Sa nouvelle boutique était ouverte depuis quelques jours et, déjà, des clients se manifestaient. Certes peu nombreux, mais non moins présents. Aider de PetitTembour, la propriétaire tenait l’endroit d’une main de maître. Chaque client repartait satisfait, ou alors redirigé vers une autre boutique qui offrait leur recherche. C’était la joie d’avoir ouvert dans cette ville, car ici, au centre du continent, il y avait toujours quelqu’un à servir. Quelques jours après l’ouverture de Masha’zahk, un grand blond aux oreilles pointues se présenta. Bien vite, la renarde comprit qu’il s’agissait d’un nouvel aventurier.

- Bonjour ! Comment puis-je vous aider ?

- Bonjour, je suis ici pour acheter un arc, et plus précisément un M’arc’guerite. J'ai du bois sur moi qui peut servir. Est-ce que vous pourriez m'en faire un s'il vous plaît ?

- Oui, bien sûr. Montrez moi ce bois.

La jeune femme prit le temps de vérifier chaque morceau de sureau et ne sélectionna que ceux qu’elle jugeait les plus solide. Eyara rendit le reste à l’Elfe.

- Voilà, je n’ai pas besoin de plus. Revenez dans quatre jours, j’aurais terminé. Petit Tambour, je serais dans l’atelier, appel moi au besoin.

- Bien, mam’zelle Eyara !

Après avoir noté le nom du client et s’il était droitier ou gaucher, la jeune femme s’enferma dans son atelier pour le reste de la journée. S’attaquant aussitôt à la tâche, la renarde commença par écorcer chaque morceau de bois, avant de les tailler grossièrement pour leur donner une forme particulière. Les collant ensuite avec une colle à base de nerfs et d’os animal, l’harenienne plaça l’assemblage dans une presse et l’y laissa jusqu’au surlendemain pour le séchage. Utilisant donc cette journée de pause forcée dans la création de l’arc, Eyara tressa d’abord la corde de l’arme, mêlant lin, chanvre et cuir pour une meilleure solidité. Avec quelques pièces de cuir de sanglier, l’arlequine fabriqua également un carquois dans le style de Sylfaën, gravant des motifs de feuilles et appliquant une teinture verte à la fin. Elle fabriqua aussi un petit gri-gri amovible avec une plume d’aigle des Baldors qui, une fois sur l’arc, permettrait à son client de vérifier facilement la direction du vent.

Lorsqu’enfin le sureau était prêt, elle commença par le tailler, puis à adoucir le bois afin de lui donner sa forme finale. L’arme semblait avoir été taillé dans une unique pièce de bois au final. S’attelant aux détails, la renarde commença d’abord par les extrémités en feuilles de chêne. La corde pourrait ainsi se placer à différentes hauteurs, selon la tension recherchée par l’archer. Passant à la gravure, l’harenienne traça des motifs de lierres et autres végétaux sur les côtés intérieurs et extérieurs de chacun des bras de l’arc. Une fois à son goût, elle appliqua une teinture sur le bois afin de le rendre plus foncé, avant de repasser dans ses gravures avec de la peinture dorée. Ne restait qu’à appliquer une fine couche de résine afin de protéger le bois de l’humidité, et le tour était joué.

Le lendemain, lorsque l’Elfe revint chercher sa commande, Eyara la lui offrit avec un grand sourire.

- Et voilà ! Avec le rabais pour un nouvel aventurier, et le fait que vous ayez apporté le matériel, il ne vous coûtera rien pour cette fois. Revenez quand vous voulez !

Et bien, la jeune femme ne s’attendait définitivement pas à revoir ce client aussi rapidement. Soit il progressait vite dans son métier, soit il avait déjà les moyens d’avoir mieux que son arc en sureau, encore visible dans son dos avec le joli carquois au motifs végétaux, tous deux de sa création.

- Ravie de vous revoir, messire. Je vois que vous êtes prêt pour la suite ? Parfait, et oui, je peux bien vous fabriquer un arc argenté. Heureuse d’apprendre également que vous êtes un nouveau confrère de l’Institut, et je suis bien curieuse de savoir quelle maison vous avez choisi. Je vous offre bien sûr la ristourne qui vient avec. Pour ce qui est de votre nouvel arc, je n’en ai pas en stock, il vous faudra revenir dans quatre jours pour l’avoir.

Après avoir prévenu Petit Tambour qu’elle allait dans l’atelier afin de débuter la nouvelle commande, l’harenienne laissa son client au bon soin de sa fée et de son protégé.

Fouillant d’abord dans ses matériaux, la rouquine sortit principalement du bois de cerisier, mais également un minerai d’argent et deux défenses de sanglier. Commençant par le corps de l’arme, l’arlequine creusa et tailla plusieurs arabesques, ainsi que les pointes, qui seraient remplacer par les défenses, n’y allant pas trop creux non plus pour ne pas abîmer le cerisier. Le soir venu, le travail était à son goût. Plongeant le bois dans un bassin où se mêlaient différentes huiles et résines, Eyara l’y laissa quelques instants, avant de le placer au séchage près du feu pour la nuit. Le lendemain, la renarde s’attaqua à l’argent. Faisant d’abord fondre le métal, la voilà qui prenait son temps pour remplir chaque trait creusé la veille avec le métal brûlant. Prudente, elle y passa des heures. Pas question de tout recommencer pour une simple bavure. Une fois le métal solidifié, l’arlequine prit le temps de limer, puis polir, chaque petit coin, rendant l’argent aussi brillant que s’il composait un bijou. Déjà en milieu d’après midi, Eyara poursuivit en taillant les défenses en forme de tête de loup, puis les inséra aux extrémités. L’harenienne termina le tout en ajoutant une corde tressée mêlant lin, chanvre et cuir. La dernière journée servit à faire de nouvelles flèches, en cerisier également, les rendant ainsi plus solides.

Lorsque son client revint prendre l’arc argenté, la rouquine le lui tendit un sourire aux lèvres, fière de son œuvre encore une fois.

Une nouvelle journée de travail commençait pour Eyara, Danica, Damian et Petit Tambour. La rouquine avait pris l’habitude de descendre de chez elle avec les garçons, confiant ses filles à son apprentie Mivian pendant la journée. Chacun avait sa tâche à accomplir, en plus de permettre aux adolescents de gagner en autonomie, sous la surveillance de la petite fée nordique.

La journée était bien avancée lorsque Damian vint la chercher. Une cliente avait apparemment besoin d’elle. Suivant le brunet, la rouquine se présenta à une dame à la chevelure de jais.

- Bonjour. Mon maître magicien m’a chargé de vous apporter son bâton. Il souhaiterait qu’il soit amélioré… Voilà pour vous.

L’arlequine prit le temps d’analyser le message et de vérifier les fournitures et le nombre de pièces.

- Très bien, je vais m’y mettre de ce pas. Je devrais avoir terminé demain à la même heure.

Et aussitôt, l’harenienne commença le travail. D’abord, un examen approfondi de l’arme lui fit comprendre son fonctionnement magique. Une pierre rougeoyante était habilement fixée dans un creux naturel du chêne et du baobab composant ce bâton Niglali, ce qui intrigua la jeune femme. Cette pièce n’était-elle pas fabriquée avec des cristaux de glace comme focalisateur normalement ? Et cette énergie sombre qui se dégageait de l’arme n’était pas des plus attractives non plus. Mais une commande restait une commande et il était temps de se mettre au boulot.

Le reste de sa journée fut occupée à tailler un emplacement dans le manche de l’arme pour l’opale fourni par le client. Inspirée par les matériaux originels requis pour la création de ce bâtim arcanique, la gemme avait elle-même été ciselée afin de lui donner l’apparence d’un brin de glace. Une fois figée dans le manche, la renarde grava de nouveaux traits, donnant l’illusion parfaite et harmonieuse d’une fusion entre le bois et la glace opaline.

Le soir arrivant, Eyara mis son travail de côté jusqu’au lendemain, épuisée mais fière du résultat.

Au matin, il ne restait donc plus qu’à intégrer les métarias à son œuvre afin d’amplifier sa magie. Et pour ça, il n’y avait pas trente-six solutions : il lui faudrait user de sa propre magie. Alors, une fois le bâton déposé sur un support prévu à cet effet, l’arlequine se concentra, une sphère d’énergie dans chaque main. Se concentrant sur son aéromancie, puis sur l’énergie de l’arme, Eyara transféra tout doucement la magie des sphères au Niglali, les enjoignant à améliorer son rendement. Une fois terminé, la pierre rouge et l’opale brillait d’un nouvel éclat emplit d’énergie magique.

Lorsque vint l’heure, la renarde remit l’arme à Cora avec fierté.


Le lendemain, alors que la renarde avait envoyé les garçons à l’étage pour le repas du midi, Eyara eu une visite plutôt inattendue. En effet, alors que la jeune femme était dans son atelier à prendre les dernières pièces à placer sur les étalages, ses oreilles captèrent le son de la petite clochette liée à la porte et qui indiquait la présence d’un client, qui cette fois s’avérait être le Löwen qui dirigeait sa faction. Tiens donc, depuis quand quittait-il Sylfaën pour venir jusqu’à la ville cosmopolite ?

- Bonjour, messire Urua.

Sa patte levée se trouvait près de Kalsak, son archéoptéryx. Celui-ci, reconnaissant le fauve, n’avait qu’à peine levé la tête avant de la reposer sur son coussin. Il avait compris que le lion n’était pas un danger et n’avait donc pas besoin de sonner l’alerte aux indésirables, comme l’oiseau préhistorique était dressé à le faire. L’arrivée de la jeune femme avait par contre interrompu le geste d’Urua, involontairement.

- Bonjour Eyara. J'ai une commande très spéciale pour toi.

Curieuse, l’arlequine déposa ce qu’elle avait dans les bras dans un coin et s’approcha du comptoir, où le Löwen avait déposé un croquis. Celui-ci illustrait un fouet agrémenté d’une hache à sa pointe. Un frisson lui parcourut l’échine. Voilà qui ne serait pas plaisant pour celui qui recevrait le coup, et la renarde souhaite sincèrement ne pas se retrouver contre le Löwen avec ça en sa possession. Mais l’idée restait dans ce que la jeune femme était normalement capable de créer.

- Et si tu peux me confectionner des bottes tungstèniennes aussi, je t'en serai reconnaissant.

Et voilà un autre article qu’elle n’avait jamais fait, mais décidément bien moins effrayant que le fouet-fléau. Urua déposa ensuite son paiement sur le comptoir avec les ressources pour sa commande. Eyara s’empressa de calculer, puis rendit 130 pièces au Seigneur Sylvestre.

- Tiens, c’est en trop ça. T’as droit au rabais Confrère, vu que tu partages ma faction, mais aussi quelques guildes, avec moi. Pour le reste, j’en aurait sans doute pour quelques jours de travail, je viendrais te les livrer en personne lors de mon passage mensuel à Sylfaën.

L’arlequine remercia le Löwen de lui faire confiance pour ses commandes, puis le laissa filer afin de se mettre au boulot. Il y en avait tant à faire en plus … Mais Eyara se concentra, ce n’était pas le temps de se démoraliser pour cela, elle avait vu bien pire.

Les bottes étant définitivement plus simples, la rouquine commença par cet article. La maman prit d’abord en note les dimensions des Bot’aria sur une feuille. Puis, minutieusement, tailla chaque morceau de baobab. À force de coupe, de bain d’huile et de pliage délicat, le bois finit par épouser la forme parfaite, formant une carapace solide pour recouvrir les bottes. Eyara inséra ensuite les écailles de wyverne au niveau des orteils, encore une fois afin de renforcer l’œuvre. La maman passa ensuite le reste de la journée à graver des motifs animaliers dans le bois afin d’embellir son œuvre.

Ne restait que l’œil et la fiole. Alors le lendemain, la renarde récupéra le liquide dans le globe oculaire, qu’elle mélangea au contenu du récipient de verre et à son mélange personnel d’huile. L’arlequine, à l’aide d’un chiffon, en couvrit les bottes afin de les renforcer et de leur donner du lustre.


Il était maintenant temps de s’attaquer à l’arme commandée par le Löwen. Mais avant de se mettre au travail, ses oreilles captèrent le son de la clochette à l’entrée, indiquant de nouveaux clients. Normalement, l’harenienne laissait les garçons, en particulier Petit Tambour, s’occuper des clients, mais la voix lui fut familière, reconnaissant à la fois un client fidèle et un camarade autant de faction que de guilde.

- Bonjour, j'ai en ma possession cet arc M'arc'guerite que vous m'avez fait, et dont je suis enchanté. Je n'en ai plus l'utilité, aussi, j'aimerais savoir si vous pouvez me le reprendre. Je voulais également savoir s'il est possible de vous commander un arc de Link par la même occasion, ayant récupéré un petit pécule me permettant cet achat ?

- Je vais aller demander à la patronne, un instant.

- Inutile vul’sol, je suis là. Bonjour, Melhyndil.

La rouquine remarqua l’abyssale qui suivait l’elfe. Sans doute une apprentie ou une compagne de route. Mais là n’était pas l’importance. La jeune femme n’avait pas l’habitude d’un client voulant lui revendre l’une de ses créations, mais avec une petite séance de restauration, sans doute pourrait-elle le remettre comme neuf et le vendre à nouveau dans sa boutique à un prix réduit afin d’aider un autre débutant.

- Bien sûr, je vais reprendre cet arc. Je vais déduire son prix du coût de votre commande, qui en sera donc de 500 pièces d’or. Cela te convient ? Je dois te prévenir cependant que je dois d’abord terminer une commande pour Urua avant. Et comme je vais la lui livrer à Sylfaën lors de mon passage mensuel, je peux, si tu veux, faire de même avec la tienne.

Après avoir noté exactement ce que l’elfe désirait, la rouquine retourna s’occuper de la commande du lion. Son arme plus qu'étrange risquait d’être longue et complexe à fabriquer. S’attaquant d’abord à la tête de l’arme, l’arlequine sculpta une grande sphère avec la moitié du bois fourni. Une fois cette était faite, elle la tailla en une forme plus petite, gardant à chaque quart une section suffisamment épaisse et solide que la jeune femme transforma par la suite en lame. Pour renforcer le tranchant, l’artiste piocha dans ses réserves de métaux avec lesquelles la renarde forgea de petites lamelles de fer qu’elle fixa sur les lames de la sphère.

Il était maintenant temps de s’attaquer au fouet en lui-même. Et pour cela, Eyara se servit du reste du bois afin de tailler un manche solide. Avec du cuir de sa réserve, la rouquine trancha puis tressa l’ensemble, tout en recouvrant au passage le manche sculpté pour une meilleure prise. L’harenienne noua ensuite la sphère-hache à la pointe et lustra le cuir à l’aide d’une huile adaptée, conçue en partie avec la fiole de sable élémentaire, pour garder la peau souple et solide à la fois. Pour terminer, la maman inséra les topazes dans le Hache’n’slash, l’un sur la sphère et la seconde sur le manche.


Il lui avait fallu quatre jours entiers pour réaliser l’ensemble de la commande du Löwen, il était maintenant temps de se concentrer sur celle de l’elfe. L’Arc de Link restait une création relativement simple après son travail des derniers jours.

Commençant par le corps de l’arme, Eyara commença par tailler des morceaux de chêne, assurant une excellente solidité à l’arc. Elle recouvrit peu à peu avec le baobab, bien plus malléable pour sculpter divers motifs. Une fois les encoches pour la corde et la poignée sculptées, la renarde recouvrit son œuvre de différents motifs pouvant rappeler Sylfaën. La maman lui donna ensuite un bain d’huile pour donner du lustre et une protection contre les intempéries, puis le mit à sécher.

Pendant ce temps, Eyara travailla sur la corde. L’arlequine prit deux liens incassables et les tressa ensemble. Elle fit une boucle à chaque extrémité puis posa deux minces anneaux d’argent légèrement espacé là où reposerait la flèche. C’était une petite astuce que la jeune femme avait remarqué au fil du temps. Ces anneaux permettait aux archers de bouger sans retirer la flèche de la corde. Ainsi, s’il devait se déplacer rapidement, le trait ne partait pas dans n’importe quelle direction et restait bien fixe.

Une fois l’huile sur le bois séchée, Eyara enfila la corde sur l’arme, finalisant sa fabrication. Ne restait plus qu’à faire la livraison.