Alors que je m'entrainais à la Milice, une gradée était venue à ma rencontre pour me faire part d'une demande plus particulière. Ma gorge s'était serrée durant notre entretien et mes mains étaient moites car je savais que ma place n'était pas encore tout à fait intégrée au sein de la faction...notamment due à quelques mésaventures lors des entraînements, mais, c'était que les petits hommes avaient de drôles de façon de communiquer et de hiérarchiser les choses.

Tenez, par exemple, j'avais compris qu'il y avait plusieurs grades au sein de notre groupe. Cet-à-dire que quelqu'un de plus gradé, même s'il était moins fort et moins grand que quelqu'un de moins gradé, était supérieur à ce dernier. Ce cruel non-sens m'avait tout d'abord égaré dans une confusion totale. Mais alors, j'avais remarqué que les vêtements étaient bien plus brillants, bruyants et sophistiqués chez les supérieurs que chez les inférieurs. Se pouvait-il donc que la supériorité était donnée à la personne qui s'habillait de la manière la plus brillante ? Plusieurs éléments allaient à l'encontre de cette hypothèse, même si je gardais de nombreux doutes en tête...Toujours était-il que les haut-gradés, pour des raisons encore floues, restaient supérieurs et "mieux habillés" (selon les critères des petits hommes, comprenez = brillants et recouverts de pleins de couches inutiles et de petits symboles qui ne me disaient rien) que les autres. Je n'eus donc aucun mal à reconnaître la valeur hiérarchique de la personne qui était venue me chercher.

Elle me parla d'une mission, d'une enquête, de fantômes. Euh...Je retins que je devais aller quelque part aider l'un de nos alliés et que je devais partir maintenant. Une certaine excitation monta de mon ventre jusqu'à mes joues. Était-ce le signe que les petits hommes d'ici commençaient à me faire confiance, malgré mes différentes maladresses avec eux ? Dans tout les cas, si quelqu'un avait besoin d'aide, j'allais relever la tâche et protéger ce milicien dans les épreuves qui l'attendaient, j'étais venue pour ça aussi. Mais un guerrier à côté de moi me glissa quelques phrases dont je ne compris pas exactement le sens, lorsque la dame me quitta pour me laisser me préparer :
-Hey ! Non, n'y va pas, dit que tu t'es blessée à l'entraînement, ou tu reviendras jamais. Cet homme...on l'appelle... l-le nordien sanguinaire...souffla-t-il entre un regard à droite et un regard à gauche.

Un nordien sanguinaire ? À quoi ça pouvait bien ressembler, ça ? Je le regardais d'un air circonspect avant de retourner dans mes quartiers pour prendre mes affaires. À la sortie, la femme m'attendait, et m'accompagna jusqu'au point de rencontre. Traverser le quartier-général, sortir du Pavillon de Thrud et marcher jusqu'à l'entrée de Kastalinn en passant par de nombreuses rues plus ou moins agitées nous laissa le temps de parler davantage, et pourtant nous ne nous disions que peu de choses. À vrai dire, je n'étais pas des plus loquaces, et acquiesçait simplement lorsqu'elle me demandait si tout était clair. Rien était clair, mais il aurait été trop long de m'expliquer en long et en large, je ne pouvais tout simplement pas interrompre les gens à chaque mot compliqué ou inconnu. Et puis, l'expérience m'avait appris qu'il ne fallait pas toujours se fier aux discours tarabiscoté des petits hommes. Nous attendions donc dans le silence et le froid cet allié, lorsqu'une petite tête...

-Rouge...apparaissait au loin entre des charrettes transportant des pommes de terre et des fourrures.
-Oui, c'est bien lui, confirma la gradée en m'entendant. J'examinais l'homme qui se joignait à nous, intriguée par la teinte de sa chevelure. Son visage était calme et me mettait en confiance pour la suite des événements, mais quelque chose dans ses yeux me disait de garder mes distances. C'était donc ça un nordien sanguinaire ? me disais-je en le scrutant d'un regard inquisiteur. Je décidais enfin de briser la glace.

-Je suis Yọr, déclarais-je d'une voix claire, grave et solennelle en posant ma main sur ma cage thoracique et en inclinant ma tête et mon buste dans un angle à cent-vingts degrés. Puisque nous allions passer du temps ensemble, je tenais à soigner ma présentation et j'avais vu plein de fois les gens bien habillés le faire au Pavillon. La dame se mit à sourire, surprise, en me voyant faire. Je ne me rendais pas compte que ce geste, appris par mimétisme, avait été, pour une fois, trop précis et trop calculé pour être véritablement comme les leurs.