Village de Nitaës - An 749 du Ve âge
Une belle fin de matinée d'été commence par se poser sur le village de la rose noire. Une femme rousse d'une cinquantaine d'années s'attelle à nettoyer la devanture de sa boutique. Elle nettoie les lettres d'une pancarte formant les mots,
"Chez Béor et fils, apothicaire et herboriste". La femme sourit, il est assez ironique que les Béor n'est eu que des filles pour reprendre cette boutique a telle point qu'aucune des femmes qui y travaille ne porte plus le nom Béor. La femme, bien qu'ayant connu cinq décennies, semble en avoir deux de moins, l'herboriste est la première à utiliser ses propres soins, mais cette femme fut toujours qualifier de belle, une malédiction qu'elle avait transmis à sa fille, mais qui par leur choix, ont réussi à se créer une vie stable et heureuse malgré tout. Faisans sa remarque sur le nom de sa boutique, la femme tourne la tête et sourit, elle voit arrivée une petite fille au cheveux aubrun et aux magnifiques yeux vert qui court vers elle.
- Mamie !La grand-mère se tourne vers l'enfant et la prend dans ses bras.
- Ma petite Anju !La grand-mère et la petite fille se câlinent alors qu'une femme, une autre femme aux cheveux roux, elle-même belle, se rapproche en marchant. Elle regarde la gamine sans rien dire, mais la grand-mère se tourne vers elle.
- Alors fille, tu ne dis pas bonjour ?La femme aux yeux vert pomme se tourne vers sa mère.
- Mais, mam, je t'ai dit bonjour tout à l'heure.La grand-mère tourne un regard dur vers sa fille. C'est une femme rousse à la vingtaine, la peau blanche et les yeux verts pommes, la fille est une version plus jeune de la mère tant elle se ressemble. La fille rend le regard à sa mère qui cajole sa petite fille.
- Oh moins, ma petite Anju est bien élever, pas comme sa mère.Assez froidement, la fille lui envoie.
- La faute à qui ?La mère tourne sa tête vers la fille qui fait comme si de rien était.
- Mademoiselle Circë Maulgath, c'est quoi cette façon de répondre à sa mère ?La fille sourit.
- Andirral, mère, Andirral. Faut bien si faire, l'oiseau a quitté le nid.La grand-mère grommelle avec un sourire mi amusé, mi énervé.
- Pour ne pas se poser bien loin.La petite Anju ne dit rien. La relation entre sa mère et sa grand-mère a toujours été ainsi. Aucune ne se laisse marcher sur les pieds. C'est leur façon à elle de s'apprécier et de s'inquiéter pour l'autre. Il est même courant de parler des deux herboristes du village de Nitaës en les définissant comme des femmes à la chevelure flamboyante et avec le caractère qui va avec. Leur boutique est réputée dans les alentours, il n'est pas rare que l'on vienne de loin pour leur soin, en même temps, peu de boutique d'herboriste sont présente dans le coin et il s'est aussi souvent avéré que beaucoup se rende dans cette boutique, plus pour les vendeuses, que pour les produits. Mais les deux femmes s'en accommodent, car cela fait quand même des clients. La boutique roule bien, et la période où Anju eut une santé très fragile est maintenant finie depuis quelques années, se faisant, la vie suit son cours avec douceur, sans grand accident. La fille ne répond rien à sa mère, sourire aux lèvres, elle fait de grands gestes vers le forgeron du village. Daeron Andirral, le mari de Circë, avait levé la tête de son atelier pour voir ce que faisaient sa femme et sa fille. C'était un homme travailleur, pas non plus le plus bel homme du village. Mais cela suffit à Circë qui vit en ménage avec lui depuis plusieurs années et a eu une fille avec lui.
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La mère observe la fille nettoyer les pots de la boutique afin de contenir les plantes médicinales dans un environnement propre, elle reste un temps silencieuse, puis se rapproche d'elle et dépose à côté d'elle un sac contenant plusieurs petits bocaux de terre cuite de mélange de plantes, puis s'en va. Circë interloquée observe et ouvre les petits contenant pour les sentir. Il s'agit de médicament contre la nausée et les aigreurs d'estomac, elle ne dit rien, pas devant sa fille. La grand-mère rentre à nouveau dans la pièce et lance à sa fille avec un ton neutre.
- Combien de temps tu penses que cela fait ?La mère pose sa main sur son ventre, restant un temps silencieuse.
- Je pense que cela fait un mois.C'est difficile à dire, cela faisait 3 mois qu'elle tente. 3 mois qu'elle prenait des plantes pour aider. Et quand elle a commencé à changer de mélange de plantes pour soigner des aigreurs d'estomac et des nausées, la grand-mère l'a vu tout de suite, mais à préféré ne rien dire, histoire de ne pas faire de fausses joies. Circë en était consciente, sa mère devait savoir, il n'y a pas femme plus vive et intelligente que sa mère. La dernière des Béors reste nonchalante afin de ne pas inquiéter sa petite fille.
- Elle l'annoncera quant à son mari ?La grand-mère fait comme si elle parlait d'une cliente venue pour une affaire, Circë réfléchit, puis finit par répondre.
- Ce soir, je pense.La grand-mère souri et allez lui répondre, quand une femme rentre en trombe dans la boutique.
- Circë, Aerin, auriez-vous vu mon mari ?Circë et Aerin se regardent, la femme semble complètement paniqué. Aerin est la première à répondre.
- Ismène, calme-toi. Circ…La mère allait appeler sa fille qui arrive avec une chaise. Elle arrête son geste et répond en faisant un geste affirmatif avec son visage. La femme s'assoit et boit le verre en terre cuite contenant de l'eau.
- Ismène, explique-nous ? Ton mari a disparu ?La femme semble aux abois, elle a le même âge que Circë, avec de longues boucles noir qui surplombe son visage. Contrairement à la rouquine, Ismène était la femme du fils du bourgmestre, son mari et elles ont un rapport compliqué, surtout après plusieurs décennies de tentative infructueuse pour avoir un enfant. Beaucoup de rumeurs courent sur ce couple, notamment sur comment le beau-père traître sa belle-fille. Le bourgmestre de Nitaës est un homme détestable aux possible, mais Circë n'a jamais cru dans les rumeurs qui racontait que celui-ci avait obligé son fils a se marier avec cette femme peu de temps après son propre mariage.
La relation entre Ismène et Circë est aussi complexe. En fait, elle ne sait même pas elle-même comment la nommer. Enfant, Ismène était plus souvent en compagnie des garçons que des filles. C'est durant l'adolescence qu'Ismène et Circë sont devenues amies. Elles étaient même assez proches. C'est d'ailleurs Ismène qui a sorti Circë de la merde. Le premier amour de la rouquine était un enfoiré qui s'enorgueillissait d'avoir su attraper la belle rousse et qu'il sera la première abeille à butiner sa fleur. Un homme charmant qui eut pour malchance d'être un des amis d'enfance d'Ismène qui a tout rapporté à Circë. La rousse ne voulait pas la croire, c'est la brune qui a alors monté le plan pour confondre le goujat.
Le plan à parfaitement fonctionner, le jeune homme fut confondu et Circë le repoussa. Tout semblait aller bien jusqu'à ce que Circë se marie avec Daeron, visiblement, cette idylle rendit Ismène jalouse. Tristement, Ismène et Circë avaient des vues sur le même homme. Mais comme Daeron préféra la rousse à la brune, Ismène prit du recul et sa relation avec elle devint sporadique, surtout depuis le mariage d'Ismène qui fut au vu de Circë, plus un mariage de raison que d'amour, ce qui rendit triste la jeune femme.
Oubliant leur relation complexe, Circë sert à boire à Ismène afin qu'elle raconte ce qu'il sait passé, Méliagorn, le mari d'Ismène n'est pas du genre à partir comme ça. En vérité, il jouit de la fortune de son père, un père qui bien que mal apprécié par Circë et sa mère, pour des raisons purement personnelles, aime sincèrement son fils et est prêt à tout pour lui. Il a même assumé toutes les saletés qu'il a pu dire sur Aerin à l'époque où elle l'a repoussé, pour qu'elle accepte de soigner son fils malade. Personne n'aurait imaginé que le si vaniteux bourgmestre accepte de plier ainsi le genou, mettant son orgueil au placard. Ainsi, son fils ne fait pas grand-chose en dehors des tâches administratives du village. Ismène lui est d'ailleurs d'une grande aide et s'applique à ses rôles d'épouses au mieux, bien qu'elle soit continuellement jugée sur son incapacité de donner un héritier malgré les années de compétence qu'elle a offertes.
La brune aux longs cheveux noirs et aux yeux marron clair, ne manque pas d'un certain charme. Circë et Ismène étaient les deux plus belles femmes du village, un charme qui se flétrit devant sa détresse, le visage tiré et creusé. La rousse se noue les mains, à l'époque, les rumeurs couraient bon train sur elle. Adolescente, Circë avait donné des secrets de beauté à Ismène, elle avait appris à ce garçon manqué à se mettre en avant. Et peu de temps après, on disait qu'une compétition entre les deux jeunes filles serait pour le fils du bourgmestre, le meilleur parti du village. Mais c'est ironiquement pour Daeron que cette compétition s'est lancée et que leur amitié en a pris un coup. Ismène n'a plus jamais été la même après le mariage, elle était plus renfermée, comme triste, mais à tout de même souhaiter tous ses vœux de bonheur à Circë. Elle était sincère, Circë le sait et elle n'avait pas envie de faire plus de mal à son amie, elle voulait aussi sincèrement son bonheur. Elle fut heureuse d'apprendre et de voir son mariage, mais triste de la voir ainsi crouler sous les remarques de son beau-père. Elle a bien tenté de discuter avec elle, de lui proposer son aide, au moins d'être une oreille attentive si elle en a besoin, que sa maison serait toujours ouverte pour elle, mais Ismène n'en a jamais profité jusqu'à aujourd'hui.
La brune tremble, sa voix est incertaine, elle pleure.
- Hier soir, Meliagorn devait inspecter le travail des ouvriers dans les champs. Et il n'est pas rentré, personne ne l'a vue et son père ne veut pas me recevoir.Ismène écoute son histoire inquiète, ses histoires de disparition, si proche des cavernes de Spelunca, n'est jamais bon signe, les vampires et les loups-garous habitent les histoires de cette contrée. Bien sûr, il y a toujours la version romantique de la belle paysanne qui rencontre un séduisant vampire ou un beau loup-garou et finit par l'épouser. Mais tout le monde est lucide sur cette histoire, le mariage est souvent à coups de crocs. Circë écoute Ismène avec compassion, si Daeron disparaissait ainsi, elle serait dévastée, elle pose sa main sur l'épaule d'Ismène en se forçant à lui sourire et à garder une voix calme.
- Is', ton mari, c'est probablement perdu. Les terrains agricoles de sa famille sont nombreux et il fait rarement ce travail. Je vais chercher Daeron, pour organiser une battue.Is', cela fait si longtemps qu'elle n'a pas appelé Ismène ainsi. Ismène pose sa main sur celle de Circë en y appuyant sa tête.
- Merci Sisi, merci.Circë, toujours son faux sourire sur le visage, lève la tête vers sa mère. Aerin répond d'un mouvement de tête en jetant un regard vers le bureau où joue Anju. Puis elle se dirige vers l'extérieur.
- Torin, ramène toi, on a besoin de toi.Ismène lance sur Circë un regard plein de reconnaissance malgré ses yeux rouge et gonflé en lui tenant la main.