Elle sortit un instant de l’auberge pour laisser un peu d’intimité à Amarïe et Melhyndil. Elle les savaient très proches, peut être plus qu’elle n’aurait voulu le savoir, mais n’en montra rien.
Jugeant la sécurité suffisante, elle avait laissé son bouclier et son sac, et sa lance, ne gardant qu’un coutelas par habitude.
Elle s’installa sur la margelle d’une fontaine au bruissement reposant, en vue de l’auberge pensive.
Elle ne se souvenait pas de son enfance, mais le bruit de l’eau l’avait toujours détendue et inspirée, aussi sortit elle le petit bout de bois de sa poche pour entreprendre à le sculpter. Sur cette pièce, elle ne cherchait pas à représenter quelque chose en particulier, se laissant uniquement guider par sa fantaisie et son intuition. Au fil du temps s’était dégagé une figure canine, entre chien et loup, dont elle affinait le museau en faisant voler quelques copeaux sous la pointe de son couteau.
Soudain, elle sursauta, s’entaillant légèrement l’extérieur du pouce.
Un vieux bonhomme venait littéralement d’apparaitre à ses cotés, assis sur la margelle. Il s’était assis à coté d’elle sans qu’elle s’en aperçoive, toute à son travail.
Il portait une sorte de tunique râpée toute simple mais robuste, des vêtements amples comme un poncho ou une bure dont dépassait des bottes d’un jaune citron d’assez mauvais gout mais d’un remarquable travail d’artisanat. Il n’était pas armé, portant un bâton en bois noueux sur lequel était perché une chouette, qui regardait Ceinwynn, clignant de temps en temps des yeux.
Il semblait âgé, arborant une barbe fournie bien que propre, une chevelure mi longue ondulée tombant sur ses épaules larges, ressemblant à une sorte de druide, d’ermite s’étant perdu en ville.
Il la regarda, fronçant ses sourcils broussailleux en observant la coupure à son pouce.
« Oh Oh Oh… on dirait que nous avons effrayé notre sculptrice, Shambalah » dit il en se grattant la barbe, s’adressant à la chouette perchée sur son bâton qui hulula un bref assentiment.
Avec une vivacité surprenante pour un homme de son âge, il avait pris sa main, semblant l’étudier comme quelque créature insolite. Ceinwyn tenta de la retirer, méfiante envers les inconnus et répugnant aux contacts physiques dont elle n’est pas à l’origine mais elle sentit la poigne de fer du vieil homme pour la maintenir.
« Quel étrange destin est ce la » dit il, comme si il lisait dans les lignes de sa main dégantée.
« Ca va aller, l’ancien, ça n’est pas grand ch… » dit elle en tentant de retirer sa main une nouvelle fois avant de constater que la coupure avait disparu.
Le vieux druide éclata d’un rire sonore, jovial et communicatif. Après l’étonnement, Ceinwynn finit par sourire, brièvement.
« Oh Oh Oh ! un sourire ! gai dol ! » rugit il d’une voix forte riant d’autant plus en la voyant marmonner, prise sur le fait à quitter son expression morose, comme si c’était une faute.
« Voilà qui est mieux, même si ça n’a pas duré… un soleil d’hiver à travers les nuages. » continua t il en lui souriant.
« Merci l’Ancien, mais il fallait garder tes forces pour ceux qui en ont besoin. » Marmonna t elle.
Le vieux bougre se leva alors, regardant autour de lui, puis même derrière la fontaine, un rien cabotin.
« Je ne vois personne ici, jeune Ceinwynn soleil d’hiver et tu en avais besoin. » lui sourit il, fronçant les sourcils, en faisant semblant de la gronder. Le vieux druide avait quelque chose de chaleureux qui inspirait confiance, mais elle ne céda pas à la tentation de se détendre.
Il regarda sa sculpture.
« Trouve tu quelques réponses dans ce bois ? peut être t’aurait il aidé quand il était vivant. » lui glissa t il, calant son bâton contre la margelle.
« Quel est ton nom, l’Ancien ? » lui dit elle, rangeant la sculpture dans sa poche.
« Mon nom ? Oh oh oh, mais j’en ai beaucoup…je suis l’Arpenteur, alors j’arpente !. » lui dit il avait bienveillance.
Elle se tourna pour déposer son couteau de sculpture sur la margelle avant de froncer les sourcils, posant la main sur le dit couteau, sa musculature se tendant.
« Comment connais tu mon nom l’anc… » dit elle avec méfiance en se tournant vers le vieux, bien décidée à avoir une réponse claire qui lui plaise.
Il avait disparu…. Disparu comme si il n’avait jamais été la, lui, sa chouette et ses sourcils broussailleux.
La guerrière cligna des yeux.
Avait il seulement jamais été la ? elle secoua la tête, qu’importe en vérité et étira un sourire.
Elle crut presque entendre un rire sonore…Oh Oh Oh.