Je connaissais bien l'odeur du poisson. Mais je découvrais l'odeur du poisson séché au soleil. La puissance du parfum qui embaumait le port et le moindre recoins des étals et cargaisons des marins pêcheurs était une expérience qui pouvait faire rebrousser chemin à un étranger des lieux. Mon coeur s'accrochait, tandis que je cherchais de quoi embarquer dans un des rares villages de la plage pour de nouveaux horizons.

Il s'agissait d'une épreuve donnée par les nordiens. Après m'avoir défié au Glima, certains d'entre eux m'avaient défié d'affronter les dangers de Wystéria. Là où se disait qu'une puissance extraordinaire y était logée pour les guerriers les plus braves. J'avais pris leurs mots au pied de la lettre, et était directement partie vers cet endroit qui inspirait mystère et crainte.

Quelques aller-retours dans le continent, après mon réveil m'avait déjà fait découvrir la chaleur des contrées du centre et du sud. Mais je devais admettre qu'affronter le froid m'était bien plus familier que les températures des côtes de la mer Van Hallen. Ma peau bleue prenait même une teinte violacée au niveau de mes joues.

Ainsi, nonobstant tout ce que pouvait dégager mon allure d'excentrique ou de terrifiant, je tentais un premier contact avec les locaux, en espérant qu'ils étaient autant enclins à m'aider que les elfes de glace.

-Partir vers île ! Yọr partir ! Je devinais à l'expression de mes interlocuteurs circonspects que je ne m'y prenais pas de la bonne manière pour avoir un ticket pour Wystéria. Après avoir passé une heure à rôder, faire fuir certains habitants, ou bien me faire totalement ignorer par d'autre, je commençais à grogner.

Mais alors, un éclair surgit dans mon esprit tandis que je me souvenais des interactions que les miliciens, et les petits hommes en général avaient entre eux, bien plus "civilisés". Je fis une pause pour m'asseoir sur un ponton et pour souffler et ne pas éclater quelque chose avec mon bâton-masse. En regardant les clapotis de l'eau qui m'amusait un peu et me permettaient de me calmer, je réalisais que j'aurais peut-être dut demander la marche à suivre à mes camarades avant de partir traverser le continent comme une idiote.

Néanmoins, cela constituait sans doutes mon premier défi. La diplomatie géante.

Lashgob déboula sur les quais, haletante. Son harnachement métallique avait beau l'assister dans ses mouvements, il pesait amplement son poids.

- R'viens là ptit saligaud, siffla-t-elle entre ses dents.

La cible de son insulte fuyait ventre à terre, longeant les bites d'amarrage et bousculant passants comme marins. L'un d'eux tenta même de l'attraper, mais au désespoir de l'orque, le coureur lui fila entre les doigts.

- Tu ne m'échapperas pas, grinça-t-elle en pressant du pouce le discret mécanisme placé sur son gantelet.

Deux badauds passant là hoquetèrent de stuppeur, échappant une corbeille de légumes par terre. Et pour cause : la peau-verte au masque métallique extravagant se tenant à côté d'eux venait brusquement de s'évaporer dans les airs.

- T'as vu ça ? S'écria le premier, manquant se prendre les pieds dans un pavé mal ajusté.
- Je… pas possible… Ishtar devient vraiment une foire…

Maugréant en second la tête, la second personne ne pencha pour ramasser leurs victuailles répandues par terre.

- Des pirates, commença-t-elle à énumérer avec exaspération. Des abyssaux sauvages. Des trafiquants et contrebandiers. Des gangs. Des combats en cage. Tout cela nous connaissons ici bas. Mais franchement. Des géants peinturlurés. Des homme-éléphants. Des cornus. Des magiciens. Tout fout le… camp…

Les mots se perdirent sur sa langue alors qu'une botte s'immobilisait pesamment devant ses doigts, frôlant la botte de carottes qu'il lui restait à ramasser. Lentement, la femme releva les yeux, découvrant un corps robuste la dominant puis un regard incandescent rivé dans le sien. Elle entrouvrit les lèvres, coite.

- Que… murmura son compagnon, tout aussi stupéfait par cette nouvelle apparition.

Le nouveau venu resta silencieux de longues secondes. Immobile. Puis, lentement, se pencha en avant en laissant échapper un léger sifflement de ses articulations, avant de ramasser les légumes à ses pieds.

- Vous avez échappé ceci, déclara le golem d'une voix monocorde, ses lentilles écarlates ne cillant pas des yeux de son interlocutrice.


Le fuyard bouscula une vieille femme, manquant la faire basculer à l'eau. Puis, regardant par-dessus son épaule sans même penser à s'excuser, il traqua du regard la chasseuse au visage d'acier à ses trousses. Toutefois, tout ce qu'il put voir, c'est le chaos qu'il laissait dans son sillage. Le chaos et le ciel bleu lorsqu'il se prit les pieds dans un obstacle qui n'aurait pas dû se trouver là.

Avec un cri de surprise, il s'étala de tout son long sur le quai. Se tournant sur les coudes, il s'apprêta à insulter copieusement qui avait osé lui faire un croc-en-jambe, avant de se raviser. Personne ne s'était mit en travers de son chemin. En revanche, bien plus grande que lui et assise au bord du ponton, une créature bleutée comme il n'en avait jamais vu le dévisageait avec perplexité. C'est dans ses grandes mains qu'il s'était emmêlé les guiboles. Poussant un nouveau glapissement, il s'empressa de se relever et fila sans demander son reste, atteignant enfin son objectif. A grandes enjambées, il avala la passerelle d'accès à l'un des navires, exhibant un médaillon porté à son cou à un marin sur le pont. Celui-ci renifla, impassible, mais ne fit pas mine de lui bloquer l'accès.

Le quai retrouva son calme après le passage en fanfare de ce fuyard à présent caché des regards courroucés. Les passants reprirent leurs errances. Les marchands recommencèrent à beugler. Les individus louches à comploter au coin des ruelles. Nul ne remarqua le léger soubresaut de la passerelle d'accès au navire. Le marin dédaigneux perçu bien un courant d'air le frôler, mais lorsqu'il se retourna, il constata être seul sur ce coin du pont. Il se contenta de hausser les épaules, reprenant sa surveillance des quais plus bas. Rêvasser avant l'embarquement pour Wystéria et leur collecte de produits exotiques tout à fait légaux n'était pas très opportun.

Mon regard perdu dans les remous, mon esprit tout affairé à démêler le problème, je ne remarquais pas l'avorton qui se précipita sur moi par mégarde. Pourtant, difficile de manquer une personne de mon envergure, ce garçon devait être extrêmement pressé. Après avoir lâché un grognement consterné, je remarquais qu'il n'avait pas eu l'intention de s'en prendre à moi, à en juger par la surprise et la panique qui parait son visage. Je le regardais patiner après sa chute, et s'empresser de reprendre sa course folle.

Après cet événement que je m'apprêtais à oublier déjà, ma curiosité fut tout à coup piquée lorsque j'aperçus la même silhouette, au loin, presser le pas sur un navire. Je suivis alors le même chemin que l'énergumène et posa le pied sur la passerelle d'accès qui se mit à grincer sous mon poids. Un individu devant moi était gardait le navire, il m'interpella, et voulut m'empêcher d'aller plus loin.

-Wystéria ?
-Oui, mais ma grande c'est pas gratu- hmpff ! Nonobstant ses dires, je le poussa nonchalamment d'un revers de la main avant de prendre place à bord. Surpris, décontenancé par ce geste, il mit quelques secondes avant de réagir et de crier pour appeler d'autres petites hommes sur le pont. J'étais déjà au centre du navire, lorsque j'entendis le bruit du métal siffler autour de moi. Ces marins avaient visiblement de quoi se défendre, et ils m'encerclèrent bientôt, fer au clair.
-Tu peux pas v'nir ici comme ça la géante ! fit l'un des matelots en dégainant son sabre.

Je pris la mesure de la situation, en observant les différents individus qui m'entouraient, puis, m'éclaircit la voix.

-Moi Yọr aller Wystéria, et protéger vous petits hommes, déclarais-je solennellement, dans un écho grave qui résonnait dans les voiles. Je claquais la hampe de mon bâton-masse sur le bois du plancher, comme un point à la fin d'une phrase.

- Où qu't'es ?

Avançant sans plus se faire discrète, bien qu'invisible à l'oeil nu, l'orque évoluait dans le conduit étroit de bois. Des deux côtés, les portes étaient fermées. Vers le fond, une ouverture dans le plafond donnait sur le pont et surplombait un escalier disparaissant dans la cale. Serrant le poing, Lashgob libéra sa lame de poignet. D'une façon ou une autre, ce misérable lui avouerait ce qu'il savait sur les combines de Naïlo. Sur comment elle pourrait remonter sa piste.

Déterminée, elle referma son gantelet sur la poignée de la première porte...

-Tu peux pas v'nir ici comme ça l...

Elle s'immobilisa dans son geste, ayant seulement entrouvert la pièce sombre. La déclaration tout juste audible en provenance de l'étage ne lui avait pas échappé. Cela s'agitait sur le pont. On tirait des armes.

- Curio...

Avec un regard courroucé à l'intérieur, ne parvenant pas à percer l'ombre, la technophile se détourna. Avec un crépitement d'énergie 'lectrique, son camouflage se dissipa comme elle gravissait les marches étroites menant à l'air libre. À moins d'un mètre d'elle, un fuyard terré derrière la porte déverrouillée laissa échapper un soupir de soulagement.


- T'es pas d'l'équipage ni des gars d'l'Araignée ! Dégage d'là ou t'vas donner à bouffer aux poissons !
- Ouaip ! Et s'pas la taille qui nous fait peur ! On est armés !
- Tu vas voir !

Les matelots aux coloris bigarrés, aux muscles noueux et aux tatouages exubérants étaient amassés devant l'issue. Néanmoins Lashgob n'attendit pas. Tentant un coup de bluff plus qu'osé au vu de ce qu'elle venait d'entendre en escaladant les marches, elle donna un violent coup de semelle renforcée dans le dos du premier venu.

- Dégage d'mon chemin ! gronda-t-elle, la voix amplifiée par son masque intégral.

Les voisins se tournèrent vers elle avant d'esquisser des mines allant de la stupeur à la confusion, passant par l'effroi au vu du faciès monstrueux de son masque. Plusieurs se tournèrent vers elle, pointant gaffes, piques et sabres dans sa direction. Sans se laisser démonter, elle trancha le manche de l'arme brandi par son adversaire le plus proche avant de tendre l'autre main et d'effleurer le poignet d'un autre du bout des doigts. Il écarquilla brusquement des yeux, échappant son arme comme sa natte tape-à-l’œil se dressait sur son crâne et que sa mâchoire s'animait de claquements incontrôlés sous la décharge 'lectrique. Il s'effondra pitoyablement sur le plancher.

- 'l'est avec moi, ajouta l'orque en toisant le groupe se tournant vers elle. Foutez-lui la paix !

Les regards allèrent du malheureux au sol à l'armement de cette inconnue masquée, douchant les ardeurs des plus proches.

- T'es qui toi ? T'es du voyage ? On t'connaît p...
- J'arrive de l'intérieur minable, interrompit-elle le plus audacieux d'entre eux. Qu'est-ce que j'y ficherais si j'étais pas du voyage ? 'l'est avec moi j'te dis, fout lui... la... paix...

Clignant des yeux de stupéfaction, elle réalisa alors que les marins se détournaient vers elle non pas depuis un colosse de métal alimenté à l'énergie bleue, mais d'une illustre inconnue d'au moins deux mètres cinquante à la peau pigmentée de la même couleur. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Où était passé son... golem... qui justement posait le pied sur le pont à son tour, dans l’indifférence générale au vu du chaos ambiant.

- 'y sont avec moi ! se reprit l'orque pour ne pas se trahir. Ces deux-là. Maintenant, reprenez vos corvées tas d'minables.

Plusieurs marins échangèrent des regards, hésitant quant à la marche à suivre. Une géante belliqueuse. Un golem. Une orque armée jusqu'aux dents.

- Reprenez. Vos. Corvées. Insista-t-elle en avançant, presque masque contre front avec le plus proche des marins.

Celui-ci n'en démordit pas. Malgré son malaise évident, il hésitait encore à mordre à l'hameçon. Et s'il ne le faisait pas, nul autre ne le ferait.

- Tu peux me rappeler ton nom, siffla-t-elle entre ses dents, le bras droit de Naïlo sera ravi de faire le ménage dans ses rangs.

À cette évocation, le visage du marin perdit de ses couleurs. Il prit le temps de déglutir, puis les yeux rivés dans les lentilles opaques du masque de la technophile, recula et baissa son arme. Il finit par se détourner et, sans un mot, se détourna, vite imité par ses confrères.

Intérieurement, Lashgob soupira de soulagement. Dire que son esclavagiste avait un tel pouvoir sur ces idiots... Néanmoins. Qu'allait-elle faire de cette géante vers laquelle Curio levait les lentilles, impassible. Et pourvu qu'elle joue le jeu et n'évente pas son numéro...

Fière de moi au premier abord, je pensais avoir sonner juste en proposant un marché équitable à ces petits hommes. Néanmoins, je déchantais très vite lorsque leur méfiance ne baissait pas. Hargneux, ils étaient restés comme sourds à ma proposition. À la place ils me parlaient d'araignées et de poissons, sans que je ne comprenne le sens de leurs invectives à ce niveau de débit de parole. En plus, les hommes du Sud avaient une façon bien différente de s'exprimer que ceux du Nord, donc j'étais bien larguée. Mon poing se serrait sur mon bâton-masse lorsque, tel un deus ex machina, un autre individu fit irruption sur le pont.

Cette individu, masquée, à la voix féminine et autoritaire, semblait prendre ma défense, sans que je ne sache pour quelle raison. Peut-être que c'était, enfin, une personne qui avait compris que je pouvais être utile et qui avait décelé ma valeur ? me fis-je à cet instant. En tout cas, elle neutralisa un des gaillards avec une facilité déconcertante !

-J'arrive de l'intérieur minable. Minable ? me répétais-je intérieurement, pensant à mon activité minière que j'avais laissé en pause à Kanaan pour entreprendre ce périple. Qu'est-ce que j'y ficherais si j'étais pas du voyage ? 'l'est avec moi j'te dis, fout lui... la... paix...

Pendant qu'elle me fixait, (enfin qu'elle était tournée vers moi, difficile de dire avec cette sphère de métal qui lui servait de tête) je lui fis un signe de la main, toute sourire. La confusion s'emparait de mon esprit, mais je devinais aussi celle des autres membres de l'équipage. Après quelques instants de sidérations, où la nouvelle personne donna des ordres, il y eut un moment de silence, puis les armes retournèrent dans leurs fourreaux, tandis que chacun reprit ses occupations. Sauf la dame en fer qui semblait enfaite être la chef, le pauvre bonhomme qui était grillé sur le sol, moi-même complètement perdue et...Ouah ! Un autre bidule de métal !

Je sursautais en voyant le golem, tandis que Comète, ma petite boule de caillasse qui m'avait pas lâché des pieds, dirigea son attention sur lui, intriguée. Une vague de joie s'empara ensuite de moi, et je prenais l'élémentaire de pierre dans les bras avec enthousiasme.

-Comète t'as vu on va partir sur l'eau !! m'exclamais-je, heureuse de constater que ma diplomatie avait finalement fonctionné ! Ce n'était pas si difficile que ça en fin de compte. Tout ce qu'il fallait faire était attendre que quelqu'un réalise qu'on avait raison et en persuade les autres. Je me tournais enfin vers cette femme de métal à qui je devais l'acceptation de ce marché.

-Ici Comète, moi Yọr, balbutiais-je à ma nouvelle étrange amie, trop solennellement, avant de papillonner vers autre chose et me détourner d'elle rapidement. J'allais vers le petit homme sur le plancher qui servait désormais de tapis  pour l'équipage. Un autre de ces individus, celui-là même qui m'avait traité d'araignée faisait son possible pour l'aider. Il hésita en me voyant, mais me laissa finalement approcher, plus par crainte des potentielles représailles venant de l'orque. Comprenant ensuite que je ne voulais que l'aider à porter, il me guida à l'intérieur où je pouvais déposer le corps, que soulevais comme s'il s'agissait d'un sac à patate, sur un des hamacs.

Depuis l'intérieur du navire, une drôle de sensation me parvint. Je sentais que toute l'infrastructure commençait à se mouvoir, comme si la terre elle-même s'animait de vie. Les cris des matelots me parvinrent en bribes, annonçant le départ sur les flots. Surprise, je remontais rapidement sur le pont pour découvrir l'horizon continental s'éloigner de moi seconde après seconde.

Gardant un oeil sur les marins - et cherchant discrètement à identifier leur capitaine pour gérer cet autre problème - Lashgob approcha la géante devant laquelle se tenait son automate. Que diable venait-elle ficher là ? Une clandestine ou égarée au moment même où elle infiltrait le bâtiment à la poursuite d'un larbin de la famille Naïlo était une coïncidence aussi improbable que malvenue.

Elle s'apprêtait à prendre la parole, les traits toujours dissimulés sous son casque, lorsqu'une... forme... s'anima près du golem plus impassible encore qu'elle.

- Que.. quoi ? bégaya-t-elle.
- Comète t'as vu on va partir sur l'eau !! s'écria la géante avec une candeur naïve.

Il n'y avait aucune méprise possible. Cette amas de pierres flottantes était un élémentaire de roche. Le cauchemar même des mineurs, susceptible de provoquer l'effondrement de galeries profondes lorsque les malheureux tombaient dessus en creusant le sous-sol. Qu'est-ce qu'une entité comme celle-ci venait ficher en pleine ville, à bord d'un navire de surcroît ? Comète ? Cette grande asperge à la peau bleue disposait de cette manifestation primitive comme animal de compagnie ?

- Ici Comète, moi Yọr.
- Yor, répéta Lashgob avec perplexité et écorchant l'unique syllabe. Qu'est-ce que tu viens ficher ici toi ? Tu... vas faire capoter... une traque...

Elle ne termina pas sa phrase. Cela n'avait aucun intérêt. Son interlocutrice ne l'écoutait déjà plus. Son attention glissant sur un autre sujet, la géante s'était tournée vers un marin passant là et toute contente lui proposait son aide pour déplacer un autre matelot étalé à même le sol.

Minute.

Il n'était pas à terre lorsqu'elle-même s'était faufilée à bord, invisible aux yeux de tous. Etait-elle montée en l'étalant ?

- Mais d'où elle sort ? interrogea la technophile, son regard allant de "Yor" au caillou vivant resté face à elle.

Lévitant au-dessus du pont, celui-ci semblait s'attarder sur l'orque à l'attirail métallique et son compagnon dénué de vie. Dominant l'élémentaire de sa hauteur, Curio ne le quittait pas du regard.

- On a à faire Curio, l'interpella toutefois la peau-verte en tournant les talons pour se diriger vers l'escalier d'où elle était revenue.

S'attardant quelques instants de plus, il continua à l'étudier avant de sans détourner sans émettre un mot, un léger sifflement de ses pistons précédent ses mouvements. A peine Lashgob fut-elle de retour au pied de l'escalier que le sol trembla sous ses pas. Avec un hoquet de surprise, elle trébucha en arrière, tombant sur le golem ayant stabilisé sa position, bras écartés dans la largeur du passage.

- Que... y' ont déjà levé l'ancre ? balbutia-t-elle. Mais où qu'y vont ? J'ai pas signé pour ça moi !

Il fallait impérativement qu'elle mette la main sur cette vermine et le traine à terre avant qu'ils ne soient sortis du port. Curio ne pourrait pas nager - encore qu'il était probablement assez étanche pour marcher au fond de l'eau. Quant à elle, dotée d'un exosquelette pesant et d'une jambe d'acier, elle nageait au moins aussi bien qu'une enclume. Or si les officiers de bords l'identifiait et que son bluff sur le pont était éventé...

Rageusement, elle claqua grande ouverte la première porte du couloir, faisant sauter sa serrure sans plus faire preuve de discrétion. Pas de fuyard tapis. Ni dans la seconde. Toutefois, au moment de forcer la troisième, d'un bon coup de pied de métal, celle-ci s'ouvrit, faisant basculer la technophile à l'intérieur avec un cri de surprise. Un tourbillon de fourrure lui passa alors sur le dos avec un glapissement de panique. Le temps qu'elle se retourne sur les coudes pour comprendre ce qu'il venait de se passer, la créature parvenait à échapper à la prise du golem, bondissant en direction de l'escalier. Une créature dont la fourrure venait gonfler la chemise de l'individu qu'elle pourchassait.

- Un thérian, jura-t-elle en relevant son masque pour voir l'intéressé disparaitre vers l'air libre de ses propre yeux. Un foutu thérian-fouine !

Poussant une nouvelle flopée de jurons, elle se releva et bouscula l'homme de fer dans sa course. Elle arriva sur le pont assez tôt pour voir l'homme animal sauter par-dessus bord.

- Non !

Lorsqu'elle arriva elle-même au bastingage, elle ne put que le regarder nager la brasse pour revenir aux quais, approximativement à portée de flèche. Ne perdant pas un instant, elle parcouru le pont du regard, ignorant son golem arrivant à son tour comme les regards perplexes des matelots quand à cette scène inhabituelle. Il devait bien y avoir une barque ou un canot de sauvetage quelque part. N'importe quoi qui lui permettre de quitter ce fichu rafiot et rattraper cette fripouille. En vain. Le temps qu'elle se rende à l'évidence que son embarcation était une insulte aux normes de sécurités élémentaires, le port se trouvait hors de portée et le thérian définitivement enfuit.

- Merde ! s'écria-t-elle en frappant violemment des gantelets sur la rambarde, y imprimant ses poings dans le bois.

Depuis les fragments de mes souvenirs les plus anciens, je n'avais jamais senti une telle impression sur mon corps. Je m'agrippais à la rambarde de l'escalier menant aux compartiments intérieurs, mes membres se crispaient, se retenaient comme ils le pouvaient dans une marche incertaine. Les yeux ronds, et remontais comme un bébé ou presque les dernières marches jusqu'au pont. Une fois complètement à l'extérieur, je fis mine de ne pas être perturbée, mais ma démarche trahissait mon inexpérience de la vie en mer. Je sentais des petits tourbillons sournois dans mon ventre qui remuaient la matière interne, me firent soudainement frissonner du bassin jusqu'à la nuque avant de remonter jusqu'à mon crâne où ils se jouèrent de mon équilibre.

Cet hébétement me prit à dépourvue et je me retins sur la rambarde du navire. Je voulais voir, vraiment, encore plus, pour de vrai, ce phénomène nouveau : je baissais la tête jusqu'aux vagues qui s'étaient mises à taper contre la coque en bois. Regardant la scène avec une curiosité disproportionnée, ma confusion trouva une issue lorsqu'un déclic se produisit dans ma tête : ce n'était pas l'eau qui bougeait tout autour et la terre qui s'en allait à l'autre bout, c'était nous qui fendions la mer et qui voguions et tanguions !

- Ouaaaah...

Les tourbillons malicieux me quittèrent pour rejoindre ceux des vents et mon visage s'illumina de merveille à mesure que je découvrais cette fabuleuse technologie.

- PLUS DE VOILE !! cria quelqu'un dans mon dos. Je cherchais la provenance de cette voix, jusqu'à discerner un petit bonhomme tout en haut, minuscule de là où j'étais. Je pouffa, me demandant ce qu'il pouvait bien fabriquer perché ainsi. Mon attention se porta alors sur les impressionnants draps qui décoraient, pensais-je, cette infrastructure. Pour sûr, je n'avais jamais vu d'aussi grande couverture, même moi j'en utilisais pas d'aussi grande.

Mon regard revint ensuite sur le pont, et retrouva Comète qui avait apparemment une méfiance -ou une curiosité qui sait- particulière envers la créature de métal. Non loin de cette rencontre du troisième type se trouvait la dame de fer qui semblait agacée par un événement qui m'échappait. Dans ma léthargie j'avais en effet manqué le passage de la fouine sur le pont, qui avait pourtant provoqué la confusion sur le pont. Néanmoins, les matelots, tout affairés au grand départ qu'ils étaient, oublièrent bien vite, bien trop sûrement, cette fugace apparition. Aussi avaient-ils des ordres clairs donnés en amont et l'un d'eux s'approcha de la peau-verte.

- ...Mada...me...euh...Capitaine ?, bidouilla l'incertain, Capitaine ! Nous faisons cap vers Wystéria, conformément au plan...

- Oh, Capitaine ? répétais-je, l'air bête, comprenant alors que c'était le prénom de cet l'individu masqué.

- Minute plancton ! On m'fait une blague ? Qu'est-ce que c'est qu'ce raffut ?! La voix d'une créature marine résonna sur tout le navire. Un homme imposant, abyssale de la Tempête, surplombait sa cour depuis le pont supérieur. Ses nageoires de raie manta lui élargissaient la carrure sur les côtés. Il releva son bandeau orange sur son front poisseux.

- J'sais pas quel lien l'a 'vec Naïlo ou quoi mais sachez une chose c'est qu'sur c'bateau y'a qu'une personne qui dirige après la mer, et c'est moi, l'Capitaine Mantra. Si vous v'lez pas f'nir par l'fond ou qu'on s'fasse prendre par l'pirates z'avez intérêt à m'obéir. Il désigna ensuite le matelot qui s'était trompé d'autorité. Toi maint'nant r'tourne à ton poste avant qu'j'te transforme en sushi ! C'est TON CAPITAINE qui t'parle !

Ses yeux vitreux se tournèrent ensuite sur les deux intruses de cette expédition, ainsi que leurs golems respectifs.

Code:

[color=#e6ae43]Capitaine Mantra[/color]

- ...Mada...me...euh...Capitaine ? Nous faisons cap vers Wystéria, conformément au plan...
- Oh, Capitaine ?

Se tournant tour à tour vers un elfe membre de l'équipage s'étant adressé à elle puis vers l'autre clandestin du voyage, Lashgob se félicita de porter un masque impassible. Ses traits devaient en effet trahir sa confusion. Que la seconde ignore qui dirigeait le navire était une chose. Le premier en revanche avait-il vraiment l'intellect d'un concombre de mer pour la confondre avec son patron ?

- Minute plancton ! On m'fait une blague ? Qu'est-ce que c'est qu'ce raffut ?!
- Ah...

Des années d'expérience en la matière lui avaient enseigné à reconnaître ce ton. C'était celui des ennuis. Or sur ce batiment, il n'y avait pas vraiment de lieu où les fuirs... L'air de rien, elle tourna les talons et fit mine de divaguer dans la direction opposée du rafut. Toutefois, son golem lui resta planté debout à étudier le brailleur du regard.

- J'sais pas quel lien l'a 'vec Naïlo ou quoi mais sachez une chose c'est qu'sur c'bateau y'a qu'une personne qui dirige après la mer, et... ... C'est TON CAPITAINE qui t'parle !

- Curio, siffla Lashgob pour attirer l'attention du golem déjà peu discret. Ramène tes fesses par...
- Où qu'tu vas toi là-bas ? J'crois pas t'avoir donné quartier libre !
- Zut... lacha-t-elle finalement en affaissant les épaules.

A contre-coeur, elle tourna les talons et découvrit son interlocuteurs. Et celui-ci allait être un problème. Une tronche d'imbécile heureux, mais la carrure d'un fichu troll. Il allait définitivement être un problème.

- Qu'est-ce 'vous fichez sur mon navire tout les quatre ? Qui vous a laissé monter ? Et z'êtes qui ?

Réfléchissant à toute allure à comment se sortir de ce mauvais pas, Lashgob se tourna vers la géante bleue, espérant un trait d'esprit de sa part pouvant les sortir de ce mauvais pas. Mais cela lui semblait bien improbable...

- Je...
- Chasser l'indicateur de Naïlo, répondit brusquement le golem en prenant la parole pour le malheur de la technophile et répondre aux trois questions, levant le bras envers l'un des marins. Lui. Curio.

Cela sentait le sapin. Plusieurs marins arrêtaient à nouveau leurs tâches, le port n'étant plus qu'un point à l'horizon, le bateau à voile gonflée glissant sur les flots. Si la face de raie décidait de le jeter par-dessus bord, ils étaient en sous-nombre conséquent. Et l'orque ne se sentait pas d'humeur à faire la plonge ou astiquer le parquet pour payer sa traversée. Serrant les poings, elle activa sa tourelle qui émit un crépitement et commença à charger le bouclier 'lectrique de sa tenue. S'ils voulaient se bagarrer, elle comptait chèrement vendre son cuir et...

- Aileron à tribord ! s'écria soudain la vigie, attirant l'attention générale.

Aileron à tribord ? Qu'est-ce que c'était que ce signal tarabiscoté ?

Je sentais l'air qui se compressait sur nous. Un silence, accompagné par le bruit du mouvement des vagues, demeurait après la triple interrogation du maître des lieux. Ma confusion atteignait son comble, ayant cru que la dame en métal était Capitaine. Mais enfaite il y avait deux personnes qui s'appelaient comme ça ? Ma tête trahissait mon incompréhension, et l'on aurait pu dire en la voyant qu'elle était semblable à ces coquilles désertées sur la plage.

Soudain, la boîte en fer prit l'initiative de répondre, ce qui ne m'aida pas plus à trier les éléments de la situation, mais me fit quelque peu sortir de ma béatitude. Je cligna des yeux et me tourna vers le grand poisson, comprenant qu'il désirait faire les présentations.

- Moi : Yọr !! criais-je d'une voix claire et ferme, pour qu'il m'entende bien de là où il était (il s'était tout de même rapproché de quelques pas entre temps). Puis, je ponctuais mon nom d'une courbette savamment apprise à la Milice -mais bien trop solennelle, je ne savais pas encore bien comment jauger la dose de solennité pour le moment.

Alors que je me redressais, je n'entendis pas la femme donner son nom comme les autres, à la place, un violent BOUM fit secouer la coque en bois et avec elle tout le navire. Je me rattrapais in extremis avec ma jambe droite pendant que j'écoutais Capitaine poisson s'en aller chanter :

- Ah sacr'bleu d'volaille d'vipère d'terreur des mers d'tonnerre d'fiente d'peligator !!! V'la t'y pas qu'l'mer s'ligue contr'nous !! Manqu'rait plus qu'l'rongeurs d'os nous fasse la fêyte !!!

Mes yeux étaient brillants et ronds comme des perles : dans quelle langue il parlait celui là ?

- Raaah...Bon v'la les ennuis, s'occup'ra d'votr'cas plus tard ! fit-il à l'attention des intrus avant de hurler. HEYY TOUT LE MONDE À SON POSTE : ISONAAAAAADE !!

L'ordre retentit sur tout le bateau et l'activité en son sein changea se ré-organisa en fonction. Quant à moi, mon attention se porta sur l'eau en contrebas. Qu'est-ce qui avait bien pu produire une telle secousse ? me demandais-je, penchée sur la rambarde à scruter les remous, avant de voir une ombre aqueuse se faire de plus en plus grosse.

Les intruses commencent le combat.

Vitesse des aventuriers : 758


Lashgob : 3050
Vitesse : 445
Dégâts : 1245
Capacités spéciales :

Tourelle ouragan : Baisse la vitesse des adversaire de 150/tour.

Tourelle de ciblage : Lors d'un coup réussi sur une cible, celle-ci est marquée jusqu'à la fin du combat et reçoit +20% dégâts en plus à chaque attaque reçue.

Cape d'invisibilité : Invisible les deux premiers tours. Peut être touché par un CC.

Organisme hors du commun : Les effets négatifs diminuant les stats par tour sont diminués de moitié.

Contrecoup : À chaque attaque reçue, inflige 335 de dégâts à la source.


Yọr : 1641
Aura : 200
Vitesse : 313
Dégâts : 1046
Capacités spéciales :

Guérisseuse : Peut utiliser le dé - soin ainsi que 2 porte-bonheur par combat.

Iridescence : les valeurs des Coups Critiques et des soins prodigués sont augmentées de 50%.

Force ancestrale : +1 action supplémentaire par tour.

Amulette nordique : Renvoie 10% des dégâts subis.

Augure des aurores :

L'effet dépend du tour:

Contre

Isonade : 2000
Vitesse : 400
Dégâts : 800
Capacités spéciales :

Caché sous les vagues : L'Isonade a la priorité sur le début du combat (même devant la spécialisation Vigueur). L'adversaire touché par cette première attaque voit sa vitesse et ses dégâts réduits de moitié. [Imblocable]

Avis de tempête : Aux tours 3/6/9/..., l'Isonade n'est touchable que par les Coups Critiques.
Butin : 1 ticket pour Wystéria [1 par compte maximum - Invendable] + 1 aileron tacheté

Le choc contre la coque ébranla le navire, projetant plusieurs marins à terre. Surprise, Lashgob alla rebondir contre le rebord, le souffle coupé et les bras dans le vide. Le souffle coupé, elle vit impuissante une de ses cartouches de combustible grégeois tomber dans le vide.

- Merde !

Une poigne de fer se referma sur son épaule, la tirant en arrière et l'empêchant de basculer. De réflexe, elle manqua décocher un revers de lame à son sauveur, qui n'était autre que son golem. Celui-ci avait d'ailleurs aussi atrappé un nabot de l'autre main, ayant apparemment manqué lui aussi de passer par dessus bord.

- Raaah...Bon v'la les ennuis, s'occup'ra d'votr'cas plus tard ! HEYY TOUT LE MONDE À SON POSTE : ISONAAAAAADE !!
- Isonade ? Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?

Brusquement une ombre passa sous le navire, imposante, au moins aussi large que l'autre clandestin à peau bleue. Or, comme la géante se trouvait encore sur le pont, ce n'était pas elle qui réalisait la brasse coulée sous la quille.

- Curio ? Interrogea-t-elle en se retournant vers son compagnon métallique. Tu arriverais à jeter cette lame sur la cartouche qui flotte là ?

Sans répondre, le golem lorgna par-dessus bord. Puis s'empara de la lame de poignet que lui tendait l'orque. Évidemment, il fit mouche, faisant exploser le liquide inflammable qui engendra une détonation conséquente. Les intéressés sur le pont furent soufflé en arrière dans une pluie d'eau iodée.

- Boum, déclara simplement la technophile en essuyant sa visière avec satisfaction.

Le membre 'Lashgob' a effectué l'action suivante : Actions

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'Attaque - Peau verte' :

(Pour info L'Isonade a tapé @Yọr à 720 et a subi 80 de dégâts)

Un gros boum retentit et tout le bateau commença à tanguer violemment. Comme si quelque chose voulait nous faire renverser ! En prise à moult interprétation, je regardais intriguée l'équipage qui se mit soudainement en mouvement. Isonade ? Que pouvait bien être cette chose ? Alors que plusieurs d'entre nous étaient perchés à côté de la rambarde pour discerner ce danger, je découvris avec stupeur l'aileron de cette créature jusqu'alors inconnue pour moi.

Le combat semblait lancé, opposant humanoïdes de la terre et cette chose vivant dans l'eau. Quelques projectiles fusaient sur le gros poisson, et manquaient presque de me toucher, les matelots qui tiraient à l'arc, l'arbalète ou la fronde ne se gênaient pas pour l'imposante intruse que j'étais. Néanmoins, il apparaissait difficile d'attendre l'isonade, étant donnée qu'elle se cachait sous les vagues la plupart du temps. Une détonation retentit dans l'eau et parvint cependant à toucher. Les éclaboussures disparurent en effet pour laisser place à l'isonade qui flottait un instant à la surface, sonnée à cause de l'explosion. La dame de métal était-elle à l'origine de ce phénomène ? Peu importait, car là était ma chance !

Ne laissant pas passer cette opportunité de protéger ces petits hommes -après tout telle était la mission que je m'étais moi-même confiée en échange de cette traversée- j'attrapais fermement une hache à lancer qui pendait à ma taille et délaissait mon bâton-massue inutilisable dans ces circonstances. Grâce à la Milice, j'avais, laborieusement, compris la complexité et l'efficacité du lancer de hache, célèbre dans la faction. Pivotant mon bras d'un mouvement de l'arrière jusqu'à l'avant, la lame tournoyante décolla dans les airs pour se ficher dans la misérable poiscaille, mettant fin à toutes négociations dans un nuage pourpre qui inondait ses environs.

- Diplomatie géante terminée ! Ha ha ha ha !

Le membre 'Yọr' a effectué l'action suivante : Actions

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'Attaque - Géant' :

@Lashgob et @Yọr  remporte 20 points d'expérience, 15 pièces d'or, 1 aileron tacheté et un ticket pour Wystéria.

Le RP peut continuer.

La traversée avait parut durer un temps infini. Tout cela pour se rendre à une destination que la technophile n'avait pas souhaité visité. Tout cela à cause d'un fuyard de Naïlo qui s'était révélé plus malin qu'elle. Parce qu'elle ne pouvait pas nager avec une jambe de métal et tout un pesant arsenal sur le dos. Accoudée au rebord du bastingage, elle soupira. Au moins les marins lui avaient fichu la paix après la rencontre inopinée avec une bestiole marine que la géante bleue avait fracassée d'un jet de hache. Ironiquement, si Lashgob n'avait que peu parlé avec les matelots pour plupart aussi cultivés que des huitres, elle avait apprécié la simplicité des discussions avec la géante.

Néanmoins toutes les bonnes choses avaient une fin. Ce navire ne repartait pas de suite pour le continent. Or si la moindre barque partait pour le Nord avant ce bâtiment, elle et Curio embarqueraient. Pas question de perdre plus de jours que nécessaire sur un caillou perdu au milieu de l'océan.

- Au fait, songea-t-elle brusquement à l'intention de sa camarade. Qu'est-ce que toi tu es venu ficher ici ? Tu souhaitais réellement aller sur cette ile perdue ? Pour quoi y faire ?

Les marins avaient eu l'air content de moi (comprendre : ils décidèrent de ne plus chercher à me jeter par dessus bord). Je sautais de joie, puis un glouglou attira mon attention par delà la rambarde.

- Oh, la hache. . . . .dis-je, dépourvue, en regardant impuissante le cadavre de la créature marine couler tout au fond de l'eau et mon arme disparaître avec elle. J'aimais bien cette hache, mais pas autant que mon bâton-massue pour être triste. Par contre, j'espérais qu'il n'y aurait pas trop de "i-so-nade" à l'avenir car je n'avais plus de hache !


Cela n'était heureusement pas le cas, et comme l'équipage s'était calmé, on traversait la mer de façon confortable. J'en profitais pour me reposer un peu, adossée au bastingage en compagnie de la dame de métal (il semblait qu'on nous autorisait d'exister à l'intérieur de ce périmètre défini). Comète était dans mes bras, comme "endormie". Je ne savais guère ce que dormir pouvait signifier pour un caillou, mais une légère pulsation émanait de son noyau iridescent, et cela me faisait un peu oublier les tumultes des vagues et le bateau qui tangue.

- Oui ! Île ! répondis-je à dame, bien que je n'avais pas compris tout les mots qu'elle avait utilisé, j'avais pu comprendre le sens de la question. Milice dit : partir sur île pour devenir très forte ! Yọr forte déjà, mais après battre "vieux fou des îles" (comme dit) et revenir encore plus forte ! Et...Yọr aime le voyage, Yọr dodo trop longtemps...

Mon regard se perdait dans le vide, à cette dernière évocation. Nuls doutes que je me sentais plus en vie sur ce bateau que dans la stase qui m'a emprisonnée tant de siècles. Ne pas être chez moi et les dangers ne m'importaient guère : les insécurités et les peurs ne m'atteignaient plus vraiment.

- Et toi, dame métal ? demandais-je à mon tour, réalisant que je ne connaissais quasiment rien de cette femme.

En dehors de la bulle qu'était notre discussion, les marins s'activaient petit à petit, signe que nous nous approchions de l'endroit désiré.

- Milice dit : partir sur île pour devenir très forte ! s'écria la géante bleue. Yọr forte déjà, mais après battre "vieux fou des îles" et revenir encore plus forte !

"Elle n'a définitivement pas la lumière à tout les étages..." songea Lashgob en gardant ses pensées pour elle. "Enfin. Ce n'est pas une mauvaise personne".

- Comment ça "dodo trop longtemps" ? répéta-t-elle en fronçant les sourcils. On a à peine eut le temps de souffler cinq minutes sur cette coque de noix.

Son masque à la main, il était pour une fois possible de discerner ses expressions. Se redressant de la rambarde, elle leva sa main libre en visière pour protéger ses yeux, s'efforçant de voir leur destination. Il y avait bien un ponton là-bas, devant des cahutes et cabanes communes. Un village bien plus humble que le dépotoir qu'était Ishtar. Un village où ne mouillaient que quelques embarcations de pêcheur où elle et Curio n'avaient aucune chance d'embarquer sans provoquer son naufrage. Or leur navire ne rentrait pas tout de suite au continent : elle était bloquée outre-mer.

- Chier.

De frustration elle en aurait jeté un marin par-dessus bord. Mais ce n'est pas cela qui lui assurerait le voyage de retour...

- Et toi, dame métal ? interrogea la géante.
- Quoi moi ? L'ile ? J'ai rien à fiche sur ce tas de caillou. Je voulais pas venir ici, si je suis monté à bord c'était pour rattraper la tête de fouine qui a sauté à l'eau au port...

"... et comme je nage comme une enclume j'allais pas vraiment plonger à sa poursuite..." se garda-t-elle bien de mentionner.

D'un autre côté. Quitte à être bloquée ici plusieurs jours, le temps que l'équipage fasse ce qu'il avait à faire, autant en profiter pour tirer partit de la situation.

- Tu sais si on peut trouver quoi que ce soit de valeur par ici ? Des gemmes, du carburant, des métaux rares... ce genre de trucs. Et tu disais quoi à propos d'un vieux fou ?

Mon regard devait montrer de la curiosité à propos de mon interlocutrice : je découvrais une peau sous la membrane de métal. Une peau...verte ! Cette particularité m'intriguait car les gens comme moi qui dérogeaient aux standards de couleurs se faisaient rares. Mais verte, quelle curieuse façon d'exister ! Et sans parler des deux dents qui sortaient de sa bouche, je voulais les toucher du bout des doigts, mais me retint.

- Comment ça "dodo trop longtemps" ?
- Oh ! Euh...

À la place, mon index s'arrêta sur le coin de ma lèvre inférieure, comme mes pupilles montaient au ciel. Comment pouvais-je expliquer, par de simples mots, des mots à ma portée, des mots que je connaissais, ceci : je suis une géante qui a vécu un sommeil millénaire dans la glace mais qui n'en a pas tout à fait conscience mais qui en même temps se doute un peu qu'elle ne vient pas de la même temporalité que les gens autour d'elle puisqu'elle découvre un monde complètement nouveau et que tout le monde la regarde bizarrement ! hi hi.

- Yọr gros dodo avant de venir, hmpf ! ...Coque de noix...tête de fouine...? répétais-je ensuite, replongeant dans une confusion dont je vous passe les détours ici.

Pendant notre discussion, je remarquais que ma camarade n'était pas très heureuse d'être sur ce bateau. Je serrais Comète contre moi à l'évocation du "tas de caillou". La dame métal semblait tout le temps énervée, comme le nain Grmlhr, ce qui était un bon signe car je l'aimais bien. Les gens tout le temps énervés étaient comme les minerais qu'on piochait avec Grmlhr, il faut casser la pierre pour voir dedans le cristal qui brille.

- "Vieux fou des îles", comme a dit ami de Yọr, rectifiais-je humblement la dame verte. Trouver et taper et revenir après...Euh...Yọr sait pas plus..."vieux fou des îles" très puissant et hmm...sait des choses. Mystères ! dis-je, les yeux soudainement exorbités, avant de reprendre une expression joviale. Tout le monde est fort et dangereux sur île. Mais pas plus fort que Yọr !

Je réfléchissais alors quelques instants pour considérer la situation. Je n'avais pas réellement saisi ce que cherchait la dame métal, cependant...

- Danger là-bas, Yọr protège petits hommes, qui meurent facilement, hi hi. Yọr peut protéger dame métal aussi ! Et "vieux fou des îles" sait des choses, "vieux fou des îles" sait peut-être ce que dame métal cherche...dis-je comme pour finaliser mon raisonnement implacable (cela m'arrivait d'avoir des petits éclairs de génie comme celui-ci, ho ho qu'il était grisant d'être frappée par l'intelligence !).

Un "bonk" retentit dans toute la "coque de noix" et me sortit de mes réflexions. Je me relevais soudainement pour bien voir ce qu'il se passait autour de moi, et constatais que nous avions touché la berge de l'île ! La cohue des marins tambourinait autour de nous, tandis que je regardais avec fascination l'apparition de Wystéria devant mes yeux. Voyager était véritablement magique !