Cela faisait maintenant quelques jours que le général et sa seconde avaient été accueilli au village djöllfulin en tant qu'invités par l'ambassadeur diplomate Chanveasna Punlok. Explorant cette nouvelle contrée ainsi que leurs us et coutumes, notre ancien aventurier était particulièrement curieux et émerveillé par cette nouvelle culture qui s'offrait à lui. Chanveasna Punlok, l'Ambassadeur leur avait bien volontiers détaillé les coutumes de leur peuple, histoire d'éviter les maladresses diplomatiques et avait également accepter de répondre aux questions plus culturelles de la Main Gauche, voulant parfaire ses connaissances sur cette nation. Chanveasna Punlok avait également tenu à indiqué les endroits recommandés et a éviter pour les invités de marque et ce furent ces endroits à éviter qui semblaient intéresser plus précisément la Main Gauche et le général. Il semblerait qu'une zone de ce magnifique village soit considérée évitable pour le moment à cause d'une "Ekkja"

Oser demander ce qu'est une Ekkja était quelque peu indiscret, mais cela ouvrait également à nos deux comparses, un nouveau pan de savoir sur la culture djöllfuline les entourant. Ainsi, il leur fut conté que dans la société djöllfuline, on trouve souvent des couples dédiant leur vie aux dieux. Dans ces foyers, on y trouve une forte connexion divine. Ainsi, s'il arrive malheur à l'un des deux amants, sa veuve sera appelée "Ekkja". Le vide, la douleur énorme provoquée par cette perte est si terribles qu'elle crée une rupture dans la relation avec les dieux. Inutile de dire qu'elles traversent une période difficile et qu'elles sont émotionnellement, mais aussi psychiquement très instables. Et c'est la tout le problème, elles possèdent une puissance magique très particulière et sont amenées à répandre le mal instinctivement, par la voie mentale comme elles voulaient que tous autour d'elles souffrent comme elles souffrent elles-mêmes.

Si Greil avait toute sa mémoire, il se rappellerait alors de son premier mariage et de sa naine, Eldiore. Malheureusement, ce n'était pas encore le cas et le général ne pouvait que compatir sans savoir ce que l'Ekkja pouvait ressentir. En revanche concernant Elincia, l'histoire était différente. N'ayant nullement perdu la mémoire, la vampire se rappelait encore très bien de ses années de bonheur avec Esgart et de la douleur de sa mort. Certes Esgart était mort de vieillesse, mais cela n'enlevait rien ni à sa douleur, ni à la folie meurtrière qui en avait suivit. La vampire ne pouvait que comprendre ce vide dans son âme, cette douleur dans l'abdomen se transformant en rage avec le temps. Cette douleur et cette colère continuelle que l'on pouvait ressentir lorsqu'on voyait des gens s'autoriser à être heureux lorsqu'on avait tout perdu. La vampire la comprenait, cette horrible douleur détruisant le corps et l'esprit et pour cause, elle l'avait elle-même vécue.

La vampire avait fait part de sa volonté d'aider l'Akkja et avait clairement laissé entendre qu'elle n'en posait pas la question et n'en demandait pas non plus l'autorisation. La Main Gauche avait même pris la liberté de congédier son propre général, indiquant qu'elle irait seule et qu'avoir un homme qui essaie de s'occuper d'elle est la dernière chose dont elle a besoin actuellement. La maîtresse des ombres et des corbeaux était donc partie, seule et sans armes létales avec elle. Elincia était partie à la recherche de cette Ekkja dont on lui avait indiqué l'emplacement habituel. La vampire savait qu'elle allait goûter à la détresse de cette pauvre djöllfulin, mais peu importe. Cette détresse, cette peine, prenant au ventre, ne fait pas peur à la vampire, au contraire, elle la connaît fort bien comme si c'était une vielle amie.

Parmi les éléments exotiques de la communauté à cornes, la vampire s'était vu désigner les jardins. Magnifiques havres de paix dont émanait une telle tranquillité. Quelques cerisiers avaient été transportés dans ce village et c'est le long d'un court d'eau que ceux-ci déposaient doucement au sol leur fleurs rose clair donnant des illusions féeriques à ce chemin de galets blancs bordés de pierres grises angulaires qui les séparaient du gazon parfait ou les cerisiers étaient plantés. Par endroits, nous pouvions également voir un petit plan d'eau ondoyant lentement et avec une sérénité et un unique banc pour admirer et s'imprégnier de la quiétude du lieu. C'était un de ces bancs que visait la vampire, le seul qu'occupait l'Ekkja occupée à pleurer sa détresse et maudire tous les heureux de cet univers. Approchant sans dissimuler sa présence, la maîtresse des Ombres s'adressa à la veuve esseulée, voulant la réconforter.

Elincia : Tu dois être celle dont Chanveasna nous a parlé. Je m'appelle Elincia et je voulais juste parler avec toi. Je suis passée part ce que tu traverses en ce moment et je voulais te soutenir, t'aider autant que je le pouvais. Tout comme on m'a aidé quand j'en avais besoin.

La djöllfulin se contenta de se lever et de regarder la vampire dans les yeux. Son aura mentale pénétrait le cerveau de la vampire et la djöllfulin essayait de lui partager, de lui faire ressentir, toute sa douleur. Cela était particulièrement efficace et, avec quelques souvenirs refaisant surface, des larmes vinrent couler le long des joues de la maîtresse des ombres. Elle connaissait bien cette douleur et l'avait acceptée depuis longtemps aussi en ressentant cette force dévastatrice une seconde fois, la vampire ne put que tendre une main amicale envers l'Ekkja.

Elincia : Laisse-moi t'aider.

Malheureusement, la djöllfulin ne l'entendait pas encore de cette manière et sa colère la poussait à faire exploser sa rage contre la vampire. Le combat allait être inévitable et Elincia allait devoir neutraliser cette djöllfulin sans la blesser. Il fallait la calmer et lui parler doucement quand celle-ci serait plus réceptive.

La djöllfulin, l'ekkja allait charger la vampire. Le combat allait être inévitable, mais la maîtresse des ombres ne voulait pas que celui-ci soit létal. Les deux veuves s'observaient mutuellement tandis qu'elle se levait de son banc, mais la rage de l'ekkja ne la laissait pas vraiment calculer ses chances, ni même analyser la situation. Il fallait que sa rage se manifeste, que "ça sorte" en clair. Fonçant sur la vampire sans réfléchir, la djöllfulin s'apprêtait à attaquer, mais c'était sans compter l'expérience au combat d'Elincia. Voulant neutraliser son adversaire rapidement et en provoquant le moindre mal, la vampire avança et se courba au dernier instant, bénéficiant de sa vitesse et de l'élan de son adversaire pour lui porter un coup dans l'estomac. La djöllfulin recula de quelques pas en se tenant le ventre et la vampire, désolée, lança à son adversaire envahie par sa tristesse.

Elincia : Calme-toi. Je ne suis pas là pour te faire du mal. Je veux juste discuter.

C'était peine perdue et déjà l'Ekkja se préparait à attaquer de nouveau. Elincia va devoir la neutraliser complètement avant de pouvoir la réconforter, malheureusement.

Visiblement, l'Ekkja ne voulait pas discuter, mais bien se battre. La tristesse de la perte de son bien-aimé s'était changé en rage et elle n'était actuellement que douleurs et violence exacerbée par la tristesse et le vide profond que son cœur ressentait. Pour cela, Elincia ne pouvait pas blâmer la jeune Djöllfuline ayant elle-même ressentie ce vide dévorant et poussant à faire le pire autour de soi. Ce sentiment de colère et de douleur permanentes faisant souhaiter que tout le monde ressente cette peine, cette douleur poignante et paralysante. La jeune veuve Djöllfuline pensait sans doute que personne ne pouvait comprendre sa douleur actuelle et ne pouvait tolérer que d'autres soient heureux alors qu'elle souffrait et cela, Elincia ne le comprenait que trop bien. Malheureusement pour la vampire, elle était actuellement la cible de la colère de l'Ekkja et elle allait devoir la neutraliser pour pouvoir ensuite lui parler. La colère l'aveuglant, celle-ci n'est pas en mesure d'entendre ceux qui lui parlent ni même de raisonner autrement que violemment.

Plus solide qu'elle n'en a l'air, l'Ekkja avait encaissé le coup porté à l'estomac et avait même répliquée. Une attaque mentale, un choc violent pendant lequel tout devint noir pendant un instant. Paralysée par la puissance de la Djöllfuline, Elincia ne put que serrer les dents sous la douleur et se préparer à recevoir une seconde attaque, le temps que sa paralysie s'estompe. Ce fut un coup violent suivi d'une décharge électrique qui parcourra le corps de la vampire. La Djöllfuline avait vraiment frappé fort et Elincia en laissa échapper un cri de douleur qui se changea rapidement en cri de rage tandis que la vampire se jetait sur son adversaire. Elincia veut bien être gentille est compatissante, mais il y a des limites. Elle ne va pas se laisser tuer non plus sans réagir. Empoignant celle qui venait de lui occasionner tant de douleur par le col de sa tenue et fermement de ses deux bras, les jambes de la vampire entourait l'Ekkja tandis que ses bras se rabattait vers son visage. Ce fut un puissant coup de tête qui heurta la Djöllfuline en plein front et qui la mit K.O. Djöllfuline qui se réveillera sans doute avec une belle bosse et un magnifique bleu sur son front rouge.

Elincia était posée à coté de son adversaire du jour, allongée au sol et regardant paisiblement le ciel de la nuit en attendant que l'Ekkja reprenne connaissance. La Djöllfuline ne reprit conscience qu'après plusieurs minutes, visiblement calmées, mais encore énervée par sa douleur à laquelle devait s'associer une belle migraine désormais. Ce qui ne l'empêchait pas d'être acerbe et désagréable dans ses propos malgré la noblesse de son espèce.

Ekkja : Qu'est-ce qui c'est passé et qui es-tu ?

Elincia : Une personne qui ne te veux que du bien et t'aider à surmonter ta douleur.

Ekkja : Et qu'est-ce que tu peux bien savoir de ma douleur, vampire ?

Elincia : Perdre son mari après soixante ans d'un mariage ayant été baigné de bonheur, d'amour et de milliers de petites affections, ça laisse de nombreuses traces et un vide très douloureux d'une grandeur que je n'aurais jamais pu imaginer avant de le ressentir. Vu à quel point, tu sembles en souffrance, je ne peux qu'imaginer à quel point ton homme devait être quelqu'un de bien. Malheureusement, je n'ai que mon expérience personnelle à t'offrir pour t'aider à surmonter cette épreuve.

Ekkja : ... La douleur partira un jour ?

Elincia : Non. Elle s'estompera au point que tu pourras vivre normalement avec elle, mais elle ne partira jamais totalement. C'est aussi le signe que tu n'oublieras jamais le souvenir ni l'amour de celui qui a partagé sa vie. Et ça deviendra positif, avec le temps. Mais en attendant, tu n'es pas seule dans cette épreuve, tu peux compter sur moi et sur ton village.

L'Ekkja passa d'allongée à assise, regardant toujours le ciel, tout comme la vampire. Silencieuses, les deux femmes appréciaient le moment de calme qu'il y avait avant que l'une ou l'autre n'essaie de reprendre la conversation. L'orage était passé dans l'esprit de la Djöllfuline et elle pouvait de nouveau raisonner tant qu'elle ne se laisse pas submergée de nouveau par sa tristesse.