochettes dans une mélodie déstructurée.  

“Il est très bien ton maquillage Azri, tu devrais y aller avant que les spectateurs s’endorment.” Lui lançais-je tandis que Melpohër tendait désespérément un pinceau pour lui repoudrer le nez.  

Il n’aimait pas cet endroit, Stellarae, la ville des humains. Bien que ce ne fut pas un lieu détestable à mes yeux, je le comprenais, parce que même si le temps fut encore frais pour la région. La chaleur ne tarderait pas à nous assommer et je n’avais jamais vu quelqu’un détester la chaleur plus que moi.  

Le silence se fit d’un coup lorsqu’il entra en scène afin de présenter les prochains numéros. Je trouvais rapidement un coin derrière les rideaux qui me permit d’observer le spectacle. N’ayant pas était présente lors de celui pour le roi des elfes, je regardais avec admiration les sous-fifres du vampire apparaître et disparaître au rythme de la musique et j’applaudis au même moment que les spectateurs.  

“wouah, c’était formidable ! Cette façon de faire apparaître tes petits lutins si rapidement, c’est vraiment trop fort !” M’exclamais-je lorsqu’il revint en coulisse, ses cerceaux à la main.  

J’entendais les applaudissements s’atténuer puis se taire, c’était à mon tour mais Charlotte feulait (ou en tous cas produisait un son qui s’en rapprochait) sur Lune qui grognait en retour ou peut être que c’était l’inverse, je devais avouer que cette étrange créature me faisait un peu peur par moment, je ne ressentais rien venant d’elle et sa façon de me fixer sans bouger m’angoissais parfois. Mais l’échange peut amical ne dura pas et mon amie me rattrapa tandis que je franchissais le rideau menant à la scène avec mon fidèle violon en main, d’un bois blanc comme la neige qui fut en accord avec ma tenue, une longue robe blanche avec quelques touches de bleu qui faisait ressortir mes yeux bicolores.  

Je m’immobilisai au centre du cercle sablé avant d’ouvrir grand les bras et d’articuler d’un ton énigmatique :

“Mes amis bonsoirs, pour ce numéro, je vous conseille d’ouvrir grand vos yeux et vos oreilles et surtout, ne vous perdez pas en route !”  

Sans laisser de pause, j’entamais une mélodie douce et captivante, bientôt rejointe par Octave et Rémi qui donnait du rythme et de la profondeur à la musique. Rapidement, la brume bleutée qui enveloppait la louve s’intensifia, sortant également de mon instrument pour m’entourer et se propager à tout le chapiteau. Translucides, mystique, mes sens s’étendaient vers les gradins, captant une nouvelle fois les émotions diverses du public, positives pour la plupart.  

Mais contrairement aux fois précédentes, je ne m’arrêtais pas là, Lune se fondit dans le brouillard, je pus ensuite lui donner plusieurs formes, d’abord une nuée d’oiseau bleu s’envola au-dessus des gradins, remplacé aussitôt par une nuée de papillons qui se dispersa dans tout l’espace avant de se rassembler autour de moi, dirigée par la musique, suivant son rythme et son intensité. Mes mains et mon archet accélérèrent la cadence et les papillons se divisèrent ensuite en deux groupes qui partirent chacun d’un côté des gradins pour se rassembler une nouvelle fois au-dessus du public afin de voleter tranquillement. Le rythme ralentit à nouveau. Quelques personnes courageuses levèrent les bras pour toucher les créatures de brume, ils eurent alors une sensation de fraîcheur, comme s'ils avaient passé leur bras par une fenêtre alors qu’un vent froid et humide soufflait dehors. Le numéro prit fin trop rapidement à mon goût, la musique ralentie jusqu’à se stopper complètement, les illusions se dispersèrent également, juste un nuage bleu revint vers moi avant de reprendre la forme de ma louve.  

Les applaudissements retentirent alors, je fis quelques révérences en réponse avant de m’éclipser dans les coulisses, heureuse d’avoir emmagasiné autant de bonnes émotions, mais épuisé, car je ne maîtrisais pas encore mes nouvelles capacités.

Mon numéro terminé, je retournais dans les coulisses dans un mélange d'euphorie et de fatigue, je ne tenais pas en place et savais que je ne me détendrais pas avant que la grande tente soit complètement vide de spectateur et que le calme soit revenu.

Azriel repartit sur la piste afin de conclurent la représentation avant de disparaître de la circulation, Charlotte sur les talons. Je sentis Lune se détendre lors de ce dernier constat, il faudra penser à réconcilier ces deux-là un jour ou l’autre… J’observais un moment le public quitter peu à peu les gradins de derrière les rideaux tout en faisant le point avec la louve sur notre prestation et ceux sur lesquels on devrait retravailler. Nous étions en grande discutions sur les silences lorsque trois sous-fifres entrèrent en trombe, venant de la scène que j’avais quitté des yeux depuis un moment.

« Mi ! S'exclama l'un.

- Mi ! Mi ! S’exclama un deuxième.

Je les regardais d’un air perplexe, eux en retour, semblaient très sûrs de ce qu’ils racontaient, ils hochèrent même la tête en se concertant. Mais voyant que je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient, le premier lutin attrapa le bas de ma robe pour me tirer vers l’épais rideau en le pointant du doigt.

« Mi !

- Oh, vous voulez que je vous suive ! Il fallait le dire tout de suite !

- Mi … Celui-ci avait une intonation plutôt désespérée, en baissant la tête, faisant teinté la petite clochette accrochée à son bonnet. »

Alors je suivis les trois petites invocations qui semblèrent me faire un rapport ponctué de « Mi » de différentes intonations. Je me demandais si Azriel les comprenait vraiment ou faisait juste semblant pour ne pas les vexer, en tout cas, je me prêtais rapidement au jeu en leur répondant de oui ou de hochement de tête.

Les créatures m'amenèrent sur la piste, le chapiteau était désormais presque vide, hormis quelques personnes descendant encore les gradins. Une très grande dame semblait attendre au bord de la scène. Elle avait une grande paire d’ailes blanche dans le dos, ce qui me fit tout de suite penser à Zecharel bien que la couleur ne soit pas la même, les siennes étant noires. J’avais cru comprendre qu’il s’agissait de deux espèces opposées qui ne s’appréciaient pas beaucoup. Je m'approchais, toujours accompagnée des sous-fifres et de Lune. L'un d'eux nous quitta à la sortie du rideau tandis que les deux autres me collaient comme des sangsues.

La dame était accompagnée d’un petit garçon, qui lui ne possédait pas d’ailes. Mon esprit divagua alors. (Si c’est son enfant, peut-être qu'elles poussent plus tard comme lors de la première transformation d’un thérianthrope ?) mais je me reconcentrais vite sur le moment présent.

« Bonjour Madame, est-ce que je peux vous aider ? »

« Bonjour mademoiselle Holy... Tout d'abord, mes sincères félicitations pour votre spectacle. Il était tout à fait enchanteur! J'aurais en réalité aimé parler au maître des lieux... Tout d'abord pour comme vous le félicité mais également, en tant que Purificatrice, lui posé quelques questions. Ah, et si il était possible de visiter votre ménagerie, vous feriez un heureux ici ! Bien sûr, je vous dédommagerais d'un supplément... »

Je fus profondément touché par ses compliments, m’empourprant légèrement en balbutiant un petit merci puis souriant au petit garçon qui semblait plus qu’admiratif. Mais je revins à moi lorsque j’entendis la seconde partie de sa requête. Une purificatrice ? Qu’est-ce que ça peut-être ? Une espèce de chasseuse de démon ? Quoi d’autre pourrait-on purifier sinon ?

« Bien évidemment, dis-je avec un sourire sincère,… Le voici justement. repris-je alors que je m’apprêtais à aller chercher le maître des lieux lorsqu’il s’approcha, modifiant quelque peu la fin de ma phrase.

- Quelqu'un m'a appelé ? »

Azriel devait probablement déjà savoir ce qu’était une purificatrice pour être arrivé aussi vite. Mon regard interrogateur trahissait mon incompréhension tandis qu’il se présentait à la grande dame, faisant comme toujours une entrée théâtrale.

« Azriel, maître de cérémonie du Cirque. J'espère que le spectacle a été de votre convenance. En quoi puis-je vous aider ? Cela te dérangerait-il de faire visiter la ménagerie à notre petit invité ? »

Mon regard se reposa alors sur le garçonnet qui n’avait cessé de me fixer avec admiration en alternance avec Lune, le regard plein d’espoirs. Bien que cette histoire étrange piquait à vif ma curiosité, je ne pus refuser une telle requête, m’étant de côté mes interrogations pour plus tard, je dis avec un sourire bienveillant et complètement emballé par l’idée :

« Ce serait même avec plaisir ! Est-ce que tu as déjà vu des tigres ? » Je tendis une main franche vers l’enfant. « Alors, comment tu t’appelles ? »

Lorsque Azriel me chuchota à l’oreille de faire attention à Erza, je me refroidis un peu, comprenant la réaction qu’aurait l’enfant en la voyant. Cela faisait un moment que je ne l’avais pas vue trainer dans la ménagerie, elle préférait de loin hanter les loges.

« N’est-elle pas toujours de mauvais poil ? » Lui répondis-je dans la même tonalité avec humour, « Je vais faire attention. » Finis-je par ajouter en reprenant du sérieux.

L’enfant se présenta à moi sous le nom de Petit Tambour, ce que je trouvais vraiment adorable. Nous traversions la piste pour entrer dans les coulisses, accompagnés de Lune et des deux sous-fifres qui tintinnabulaient autour de nous joyeusement, afin d’atteindre l’arrière du cirque où la tente couvrait de nombreuses cages de toutes tailles ainsi que quelques boxes.

« Tu es musicien aussi, Petit Tambour ? » Lui demandais-je alors que nous passions rapidement devant les quelques premières cages vides qui attendaient des occupants.

Je nous fis d’abord nous arrêter devant une cage un peu particulière, car elle continuait à l’extérieur du chapiteau, une petite ouverture dans la toile permettait de rentrer et de sortir, en réalité, elle menait jusque chez Melpohër. On y trouvait tout le confort nécessaire pour un tigre : des troncs d’arbres immenses partaient dans tous les sens faisant penser à une forêt, un tapis de feuilles confortable jonchait le sol et bien évidemment, un tigre était couché au centre du tableau, qui mâchouillait un gros morceau de viande. Lorsqu’il nous vit arriver, il releva la tête et dans un formidable sens du spectacle, rugit en signe de bienvenue devant les yeux époustouflés du garçon.

« Il aime bien jouer la comédie, c’est sa façon de dire bonjour. » Précisais-je.

Au bout d’un certain temps à observer l’animal se pavaner, j’entrepris de continuer la visite et nous passâmes devant de nombreuses cages dont les habitants étaient aussi divers que varier pour finir devant le boxe de ma fidèle monture. Flocon hennis de joie en me voyant arriver. Le poney blanc comme la neige fut tout aussi content de voir une nouvelle tête.

« Et pour finir la visite, je te présente Flocon, il ne participe pas aux numéros, mais on voyage beaucoup tous les deux. Tiens, tu veux lui donner une pomme ? Cette petite fripouille en raffole. » Un panier remplit de pomme fraîche était posé à côté de la porte que j’ouvris. Je pris également un fruit que je coupais en deux avant de le donner à Petit Tambour.

« Regarde, tu mets ta main bien à plat et tu lui tends. » Un panier remplit de pomme fraîche était posé à côté de la porte que j’ouvris.

« Voilà, tu as tout vue. » Dis-je, finalement au bout d’un certain temps tandis que nous retournions vers la piste où discutait toujours Azriel et la mystérieuse purificatrice, finalement je me demandais toujours ce que ça pouvait-être ...

« Alors ? Qu’en as-tu pensé ? » Demandais-je, curieuse de connaître l’avis de la première personne à qui j’avais fait visiter ma maison.

« Bah m'dame, pour parler vrai, ç'doit être sacrément sympa d'bosser ici... Avec m'dame Cylicia, c'toujours sérieux... »

J’acquiesçais au jeune garçon pour le côté agréable du métier, il est vrai que vivre de son art est un rêve pour beaucoup de personnes et je n’aurais pu espérer mieux en intégrant le cirque. En entrant de nouveau sur la piste, je n’entendis que la fin de la phrase de la grande dame aux ailes d’ange. Que peut bien être la Tour Blanche et de quelles informations parlait-elle ? De nouvelles questions qui me vinrent à l’esprit.

« Merci encore Azriel et merci à vous Holy, j'espère que le petit n'a pas été trop difficile... Puisse le Dragon Noir veiller à présent sur votre route, je ne manquerais pas d'assister à l'un de vos spectacle si l'occasion se présente !

- Ce fut avec grand plaisir, merci, Madame, il a vraiment été adorable et ce sera un grand plaisir de vous revoir tous les deux. » Répondis-je avec un sourire sincère et pleins de sympathie.

« Petit Tambour, attend … » dis-je en les voyant partir. Je m’approchais du garçonnet et m’accroupis pour être à sa hauteur, posant mes mains sur ses épaules en fixant avec bienveillance mes yeux vairons sur les siens. « Je repensais à ce que tu m’avais dit tout à l’heure, et tu sais, il n’y a aucun mal à ne pas suivre la voie de son père. Etre soldat c’est pas marrant tous les jours et si ce que tu aimes c’est jouer du tambour, alors ton père en sera heureux où qu’il soit. » Je finis sur un sourire et une accolade avant de me relever et de les laisser partir pour de bon.

Au bout d’un certain temps, mon attention se porta sur le papier que tenait Azriel dans les mains, il avait l’air bien pensif derrière son masque. Ma curiosité reprenant le dessus sur tout le reste, je jetais un œil par-dessus son bras, mais ne compris rien à ce qu’il y avait écris. On aurait dit une liste de noms, ou plutôt de pseudonymes, tous à l’allure plus sympathique les uns que les autres.

« J’imagine qu’elle n’était pas venue que pour nous complimenter et faire une visite de la ménagerie … Qu’est-ce qu’elle voulait cette dame ? Et c’est quoi toute cette histoire de purificatrice et de tour blanche ? Ça a un rapport avec les gens nommés sur cette liste ? Pourquoi elle veut que tu lui donne des informations sur eux ? »

J’avais épuisé mon stock de question, finalement ça ne faisait pas tant que ça. Je n’étais pas totalement inquiète ou suspicieuse, seulement, j’avais conscience que beaucoup de choses m’échapper dans le monde. En sortant de mon petit village de la région de Baldhoreim, j’étais loin de me douter que la vie était si complexe en Duralas.

La foule remplissant les gradins, les Mi grouillants dans tous les sens tantôt pour occuper quelques enfants turbulents, tantôt pour s'afférer à l'organisation des représentations, ainsi que les artistes se préparant individuellement ou à plusieurs afin de parfaire leurs numéros.
Toute cette agitation m'avait manqué ces derniers temps. Enchaîner les aventures étaient certes exaltant mais tout de même très fatigant. Il est bon de s'amuser de temps en temps, faire une pause et ne pas risquer sa vie à chaque instant.

J'avais suffisamment travaillé sur les costumes avec les Mi pour qu'ils n'aient pas besoin de m'interpeller pour faire une retouche de dernière minute ou arranger un mauvais pli, donc je pouvais totalement me consacrer à ma toute nouvelle création. Une robe tout en soie et en voilage de nombreuses teintes de bleus différents, si bien que chacun de mes mouvements semblaient provenir d'un lointain royaume céleste.
Mes longs cheveux blonds ramenés dans mon dos par une coiffure complexe et ornée de bijoux argentés et azur finissaient ma tenue de scène. Pieds nus, je me dirigeais dans la loge principale, la plus grande où tous les artistes à deux ou quatre pattes se réunissaient avant de traverser les épais rideaux rouge et doré qui les séparaient de la piste. Azriel entra sur scène. J'entendis de là où je me trouvais le brouhaha de la foule se dissiper et l'attention gagner le public tandis que le maître des lieux présentait la soirée.

« Tu es prête ? » Me demanda Éléonore dans une tenue tout aussi resplendissante que la mienne à la différence que la sienne était dans des teintes de dorés solaires.

« Oui, j'ai hâte d'y être ! » Tout sourire, je m'approchais de Mani, la licorne noire, qui releva vivement la tête. Il trépignait d'impatience, je lui flattais l'encolure avant de faire pareil avec Sol, la licorne blanche. Elle s'ébroua faisant tinté le métal de sa bride.

« Alors allons-y. » Éléonore sauta sur le dos de la jument albâtre en voyant Azriel revenir dans les loges, Mani suivrait alors que je prie mon violon au bois blanc dans une main, l'archet dans l'autre avant d'entrer en scène.


Le calme c'était fait de lui-même sous le chapiteau du cirque de l'Eclipse. Les spectateurs, intrigués et impatients tout à la fois n'osaient pas faire un bruit, on aurait même pu entendre une mouche voler. J'avançais d'une démarche gracieuse jusqu'au centre de la piste, là je restais immobile quelques secondes les yeux fermés afin de rassembler toute ma concentration. Les rouvrant, je balayais la salle de mes prunelles bicolores. Je commençais à jouer une mélodie douce qui racontait une histoire et cette histoire ne faisait que commencer.

Tout d'abord, un voile bleuté se leva et donna une atmosphère mystique à la scène, les jeux de lumières faisaient danser des ombres étranges dans la brume. Bougeant en rythme avec mon violon, mon corps semblait désormais faire entièrement partit de ce décor onirique tandis que les voilages de soies dansaient. J'étais la lune, reine des ténèbres.
Des hennissements de chevaux résonnèrent tout à coup suivi d'une licorne à la robe blanche sortant du brouillard. Les sons provenaient de partout et nulle part à la fois, je les propageais à l'aide de la magie dans l'espace. Sol disparut, happée par la brume avant de réapparaître avec Éléonore sur le dos, trottant et voltant dans une danse gracieuse et envoutante, le duo semblait irréel. Un soleil dans la nuit bleutée se mouvant au milieu des étoiles.

Le spectacle dura quelques minutes dans lesquels la lumière semblait lutter contre les ténèbres. Ses dernières finirent par gagner. La musique se tut, la licorne blanche disparut et sa cavalière avec. Pourtant ce n'était pas la fin de l'histoire. Les lumières s'éteignirent plongeant le chapiteau dans la pénombre. Lorsqu'elles se rallumèrent, la scène était déserte mais un nouvel air de violon résonna, plus fort, plus puissant. Le voile brumeux était toujours là, plus sombre. C'était à nous. D'une part, je me concentrais sur la mélodie illusoire, d'autre part, je contrôlais la brume. Sur le dos de Mani, nous dansions, faisant qu'un avec les ténèbres. Triomphant sur la lumière, nous n'avions plus rien à craindre. Mais celle-ci n'avait pas dit son dernier mot.

Éléonore et sa licorne blanche brillèrent de mille feux, faisant fuir les ombres menaçantes et stopper ma danse triomphale. Mani fit volteface, le chapiteau se divisa en deux parties distinctes, l'une de pénombre et l'autre de lumière alors que le soleil et la lune se faisaient face.

Ma licorne cabra, un hennissement fit écho à la musique qui accompagnait l'histoire et de nombreux projectiles sombres fusèrent vers Éléonore, seulement la lumière les désintégra aussitôt. Afin de montrer son mécontentement, Mani tourna sur lui-même et partit au galop vers Sol qui nous croisa en diagonale. Alors la danse reprit, mais cette fois-ci elle montra le combat acharné de la lumière contre les ténèbres. La brume suivait le rythme de la musique, tantôt sombre, tantôt clair, les éclairages accentuaient les effets et je l'espérais, émerveillaient les yeux des spectateurs.
On tournoyait l'une autour de l'autre, on se rapprochait puis s'éloignait avant de recommencer en rythme. Les licornes se mouvaient gracieusement et semblèrent ne jamais vouloir s'arrêter et pourtant la fin arriva.
Les forces s'équilibrèrent sans que l'une prenne le dessus sur l'autre, s'harmonisant elles finirent par se compléter totalement. La lumière et les ténèbres ne pouvaient vivre l'une sans l'autre. Les deux licornes s'arrêtèrent côte à côte et la lune prie la main du soleil en signe de paix. La musique se termina alors que les deux êtres célestes disparurent ainsi, main dans la main.