De fines palissades en bois entourait le village des réfugiés Djölfullins. Le bois était clair et lisse car travaillé. Les charpentiers l'avaient poncé et sculpté pour lui donner une harmonieuse forme circulaire. Le haut n'avait pas été taillé en pointe, il était plat. Chaque morceau de bois avait une taille différente de ceux qui l'entouraient. Cette pratique étrange pouvait provoquer un déséquilibre sur la palissade, mais pourtant c'était relativement apaisant. Ce n'était qu'une palissade, qu'une simple suite de morceaux de bois et pourtant c'était vraiment relaxant. À l'arrière, on discernait les toits pointus des petites maisons djölfullines. Malheureusement, le village étant camouflé, on ne pouvait rien voir d'autre. Il y avait aussi beaucoup d'arbres et d'autres plantes exotiques inconnues sur le continent. Elles avaient sûrement été importées du pays natal de ces diables rouges.
Concernant l'entrée, elle était surveillée par deux massifs individus qui n'avaient pas l'air commodes. Leur armure n'était pas des plus lourdes, mais elle recouvrait tout le corps. Avec un peu d'attention, on pouvait apercevoir les écailles renforcées qui composaient les protections. Ce n'était pas chose courante, mais certaines créatures possédaient des écailles aussi résistantes que l'acier. Il ne fallait pas les sous-estimer, tout comme les lances dépourvue de métal à la pointe. De simples morceaux de bois. À moins que... Non, il s'agissait en réalité de bâtons métalliques merveilleusement camouflés en bout de bois. Peinture et travail du métal avaient doté ces armes de trompe-l'œil comme dommages supplémentaires. Astucieux.
- Hey ! Vous là, arrêtez de rôder dans les parages ! s'exclama l'un des gardes.
- Du calme, répondit l'humain en s'approchant et montrant les mains. Au moins vous savez déjà ce que je suis. Puis-je m'entretenir avec quelqu'un ?
- Faudra vous contenter de moi, grogna le Djölfullin.
- Très bien... Je suis de Stellaraë, un Gardien. Dougal Keane, pour être plus précis. Un ambassadeur, précisa-t-il finalement voyant que les gardes restaient indifférents.

En attendant une certaine réponse de la part des piliers armés, le rôdeur de la Garde examina l'entrée plus en détails, ainsi que l'intérieur du village. La palissade s'ouvrait ici sur deux larges piliers de pierre - et non pas les vaillants Djölfullins - qui formaient une arche soigneusement taillée. L'humain reconnut des gravures propres à la race des diables à cornes puis que ces derniers y étaient représentés. Un serpent à cornes et au visage sévèrement fourbe s'enroulait de la base de chaque pilier pour rejoindre le centre. Toutes sortes d'armes hérissées ornaient la partie intérieure de l'arche, chacune tenue par un bras doté d'une musculature digne des puissants géants. Ces membres puissants rejoignaient un large diable au visage fortement marqué par la rage. Quant à l'extérieur, il était garni de de nuages de poussière qui s'illuminaient de toutes sortes de couleurs avec les rayons sur soleil. Ils étaient extraits d'un livre ouvert à cornes, représenté sur le centre de l'arche, dont un visage strict et méthodique était gravé sur les pages. Ainsi était représentée la Trinité Djölfulline. Cette œuvre d'art était tellement magnifique que le Stellarois n'avait pas remarqué la venue d'un grand homme mince habillé de toges souples et amples. Il n'osa pas interrompre la contemplation du futur invité, le laissant dériver sur la culture de son peuple et entrevoir les somptueuses subtilités des Djölfullins.
- Bonjour Gardien Keane, se manifesta le noble diable à cornes une fois la visite visuelle terminée. Je suis Chanveasna Punlok, le Grand Ambassadeur.

Dougal s'approcha paisiblement de celui qu'il espérait être son futur hôte et lui tendit la main en signe d'amitié. L'ambassadeur se raidit et courba le torse en guise de salutations. Le mouvement était souple et élégant. Le Gardien aurait bien voulu lui rendre la pareille, mais il craignait de mal faire. De plus, il ne savait pas si cela serait accepté de la part de ce peuple qu'un étranger les imite ainsi. Ils pourraient prendre ça pour une marque d'irrespect. L'humain décida alors d'imiter les tribus du désert et porta son index et son majeur à ses lèvres, puis les posa sur son front et les ramena sur les lèvres avant de de faire une noble révérence digne de la cour du roi.
- Puissez-vous pardonner ma venue brutale vers vous, mais j'avais hâte de faire votre connaissance.
- Et il vous arrive souvent alors de vous faire passer pour un ambassadeur ? ricana Chanveasna.
- Oh je suis bien ambassadeur. De la Garde de Stellaraë. Je n'ai pas les écrits officiels marqués du sceau du Roi, mais ça donne moins de valeur aux yeux de mes ravisseurs. Ils préfèrent alors me tuer plutôt que de demander une rançon. C'est mieux pour tous les secrets que je cache.
- Votre Roi a dû perdre de nombreuses pièces d'or.

Le Gardien éclata de rire et fut rejoint par le Djölfullin qui fut plus timide et discret que son invité. Lorsque l'humain se calma, il était devant un panneau de bois servant de porte à la demeure djölfulline. Dougal écarquilla les yeux et se rendit compte qu'il était au cœur du village. Il ne s'était pas rendu compte que l'ambassadeur l'avait mené jusqu'à son lieu de repos. La conversation l'avait complètement occupé. C'en était effrayant. Le rôdeur se força à sourire, mais il était terriblement gêné, presque angoissé. Il aurait pu se jeter dans un piège mortel, il en aurait rit jusqu'au bout sans se rendre compte de son funeste destin.
- Détendez-vous, vous êtes en sécurité. Profitez-en pour arrêter de vous méfier de tout ce qui vous entoure. Pour la première fois de votre vie, accordez-vous une pause. Je reviendrai vous chercher plus tard. Nous avons des choses à faire.

Chanveasna, l'ambassadeur des Djöllfulins, laissa le Gardien devant une grande bâtisse en bois élégante. Il n'y avait pas de fenêtre, seulement des sortes de fines parois. L'une d'elles faisait office de porte et le rôdeur se retrouva tout seul face à une architecture qu'il ne comprenait pas et dont il n'avait jamais entendu parler : aucune poignée pour ouvrir et pas la possibilité de pousser la "porte" pour entrer. En fait, le panneau semblait être fait en papier et était, de ce fait, très fragile. Dougal n'avait certainement pas envie de tout gâcher en déchirant ce qui pouvait lui servir de porte.
Plongé dans sa réflexion, le Stellarois fut surpris par un fort « PLANC » qui le fit sursauter. Malgré ce que lui avait dit l'ambassadeur, le rôdeur était toujours autant tendu et suspicieux. Lorsque le bruit étrange l'extirpa de ses pensées, Dougal observa ce qui se trouvait tout autour de lui comme s'il avait entendu une branche craquer. À sa droite avait été érigé un petit jardin qui respirait la tranquillité et le calme. Ce petit espace avait été habillé de doux rochers blancs polis, d'un léger ruisseau et de plusieurs plantes dont de grandes tiges robustes de couleur verte : des bambous. Lorsqu'un deuxième « PLANC » le fit de nouveau sursauter, le rôdeur se rendit compte qu'il s'agissait simplement d'une sorte de fontaine : de l'eau s'écoulait dans un petit tube de bambou qui s'abaissait d'un coup pour délivrer son contenu dans le ruisseau. Dougal fut bien soulagé de trouver la source de son angoisse et retourna à la "porte", serein.
Pour une raison dont il n'aurait pu expliquer, cette fois le Stellarois fit glisser le cadre en papier ce qui dévoila l'intérieur de la demeure et lui permit d'entrer. L'humain se trouva quelque peu idiot d'avoir autant été berné par les différences architecturales de cette culture et il en voulut un peu à son hôte de ne pas le lui avoir expliqué. Mais peut-être que ce Chanveasna était caché dans un coin à l'observer galérer en ricanant. Dougal avait l'intention de lui faire payer cette plaisanterie ; il trouverait bien une petite farce à lui renvoyer. Mais avant, il devait se "reposer", comme le lui avait suggéré l'ambassadeur.

L'intérieur de la bâtisse était à l'image du village : apaisant. Le Stellarois se sentait vraiment serein et avait l'impression que le simple fait d'être ici le reposait. Le bois était l'élément central de la construction et apportait vraiment une touche de simplicité agréable.
La première pièce que l'humain découvrit fut le séjour, éclairé par des fenêtres dont les panneaux avaient été entrouverts. Au centre se trouvait une table basse, fermée sur les côtés par la nappe, autour de laquelle gravitaient des coussins blancs circulaires. Le rôdeur comprit tout de suite qu'on devait s'asseoir sur ces coussins pour manger. D'ailleurs, il y avait une grande corbeille de fruits sur la table ainsi que deux bouteilles enveloppées par de fines tiges de bois. L'humain n'avait pas très soif, mais se laissa tenter par une pêche jaune qui semblait bien mûre. Sur la droite se dessinait une nouvelle porte en papier que le rôdeur fit glisser pour y découvrir la salle de bain dans laquelle se trouvait une grande baignoire en bois carrée reposant sur des galets blancs. De l'eau chaude avait déjà été versée et la vapeur s'en dégageait, indiquant qu'elle n'attendait que lui. Il était impossible pour Dougal de refuser une telle invitation. Le rôdeur fit rapidement le tour des autres pièces dont la chambre et fut content de trouver un présentoir à armure afin d'y exposer la sienne le temps qu'il se baigne. Dougal ôta alors sa cuirasse et ses tassettes qui vinrent orner le support à armure et fit de même avec ses gantelets et ses jambières. Le rôdeur en profita pour libérer ses pieds de ses bottes et retourna à la salle de bain où il déposa ses vêtements dans une panière à linge. Après tous ces préparatifs, l'humain put enfin se glisser dans l'eau chaude et se détendre...



On vint le réveiller, après plusieurs coups sur la paroi de la pièce. En ouvrant les yeux, le Gardien eut bien du mal à comprendre où il était, mais ne s'en alarma pas. Dougal se sentait tellement reposé et serein et si... bien... Dès qu'il avait posé son popotin dans la baignoire, l'humain s'était endormi. Depuis combien de temps était-il ici ? Sûrement longtemps et pourtant l'eau était toujours chaude. Une curieuse invention Djöllfuline devait en être la cause.
- Honorable ambassadeur Keane ? demanda une voix timide.
- Je... Oui ? répondit l'intéressé toujours un peu perdu.
- Votre présence est désirée à la cérémonie de ce soir. Des vêtements ont été posés sur votre table. Nous vous attendrons dehors.

Apparemment le Gardien était convié à une petite réception, sûrement par son hôte. Puisqu'aucune lumière du jour ne filtrait par la petite lucarne de la salle de bain, pourtant orientée ouest, Dougal comprit qu'il était resté beaucoup d'heures dans cette baignoire, c'est ce qui expliqua sa difficulté à se lever. Avant de quitter l'eau, l'humain se savonna avec les produits à disposition et attrapa une serviette pour rapidement se sécher. Il l'enroula autour de la taille et quitta la pièce pour atteindre la principale qui le frappa d'une douce fraîcheur.
- Mes vêtements... Ils sont... i... ci... Ah oui !

Dougal trouva un haut et des bas légers, en lin puis un pardessus d'une couleur sable raffinée d'une pièce lui recouvrant tout le corps. Ce vêtement traditionnel lui descendait jusqu'en-dessous des genoux, mais était ouvert sur les côtés afin de faciliter ses mouvements. Sur le haut, un long col s'ouvrait sur la légère chemise qu'il avait enfilée et des manches plutôt amples recouvraient les deux tiers de ses bras. Une ceinture en tissu lui permettait d'attacher et de maintenir le tout. En observant un peu plus ses vêtements, l'humain remarqua un insigne finement brodé sur son torse au niveau du cœur : le même que celui sur son insigne de Gardien. Une tenue traditionnelle réalisée spécialement pour lui.
- Et sur mesure s'il vous plait ! remarqua Dougal.

Comme il était attendu, le Gardien se pressa et se dirigea vers la porte d'entrée où il y trouva de petites chaussures en toile noire faciles à mettre. Il se sentait bien aussi à l'intérieur et il remarqua qu'elles étaient correctement à sa taille. C'était impressionnant de se rendre compte de l'attention portée par ses hôtes à son égard. Puisqu'il était déjà bien en retard, Dougal sortit très rapidement et suivit le Djöllfulin qui l'avait réveillé. Ce dernier était un peu plus petit que lui et semblait être un jeune garçon. Il lui avait adressé un sourire franc en le voyant sortir et lui avait indiqué la voie à suivre. Le "diable rouge" juvénile resta juste à côté de lui et claqua ses mouvements sur l'allure du rôdeur. Dougal avait été tenté de se dépêcher, mais il aurait eu peur de transpirer et d'infliger de mauvaises odeurs à ses hôtes. Le Gardien se contenta d'une marche un peu rapide tout en examinant ce qui se trouvait autour de lui. De grandes lanternes colorés (surtout rouges) avaient été allumées le long des chemins et se perdaient des fois dans les arbres, dans les bambous ou étaient simplement accrochées aux toits particuliers des demeures.
- C'est magnifique. Votre culture est splendide et d'un apaisement agréable.
- Merci, honorable ambassadeur Keane ?
- Oh je vous en prie, appelez-moi Dougal. Comment voulez-vous que je vous appelle ?
- Maakûl, honorable Dougal.

Le rôdeur éclata de rires en entendant de nouveau le « honorable », mais très vite s'excusa et expliqua au jeunot la source de son hilarité pour ne pas le froisser :
- Je riais pour le terme "honorable", Maakûl. Pas pour ton nom. Si je t'ai offensé, je m'en excuse.
- Ne vous inquiétez pas honorable Dougal, le rassura-t-il avec un sourire très amical, mais Dougal restait contrarié de la politesse qu'il ne leur rendait pas. Nous y voilà, amusez-vous bien honorable Dougal.
- Oh ? Eh bien... Merci à to... Pardon. (il se retourna vers le Djöllfulin et le salua à la manière des nomades de désert) Je vous suis sincèrement reconnaissant pour votre aide bienveillante et votre compagnie agréable, seigneur Maakûl.

Dougal sentit le jeunot rougir, mais fut contraint d'aller rejoindre ses hôtes à la cérémonie et de laisser le jeune Maakûl dehors. Il espérait qu'il lui serait possible de le revoir très bientôt.

Après avoir traversé quelques panneaux de papier, l'humain arriva dans la salle à manger où il était attendu. En entrant, après avoir été annoncé, le Gardien porta son index et son majeur à ses lèvres, puis à son front et de nouveau à ses lèvres avant de leur faire faire une révérance qu'il accompagna en courbant légèrement son corps.
- Je suis profondément navré de vous avoir contraint à attendre ma venue, je me sentais si relaxé dans vos demeures que je me suis endormi de très longues heures.

En observant plus attentivement les individus auxquels il avait affaire, le Gardien remarqua une personne pas si inconnue que ça. Au milieu de ces djöllfulins, attablée à une place de choix, se trouvait une femme à la peau très claire, aux cheveux blancs, aux longues et fines oreilles pointues et aux yeux vairons. Il n'y avait que très peu de doutes sur son identité ; il s'agissait de la Jarl de la Milice, l'elfe de glace Selsya Åsa.
C'était alors une surprise des plus intéressantes. Dougal n'aurait jamais cru retrouver la dirigeante de la Milice auprès des djöllfulins et, à en juger par sa tenue, elle devait elle aussi entamer quelque mission diplomatique pour le compte du nord. En même temps, c'était logique puisque le village se trouvait sur son territoire. Néanmoins, le rôdeur ne doutait pas des bonnes intentions qui avaient amené la Jarl ; elle devait sûrement offrir son aide et son soutien aux djöllfulins.
Dougal souhaita dire quelques mots à son sujet, mais se souvint de ce qu'il avait annoncé en entrant dans la pièce et sentit le rouge de la honte lui monter aux joues. Quel genre de garde se laissait s'endormir de longues heures dans son bain ? Ce n'était pas très très digne...

Selsya avait découvert la petite cour végétale avec plaisir : il y avait des plantes qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Elles étaient foncées, rougeâtres, avec des nervures telles de la lave. L'elfe supposa que des djöllfulins avaient probablement dû ramener quelques spécimens de leur pays d'origine, elle était ravie de voir que ces plantes se plaisaient dans la terre des Sombres Montagnes.

Après quelques minutes passées à errer et observer, elle sursauta légèrement, quelqu'un venait de l'appeler. Elle se retourna : il s'agissait d'une demoiselle djöllfuline.

- Jarl Åsa, vous êtes attendue à la salle de banquet, veuillez me suivre.

Le ton de la jeune fille était doux et contrastait avec son apparence plutôt sombre et bestiale. Selsya lui emboita alors le pas, et après quelques instants de marche et le franchissement de quelques panneaux de papiers, la jeune fille ouvrit une grande porte coulissante. La pièce au-delà des portes était vaste, deux tables de réception disposées parallèlement, avec des personnalités djöllfulines.
La jeune fille invita Selsya à entrer, puis annonça " Jarl Åsa vient d'arriver ".

Tous les regards se tournèrent alors vers l'elfe, qui, si elle avait pu rougir ou être impressionnée, l'aurait été. Elle ressentit une gêne d'être à ce point au centre de l'attention.
Selsya salua l'assemblée d'un lent signe de tête emplit de respect et d'honneur puis passa le regard sur toute l'assemblée. Elle prit alors la parole, d'un ton assuré.

- Je suis honorée d'être votre invitée.

Selsya n'avait pas le visage fait pour sourire, elle restait toujours impassible, mais il émanait d'elle une grâce qui trahissait non pas du dédain pour l'assemblée, mais un profond respect et une bienséance digne d'un elfe de haute lignée.

Chanveasna Punlok, le Grand Ambassadeur se leva, tout sourire, et vint accueillir Selsya, l'invitant à s'installer à ses côtés. On lui servit un cocktail, le verre était très joli, finement travaillé et sur pied, avec à l'intérieur un liquide rouge, qui était plus clair au fond, avant de s'assombrir et devenir noir à la surface. L'effet était magnifique.
Chanveasna avait les yeux qui pétillait d'excitation et demanda à la jeune femme comment tout s'était passé jusqu'ici, mais alors qu'elle allait répondre, quelqu'un entra dans la salle.
Selsya regarda l'invité avec grand étonnement, car elle le reconnu très rapidement.

- Je suis profondément navré de vous avoir contraint à attendre ma venue, je me sentais si relaxé dans vos demeures que je me suis endormi de très longues heures.

L'elfe esquissa un rictus hautain. Elle n'avait rien contre Dougal Keane, qu'elle savait brave et droit, mais elle était gênée de la présence de la Garde Royale, se demandant ce qu'ils pouvaient bien venir faire ici. Elle se remémora vite le besoin insatiable du Roi de Stellaraë d'avoir toujours plus de terres, et l'elfe se braqua quelque peu, songeant qu'une fois de plus, il essayait sans doute d'avoir la main-mise sur le Nord. Heureusement, elle était là en même temps que l'envoyé de la Garde et escomptait bien surveiller l'affaire entre Stellaraë et l'ambassade djöllfuline.

Chanveasna alla chercher Dougal et l'installa face à Selsya. Celle-ci adressa un signe de tête au Gardien, alors que l'Ambassadeur présentait les deux invités l'un à l'autre.

Chanveasna sourit au Gardien et vint rapidement l'installer juste devant la Jarl de Kastalinn. Aucun de ses hôtes ne semblait avoir été dérangé par ce retard. Dougal les trouvait même impatient d'en savoir plus sur les deux représentants de factions dùralassiennes. Comme le demandait l'étiquette, l'ambassadeur djöllfulin présenta l'humain et l'elfe.
- Honorable Jarl Selsya Åsa, je vous présente l'honorable Gardien Dougal Keane.
Honorable Dougal Keane, je vous présente l'honorable Jarl Selsya Åsa.

Dougal sourit à l'elfe des glaces. Il avait déjà eu la possibilité de la voir et ils s'étaient même pris quelques instants sur les murailles de Kastalinn pour discuter du remue-ménage qui régnait dans la cité du Nord à cette époque-là. Ce jour là, l'ambiance était joyeuse et presque amicale. Mais pour cette fois, le rôdeur sentait une atmosphère un peu tendue. Puisqu'il n'était plus l'heure à la fête mais à des occupations diplomatiques importantes, le comportement de la Jarl avait changé. En fait, ce n'était pas plus mal car Selsya montrait sa force d'esprit et ses qualités de meneuse.
Le Gardien ne souhaitait pas que la grande mage du Nord le prenne comme une menace alors il jugea bon de la saluer à la façon des nomades du désert : l'index et le majeur de la main droite tendus pour les poser sur ses lèvres, puis sur son front et enfin de nouveau sur ses lèvres. Suite à ces petits gestes, le Stellarois fit une révérence de la tête.
- C'est un grand plaisir de vous accueillir tous deux dans notre village et j'espère que vous avez passé un bon moment dans vos quartiers respectifs. D'après ce que j'ai entendu, vous vous êtes délectés du repos réparateur de vos bains respectifs. J'espère que tout ceci fut des plus agréables. En tout cas, vous me voyez vraiment ravi d'avoir bien voulu porter des tenues typiques de notre peuple. Ceci nous remplit de joie et nous vous en remercions du fond du cœur.

À ses mots, les djöllfulins joignirent leur poing gauche et la paume de leur main droite puis se baissèrent en avant tout en gardant une posture bien droite afin de montrer leur reconnaissance par une révérence gratifiante. Dougal se sentit un peu gêné après tous les services que ses hôtes lui avait offerts. Le Gardien était venu les mains vides et repartirait de ce village en ayant été lavé, nourri et blanchi. Ce n'était vraiment pas digne de lui de profiter ainsi de l'hospitalité des djöllfulins.
- Votre sens de l'hospitalité est remarquable et surtout sincère. Des individus aussi fabuleux que vous se font rares de nos jours. Stellaraë ne vous aurait pas accueilli de cette façon, vous m'en voyez navré... Dougal se sentait coupable.
- Notre culture est ainsi faite et la vôtre est différente. Je n'aurais certainement pas été déçu de vos manières de recevoir mais plutôt fasciné par cette différence. Nous avons tant à apprendre et nous aimerions beaucoup en apprendre sur vos mondes respectifs. Nous sommes coupés du reste de Dùralas mais cela ne nous empêche pas de vouloir l'intégration.
- Vous aurez nettement plus à apprendre de la part de la Jarl Selsya, elle m'a beaucoup appris il y a plusieurs mois de ça lors d'une fête culturelle dans sa cité. Surtout que le Nord est sous son influence, c'est cette culture qui est au plus proche de la vôtre.

Le Gardien venait de saluer la nordique d'une manière gestuelle, la jeune femme avait déjà aperçut des habitants de Stellaraë saluer de cette façon. Selsya adressa donc un solennel et respectueux signe de tête à Dougal Keane, afin de lui retourner ces salutations.

Le Grand Ambassadeur les introduit tous deux, ignorant que les deux invités des djöllfulins se connaissaient déjà. Si tôt, Dougal prit la parole, remerciant chaleureusement l'accueil réservé à ses invités, et prononça des mots qui firent lever un sourcil à l'elfe des glaces.
Ainsi, Dougal Keane admettait que Stellaraë n'aurait pas réservé un si bon accueil, il semblait donc, peut-être, avoir conscience de quelques lacunes au sein de l'organisation stellaroise, et aussi fervent défenseur du Roi soit-il, il ne semblait finalement pas si aveugle, peut-être...

- Notre culture est ainsi faite et la vôtre est différente. Je n'aurais certainement pas été déçu de vos manières de recevoir, mais plutôt fasciné par cette différence. Nous avons tant à apprendre et nous aimerions beaucoup en apprendre sur vos mondes respectifs. Nous sommes coupés du reste de Dùralas, mais cela ne nous empêche pas de vouloir l'intégration.

Le Grand Ambassadeur parlait d'une façon admirable, il n'y avait aucun souci à comprendre pourquoi Chanveasna Punlok avait été choisi pour représenter et parler au nom de son peuple. Dougal reprit à son tour la parole, Selsya préférant rester simple spectatrice pour le moment.

- Vous aurez nettement plus à apprendre de la part de la Jarl Selsya, elle m'a beaucoup appris il y a plusieurs mois de ça lors d'une fête culturelle dans sa cité. Surtout que le Nord est sous son influence, c'est cette culture qui est au plus proche de la vôtre.

Et bien, le voilà qu'il se mettait à faire des compliments détournés à la Jarl.
Selsya s'étonnait de ces paroles, et aurait très bien pu se demander s'il s'agissait là d'une ruse de la part de l'homme afin de mieux l'endormir par la suite... Mais penser cela n'aurait pas été juste envers Dougal Keane. Selsya connaissait malgré tout de quoi l'homme était fait, l'ayant côtoyé à plusieurs reprises, et elle savait que l'homme pensait en général ses paroles, et n'avait pas l'âme d'un calculateur. Elle trouva donc de la satisfaction à l'entendre prononcer ces mots, et se rappela l'espace de quelques secondes les instants qu'elle avait passé avec le Gardien, sur les remparts et au coeur de la ville, quelques mois plus tôt. Elle lui avait fait découvrir l'une des fêtes de Kastalinn, Bealltainn , et ses célébrations. Ils avaient passé un agréable moment, et ça avait fait plaisir à l'elfe des glaces de faire découvrir à un être aussi haut placé dans la protection du Roi de Stellaraë, une part de la culture unique du Nord, dont elle était tombée amoureuse.

Selsya sentit alors le regard de l'humain et du djöllfulin sur elle. C'était à son tour de devoir prendre la parole.

- Merci pour vos mots, Dougal, je suis ravie d'entendre que vous avez apprécié ces moments de découverte à Kastalinn. - elle regardait Dougal Keane, tout en s'adressant à lui, avant de poser ses yeux vairons sur le Grand Ambassadeur - Je tenais également à vous remercier pour votre accueil, vos appartements sont particulièrement agréable, et le style de votre architecture est incroyable. Je suis honorée de découvrir une culture telle que la vôtre, et d'être votre invitée. Pour en revenir à ce que disait le Connétable, assurément, je devrais pouvoir vous faire découvrir beaucoup de choses sur le Nord et ce qui en fait un monde à part entière - elle lança un coup d’œil appuyé à Dougal Keane - cependant, je ne pourrais pas vous apprendre tout ce qu'il y a à découvrir en Dùralas, j'ai moi-même encore beaucoup à apprendre sur de nombreuses cultures, et il existe encore bon nombre d'endroits où je ne suis jamais allée. Je me fais cependant une joie d'être la porte-parole du Nord à vôtre égard, et son ambassadrice afin de tisser des liens forts et sincères entre nos deux cultures.

- Vous êtes la bienvenue, Jarl Åsa, et il me tarde d'apprendre à connaître le peuple du Nord ! - Chanveasna se tourna vers Dougal puis partagea son regard tour à tour sur l'elfe des glaces et l'humain - Tout comme celui du désert et de Stellaraë ! Je souhaite également tisser des liens durables entre nous, et mêler nos peuples. Les djöllfulins sont cependant prudents, et n'ouvriront pas aisément leurs portes aux étrangers, beaucoup d'entre nous sont encore très méfiants, j'espère que les vôtres le comprendront... Pour ce qui me concerne, j'ai déjà visité çà et là des endroits de vos contrées, c'est d'une excitation ! J'espérerais également m'entretenir avec vous de manière plus sérieuse, afin de peut-être convenir à des ententes commerciales. Notre peuple a beaucoup à offrir, nous avons de merveilleux artisans et ne serions pas contre recevoir quelques petites choses de vos contrées, notamment d'ordre de matières premières pour nos constructions ou encore de la nourriture. Le sol autour du Vulkar n'est pas ce qu'il y a de plus fertile, vous en conviendrez... Mais nous n'avons pas besoin de tant de verdures et ces autres choses magnifiques dont vous, elfes et humains, avez besoin pour survivre ! Je parle beaucoup... Mais tout ceci n'est pas à l'ordre du jour, profitons de cette soirée pour d'abord apprendre à nous connaître, et à passer du bon temps ! Nous parlerons de ces sujets plus tard !

Selsya sourit, sûrement plus intérieurement qu'extérieurement, suite aux bonnes paroles du Gardien-en-Chef et le remercia. Elle semblait satisfaite que la petite démonstration de l'un des festivals locaux ait ravi le Stellarois lorsqu'il s'était retrouvé, par hasard, à Kastalinn. Dougal avait adoré ce qu'il avait vu et appris ce jour-là et remerciait la Jarl de lui avoir tant raconté à ce sujet.
L'elfe des glaces remercia ensuite l'ambassadeur Chanveasna et partagea, à son tour, son émerveillement pour la culture des Djöllfulins. Tous deux étaient d'accord sur le fait que ce lieu était une merveille qu'il fallait préserver. Leur rapport à la religion et la catastrophe qu'ils avaient connue avait apporté une incroyable quiétude sur le village et le style. Dougal se sentait à l'aise et libéré de n'importe quel souci.
- Pour en revenir à ce que disait le Connétable, assurément, je devrais pouvoir vous faire découvrir beaucoup de choses sur le Nord et ce qui en fait un monde à part entière, Dougal tiqua sur le rang qu'elle lui attribuait qu'il ne possédait pas, mais il serait mal avisé de sa part d'interrompre la Jarl pour la rectifier. Cependant, je ne pourrais pas vous apprendre tout ce qu'il y a à découvrir en Dùralas, j'ai moi-même encore beaucoup à apprendre sur de nombreuses cultures, et il existe encore bon nombre d'endroits où je ne suis jamais allée. Je me fais cependant une joie d'être la porte-parole du Nord à vôtre égard, et son ambassadrice afin de tisser des liens forts et sincères entre nos deux cultures.

Sûre de garantir de bonnes relations entre les trois représentants, la Jarl ne manqua pas de souligner que seul le Nord ne pouvait apporter ce que les Djöllfulins requéraient et qu'il leur faudrait s'en remettre à Dùralas tout entier. Chanveasna Punlok ne manqua pas de tenir le même discours en indiquant son désir équivalent à visiter le pays de l'envoûtante Selsya Åsa et les remarquables dunes du désert d'Harena. Il pria l'elfe et l'humain de comprendre la nature méfiante des siens. Dougal estima, sans aucune doute de la même manière que Selsya, que c'était totalement naturel et compréhensif après de telles épreuves. Le rôdeur ne connaissait pas tout le détail de leur exode, mais il se doutait que ce devait être un horrible malheur.
- Je n'ai pas les qualités de décisions de Dame Åsa, n'étant qu'un simple Gardien-en-Chef parmi d'autres, mais je sauras faire entendre ma voix pour parler en bien à votre égard, Dougal posa sa main au niveau de son cœur puis inclina la tête en une révérence. Je donnerai du poids à votre parole auprès des miens et je m'assurerai que le respect que vous méritez vous soit attribué. Je ne peux vous promettre la même déférence à votre égard que vous bénéficierez du Nord, mais je ferai de mon mieux.

Bien que les hommes du Nord ait une réputation un peu rude de par la hargne typique de ces exceptionnels guerriers, il ne faisait aucun doute qu'ils avaient un rapport à l'honneur des plus remarquables. Si la tromperie était monnaie courante dans les hautes sphères de Stellaraë, il n'y avait pas de place pour de telles foutaises à Kastalinn et Dougal respectait cette culture si juste.
- Nous comptons sur vous. À présent, veuillez accepter ce modeste repas pour célébrer votre visite dans nos village.

À ces mots, on apporta à chacun des convives des bols en terre cuite contenant : du riz, une soupe claire aux herbes avec de mystérieux petits blocs blancs, des crudités dans deux bols différents et préparées de deux manières différentes et des sortes de petits emballages à la vapeur. Tout ceci était déconcertant pour l'humain qui ne savait pas comment s'y prendre. Il remarqua deux fines baguettes de bois à sa disposition en guise de couverts. Le problème étant qu'il n'avait aucune idée de comment s'en servir et de l'ordre des aliments. Apparemment, il était coutume de placer le riz à gauche et le soupe à droite, mais mis à part ces informations, le rôdeur n'était pas plus avancé.
- Traditionnellement, nous utilisons des baguettes. S'il s'agit de votre première expérience, nous serons indulgents. Il faut manger chacun des plats en même temps, à votre guise bien entendu. J'espère que vous vous en sortirez de cette épreuve. Itâ Lagurgkar masu !

Chacun des convives djöllfulins récita cette formule magique, qui devait sûrement signifie "bon appétit", puis s'empara de ses propres baguettes pour manger le délicieux repas à disposition. Selsya et Dougal récitèrent aussi cette formule puis se munirent de leurs baguettes respectives pour entamer la dégustation.

Dougal observa ses hôtes pour comprendre comment il fallait se saisir de ces couverts traditionnels et tenta de s'en servir pour attraper des crudités. C'était, assurément, une épreuve délicate qui se révéla bien plus difficile pour d'aller chasser le Balrog. Mais profitant de son atout d'analyse, le rôdeur essayait d'apprendre des autres pour agir au mieux lors de ce repas important. Il aurait pu grommeler de son incompétence, mais il régnait un calme absolu et il aurait été malpoli de sa part d'émettre le moindre son.

Selsya était restée silencieuse suite à l'intervention du Gardien et de la réponse du Grand Ambassadeur. Elle était d'une nature à peu discuter, surtout lorsqu'elle estimait que plus de mots ne servirait à rien à part faire des courbettes exagérées. Elle avait dit ce qu'elle estimait nécessaire, pour l'heure, et tous les arrangements concernant le commerce et les échanges entre Peuples du Nord et les djöllfulins se décideraient en temps et en heure, et certainement pas lors d'une réception presque mondaine.

L'elfe des glaces observait avec intérêt tous les mets qui avaient été déposés devant eux. Elle n'était pas une grande mangeuse, mais ce soir, elle avait de l'appétit. Sa course pour venir jusqu'ici, le repos qu'elle avait pu prendre dans les agréables appartements qui lui avaient été alloués, tout ceci lui avait ouvert l'appétit.

Selsya était heureuse de voir se déposer beaucoup de mets d'origine végétale, bien qu'elle redoute la farce à l'intérieur des beignets de vapeur qui semblaient néanmoins délicieux. Elle ne mangeait pas de viande, ayant été élevée ainsi, et il fallait dire que l'anatomie des elfes ne se prêtait pas à bien digérer la viande. Parfois, elle faisait un effort et goûtait, à force de fréquenter différents peuples du Nord, elle avait bien compris que goûter la nourriture locale, de bon coeur, favorisait la confiance et la bonne entente.

La Jarl observa quelques instants la manière dont les djöllfulins face à elle attrapaient les aliments et la façon qu'ils avaient de placer leurs doigts sur les baguettes. Elle s'empara alors de celles-ci, qu'elle glissa en dehors d'un magnifique petit étui en soie brodée. Les baguettes étaient faites d'un bois foncé, certainement de l'ébène. Elle imita le geste qu'elle avait vu, plaçant ses doigts fins à la peau d'albâtre sur les instruments. Elle effectua quelques mouvements de baguette devant elle, dans le vide, puis esquissa un sourire en jetant un regard à Dougal Keane.  Ensuite, elle attrapa de la salade, puis un beignet, et se régala de ces mets.

- C'est particulièrement délicieux, félicitations aux personnes qui ont préparé ceci. Je n'avais jamais goûté pareilles saveurs.

Le Grand Ambassadeur remercia la Jarl, et lui parla un peu de la cuisine djöllfuline, des différentes épices et de leurs bienfaits. Selsya ne s'y connaissait franchement pas en cuisine, elle n'avait presque jamais cuisiné à vrai dire. Lorsqu'elle devait se préparer seule des repas, elle se contentait de végétaux crus, voire cuits à l'eau, parfois avec quelques épices afin d'aromatiser. Par chance, les cuisines de la Milice prenaient soin de son alimentation, ainsi que celle des hommes, bien que les menus de Selsya soient plus frugaux que ceux de ses hommes.

Les heures passèrent, chacun échangeant avec ses voisins de table ou des personnes face à elles. Selsya restait légèrement en retrait, occupée principalement à observer. Elle avait la capacité, grâce à son ouïe elfique, d'entendre beaucoup de choses à la fois, y compris les sons éloignés. Il n'y avait pas à dire, toutes les discussions étaient joviales et chacun semblait passer un bon moment. Elle écoutait Chanveasna Punlok échanger avec Dougal Keane, ils parlaient des pâtisseries de Stellaraë, car chacun attendait le dessert.

Selsya s'étonnait de la quantité de paroles qui pouvaient être prononcées en cette soirée. Elle tiqua bien évidemment lorsque Dougal Keane parla des spécialités nordiques qui étaient préparées à Stellaraë. Afin de ne pas briser la bonne ambiance, elle évita de lancer un pique glacé de sa bouche, à l'intention du Gardien. Elle n'avait rien contre lui, mais elle souhaitait un Nord indépendant de toute domination stellaroise. Elle n'aimait pas le roi des humains, Brendan III, et sa politique. De plus, les nordiens n'avaient rien en commun avec les coutumes du désert. Retenant sa langue, l'elfe lâcha néanmoins un léger soupir, tout en continuant d'écouter les gens autour d'elle qui discutaient.

Selsya n'était pas la reine de la diplomatie. À vrai dire, elle n'aimait pas trop la fausseté et les cabrioles qu'on devait réaliser afin de stabiliser ou créer la bonne entente. Néanmoins, elle était la mieux placée de la faction pour réaliser cette tâche. La plupart des miliciens étaient des hommes rustres, sans grand raffinement. Elle les appréciait comme tel, car ils étaient naturels. Par son éducation elfique, Selsya connaissait les us et coutumes, ainsi que la façon de se comporter en haute société. Donc bien qu'elle n'appréciait pas les manières, elle savait avec brio s'y tenir et sembler à son aise dans pareils regroupements.

Le repas avait été particulièrement copieux, surtout pour l'elfe des glaces qui avait un appétit modéré. Elle s'était appliquée à goûter à tout, en petite quantité. La nourriture était un lien incroyable qui permettait d'ouvrir l'hospitalité et la confiance, peu importe la coutume. Chacun avait besoin de manger pour vivre et partager un met était gage de confiance mutuelle.

La Jarl de la Milice fut soulagée lorsque le repas pris fin, et que la salle se vida. Elle était conviée, tout comme Dougal Keane, à se promener dans le jardin et à rejoindre une sublime cours extérieure. De nombreux coussins étaient au sol, pour garantir le confort des hôtes. De multiples arbustes aux formes variées constituaient un décor harmonieux, eux-mêmes empreint d'une harmonie et d'un feuillage unique. Plus tard dans la soirée, l'un des Djöllfulin présent lui apprit qu'on appelait ces arbres des bonzaïs.

Le rituel de la serviette chaude sur le visage, agrémenté d'un massage des tempes, avait ravi Selsya et l'avait quelque peu apaisée après la tension qu'elle ressentait suite à ce long repas. Elle appréciait particulièrement le goût du thé qui avait été servi. Celui-ci possédait un goût subtil et fumé à la fois. Elle songea qu'elle adorerait en faire venir à Kastalinn, et en toucherait quelques mots à l'ambassadeur afin de réaliser un échange équitable.

- J'aimerais énormément passer du temps à découvrir tout ce qui s'étend sous nos yeux. Pourrais-je abuser de votre hospitalité et rester un peu ou revenir pour un séjour plus long dans votre village ? Et vous, que compteriez-vous faire Jarl Åsa ?

Les paroles de Dougal sortirent Selsya de ses réflexions. Elle réfléchissait quelques secondes, avant de répondre.

-Hélas, je ne peux pas m'attarder. Des affaires en cours me demandent de vite revenir à Kastalinn. Je songeais à repartir demain en début d'après-midi. Néanmoins, tout comme Monsieur Dougal Keane, je souhaiterais revenir, très bientôt.

La Jarl de la Milice marqua une pause, se redressant élégamment sur son coussin et réajusta sa robe.

- Votre hospitalité est sans égale. Votre culture est riche. C'est un dépaysement total d'être ici. Je suis ravie de vous avoir pour voisins, sur les terres du Nord. Les Djöllfulins étaient déjà bienvenus à Kastalinn, mais c'est avec une joie non dissimulée que nous acceptons les accords commerciaux dont  nous avons communiqué par écrit. Je n'ai pas peur de le dire devant Sieur Keane, en qui j'ai confiance et que je respecte. J'aspire à la bonne entente générale, à l'amitié et la compréhension culturelle. C'est ce que j'offre aux Djöllfulins, au nom de tous les nordiens.

Selsya fixait Chanveasna, qui arborait un large sourire, satisfait des paroles de Selsya.

- Très bien dame Åsa. Si vous l'acceptez, nous signerons dès demain matin ces accords. Nous sommes très heureux que notre proche voisine ait apprécié son court séjour en notre compagnie. Vous êtes bienvenue, ainsi que vos hommes.

Selsya accorda un signe de tête entendu à Chanveasna, avant de regarder Dougal.

- J'étais heureuse de vous voir également, Dougal. Vous êtes, je le pense sincèrement, la personnalité de la Garde la plus à même de pouvoir apprécier l'hospitalité des Djöllfulin. Je n'oublierai jamais votre intérêt concernant notre festival de mi-printemps à Kastalinn, et votre amabilité. Bien que je ne partage pas votre allégeance pour la Royauté humaine, et je ne vous apprends rien, je suppose, nous avons les mêmes valeurs concernant le peuple.

Selsya esquissa un très léger sourire à Dougal Keane, en guise de sympathie.