« Irma, je ne comprend pas... pourquoi il faut qu'on s'éloigne tant que ça de la tour ? Je pensais que...
- Parce que c'est mieux, viens. »

La vieille femme semble bien plus agile que son corps ne le laisse croire. Elle se faufile assez facilement entre les buissons et les arbres. Derrière elle, Tamel suit un peu plus péniblement même si ses parties de chasse la rende de plus en plus discrète. Leurs chemins semble long à la jeune femme, d'autant plus qu'elle ne sait pas où l'emmène sa mentor. Mais, quelques longues minutes plus tard, plus loin et plus profondément dans les bois, Irma lui fait signe de s'arrêter. Elle pose son doigt sur ses lèvres pour l'incité au silence.

Lentement, la vieille femme se place au centre de la petite clairière, si proche des ruines et sort de sa poche ce qui ressemble à une pierre précieuse bien ouvragé. Tamel se mord la lèvre pour ne pas lui poser de question et l'interrompre.

« Venez à moi... »

Tamel n'entend pas les mots prononcé avant, ni ceux d'après, mais un courant d'air frai la fait frémir alors que devant la vieille femme, deux ombres se forment sans contour distinct. Beaucoup plus grandes qu'Irma, les deux ombres aux yeux rougeatres la fixe comme s'ils attendaient un ordre quelconque. Celle-ci sourit et, de la main, fait signe à la jeune stryge de venir.

« Maintenant que tu as bien étudié le livre et que tu m'as ramener assez de sanglier, je vais te prêter ma pierre, et tu vas...
- Votre pierre ?
- Ne me coupe pas Tamel. Je te la prête, le temps que tu... essayes de convaincre ces deux âmes qu'elles doivent... mh... nous ramener un lapin ?
- Mais comm-
- Prends, et essaye de communiquer... Chacun à sa manière de faire... »

La jeune femme est un peu perdue, néanmoins, elle prend la pierre entre ses doigts. Celle-ci est froide et beaucoup plus lourde que ce dont elle s'attendait. Elle regarde avec curiosité sa mentor qui lui sourit et l'encourage d'un mouvement de main à avancer vers les ombres qui regardent à présent l'orpheline. Elle prend alors une grande inspiration et fait un pas vers eux.

Ils ne bougent pas.

Elle se racle la gorge et entonne d'une voix forte : allez me chercher un lapin.

Ils ne bougent toujours pas.

Tamel fronce des sourcils, elle recommence plusieurs fois, en prenant des voix différente, parfois douce, parfois dur, chuchoté ou hurlé. Elle y mets des trémolos ridicules ou chante tout aussi ridiculement. Rien y fait, ils ne bougent pas. Elle se tourne vers Irma. Sa mentor n'a pas bougé, elle n'a pas sourit ni rit, elle regarde simplement son élève qui échoue, encore et encore.

« Ca ne marche pas avec moi, on dirait...
- Ce n'est peut-être pas de cette façon que tu dois communiquer avec eux.
- Mais vous... Vous les avez juste appeler et ils sont venu... pourquoi avec moi...
- Tamel, je communique avec eux par la voix, peut-être qu'il y a une autre façon pour TOI...
- Alors il ne suffit pas de demander ? Il faut plus que ça ?
- Exactement, chacun à sa... voix je dirais. Sa façon de faire. »

La veille Stryge rejoint la jeune et prends la pierre de ses mains. A voix basse, elle leur demande d'aller chercher un lapin et les deux ombres perdent immédiatement en consistance pour se glisser sur le sol à la recherche du butin.

« Est ce que je vais avoir une pierre comme ça pour les invoquer ?
-  Ce n'est pas une simple pierre, c'est un récolteur d'âme. Le mien est comme ça, mais il en existe de toute sorte. Je pourrais te donner mon premier récolteur si tu veux...
- Vous me le laisseriez ?
- Evidemment, avant que tu ne trouves celui qui te convient le plus. Mais pas sans rien, je ne te le donnerais que lorsque tu aura trouver ta voix.
- Mais... je n'ai pas besoin d'avoir justement le récolteur pour pouvoir leur parler et donc trouver cette fameuse voix ?
- C'est le plus facile en effet, mais je ne veut pas que tu apprennes par la facilité. Si tu veux être puissante, il faut que ton apprentissage soit poussé et complexe. »

Tamel n'est pas sur de comprendre, mais elle ne dit rien et hoche la tête en voyant déjà revenir les deux ombres avec un lapin pendu par une patte et totalement paniqué. La vieille prend l'animal par les oreilles d'une main en congédiant les ombres de l'autre. Elle glisse la pierre dans sa poche, puis, d'un geste rapide et habitué rompt le cou du rongeur.

« Rentrons, je dois préparer ce lapin et si je l'ai encore, je te montrerais le livre des Voix. »

C'est à la suite de ces mots que les deux femmes rebroussent chemin. Tamel n'ayant pas trop compris pourquoi il avait fallu allez aussi loin pour si peu. Irma, contente d'avoir eut son diné en plus d'avoir compris que son élève ne serait pas une manipulatrice d'âme trop vulgaire.

« Trouver ma voix... trouver ma voix... C'est un peu facile à dire, non ? Tu ne crois pas ? »

Le chat relâche sa proie qui se faufile entre deux grosses pierres qui édifiait sans doute, jadis, la tour grise. Tamel assise légèrement en hauteur, sur d'autre pan de mur se penche légèrement en avant, les ailes largement déployer en arrière. Elle tenait entre ses mains le récolteur d'âme que lui avait donner Irma. Il ne paye pas de mine et tiens dans le creux de sa main. C'est une petite breloque, terne plus gros qu'une pièce et étrangement chaud. Au centre, il y a une pierre noir. Elle ne sait pas si c'est l'ensemble qui agis comme récolteur où seulement la pierre.

Quoi qu'il en était, elle est dans les ruines depuis plus d'une heure. Elle sait qu'elle doit trouver sa voix, mais même la lecture du livre ne lui apporte pas de grain à moudre. La jeune femme sait que la communication verbal ne fonctionne pas, sur tout les tons. Et maintenant, après avoir bien étudié le livre, elle se rend compte qu'elle a été bien bête ce jour là.

« Bon, Loptr... Elle m'a dit qu'il restait une âme là dedans... Je dois essayer de l'invoquer. »

Quelques jours auparavant, Irma l'avait renvoyé de chez elle en lui disant que tant qu'elle n'avait pas trouvé sa voix et réussi à invoquer l'esprit resté dans le récolteur, elle ne devait pas revenir vers elle. C'était dur, et l'orpheline s'était sentit abandonné à son sort. Mais aujourd'hui, elle en avait marre de ne plus en apprendre d'avantage.

Elle pose l'objet dans sa main qu'elle tend devant elle. Quitte à tout essayé...

« Esprit libre vient à moi... »

Sa voix est un peu hésitante au début, mais elle reprend avec un peu plus de conviction. Rien. Aucun autre bruit que celui du chat et des craquements sinistre des os de la souris. Tamel soupire mais se redresse, le dos droit. Elle ferme les yeux et hurle dans son propre esprit la même phrase. Rien. Pas un frémissement de plus. Qu'y avait-il d'autre déjà ? La magie... Mais la Stryge ne possédait aucune magie... du moins, pas à sa connaissance. Cela éliminait pas mal de possibilité.

Plus elle y réfléchit et plus elle pense que finalement, ce n'est peut-être pas pour elle, qu'elle devrait faire autre chose... reprendre avec plus de sérieux son apprentissage des bijoux... Mais la déception est vite remplacé par de la colère. La colère de ne pas pouvoir réussir ce qu'elle veut, de ne pas atteindre les objectif et de devoir rester dans son petit coin de vie trop étroit pour ses envies.

Autour d'elle, une brise fraiche fait ployer les herbes folles. Loptr crache et se gonfle pour faire fuir une menace qu'il ne voit pas. Tamel ne réalise pas ce qui se passe autour d'elle, et, quand elle s'apprête à descendre et qu'elle pose son regard vers le bas, une ombre au contour incertaine flotte à quelques centimètres du sol.

La stryge fronce des sourcils, elle se redresse et sent la curiosité poindre en elle aussitôt accompagné de joie. Elle n'a pas le temps de formuler une pensée que l'ombre s'agite et disparait. Le chat ne se défait pas de son dos rond immédiatement. Tamel, sous le choc non plus ne bouge pas.

« Est ce que ça veut dire que j'ai réussi ? Que j'ai trouvé ma voix ? Il est arrivé quand... Je faisais quoi ? C'est ma colère qui l'a fait venir ? »

Elle parle à voix basse en faisant roule la pierre noire entre ses paumes. Est ce qu'elle entrait en communication via la colère ? A cette idée, une grimace remplace son sourire triomphant. Si elle doit toujours être en colère pour le faire venir... Ca ne lui plaît pas. Peut-être qu'une émotion plus forte pourrait marcher ? Elle referme le point sur l'objet et se laisse planer jusqu'au sol.

« Peut-être que je devrais en parler avec Irma... Aller vient, on va la trouver... »

Loptr se laisse tomber sur le sol, le ventre bien arrondis de son festin. Mais en voyant que son amie s'éloigne il se lève pour courir jusqu'à elle. Vivement, il bondit pour s'agripper à son sac et grimper jusqu'à son épaule avec habitude.

Tamel espérait grandement qu'Irma voudrait bien l'aider, elle était sur d'avoir trouver, mais ne voyait pas encore comment cela fonctionnerait comme pour sa mentor si elle devait être constamment en colère.

- mmf…

Tamel baisse les bras en laissant un long soupir d’agacement s’échapper de ses lèvres. Derrière elle, Irma est assise avec une robe entre les mains et une aiguille. Elle semble la reprendre. Loptr est roulé en boule à ses pieds, lui dort.

- Je n’y arrive pas…
- C’est évident. Tu n’es pas concentré. Recommence.
- …

La jeune stryge n’ose pas poursuivre son mécontement, elle soupire une nouvelle fois, tout aussi bruyamment que la première. Depuis plus d’une heure, elle essayait en vain de faire venir l’âme, l’esprit qui se trouvait dans la pierre. Elle savait bien qu’elle avait déjà réussi une fois, mais depuis, elle n’avait essuyé que des échecs.

Son agacement était tel, qu’elle arrivait même à être en rogne contre son compagnon qui se prélassait sans rien faire d’autre que des petits mouvements spasmodiques selon ses rêves. Autour d’eux, la petite clairière est calme, il n’y a pas d’autres bruits que celui du vent dans les feuilles.

Tamel prend une grande et longue inspiration en fermant les yeux. Elle tente au maximum d’ouvrir son esprit… Comment on ouvre son esprit d’ailleurs ? Irma le lui avait vaguement expliqué, et elle n’avait pas été satisfaite de cette explication. Cette fois-là, elle en avait presque même regretté d’avoir choisi de devenir son élève.

Trouver sa voix pour parler aux esprits était aléatoire selon les gens, ouvrir son esprit était également personnalité dépendant… Tamel avait la sensation que rien n’était sûr dans cet art, et qu’elle aurait sans doute mieux fait d’apprendre à se battre.

- Arrête de réfléchir.

La jeune femme fronce des sourcils, c’était facile à dire. Elle prend une nouvelle bouffée d’air, elle bouge légèrement ses pieds pour s’ancrer un peu plus au sol et ne cherche plus à contrôler ses pensées. Petit à petit, elle fait le vide, et se concentre uniquement sur la brise qui caresse ses joues. Elle sent un peu plus fortement la pierre lisse dans sa main et… étrangement, une émotion de bien-être… Pourtant, elle est persuadée que ce n’est pas la sienne…

Avant de s’y attarder plus qu’il ne faut, elle se ressaisit et, quand elle se reconnecte à la réalité, l’ombre est là. Devant elle. Ses contours ne sont pas nette, sa forme non plus. Il n’a pas de visage et sa consistance ne semble pas… concrète. Comme s’il était dans de l’eau et qu’il flottait.

- Bravo ! Reste concentrée, et dis moi ce que tu ressens.

Tamel fixe la chose, et cherche en elle-même ce qui a pu faire venir l’ombre. Est ce que c’est parce qu’elle le veut en pensé ? Elle ne se souvient pas l’avoir appelée. Ce n’est pas non plus comme l’autre fois, elle n’était pas excessivement en colère…

- Je… j’étais bien…

Ce n’était pas tout à fait vrai, elle n’était pas mal… mais ce n’était pas elle qui était bien, qui était totalement détendue. C’était Loptr. Est ce que c’était lui qui l’avait fait venir ? Ou c’était parce qu’elle avait elle-même ressentit le bien être du chat ?

- Mais c’est étrange… Il est venu parce que j’étais en colère la dernière fois… Aujourd’hui parce que… parce que je ressens un profond bien-être… Est ce que c’est ça ma voix ? Une émotion ou un ressenti fort ?
- C’est une possibilité oui.
- Cela ne va pas me rendre la tâche plus difficile ? Je ne pourrais pas ressentir des choses aussi fortes tout le temps, non ?

Irma relève enfin les yeux de son ouvrage et la fixe avec intensité.  

- Il va falloir le travailler, encore et encore. Peut-être qu’avec le temps une émotion moins puissante suffira. Je pense que ça va être difficile, mais j’ai confiance en toi.

Tamel ne sait pas quoi dire tant le compliment voilé la touche. Elle sourit et après un bref regard vers l’ombre qui comprend et s’éloigne, elle se rapproche de la vieille stryge.

« Je vais devoir recommencer souvent… Que faites-vous avec cette robe ?
- Si je n’ai pas voulu répondre à tes questions tout à l’heure, ce n’est pas pour le faire maintenant. Mais je pense que j’ai fini. Rentrons.
- Je ne continue pas ? »

La vieille femme secoue la tête en roulant la robe pour la glisser ensuite sous son bras. Elle commence à prendre le chemin du retour et Tamel a juste le temps de se baisser pour prendre Loptr dans ses bras que sa mentor disparaît entre les arbres en direction de la tour noire.

Elle ne savait pas exactement combien de temps s’était réellement écoulé depuis sa dernière rencontre avec Irma. Celle-ci lui avait conseillé de s’exercer davantage et Tamel y avait consenti car à présent, elle voyait parfaitement ses propres progrès. Bien sûr, elle n’avait que légèrement saisis l’utilisation des émotions du chat, mais elle avait compris que ce n’était pas son émotion propre qui avait réussi à faire venir l’Esprit libre.

Ses parents adoptifs n'avaient qu’une vague idée de ce qu’elle tramait, mais comme elle leur rapportait régulièrement de la viande variée, ils ne cherchaient pas à en savoir plus. Quel ne fut pas sa surprise, quand un matin, alors qu’elle commençait à sortir les tables pour son père avant d’aller chez son Maître d'Orfèvrerie, de percevoir le pas légèrement claudiquant d’Irma sortir de la tour pour remonter la petite allée vers la taverne.

Loptr qui faisait consciencieusement sa toilette sur un bord de fenêtre leva les yeux vers elle alors qu’elle faisait signe à Tamel de la rejoindre. Celle-ci n’attendit pas plus longtemps pour franchir en courant avec quelques coups d’ailes, l’espace qui les séparaient.

- Vous vouliez me voir ?
- Serais-je ici dans le cas contraire ?
- Sans doute pas non… souffle Tamel légèrement gênée.
- Prend de quoi manger, de quoi dormir et un peu d’or. Nous partons en voyage.

Hébétée, la jeune stryge noire ne répond pas, ne bouge pas. Elle jette un regard vers la tour puis vers sa maison où l'échange entre ses parents et les quelques rares clients sortaient par la porte restée ouverte.

- Dépêches toi mollassonne, Nous avons un long chemin à faire.
- Où allons-nous ? Finit-elle par demander en sortant de sa surprise.
- Dans le Nord. Plus encore. Mais nous devons d’abord aller a Stellarae. Il y a quelques ouvrages de la grande bibliothèque que j’aimerais te montrer.

L'excitation d’un si long voyage en sa compagnie et donc avec la chance de pouvoir bénéficier de son enseignement tous les jours remplaça vite sa surprise. Et, quand elle parla de son maître d’apprentissage, Irma balaya la question d’une main impatiente en grommelant que c’était réglé. Ne restait donc plus qu’à convaincre ses parents…

Mais ils ne furent pas si difficiles à convaincre, Irma savait trouver les bons mots et l’enthousiasme de Tamel les avait rassurés. Ce n’était pas la première fois qu’elle quittait la taverne, ni qu’elle partait loin, mais de manière générale, c’était temporaire et ils savaient quand elle allait revenir. Là, cela semblait plus flou.

Il faut un peu plus de deux heures à Tamel pour être prête. Elle avait fait et défait plusieurs fois son sac pour être sûr de ne rien oublier. Arrivée en bas, elle réalisait qu’elle avait oublié telle ou telle chose. Cependant, quand ce fut bon, et que sa mentor et elle quitte la taverne adoptive, l’orpheline ne se retourne pas.

Loptr trottait joyeusement entre les deux femmes qui marchaient en silence. Quand elles atteignirent le premier bois, il leur faussa compagnie et partit entre les arbres sans doute pour chasser quelques rongeurs malheureux.

- Tamel, profite du voyage pour t’exercer. Tu n’as apparemment pas la voix la plus simple.

D’un hochement de tête, la jeune stryge glisse sa main dans sa poche à la recherche de la pierre d’invocation. Mais alors que ses doigts l'enverrait, une question lui vint.

- Combien d’Esprit peuvent vivre dans cette pierre ?
- Beaucoup.

Ce n’était pas assez précis pour elle, mais elle s’en contenta pour l’instant. Beaucoup pouvaient être autant cinq que cent.. que… Était-il possible de posséder autant d’esprit à son service ? Son but à elle n’était pas d’aider les esprits libres ?

- Comment puis-je les aider s’ils sont coincés dedans ?
- Les aider ? Je ne t’apprends pas à les aider. Je t'apprends à les contrôler, à leur parler.
- Mais…
- Tu feras usage de ton savoir comme bon te semble quand l’apprentissage sera fini, mais pour l’heure, tu apprendras comme je te l’enseigne.

Tamel ne pouvait nier que ses enseignements avaient largement porté leurs fruits. Elle connaissait sa voix, et savait maintenant invoquer avec plus ou moins de facilité les quelques esprits résidents dans la pierre.

- Est ce qu’il existe d’autre réceptacle que des pierres comme ça ?
- Oui.
- C'est-à-dire ? soupire la jeune stryge en se demandant si elle allait toujours devoir tirer les vers du nez de sa mentor.
- Généralement, c’est une pierre. C’est plus facile à manipuler et à s'entraîner avec. Quand tu aura plus d’expérience, tu pourras transférer ce pouvoir ou l’insufler dans n’importe quoi pourvu que cela ait une petit part de magie. Tu pourr…
- Mais je ne sais pas manipuler la magie moi ! Je suis tout juste capa-
- Me laisses-tu finir ou dois-je m’arrêter là, Tamel ? Bien. La magie des pierres d’invocations est propre à leur fonctionnement, elle n’est pas manipulable dans le sens commun de l'appellation. Tu pourrais très bien t’en sortir avec un fragment de pierre travailler en collier. Ou même en…
- N’importe quoi de travailler… Fini la plus jeune de deux en chuchotant le regard brillant d’idée.

Tamel regarde sans voir son Chat bondir d’un buisson avec un gros rat mort pendouillant de sa gueule et se prit à songer à ce qu’elle serait capable de faire si elle pouvait créer ses propres bijoux d’invocation…

Durant quelques longues minutes de marches, la jeune femme ne parlait pas, et la vieille non plus. Le silence était uniquement ponctué des allées et venues de Loptr. Tout en caressant la pierre entre ses doigts, l’orpheline s’imaginait déjà créer et vendre ses bijoux d’invocation. Peut-être qu’elle pourrait être reconnue pour ça ? Et que ça lui permettrait de gravir les échelons sociaux chez les siens et d’avoir enfin accès aux étages supérieurs ?

N’était-elle pas en train de batailler sur plusieurs fronts pour pouvoir accéder à tout ce qu’elle voulait ? Sans doute, mais elle se sentait bien capable de le faire. Elle en avait envie et sans doute était-ce un peu cupide, mais elle avait hâte d’y parvenir. Combien y avait-il de personnes comme elle et Irma ? Capable d’apprendre à manipuler les esprits qui souhaiteraient avoir des récolteurs d' me plus…. élégant ?

La route vers Stellaraë était longue. Irma lui faisait prendre des chemins qui ne semblaient pas officiels et, parfois en quelques flash assez flou, Tamel se revoit, enfant suivant les traces d’un Orc qui la conduisait chez elle. C’était assez confus, elle était jeune, mais elle avait quand même la sensation de revivre ça.

Ce n’était pas des sensations désagréables au contraire. Elle avait apprécié ce voyage. Et c’était durant celui-ci qu’elle avait voulu, comme lui, devenir un chaman. La jeune femme avait bien conscience que sa mentor ne ressemblait en rien à l’orc qu’elle avait connu, qu’elle ne semblait même pas arpenter le même chemin concernant les esprits, mais la stryge n’avait qu’elle.

- Tamel ! On s’installe ici.
- D’accord…

Elle laisse tomber son sac de voyage et farfouille dedans pour prendre une outre et la tendre à la vieille Stryge. Une fois toutes deux désaltérées, la plus jeune prépare un semblant de campement : le foyer pour le feu, les deux couches. Irma la fixe un moment avant de s’installer et de sortir un livre de son sac. Ce n’était pas exactement un livre, mais plutôt un carnet dans lequel Irma prenait régulièrement des notes.

- Je t’ai expliqué que nous allions à la grande bibliothèque. J’aimerais que tu étudies les différentes magies. Je sais que tu ne vas pas les maîtriser mais je veux que tu les connaisses et…

Elle s'arrête en levant un œil vers elle. Incisif, son regard la transperce et la rend rapidement mal à l’aise. Tamel ne veut pas insister, ou du moins, elle sait que si elle pose la question, celle qui est sur le bout de sa langue, cette dernière se refermerait comme une huître. Mais le silence se prolonge.

- Irm-
- Tamel, ramènes nous de quoi manger, un lapin par exemple. Et par là, je crois que j’ai vu des pousses de carotte sauvage.

Loptr, qui avait un peu traîné la patte, venait de les rejoindre et sauta dans le sac pour trouver un coin chaud. Une petite heure plus tard, le repas était prêt. Le silence était de nouveau omniprésent et Tamel se mordait l'intérieur de la joue sans savoir comment aborder le sujet.

- Irma ? Je…

La stryge ne répond pas, elle ne montre aucun signe qu’elle a entendu la voix de son élève. Mais un petit frémissement des ailes lui font comprendre qu’elle est attentive. De ses gestes assurés et habitués, Irma sert le lapin et les légumes avant de tendre sa part à Tamel.

- Qu’alliez vous dire ?
- Ce n’est pas le moment. Plus tard. Manges. Ensuite, tu essaieras de capter les émotions qui t’entour.
- Mais je…
- Non Tamel, tu dois t’entrainer.
- Mais Irma, je ne fais que ça, tout le…
- Encore.

Tamel ferme les yeux, elle sent la colère grimper le long de son dos mais elle s’exhorte au calme. Puis, elle tend son esprit. Elle ne ressent rien, elle sait qu’Irma sait parfaitement se couper d’elle mais Loptr est censé être là.

- Tu dois apprendre à être calme en toute circonstance, à ne pas laisser voir tes émotions. Quand tu seras capable d’éprouver de la colère sans que je ne le sache, tu sera sur la bonne voie.
- Je… Comment puis-je m'entraîner à maîtriser les ombres via mes émotions si je dois les juguler ?
- Je ne te demande pas de les juguler. Mais de les maîtriser. Il faut les canaliser pour les utiliser.

Tamel la fixe, c’est la première fois qu’elle parle autant en des termes aussi clairs. Hochant la tête, elle ferme de nouveau les yeux pour prendre une grande respiration.

- Voila, c’est ça…

Pendant quelques minutes, avec quelques grandes inspirations, Tamel retrouve son calme. Comment pouvait-elle apprendre tout ça si elle ne vivait rien d’autre que du voyage. N’était-ce pas une pointe d’agacement qui venait perturber son air calme ? Non, respiration.