Mémoires d'Altair SiegfriedA l’heure où ces lignes sont rédigées, j’observe le paysage morne des Terres désolées alors que les cris d’enfants s’élèvent dans toute la maisonnée. Les discussions fusent, les pas des domestiques résonnent... Tout est si
vivant.
Je me souviens encore de ma propre enfance. A l’époque, nous n’étions qu’une petite famille de vampires parmi tant d’autres : ni respect bien que notre sang fusse pur, ni admiration pour une fortune inexistante. Les jours s’écoulaient, encore et encore, répétant les mêmes rituels. Je sortais chasser de nuit avec mon père et mes deux frères tandis que ma mère veillait sur les plus jeunes dans notre masure de fortune.
Dans ce temps, le prestige se gagnait par la force plutôt que la pureté du sang comme aujourd’hui. Mais cela était compréhensible. Pourquoi aurions-nous contaminé des humains ? Ils constituaient une source de nourriture et nous n’aurions rien gagné à faire d’eux des nôtres, ou encore pire, des ennemis incontrôlables. Nous les tuions pour leur sang, laissant dans notre sillage nocturne des cadavres, c’était mieux ainsi. Stupide autrement.
C’est pourquoi notre race était encore pure, ne comptant qu’une infime minorité de « vampires Bêta » vivant dans notre ombre.
Nous sortions chasser, nous affrontions nos ennemis de cœur, les lycanthropes, nous dansions sous la lune de sang. Encore et toujours, depuis maintes générations. A cela se résumait notre existence. Et étrangement, nous nous en accommodions.
Si nos luttes contre les lycans étaient monnaie courante, elles n’équivalaient encore l’ampleur de celles jusque avant Spelunca, trois cents ans juste après ma naissance. Spelunca, le mage hybride, j’entends. Ce fou génial que j’admirais secrètement.
Quand nos rivalités avec les lycans devint-elle une guerre ouverte, dont le génocide aurait été la seule fin possible ? Comme tout conflit, il est difficile de rendre les origines claires et nettes. Mais de ma propre supposition, elle aurait débuté à cause de vampires bêta.
Comme je l’ai écrit, ils n’étaient très nombreux et peu nous importait leur existence : ils vivaient en secret, dans la peur que nous leur inspirions, dans l’ombre de notre lune. Incontrôlables, sinon par leur instinct et l’odeur du sang. Aussi serait-il idiot de faire l’hypothèse que l’un d’eux ait tué un lycan important ? Ou peut-être tué des enfants. C’était l’unique chose sur laquelle toutes les races s’accordaient : les enfants étaient précieux, intouchables.
Bref, le massacre survint brusquement et mit fin à notre routine chasser-chanter-enfanter-crever. Je livre ici ma secrète pensée d’alors : j’étais heureux de trouver un but autre que la simple vie.
La survie.
Crétin, l’étais-je peut-être mais je me souviens encore de cette jouissance à tuer non pas pour se nourrir, mais pour enlever une vie. La première m’était naturelle. La seconde m’était nécessaire. Et je ne regrette aucun de mes actes : les regrets sont pour les pleutres.
Finalement, Spelunca mit fin à ce massacre entre fils de la lune un peu plus d’un demi-millénaire depuis les débuts. Ce que certains nomment « le pacte de Spelunca » bien que pacte il n'y eut réellement.
Cette guerre avait eu la conséquence de bouleverser notre organisation. Notre race n’obéissait plus à un seul vampire surpuissant mais à différentes familles : certaines s’étant illustrées pendant le conflit, d’autre en raison de la pureté de leur sang. Les deux allant souvent de pair.
Je passerai sous silence le bordel sans nom qui découla de cette réorganisation et des affrontements internes, pour ne simplement écrire que nous, Siegfried, profitâmes de cette situation pour s’élever. Mon but n’est pas de décrire toute l’histoire du peuple Vampire après tout ; je me suis longtemps égaré dans mes propos déjà. Et je mourrai sans doute avant d’avoir fini. Surprenant, n’est-ce pas ?
***
Quoiqu’il en soit, nous devînmes connus petit à petit : mon frère, Sieg, était devenu un stratège hors-pair qui nous valut bien des victoires contre les lycans, tandis que Rydiel, une de mes sœurs, menait avec brio son commerce. Les autres enfants de ma famille étaient morts durant la guerre, de même que ma mère. De mon coté, je jouais les mercenaires sous les ordres de Sieg tandis que mon père gérait la famille. Des vampires talentueux nous rejoignirent, notamment une petite femme capable de prédire l’avenir… Un drôle d’oiseau.
J’atteignis mon millénaire d’existence pendant cette période.
Les choses évoluèrent lentement mais sûrement, si bien que nous nous retrouvâmes pourvus d’un petit corps armé ainsi que d’une fortune conséquente. Nous quittâmes les alentours de Spelunca pour les Terres désolées où je demeure encore aujourd’hui : notre père et ma sœur moururent sous des lames jalouses, de vampires, de lycans ou d’humains, aussi Sieg et moi fîmes des Siegfried une puissance militaire.
Ainsi, nous prîmes part au conflit des géants notamment. Ce n’était pas l’unique guerre durant laquelle les Siegfried intervinrent : mais c’était la seule où nous nous investîmes plus que de l’argent. J’y pris part, combattu aux cotés des géants, connus défaites et victoires. Et bien qu’elle ne concerna aucunement les vampires, les Siegfried furent souvent aperçus sur le champ de bataille…
J’en tirai de nouvelles cicatrices et un peu plus de plomb dans la tête.
Ainsi, quelques siècles plus tard, je me retrouvai à la tête des Siegfried, un gamin à élever et une femme à aimer. Nul besoin de s’étendre là-dessus, rien me garantis que aies l’âge de savoir les détails, toi qui me lis.
De toutes manières, je terminerai mon récit ici pour le moment, en attendant que des événements intéressants surviennent.
- Altair Siegfried
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