Allié à l’Homme-Lion au corps-à-corps du disciple, nous arrivions à monopoliser l’attention de celui-ci. Durant un court instant, l’élève survolté ne prêta plus attention à Diagoras qui s’était faufilé entre les jeux de jambes des combattants pour se rapprocher. Furtivement, il sauta sur son compagnon, profitant de sa fourrure dense pour s’y agripper et sauter de nouveau sur notre adversaire commun. Prit au dépourvu, l’élève lâcha un cri de stupeur des plus original lorsque le petit Mouss’queterre planta son aiguille dans son bras. Par prudence, il se retira du corps-à-corps, profitant d’un petit moment de répits pour faire le point sur la situation. A son regard, j’avais pu deviner qu’il y prêtait déjà plus attention depuis quelques échanges. Nous venions à bout de son endurance semblant infini ?

Azriel, quand à lui, chercha à couper cette pause, lui envoyant une fois de plus ses mystérieuses cartes. Avec la petite armée que s’était constitué ce dernier, la récupération du disciple se trouvait ralenti, malgré une précision laissant à désirer du lanceur de cartes. Ses petits compagnons rattraperait le coche, il le savait, cela se lisait dans son regard, cela s’entendait dans l’intonation de sa blague sortit de nulle part. Il semblait perdre patience, frustrer de ne pas pouvoir toucher sa cible.

Tandis que le peu de force du disciple l’abandonnait, le minotaure vint lui porter un coup de poing fracassant qu’il tenta désespérément de parer. La puissance du colosse emporta la garde de l’élève et le fit reculer de plusieurs mètres. Le visage redessiné de contusion et de coulis de sang, l’apprenti pugiliste gardait la tête froide et continuait à nous faire face en toute sérénité, se déplaçant de manière fluide et efficace. Pas un seul de ses mouvements n’était inutile, ses déplacements étaient réfléchis et il le démontrait parfaitement sous nos yeux. Faire preuve d’autant de vigueur et d’énergie, le voir se débattre ainsi face à autant d’adversaire, il y a avait de quoi déstabiliser le plus entraîné des guerriers. D’une certaine manière, j’enviai la prestance qu’il dégageait, ce qui me motivait à poursuivre le combat aussi férocement que lui. Prenant le relai de Doe, je me rapprochais de nouveau du combattant pour le pousser dans ses derniers retranchements. Après un enchaînement de coup de poing fulgurant, je fis mine d’armer mon bras droit dans un coup salvateur avant de feinter et me retirer rapidement d’un pas et lui décocher un coup de pied sous le menton.

Le coup pied l’avait coupé dans son élan et l’avait même fait s’élever quelques secondes dans les airs avant de reprendre sa garde toujours de manière naturelle. J’étais pourtant sûr d’y avoir mis toute ma force, mais pas une seule marque de fatigue, du moins supplémentaire, ne s’affichait sur son visage, comme si il n’avait fait que l’encaisser de son plein gré et de sa bonne volonté. Il avait se don de m’agacer à toujours tout encaisser sans broncher, mais il allait bien y avoir un moment où sa limite sera dépassé, ou ses muscles l’abandonneront, c’était un fait que l’on pouvait constater progressivement en le regardant combattre tout à tour contre chacun des participants de ce combat. Il ne rechignait pas à l’effort, mais en payait le prix. Combien de temps cela allait encore durer ?

Le vieil homme ne nous quittait pas du regard, admirant le combat depuis les tribunes désertes de l’arène. Impassible, il continuait d’observer le combat silencieusement, parfois fronçant les sourcils, parfois brillant de curiosité, il ne cachait plus le plaisir qu’il avait voir son apprenti se battre et s’adapter face à l’adversité. Mais plus que pour son apprenti, je sentais son regard se poser sur moi, ainsi que sur chacun de mes compagnons durant le combat malgré l’agitation constante. L’avantage du surnombre se faisait sentir, nous octroyant quelques temps mort en plein combat sans laisser de répit à l’élève. Au final, ce combat était plutôt à sens unique malgré de magnifiques parades et un sang froid inébranlable de bout en bout du combat. Je ne pouvais qu’admirer une telle ardeur du combat, ses mouvements et ses postures s’adaptaient avec une facilité déconcertante, aussi fluide qu’efficace, sa maîtrise du pugila n’avait presque aucun déchet, si ce n’est aucun. Comparer à lui, j’avais encore bien des choses à apprendre … Seul, il y a bien longtemps que le combat serait terminé, en ma défaveur.

Petit à petit, je me mis à perdre le rythme du combat, admirant le spectacle qu’avait orchestré Azriel et ses étranges petits compagnons. Urua n’était pas en reste non plus, taclant de toute sa masse le jeune homme qui nous faisait face depuis plus d’une dizaine de minutes à lui tout seul. Tous ne pouvaient que constater la ténacité hors norme du garçon, chacun de leur coup se faisait plus pressant que jamais, pressé de mettre un terme à ce combat. Moi-même je commençais à perdre l’envi de me battre, l’acharnement n’était pas vraiment dans mes cordes visiblement … Alors que Doeborksh se rapprocha à son tour pour faire décoller l’apprenti du sol, ce dernier se retira devant la horde d’Azriel qui commencèrent à monopoliser le corps-à-corps du combattant solitaire. Je tentais une ultime approche au détriment des petits amis du suceur de sang et tendis le poing du peu de forces qu’il me restait et ….

Si calme jusqu’à maintenant, le maître tapa par deux fois dans ses mains pour mettre fin aux hostilités. Tous s’exécutèrent sur l’instant, du mieux que le pouvait certain du moins, lorgnant sur l’apprenti, qui nous avait tenu en échec jusqu’à la fin, se rapprocher de son maître et s’asseoir à ses côtés. Le combat avait prit fin vraisemblablement, plus rien ne nous obligeait à nous battre et le vieil homme semblait avoir quelque chose à nous dire. Instinctivement, je me rapprochais de ce dernier, c’est alors que le temple tout entier se mit à trembler. Dans un premier sursaut, je scrutais avec inquiétude les alentours, puis dans la foulée, le second me fit le ver les yeux au plafond, duquel dégringolait lianes, cailloux et poussières, temple victime du temps passé.

Le tremblement ne dura que quelques instants et cela ne sembla pas inquiéter plus que cela le maître et son disciple, qui n’avaient pas bougés d’un poil. Tout deux continuaient de nous observer sans dire mot et nous, nous en faisions de même, attendant une quelconque révélation ou explication sur ce qui venait de se passer. Pour répondre à toutes ces questions qui devaient sans doute se lire dans nos regards, le vieil homme releva la tête et regarda machinalement autour de lui, mouvement que je répétai machinalement avant de saisir le sens de tout ceci.

Le pilier qu’il avait désigné du regard semblait luire d’une lumière chaleureuse, comme si celui-ci s’était animé d’une volonté qui li éait propre. D’autres piliers éclairaient l’arène secrète et à chacun d’eux, investirent les quatre coins de la pièce où nous nous trouvions. L’arène se trouvant au centre, baignée par les rayons du soleil qui nous parvenaient à travers les différents éboulis et murs détruit, seul l’une de ses structures luminescente semblait avoir un pouvoir attractif sur moi. Je ne pouvais le décrire, mais je pouvais parfaitement le ressentir, comme si quelque chose ou quelqu’un me poussait à me rapprocher. Mis à part un sourire ne me laissant qu’un tas d’interrogation, je tournais les talons et m’avançais vers le pilier au fond à gauche de la pièce. Je m’étais laissé absorber par ma propre curiosité, laissant dans l’oubli et l’indifférence Urua, Doe et Azriel. Pas un mot n’avait été prononcé, à moins qu’aucune voix ne puisse me parvenir, je continuais malgré tout d’avancer sans jamais me déconcentrer. Plus l’espace qui me séparait du pilier qui m’était, semble-t-il, désigné se réduisait, plus j’avais la certitude que ce dernier m’était destiné, arborant à son sommet, et en toutes lettres, mon prénom et mon nom. Par peur ou par curiosité, je m’étais retourné vers le vieil homme pour y décrire un quelconque indice sur ses motivations réelles, car ce n’était pas tout le monde qui savait qui il était vraiment. Pourtant, le maître était resté impassible et ne semblait pas vouloir se détacher de son sourire. Une certaine satisfaction émanait de ce sourire, mais je ne pouvais deviner sa nature, pour autant, je n’en oubliai pas ce qui m’attendait et me résolus à me consacrer entièrement à cet amas de roches décoratives et phosphorescentes.

A première vu, il n’y avait que mon nom qui était affiché en grand, mais le pilier, quant à lui, semblait vide de sens. Je ne comprenais pas l’intérêt de tout ceci, de toute cette mise en scène. Pourquoi ce vieil homme savait ? Que voulait-il me révéler ? Que cherchai-t-il ? Mon regard se posa sur les seules inscriptions présentes sur le monolithe en surbrillance, gardant un air interloqué. « Persévérance, Détermination, Inspiration ». Une énigme donc, assez sommaire et sans détour. Ces mots m’étaient-ils destinés ? Vraiment ? Devais-je y chercher quelque chose à comprendre derrière ces lettres ? Suis-je censé être davantage persévérant durant mes entraînements ? Plus déterminé face à l’adversité ? Plus inspiré pour autant de créativité ? Mon esprit resta confus quelques instants seulement, suffisant pour faire basculer le présent et d’effacer toute présence autre que la mienne dans ces lieux. Le vieil homme et son disciple se trouvait là l’instant d’avant, entouré d’Urua et les autres, alors pourquoi ils n’étaient plus là ?

Je ne parvenais pas à saisir la raison, mais ce dont j’étais sûr, c’est que l’arène était libre et qu’elle n’attendait que moi pour être dépoussiéré. Durant un temps qui me parut être une éternité, je me répétai sans cesse ces trois mêmes mots qui m’étaient apparus un peu plus tôt sur le pilier, trois mots qui n’avaient pourtant aucune valeur à mes yeux en entrant dans ce temple et qui, aujourd’hui, prenaient tout leur sens. Sans trop chercher à comprendre, tout en continuant à répéter ces mots, je m’étais laissé prêté au jeu et m’entraînais sérieusement, seul, au milieu de l’autel. Les poings tantôt serrés, tantôt apaisés, j’enchainais les postures et les mouvements en toutes fluidités, comme si je répétais une chorégraphie, une danse qui m’était familière. Bientôt, je me senti entraîné par le chant rythmé des chardonnerets posés sur quelques racines débordant du pant murale. La mélodie semblait s’accélérer petit à petit, me poussant à rompre certains mouvements traditionnels employés et les mélanger avec d’autres. La fatigue n’avait pas l’air d’avoir d’emprise sur moi, ni la faim, ni la soif. J’étais comme coupé du monde avec pour seul raison de vivre : m’entraîner. La sensation n’était pas désagréable et au fond de moi, je trouvais cela presque grisant, il n’y avait aucune limite, aucune barrière, seul l’envi d’apprendre et d’innover. Je m’étais retrouvé seul avec ces trois choses essentiels dont j’ai besoin pour avancer aujourd’hui, ces choses qui m’avaient fait défaut jusqu’à maintenant.










- Attendez !!


Un hurlement ébouriffant vint me tirer de mes songes. Portant mes mains à mon visage et écarquillant les yeux en grand tout en me relevant, je découvris un Urua légèrement agité qui finit par se ressaisir, laissant transparaitre la confiance en lui qu’il venait de gagner, du moins, c’est ce que son sourire me disait. Moi-même, je sentais comme un renouveau en moi, un sentiment agréable qui me traversait et me rendait de bon humeur sans explication particulière. Une fois sûr de m’être bien réveillé, mon visage finit par se déformer sous l’interrogation que je me posais maintenant. Nous n’avions pas bougé beaucoup de mémoire, pourtant la pièce mi-enterré dans laquelle nous nous étions présentés au maître et son élève avait disparu sous nos pieds, comme le reste du temple. En croisant du regard les trois autres, je devinais qu’eux non plus n’avait pas la réponse à cette question. Je m’hasardais donc à leur demander de lever le camp, après tout ses évènements riches en émotion.

Lonann Alhazred – Et bien, je sais pas vous, mais j’ai un p’tit creux. Caressant le pelage sombre de mon frère endormi.

Il n’y avait pas besoin d’ajouter quoi que ce soit, tout avait été dit. Non. Tout avait été vécu et c’est ainsi que le groupe reparti vers de nouvelles aventures.

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