Nom : Dagon. Cela signifie "Petite Calamité" en sa langue, ce n'est pas un nom à proprement parler, mais il faut bien que les primates de la surface mettent un terme sur tout. N'est-ce pas ?

Âge : Six mois !

Sexe : Hermaphrodite, selon la température de l'eau !

Race : Abyssal de la Tempête, "Monstre" ou "Flagelleur Mental" selon les termes des gens de la surface, Dagon Natsuhydrien selon ses termes.

Classe envisagée : Se trouvant au stade larvaire d'une race qui sait s'adapter selon son environnement, il lui est difficile, et surtout totalement contre-productif, de se prononcer de suite sur la nature de son évolution.

Métier envisagé : Chasseur est le seul métier qu'il puisse envisager.

Capacité magique : Notre jeune Abyssal est un héritier direct des forces obscures qui peuplent les Abysses encore inexplorées du pays, au stade larvaire, ils ont la capacité de réduire à la servitude des esprits plus faibles et des dons de télépathie. Mais c'est à peu près tout.

Mode hardcore : Pas blesser Dagon ! Non !

"Le spécimen capturé dans le temple sous-marin est selon toute vraisemblance une créature embryonnaire de l'espèce des flagelleurs mentaux, dont Natsuhydr est le créateur. Inconnue jusqu'ici. Celui-ci est particulièrement petit et ressemble à bien des égards à nos propres progénitures, aproximativement soixante centimètres de hauteur, à l'observer flotter dans son vivarium, mais c'est difficile à affirmer tant il tient ses membres recroquevillés dans l'eau. Peut-être un mètre s'il venait à se tenir debout. Sa tête est gargantuesque et représente à elle seule les trois-quarts du corps, glabre, caoutchouteux, habitué aux fonds marins de la créature. On sait que le cerveau des monstres des abysses est trois fois plus grand que ceux des hommes, la vivisection à venir déterminera la circonférence exacte de celui-ci. On dénote deux rangées de deux tentacules de part et d'autre de la bouche, dissimulée elle-même sous deux appendices plus grandes dont la fonction reste à déterminer. Pas de lèvres sous les appendices mais une dentition ovale qui est trait pour trait la même que celle des lamproies qui peuplent les Marais. La larve présente deux bras articulés, deux mains comportant chacune trois doigts et un pouce opposable, ainsi que des jambes aux pieds palmés et une queue. Assurément amphibien, les branchies en témoignent. Notons cependant une aversion pour l'exposition prolongée à la surface. Question d'habitude ?"

Le Dagon observait le vieux primate aux poils broussailleux le dévisager avec un instinct de danger grandissant. Il pouvait entendre à travers le bocal ses observations, et à l'évocation du terme "vivisection" il eut la certitude qu'il devait s'échapper des griffes de ceux-qui-peuplent-la-surface. Il y a trois jours il ne comprenait pas leur dialecte, mais il est aisé pour les siens de comprendre, d'associer, car ils ne fonctionnent pas comme les non-palmés. Natsuhydr leur a transmis l'intelligence des céphalopodes, et même un Dagon peut résoudre des équations complexes à son plus jeune âge. Mais un Dagon n'a que faire des équations, pas plus qu'il n'a d'intérêt pour la surface, un Dagon, lorsqu'il vient fouler les Abysses pour la première fois a déjà rêvé du passé, du présent, ainsi que du futur. Un Dagon est Natsuhydr, le Père, le Kraken, et le fond-marin, un Dagon accompli la volonté des cités englouties afin qu'un jour la Terre ne retourne reposer sous les vagues.
Ce Dagon était venu trouver ceux-qui-peuplent-la-surface de lui-même, car il en avait rêvé. Les siens rêvent toujours, vingt heures par jour, même si les journées n'en sont pas là où aucune lumière ne filtre. Le temps n'a aucune importance pour ce qui a jamais dort. Un Dagon n'est ni une bête, ni un humanoïde, simplement une extension de la Tempête qui cherche à croître, encore et toujours. Ce Dagon est particulier cependant, ce Dagon sait qu'il est le premier qui va exister hors de l'eau. Il en a rêvé, et existe en ce but.

Le chercheur, un vieux pirate œuvrant désormais comme naturaliste pour le compte des bibliothèques roayles de Stellarae, tout excité par sa plus récente découverte, se forçait à lâcher du regard le jeune Dagon qui flottait dans un minuscule bocal aménagé bien pauvrement -des algues jonchaient un sol plein de cailloux trop anguleux pour ce Dagon- afin d'aller chercher ses instruments de dissection. Pourquoi fallait-il qu'il quitte la pièce ? Il lui semblait qu'à l'instant où son attention se déporterait de la bête fantastique, celle-ci s'évaporerait, tout simplement, et que lui et ses hommes seraient demain la risée de tout Ishtar pour avoir prétendu tenir une "fabuleuse découverte" (selon ses propres termes).

Comme pour le rassurer, le Dagon s'enlaçait de ses deux minuscules bras et recroquevillait ses jambes contre son torse pour fermer les yeux. Sa queue similaire à celle des ouistitis, s'enroulait autour de son cou, et il se tint immobile pendant une bonne dizaine de minutes.
Le voyant endormi, le zoologiste quittait hâtivement la pièce, presque en courant, en ouvrant la porte à tâtons car il ne désirait toujours pas lui tourner le dos, jusqu'à l'ultime moment où il franchirait le seuil de sa chambre. Mais le Dagon ne bougeait pas.
Il flottait mollement, comme un fœtus dans le ventre de sa mère. Même le chien, Barnabé, précédemment tout excité dans ses aboiement répétés contre l'engeance marine s'était assoupi au pied du bocal.

Aussitôt la porte close, les membranes oculaires du Dagon s'ouvraient. Singe stupide... Ce Dagon se déplaçait rapidement contre la vitre, et la frappait par trois fois de ses tentacules. Il fallait œuvrer vite, car si les bipèdes poilus se pensent plus intelligents qu'ils ne le sont, leurs jambes s'avéraient bien plus agile que les tentacules des siens.
Le son se réverbérait dans la pièce, ricochait contre les murs, heurtait les murs, puis se dirigeait pour glisser sinueusement vers les oreilles de Barnabé.

Ce Dagon et Barnabé étaient désormais liés. Leurs esprits ne faisaient qu'un.

Barnabé, un vieux molosse issu des toundras de la Banquise, se hissait, les pattes tendues, vers la table où trônait le Dagon et à l'aide de son museau renversait très délicatement le bocal. Merci, Barnabé. L'instant d'après les tentacules du Dagon poussaient le couvercle de sa geôle, et à quatre pattes il en rampait pour bondir sur le dos du chien.
Le plus difficile restait à faire, et ce Dagon, apposant ses appendices tentaculaires sur le front du chien lui fit rêver du futur. De leur futur.

Lorsque le vieux primate revint, poussant la porte avec la même précipitation dont il avait fait preuve auparavant, le chien Nordique, le Dagon sur le dos solidement enroulé, dévoilait leur piège. Couché à la distance dictée par le céphalopode calamiteux, Barnabé fit tomber à la renverse le singe velu et avant qu'il n'eut le temps de crier, le Dagon lui bondissait dessus avec une vivacité que personne n'aurait soupçonné. Il enroulait rapidement ses appendices tout autour du visage de l'homme et lui collait son gigantesque crâne glabre sur le front.
Des lumières dansèrent un instant dans le cerveau du Dagon, et le vieil homme dormit, en rêvant d'une éternité de découvertes et d'autres choses que les mortels aiment. Comme les gâteaux à la vanille, visiblement, quoi que cela fut. Sûrement une spécialité culinaire... pas aussi bon que les escargots si on demandait à ce Dagon son opinion gustative.

La porte ouverte, Barnabé et son cavalier filaient à travers la maison, le Dagon enroulé mais face contre le ventre du chien afin de se dissimuler au regard des autres créatures bipèdes qui avaient élu domicile dans cette énorme grotte de bois sans une trace d'eau. Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre la sortie de ce sinistre endroit, et le Dagon constatait fièrement que son allié semblait jouir d'une position de force envers la larve de surface femelle à qui il adressait sur commande un glapissement, car cette dernière lui ouvrait la porte de la rue sans même s'opposer à son chien.
Très influent tu es, Barnabé, possèdes-tu des pouvoirs toi aussi ?
Woof.
Oh, je vois... une amie... seraient-ils capable d'une forme triviale de pacifisme ?
Woof !
Hmmm... intriguant, tu es plein de sagesse, Barnabé.

Le parcours à travers les ruelles nocturnes d'Ishtar dura un bon moment, durant lequel le Dagon serrait de plus en plus fort les flancs de Barnabé, pressé de retrouver les eaux de Dùralas. Il pouvait survivre des jours s'il le fallait hors de la mer, mais son corps n'était pas encore adapté à cette vie et il faisait une proie bien plus facile ici que dans les profondeurs. Moins vif, et surtout moins savant de la topologie du terrain bien que son trajet entre les griffes de l'équipe d'explorateur des Abysses lui eut beaucoup appris sur la surface.
Il avait entendu les échos des rêves de ses geôliers, analysé les visions qui lui avaient été transmises, les odeurs qu'il y découvrait, mais surtout, il s'était très vite acclimaté à leur langage simpliste et archaïque. Les Manuscrits Natsuhydriques ne mentaient donc pas... leur civilisation était peu évoluée, et ils recourraient aux gargarismes afin de communiquer. Les barbares...

Une fois au port, ce Dagon se hissait jusqu'à la mer et plongeait. Dans l'eau, il exécutait quelques ronds, commandait à un poisson qui passait par là de bondir jusqu'aux mâchoires de son allié canin, et envoyait une onde télépathique de joie vers Barnabé.
Les Profondeurs te remercient, Barnabé, où que tu ailles, nous veillerons sur toi. Oh, et évite de manger les excréments que tu trouves dans la rue, c'est risqué d'un point de vue sanitaire.

Le chien aboyait, après avoir goulûment dévoré sa récompense, et filait sans attendre retrouver son foyer.
De son côté, le Dagon faisait de même, non sans s'arrêter pour ouvrir une palourde et en sucer la chair avec voracité. Les non-palmés l'avaient nourri d'algues de la surface, bien trop fades, et d'un mélange cuisiné d'eau et de farine au levin... invraisemblable...

Mais cette épreuve avait porté ses fruits. Ce soir, il rêverait de bien plus encore, il rêverait d'un Institut de Magie et de Bibliothèques contenant les secrets de la surface. Il rêverait de l'avenir des enfants de Natsuhydr.

Le Dagon sert Natsuhydr, et les Abysses, tout ce qu'il fera le mènera irrémédiablement à son destin. Car les fleuves et les océans convergent tous en les cités endormies, celles qui n'attendent qu'à s'éveiller de leur sommeil éternel pour reprendre ce qui leur appartient de droit.
Mais à présent ce Dagon doit s'endormir, il a beaucoup à quoi rêver.