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Le Monde de Dùralas


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 Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]

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Axe
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Axe

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MessageSujet: Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]   Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE] EmptyJeu 29 Aoû 2019 - 17:46
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Lorsqu’un secret dépend de la discrétion de plus d’une poignée de langues, c’est qu’il est déjà en danger. Les mages chargés de ramener Saigo à la vie étaient six. Les Adeptes du Dragon, auxquels ils appartenaient, étaient une église entière.

Au moment où le deuxième religieux, supplicié, sentit la magie monstrueuse du rituel s’attaquer à ses organes, il capta du coin de l’œil une lueur dans l’obscurité. Son esprit embrumé par la douleur eut un sursaut. Là-bas, dans le noir, deux yeux étaient dardés avec intensité sur la scène macabre. Malgré toutes les précautions qu’ils avaient prises… ? Le mage, étouffé par sa propre rate, n’eut jamais l’occasion de signaler sa dernière vision au reste de ses compagnons, qui moururent à leur tour pour nourrir les cercles magiques au centre desquels reposait Saigo. Le propriétaire de la paire d’yeux importuns dut se faire violence pour tenir sa position. Cela faisait des mois que l’événement se préparait, et pourtant, une terreur flagrante sur le visage, les adeptes ne donnaient pas l’impression de savoir parfaitement ce qu’ils faisaient…Leurs délitations consécutives signifiaient-elles le succès ou l’échec de leur opération ?

Lorsque le dernier d’entre eux mourut, l’espion, pendant un instant, crut que les mages avaient échoué à contrôler leurs sorts abjects et se prépara à faire volte-face, pas mécontent de tourner le dos à cette boucherie. Mais un poing jaillit du cercueil. Puis un corps nu, famélique, raide, qui s’assit lentement dans sa tombe.

Tremblant de dégoût, l’espion quitta sa cache précipitamment et regagna sa chambre dans les hauteurs de la Tour Noire, où il rédigea d’une main faible le récit du rituel qui s’était déroulé sous ses yeux. Les rumeurs qu'il avait interceptées étaient donc fondées...cette abjection ne pouvait pas avoir été perpétrée au nom de Mahriser. Il roula son message, tira un pendentif en forme de lotus des plis de sa chemise et s’en servit pour sceller le cachet de cire noire qu’il coula sur le papier épais, puis siffla son corbeau, qui avait lorgné l’opération d’un œil depuis un perchoir en hauteur. « À la louve. Vite ! » Chuchota-t-il à l’oreille de l’oiseau, dont le regard intelligent s’alluma. Un bruissement d’ailes plus tard, l’espion, conformément aux ordres qu’il avait reçus, quitta sa chambre pour l'air frais des Baldors et s'élança dans la nuit sur un sentier étroit, luttant contre l'envie d'utiliser ses deux ailes sombres pour mettre le plus de distance possible entre lui et le souvenir macabre du rituel. Il avait assez de ses pieds pour gagner les ruines où l'attendraient ses prochaines directives, et tout intérêt à se faire discret.

***

Ce soir-là, Axe sentit immédiatement qu’il ne s’agirait pas d’une pleine lune habituelle.

Les yeux rivés sur l’astre qui dégorgeait sa lumière blanche et crue par la fenêtre de son bureau, la régente, allant pour se servir un large verre de rhum, suspendit son geste. Elle reposa lentement sa bouteille et plissa les yeux. Cette fois-ci, son rituel mensuel ne lui disait rien.

Repoussant sa chaise dans un long grincement, Axe se leva et entreprit de quitter son bureau encombré, les mains dans les poches. Son irruption dans les couloirs de Lédéhi provoqua une vague de claquements de porte précipités. Par une nuit comme celle-là, si la louve était de sortie, mieux valait se claquemurer dans sa chambre et faire profil bas jusqu’au lever du soleil, le dernier des bleus en avait été informé le jour où lui avaient été remis son habit noir et son insigne. À vrai dire, c’était rare, la jeune régente préférant à l’accoutumée s’assommer avec un bon cru plutôt que d’essuyer la transformation fatidique ; peu importait qu’elle se changeât en bête affamée en plein centre de Lédéhi si elle était trop ivre pour aligner trois pas, une bonne gueule de bois valait mieux qu’un cadavre sur les bras ou qu’un jour de congé. C’était son raisonnement habituel, et, cette pensée en tête, elle ne manquait jamais de descendre goulûment son rhum « tonifié » aux herbes des marais le soir qui convenait. Mais pas cette fois.

Un verrou cliqueta quelque part devant Axe. Elle entendit un grommellement s’élever d’une chambre occupée par un vampire mécontent, auquel elle répliqua par un coup de pied brutal qui fit hurler le bois de la porte vétuste. Les jurons cessèrent et la lycanthrope se fendit d’un large sourire.

Un vent lourd l’attentait au sortir de Lédéhi, porteur de l’odeur de quelques goules que ses hommes avaient éliminées et empilées non loin de l’entrée. Axe sentit son virus s’éveiller lentement sous la caresse des rayons lunaires. Il n’y avait pas à chier, même éclairés par une pleine lune sans nuages, les alentours de sa demeure étaient sordides. Quelques têtes curieuses pointèrent aux fenêtres du bâtiment alors qu’elle se débarrassait de sa veste et de ses bottes, délassant d’une main le col de sa chemise. Elle reprit sa route sans se soucier de plier ou d’abriter les vêtements qu’elle avait laissés tomber à terre. Personne n’oserait y toucher. Son sang palpitant commençant à battre désagréablement à ses tempes, la régente s’alluma un cigare, étira son dos et ses épaules, puis planta ses poings sur ses hanches et attendit tranquillement la suite des évènements. Pour peu qu’aucun abruti n’ait décidé de se lancer dans une course de fond nocturne autour du quartier général endormi, et tant que les curieux qui guettaient son déchaînement ne s’essaieraient pas à la bêtise fatale descendre se mesurer à sa forme de louve, la nuit passerait sans encombre.

La régente fronça les sourcils. L’écho feutré d’une volée de pas avait justement fait son apparition dans son dos, qui ne semblait pas se diriger vers les portes de Lédéhi.

« C’est une plaisanterie ? » grommela-t-elle en se retournant à moitié, dardant un regard luisant sur l’importun. Il s’agissait d’un de ses assassins d’élite. Coiffé d’un chapeau à larges bord, l’homme capé fila droit jusqu’à sa supérieure sans se laisser démonter par son ton orageux, le poing refermé autour d’un rouleau de papier froissé.

« Une missive urgente en provenance de la Tour Noire, annonça-t-il d’une voix égale.
- Ais-je l’air d’humeur à entendre parler du chenil de Zéphalia ? File jusqu’à mon bureau et pose-moi ça sur le reste de la paperasse, répondit Axe avec autorité. Ses dents avaient déjà pris l’apparence de deux rangées de crocs effilés. Le vampire, rompu à ses coups de sang, se contenta de lui tendre le rouleau rudimentaire. Le visage de la louve s’assombrit. Elle rafla la missive d’un geste brusque et fit sauter son cachet. Ses yeux se posèrent sur les lignes tremblantes qui composaient le message, un paragraphe bref dont l’encre n’avait pas encore eu le temps de sécher, et, alors que son soupir agacé se muait lentement en un profond grondement de bête, elle se plongea dans la lecture de son texte. Un silence de mort s’abattit sur les lieux.

Après une longue minute, la louve abaissa le rapport. Elle l’embrasa du bout de son cigare et le laissa tomber sur le sable, puis tira une longue bouffée de fumée, interdite.
- Es-tu sûr de ton homme ? 
Le vampire acquiesça. Présenter une nouvelle pareille à la jeune régente sans garantie du sérieux de sa source ou se jeter dans un bûcher…Même si leur relation n’avait jamais été officialisée au sein de la sombre demeure, environnée d’une aura de secrets et de danger palpable, personne à Lédéhi n’ignorait qu’un lien l’avait un jour unie au Bras Droit de Styx, et l’hostilité à peine dissimulée que la fille nourrissait à l’égard des stryges noirs depuis l’assassinat de l’exécuteur sonnait comme une preuve criante à bien des oreilles dans les rangs de la Congrégation. Cette faiblesse juvénile lui était pardonnée par la plupart. Qui avait un jour perdu un mentor savait que ce genre de mésaventure frappait fort et profondément les jeunes esprits.

Axe s’aida d’une bouffée de cigare supplémentaire pour conserver son calme, prise de sentiments mêlés. Elle savait depuis longtemps déjà que quelque chose tramait à la Tour Noire, c'était son métier. Mais ça ? À supposer que la missive dît vrai, car ce point, selon elle et ce malgré l’assurance de son subordonné, était à prendre avec précautions, ramener Saigo maintenant était un tour cruel. Son mépris pour les sujets de Zéphalia s’accrut encore un peu. Pensaient-ils pouvoir effacer les conséquences d’un gâchis comme celui de l’assassinat de son mentor en sacrifiant la vie d’une poignée d’abrutis un soir de pleine lune ? Styx n’était plus, la Congrégation avait muté, la Tour Noire l’avait enterré. Il y avait une raison pour laquelle on ne relevait pas les morts.
Que doit-on faire au sujet de… ? 
L’assassin, bien que peu impressionné par la férocité animale de sa régente, se méfiait de l’air mauvais dont son visage s’était paré et n’osa pas prononcer le nom de son ancien maître.  

Trouvez-le et isolez-le, quoi qu’il soit. Je vous rejoindrai au matin. »

La Congrégation de l’Ombre encercla le Lac Fresha une heure exactement après que la nouvelle eut quitté les étages de la Tour Noire. Sous l’ordre de la régente, qu’un portail avait transporté dans les montagnes avant que la pression de son virus ne devînt insupportable, la centaine d’hommes convoquée se dissémina dans les bois et engagea une battue silencieuse, silhouettes noires invisibles dans la pénombre. La piste du revenant ne tarda pas à être découverte. Une odeur de caveau, des branches brisées, les traces d’un pas trainant, les reliques d’une tunique en lambeaux parsemant les griffes tendues des fourrés. Alors qu’un petit groupe d’assassins se lançait à sa poursuite, le reste des forces déployées s’immobilisa dans les ombres et une nuée d’yeux rouges investit les alentours des Tours jumelles, guettant le moindre mouvement. Nettoyés par six mains gantées, les signes de la fuite du stryge furent estompés au nez et à la barbe des oiseaux nocturnes, tandis qu'au pied des vestiges de la Tour Grise, deux ombres masquées éliminaient l’espion dont leur régente avait réclamé la tête ; pas une aile alertée ne frémit cette nuit-là, ni au cours des rondes de la Phalange Sombre, ni sous le couvert des arbres.

À l’aube, alors qu’une ligne rouge se levait au-dessus des Baldors, dix silhouettes vêtues de noir encerclèrent Saigo sans un mot, surgies des fourrés. Les abords du lac frémissaient sous l’effet d’une brise froide.

Le craquement d’un pas lent dans les buissons brisa le silence de la scène. Axe, terminant de boutonner le col de sa veste, posa les yeux sur la carcasse anguleuse que ses hommes avaient isolée. Son visage tâché de sang se contracta avec dureté. Ainsi, c’était cela qui s’était levé sous les incantations des Adeptes. Roulant des épaules, ses muscles encore gonflés par le virus saillant sous son habit noir, elle s’assit sur une souche couchée à quelques mètres du stryge, renvoya ses homme d’un geste de la main et s’accouda à ses genoux avec gravité. Elle était sous le vent. Un an après son assassinat, elle se souvenait encore de l’odeur de son mentor, autour duquel flottaient en permanence des effluves de sang, de cuir et d’acier mêlées. Comment l’oublier ? Saigo sentait la Mort…cette chose devant elle puait le cadavre.

Les yeux rivés sur la barrière de mèches noires qui dissimulait les traits du stryge, Axe prit finalement la parole.

« Tu dois avoir des questions. Découvre ton visage. »




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Saigo
Ombre de la C.O ♦ Élu de Marihser

Saigo

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MessageSujet: Re: Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]   Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE] EmptyJeu 29 Aoû 2019 - 23:12
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Il faisait noir. Pas une once de lumière ne filtrait d'où que ce soit. Il ne voyait rien, ne sentait rien, ne touchait rien. Il flottait, insecte minuscule dans un océan vide. Il dérivait sans but, vidé de toute conscience. Une coquille vide, ni plus ni moins. Incapable d'influer sur son propre destin, ni même de se rendre compte de l'existence de ce dernier. Pas de souvenirs, pas de rêves, pas de perspectives autres que ce simple fait : il continuait de dériver à l'infini, sans penser à ce qu'il pourrait faire pour changer cette situation. Comment aurait-il pu, alors qu'il n'avait même plus conscience de lui-même ?

Tout se fit à la fois lentement et rapidement. Aux travers de ses yeux fermé, il percevait des nuances. La masse sombre dans laquelle il flottait se délitait. Des volutes rougeâtres apparaissaient aux limites de son champ de vision, avant de disparaître dès qu'il tentait de mieux les percevoir. La capacité de perception était revenu. Il n'était toujours maître de rien, à bord de ce vaisseau bloqué en mode auto-pilote. Mais il percevait des choses. Du mouvement, du changement. Il avait à nouveau conscience de lui-même. À ce stade, il n'était pas sûr de ce que « lui-même » signifiait. Il ne savait pas qui, ou ce qu'il était, mais il ressentait de la peur. C'était un sentiment qu'il ne reconnaissait pas. Mais il était terrifié. Terrorisé par cette perception nouvelle, cette incapacité à comprendre pourquoi, ou comment il en était à nouveau doté. Terrorisé par l'idée d'être incapable d'influer sur la suite des événements, d'être condamné au rôle de spectateur inactif d'un spectacle invisible, mais dont il percevait chaque particule. Terrorisé à l'idée d'étouffer.

Il avait de nouveau conscience de son corps. Ses doigts remuèrent faiblement. Certains de ses muscles atrophiés se contractèrent brièvement. Ses paupières vacillèrent, mais demeurèrent closent. Secondes après secondes, il percevait à nouveau son corps, sa forme, sa composition, ses forces et ses faiblesses. Puis vint la douleur. Perforante, glaciale, impardonnable. L'odeur de la mort fut la première à emplir à nouveau ses narines.

Saigo ouvrit grands les yeux.

Le souffle court, le regard embrumé, il sentit la lame perforer son plexus solaire. Devant ses yeux, un homme aux larges ailes noires, mais au visage et au corps masqué par une armure épaisse et finement taillée. Ce dernier retirait lentement son épée des entrailles de la victime, avant de reculer d'une manière qui n'avait rien de naturel. Vint ensuite un autre homme, sans tête, dont la large lame venait ouvrir son flanc. Là encore, la blessure, grave, se referma au fur et à mesure que l'épée quittait sa peau, tandis que le visage buriné, barbu et chevelu reprenait sa place sur les épaules du corps inconnu. Onael. Ulfma.

Il connaissait les noms. Il connaissait son nom. Il revivait des événements passés, et ça continuait. Les attaques de différents hommes et femmes aux ailes noires, qu'il reconnaissait un à un. Le temps s'écoulait à l'envers, mais la douleur se répandait de plus en plus dans son corps. D'une manière ou d'une autre, son esprit rappelait à son corps les affres qui l'avait conduit à cette situation. Il étouffait toujours, mais il distinguait de la lumière. Elle filtrait au travers d'un voile opaque, qui obstruait sa vision.

Saigo perfora ce voile d'un coup de poing.

Il geignit faiblement. La douleur venait de lui scier le bras, figeant ce dernier dans l'air glacé de la nuit. Seul son avant-bras droit dépassait du cercueil, bientôt rejoint par le bras gauche. À eux deux, ils finirent, difficilement, de dissiper ce voile opaque qui l'empêchait de voir, de sentir et de percevoir son environnement. Lorsque ce fut fait, Saigo manqua de perdre connaissance à nouveau. Il suait à grosses gouttes, épuisé par ce maigre effort. Il gisait nu dans cette boîte de bois, son corps rachitique baignant dans la lumière nocturne. Il lui fallut de longues minutes avant de se redresser en position assise. Débarrassé de ses œillères de circonstance, il embrassa le paysage autour de lui. Plat, monotone, le vallon qui séparait les deux Tours n'avait pas changé. Des souvenirs d'enfance lui revinrent, au même titre que d'autres qui lui semblait à la fois plus récent, et plus invraisemblable. Derrière lui, le lac Fresha. Il se revoyait, fringant, invincible et sans peur, s'avancer dans l'étendue fraîche pour se battre avec un esprit, sous le regard d'une femme-serpent aux charmes exotiques. Il se revoyait, gamin apeuré, virevolter autour des charges d'un sanglier en furie. Il se revoyait, jeune homme arrogant, massacrer de jeunes stryges blancs qu'il avait repéré un peu plus loin. Un sourire sincère étira ses traits. Malgré la douleur, malgré la faiblesse, il n'y avait toujours rien qui le rendait plus heureux que de voir un stryge blanc mort.

Encore incapable de se lever, il hissa à grand peine sa carcasse longiligne hors du cercueil. Son corps s'affaissa mollement dans l'herbe fraîche. À grand renfort de grognements, l'assassin parvint à se mettre à genoux. Autour de lui, il y avait des cadavres, des tuniques sans porteurs, des lignes tracées avec soin, des écrits qu'il ne comprenait pas. Saigo n'était pas encore capable de comprendre ce que tout cela signifiait. Il lui manquait trop de données. Agenouillé au centre des trois cercles magiques, il avisa la rune qui brûlait faiblement sur son torse, à moitié mangée par le trou laissé par l'épée d'Onael.

Je suis Saigo. Je suis un stryge noir. J'ai été tué par Onael, Ulfma et leurs alliés... et je suis de nouveau vivant.

Sa voix n'était qu'un faible râle, mais s'entendre prononcer ces quelques mots lui permit d'éliminer les derniers doutes qui demeuraient quand à sa dernière affirmation. Il était bien vivant. Il avait été ramené à la vie. Il percevait, il ressentait, il respirait.

Je suis un stryge noir. Les stryges noirs vivent à la Tour Noire et sont dirigées par la Matriarche Noire. Ils ont pour coutume de brûler leurs morts. Il fronça les sourcils. Il récitait là les informations dont il était absolument certain. Mais si la crémation était la norme, pourquoi avait-il échappé à ce destin ? Ils brûlent leurs morts... à l'exception de ceux ayant marqués l'histoire. Ceux-là sont enterrés dans la Grande Crypte. Ce qui signifie que j'ai marqué l'histoire.

En l'état, il était incapable de se remémorer de ses exploits guerriers. Il se souvenait des trois grandes castes du peuple stryge : les Adeptes du Dragon, la Confrérie Noire et les Exécuteurs. Les marques sur son corps nu lui disaient à quel groupe il appartenait. Mais Onael et Ulfma... il n'en était pas sûr. Il supposait qu'eux aussi étaient des Exécuteurs.

J'étais un Exécuteur important. J'ai été tué par mes alliés.

Pourquoi ? Ses maigres souvenirs lui rappelaient que des Exécuteurs donnant la mort à d'autres Exécuteurs n'était pas la chose la plus exceptionnelle au monde. Mais deux Exécuteurs montant un groupe visant à lui donner la mort, il devait y avoir une raison plus avancée que la simple vendetta, ou une rivalité aussi virile que stérile. Mais en l'état, Saigo était incapable de s'en souvenir. Pour l'heure, le froid le guettait. La Mort aussi, rôdait non loin. Il se surprit à voir un corbeau le survoler. Il l'avait à peine entendu qu'il avait instinctivement levé les yeux, repéré le volatile et identifié s'il représentait une menace immédiate ou non. Ce n'était pas le cas, l'oiseau noir poursuivant son vol sans se soucier de l'Analyste.

Mon instinct m'a permis de repérer une menace potentielle. Mon instinct de survie est fiable.

C'était peu, mais il avançait avec ce qu'il pouvait. Lentement, précautionneusement, Saigo se leva. Ses jambes peinaient à supporter son faible poids. Une douleur lancinante lui sciait la cuisse gauche, et il avait du mal à plier la jambe droite. Il se traina jusqu'à une pile de vêtement, dont le propriétaire avait disparu. Sans hésiter, il enfila la tunique sombre, à large capuche. Son instinct de survie lui demandait de s'éloigner de la Tour Noire et de monter un camp de fortune, au pied des montagnes. Il obéit. Il était lent, faible, pas en état de se défendre contre n'importe quelle menace. Pourtant, il murmura pour lui-même.

Je suis capable de tuer n'importe qui, ou quoi, mieux que quiconque.

Il avait du sang sur les mains. Métaphoriquement, le sang de beaucoup de ses ennemis. Plus littéralement, ses phalanges s'étaient ouvertes lorsqu'il avait brisé le couvercle de son cercueil. Il serrait les dents. Il avait faim, il avait soif, et il était épuisé. Cette dernière partie l'énervait.

Je suis resté allongé dans ce cercueil pendant une période indéterminée. Pourtant, mon corps n'est pas capable de soutenir un effort sur plusieurs minutes. Cela dit, je suis capable de me pousser mentalement au-delà de mes limites physiques.

Il n'avait déjà plus de forces, mais il continuait à marcher. Arrivé aux berges du lac, il commença par se déshydrater. Il se sentit mieux. Ensuite, il identifia des plantes, racines et autres baies comestibles, qu'il dévora. C'était peu, mais cela lui rendit un peu d'énergie. Juste de quoi atteindre une petite colline, au pied des montagnes. Son instinct de survie lui disait qu'en l'état, le mieux était de s'adosser à un rocher et de simplement fermer les yeux. De s'assoupir, mais de garder les sens en éveil. Recroquevillé dans cette tunique, capuche rabattue sur le visage, Saigo s'obéit à lui-même.

Il se réveilla alors que l'aube commençait à se deviner dans son dos, derrière les montagnes. Le stryge noir avait perçu quelque chose. Quelque chose de rapide. Quelque chose qui n'était pas seul. Ses poils se hérissèrent. Malgré sa faiblesse, Saigo bondit sur ses pieds et se positionna dans une garde impeccable. À nouveau, seuls ses réflexes avaient parlé.

Je sais me battre. Je suis capable de tuer n'importe qui. Mais je ne suis pas armé.

Dans son long sommeil, il se souvenait d'une courte lame blanche, solide, aiguisée, mortelle. Il ne l'avait plus, et il n'était pas sûr de savoir s'il avait déjà possédé une telle arme. Mais il avait d'autres choses en tête. De multiple silhouettes émergèrent des buissons alentours. Saigo n'en reconnaissait aucun, tous étaient vêtus de noirs, encapuchonnés comme lui. Deux données se confrontaient dans son esprit : « Je pourrais tous les tuer si je n'étais pas si faible » faisait face à « je devrais sûrement ne pas me montrer agressif. Je ne suis pas en état de me battre et ils sont bien plus nombreux ».

L'ancien Saigo, il le percevait au fond de lui, serait passé à l'offensive sans se soucier de l'alignement de ces silhouettes, ni de ses chances de victoire. Il se serait battu, et il aurait gagné, car il était suffisamment fort pour ça. Mais le stryge noir n'était plus totalement lui-même, ou peut-être était-il devenu un peu plus malin avec la mort. En tout cas, sa position de garde vacillait, ses muscles n'étant pas capables de maintenir la position de ses membres. Tremblant, haletant, alors même qu'aucun mouvement n'avait été fait, il abandonna et reprit sa position initiale, adossé à un rocher, jambes à demi pliées. Quelques minutes plus tard, une jeune fille se présenta face à lui.

« Tu dois avoir des questions. Découvre ton visage. »

Cette voix... Il connaissait cette voix. Il connaissait ce visage. Un flash, rapide. Des marais, des ruines humides, sombres et lugubres. Aucune peur dans son système. Lui et la gamine, progressant dans le noir. Une série de combats, une poignée de main à la fin. Tout était allé très vite, mais un nouveau sourire amusé barra le visage de Saigo, alors qu'il relevait la large capuche qui obstruait en partie sa vue.

Tu as bien grandi... gamine.

Il ne se souvenait plus de son nom. Mais il se remémorait l'appeler « gamine » auparavant. Son sourire finit par se dissiper pour revenir à un air plus sérieux, plus fermé.

En effet. J'ai un paquet de questions. Mais commençons par le début : j'ai dormi combien de temps ?

Il commença à se masser les temps. La gamine était une alliée. Les silhouettes sombres ne semblaient pas hostiles à la gamine. Donc, il pouvait présumé que la gamine dirigeait les silhouettes sombres. Ces derniers devaient être des assassins. Ce qui faisait sens, puisque Saigo avait travaillé avec la gamine au sein de la Congrégation de l'Ombre. Puis, il avait fait d'elle son élève, dans le cadre d'une autre organisation. Et ces deux groupuscules avaient un point commun.

Il y avait pas un clown ? Un homme de ce goût-là... j'ai du mal à me souvenir.
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Axe
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MessageSujet: Re: Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]   Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE] EmptyDim 6 Oct 2019 - 13:44
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Docile, l'intéressé releva sa capuche. Son visage, à l’image de son corps, était pâle et creusé. Les yeux d’Axe rencontrèrent avec circonspection ceux de la créature. Rouges, comme les siens.

« Tu as bien grandi…gamine. »

Axe frémit. Lentement, un sourire en coin se dessina sur son visage.

« Je ne te retourne pas le compliment, Saigo. »

L’écho des voix des deux tueurs mourut entre les arbres. Deux voix surgies du passé qui jamais plus n’auraient dû se répondre à la surface de Dùralas, et pourtant…Un tressaillement jubilatoire parcourut le dos d’Axe tandis que le regard de son mentor se perdait brièvement dans la brume qui s’était levée sur eux. L’échange l’avait manifestement laissé pensif.
Elle-même était en proie à ses souvenirs. Son admiration mêlée de défiance pour l’exécuteur. La vitesse fiévreuse avec laquelle peur et fierté avaient alterné dans son esprit lors de leur descente dans les marais. Une petite défaite, une victoire gigantesque. Son ambition monstrueuse repue pour la première fois. L’attitude désinvolte de Saigo avait réveillé en elle la gamine qu’il avait quittée au pied de la chaîne alimentaire un an et demi auparavant, et durant le court instant que dura leur petite introspection, mentor et pupille se firent face à nouveau. Peaux pâles, cicatrices, regards de sang. Deux fantômes d'une ressemblance troublante assis en silence, réfléchissant.

Saigo ne tarda pas à reprendre ses esprits, ses yeux recouvrant en un éclair leur vivacité habituelle. L’Analyste voulut savoir combien de temps il avait dormi. Le terme arracha un rictus froid à son ancienne élève, mais elle se garda de tout commentaire.

« Dix-huit mois exactement. »

Six longues saisons. Saigo ne tarderait pas à comprendre qu’il s’était absenté trop longtemps.

« Il y avait pas un clown ? Un homme de ce goût-là... j'ai du mal à me souvenir. »

Le visage d’Axe, à l’image de celui de son ancien mentor, se ferma brusquement. S’il y avait eu un clown ? Pour un homme qui venait de se réveiller de sa propre mort, Saigo se débrouillait jusqu’ici remarquablement bien, mais…

« Il y avait. Styx, ton Ombre. »

L’éclair de sympathie qui s’était allumé dans ses yeux avait reflué, et elle ne prit pas la peine de dissimuler l’attention avec laquelle elle guetta la réaction de son interlocuteur. Il y avait de Saigo dans le stryge qui se tenait en face d’elle, indéniablement. Mais s’il devait s’avérer que sa mémoire était restée dans sa tombe, dans l’état où il était, il ne vaudrait plus grand-chose aux yeux de la Congrégation, ce à quoi même le pouvoir relatif qu’elle y avait accumulé ne pourrait rien. Il fallait qu’elle évalue la part de lui qui avait subsisté, celle qui restait encore à récupérer et, si le rituel l’avait voulu ainsi, celle qui demeurerait perdue dans l’autre monde. Les mesures adéquates ne firent qu’un tour dans son esprit. Toutes les issues n’étaient pas idéales pour son ancien mentor, loin de là…C’étaient ici que leurs retrouvailles s’interrompaient et que leur seconde rencontre commençait. Saigo n’aurait plus affaire à sa pupille, désormais, mais à la maîtresse de Lédéhi, et les présentations n’avaient que trop attendu.

« Tu étais son Bras Droit, son Cavalier et un de ses rares amis. Vous avez régné sur Lédéhi ensemble durant quelques années. Vos noms étaient connus de tous. Puis tu as été assassiné, il a perdu le peu qu’il avait de raison avant de mourir également et j’ai repris la direction de la faction. On m’y connaît désormais comme sa relève, la Régente. »

Si son titre de régente était bien provisoire, Axe fit entendre par son ton que sa position à la tête de la Congrégation, elle, ne serait pas soumise au débat. Elle laissa une seconde à l’Analyste pour se familiariser avec les termes qu’elle avait employés.

« ‘Cavalier’ est le titre qu’il t’avait octroyé au sein de son culte, les Amants de Dame Fortune, dont je faisais partie également. Mon nom est Axe, et j’y étais ta Pupille. Mais tu es mort avant d’achever mon initiation. Voyant la chute de Styx approcher, les deux autres membres que comptaient les Amants lui ont tourné le dos et l’organisation s’est démantelée. Le premier, Garzvorgh, dirige actuellement la flotte des pirates. La seconde s’est retirée de la scène politique. »

Ayant remarqué que la mémoire de Saigo avait été pour beaucoup stimulée par ses sens –il était toujours un Analyste, après tout– mais ne portant pas d’objet lié à Styx sur elle, la louve avait misé sur le nombre et le poids des informations qu’elle avait assénées au stryge famélique. Si la mémoire lui revenait vite, tant mieux. Si elle tardait, mieux valait de toute manière qu’il fût au courant de la mort de Styx avant de se remémorer leur lien particulier.
C’était la première fois qu’elle évoquait sa chute sans sans ciller.

« Voilà pour ce qui est du clown. De quoi d’autre te souviens-tu ? »




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Saigo
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MessageSujet: Re: Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]   Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE] EmptyLun 7 Oct 2019 - 21:15
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Le stryge et la gamine, à nouveau face à face. Sans qu'il ne se souvienne de son nom, et encore moins de l'étendue de leur passé commun, Saigo souriait. Il y avait une forme de joie de vivre, de bonheur sincère à ces retrouvailles avec la jeune femme. Il se revit, brièvement, décimer une taverne entière sans difficulté. Des bribes de leurs pérégrinations dans les marais revinrent également le hanter. Cette fille était son alliée. L'une des très, très rares représentantes d'une race étrangère à s'être attirée les bonnes grâce de l'Exécuteur. Mais son sourire était crispé, teinté d'une douleur à laquelle il n'était plus habitué. Il embrassait ce mal, l'accueillait dans sa chair meurtrie à bras ouvert. Il aimait se sentir vivant à nouveau, mais par Mahriser, qu'est-ce qu'il avait mal !

La réalité agit comme une véritable gifle. Lentement, le stryge noir répéta, dans un murmure :

Dix-huit mois...

Un an et demi que le monde avait vécu sans Saigo. Il se souvenait, vaguement, qu'il était dangereux. Qu'il était craint par le monde entier. Sa mort avait-elle contribué à ramener un semblant de paix à Dùralas ? Son nom faisait-il toujours froid dans le dos ? L'Exécuteur savait qu'il générait ce genre de réactions de son vivant. Sa mort avait-elle terni son aura ? Mais surtout... quels actes avaient contribué à créer ladite aura ? C'est là que l'image du clown avait ressurgi. Un personnage déviant, imprévisible, surpuissant. Un allié de l'Exécuteur. Ensemble ils formaient un duo invincibles. Où était-il maintenant ?

Styx... l'Ombre.

Soudainement, il se crispa plus encore qu'auparavant. Il porta sa main droite sur sa tempe, dans un rictus de douleur. Sa tête lui lançait, encore plus qu'auparavant. Ses souvenirs revenaient. Plus clairs que jamais. Le nom de Styx, il l'avait connu mieux que quiconque en Dùralas. C'était le genre d'énergumène qu'il n'aurait pas oublié bien longtemps. Tout lui revint en mémoire avec la force d'une flèche tirée à bout portant.

Les cavernes de Spelunca. C'est là que je l'ai rencontré pour la première fois. Je l'ai affronté et vaincu, après avoir éliminé un stryge blanc. Je l'ai retrouvé au sein de la Congrégation, on a mené un assassinat ensemble, contre un abyssal. DoÖoN. Puis un autre. Arutha ConDoin. Un humain. On a accompli ces deux contrats, mais on n'était pas seuls. Je me souviens d'Alrun. L'ancienne Ombre, dont Styx a finit par prendre la place, lorsqu'elle s'est retirée. On a aussi collaboré pour l'exploration des ruines de Fata-Morgana, encore avec Alrun. Mais surtout... on a exploré Wystéria ensemble. Et c'est lors du trajet en bateau que j'ai appris, grâce à lui, que...

Nouveau flash blanc devant ses yeux. Onze, la Mort, sa victoire, son exploit, sa légende. Les yeux exorbités, en proie à une migraine démentielle, Saigo asséna, plus pour lui-même que pour n'importe qui d'autre.

Je suis Saigo. Mercenaire de la Congrégation de l'Ombre, Bras Droit, Analyste, Faucheur, Chasseur... Exécuteur-en-Chef. Vainqueur de la Mort. Voilà pourquoi mon corps n'a pas été brûlé...

Tout lui revenait. Après leur aventure à Wystéria, Saigo et Styx avaient également entrepris une escapade au fond de la grotte mystérieuse. Malgré la douleur qui lui vrillait le crâne, le stryge noir esquissa un nouveau sourire. Le cas Styx était... épineux.

Oui, il se souvenait parfaitement maintenant. Leur duo atteignait des sommets de puissance inégalés. Sous le commandement du vampire, la Congrégation de l'Ombre avait dominé le continent comme nulle autre faction ne pouvait rêver de le faire. Les Amants de Dame Fortune avaient énormément aidé l'Exécuteur a devenir le monstre qu'il était. Mais l'instabilité psychologique du clown avait toujours été une source de méfiance pour Saigo. Bien sûr, il avait fait confiance à son ami sur le champ de bataille. Une confiance aveugle qu'il avait maintenu et même appuyé pour tout ce qui touchait à la stratégie au long terme. Le Styx était le maître des manigances et des coups montés... mais il était si imprévisible ! Même en étant son plus proche allié, le stryge noir avait souvent eu l'impression que lui aussi n'était qu'un pion sur le grand échiquier du vampire. Une pièce aisément sacrifiable dans la partie que l'Ombre jouait contre elle-même.

Ainsi donc, lui aussi avait fini par mourir. Le vrai marionnettiste de Dùralas avait rendu l'âme. Le visage de Saigo se referma à nouveau. Il n'aimait pas l'admettre, mais il avait eu un pincement au cœur en prenant conscience de cette information.

La dernière fois que je l'ai vu... je crois que c'était à Château-Rouge. Quelque chose comme ça, le nom exact m'échappe. C'est... c'était le seul combattant de Dùralas face auquel je ne me serais pas dressé. Pas en combat honorable en tout cas. J'ai du mal à croire qu'il soit mort de cause naturelle.

Comment un vampire pourrait mourir de cause naturelle d'ailleurs ?

Et donc, c'était Axe qui avait repris le contrôle de la Congrégation. Pas encore avec le titre d'Ombre, mais le grand bureau, jadis occupé par Alrun, puis Styx, revenait donc à la gamine. Félicitations, pensa Saigo, la première non-vampire à diriger les assassins. Lédéhi avait sans doute du perdre de sa superbe depuis le temps. Les anciens de son temps avaient tous fini par déserter : Alrun, Rekhan, Jack... Il était mort, Styx aussi. Shakti avait déserté. Ne restait qu'à espérer que la relève soit au niveau.

Qui d'autre est encore là ? Le géant pervers ? Le naga et son toutou ?

Il songea à demander où en était les affaires, mais en l'état, c'était le cadet de ses soucis. Saigo n'était plus rien. Officiellement, il était mort et enterré à tout jamais. Il n'était plus l'Exécuteur-en-Chef, il n'était plus le Bras Droit. Il n'avait plus ce genre de responsabilités. Autant prendre les choses par étapes. Il reviendrait à Lédéhi un jour. Alors il aurait droit à une mise à jour des affaires politiques.

Mes souvenirs reviennent, lentement. Admit-il. Je me souviens maintenant de mon ancien statut. Avant que tu ne me le rappelle, j'avais conscience d'avoir été quelqu'un de puissant, mais je ne parvenais pas à me souvenir comment j'avais atteint ce statut. Maintenant, je me souviens de l'orc. Seulement de son existence, je ne crois pas avoir beaucoup traité avec lui. La quatrième Cavalière, Shakti, je me souviens d'elle aussi. Elle était là sur plusieurs missions. Elle me laisse un goût d'inachevé. Là encore, je ne saurais dire pourquoi.

Quoi d'autre... Je me souviens du fonctionnement de la Tour Noire. Les lois, les castes, ce genre de chose. Je sais que je suis capable de me battre, j'ai toujours mes réflexes, les gestes me reviennent instinctivement. Mais mon corps est faible. Je vais avoir besoin de beaucoup d'entraînement pour me remettre en forme. Le reste est secondaire. J'ai une idée plus claire de ce dont je suis capable, mais je dois l'appliquer. Les noms, les allégeances, tout cela reste flou pour moi. Mais entendre les noms semble réactiver les souvenirs que j'ai d'eux.


Il se releva, s'étira.

Par exemple toi... Je me souviens de la première fois que je t'ai rencontré. C'était à Ishtar. Je me demande encore pourquoi je ne t'ai pas tué ce jour-là. Il faut croire que j'ai bien fait. Vu ce que tu es devenu, ça aurait été du gâchis.

Saigo lança un regard approbateur à la Régente. Elle avait en effet bien grandi. Elle suintait la confiance, cela n'avait pas changé. Mais lorsqu'elle avait croisé pour la première fois la route de l'Exécuteur, elle était bien incapable d'assumer son attitude provocatrice. Maintenant, c'était le cas. Malgré son jeune âge, le stryge noir ne doutait pas des qualités de leader de la jeune Axe.

En revanche, il doutait beaucoup plus de la solidité de ses jambes.

Pour commencer, il va falloir que je trouve des repas plus consistant que des baies et des racines. Une petite partie de chasse ?
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Axe
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MessageSujet: Re: Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]   Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE] EmptyVen 11 Oct 2019 - 14:48
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Devant les explications d’Axe, le stryge, désemparé, perdit de son assurance. La maîtresse d’armes le laissa à ses réflexions. Son avenir se jouait aux conclusions auxquelles il allait parvenir, après tout, le perturber aurait été cruel.

« Styx... l'Ombre. »

La louve sut en entendant sa voix qu’il ne se contentait pas de la répéter machinalement. Ces mots réveillaient quelque chose en lui. Mais jusqu’à quel point ? Le revenant porta brusquement une main à sa tempe et son visage se déforma sous l’effet d’un spasme fulgurant, alors qu’Axe se saisissait le menton avec attention. Les lèvres pincées de son ancien mentor s’ouvrirent l’instant suivant et ciselèrent une phrase courte. Un lieu. Spelunca. Puis, comme une vanne, ses mâchoires se desserrèrent pour laisser échapper un flot de paroles saccadées. La Congrégation. Un contrat. Alrun. Styx. Fata-Morgana. Wystéria. Les amants…Son ancienne pupille ferma les yeux et eut un sourire soulagé.

« Je suis Saigo. Mercenaire de la Congrégation de l'Ombre, Bras Droit, Analyste, Faucheur, Chasseur... Exécuteur-en-Chef. Vainqueur de la Mort. Voilà pourquoi mon corps n'a pas été brûlé... »

Parvenu à ce stade, Saigo semblait aussi sidéré par la douleur que par la réalité qui s’abattait de plein fouet sur ses épaules maigres. Axe pouvait presque voir ses souvenirs défiler dans ses yeux arrondis. À en juger par sa réaction à l’évocation du temps qu’il avait passé sous terre, il n’avait eu jusqu’ici aucune idée de la longueur de son absence. Le présent qu’il avait quitté, et avec lui les titres qu’il avait martelés mécaniquement à l’instant, s’étaient perdus dans le passé tortueux de Dùralas sans même qu’il s’en aperçoive…La présence inhumaine de Styx déborda de ses réflexions jusque sur ses traits et Axe se crispa imperceptiblement. Dans le monde qui était demeuré celui de Saigo, le valet était encore vivant, et son aura, qui n’avait pas été altérée par le temps de la même manière que dans le reste des esprits dùralassiens, semblait s’échapper par volutes des prunelles dilatées de son Bras Droit. Combien de fantômes dansaient-ils dans le brouillard, à présent ?

Crétins d’adeptes…

« La dernière fois que je l'ai vu... je crois que c'était à Château-Rouge. Quelque chose comme ça, le nom exact m'échappe. C'est... c'était le seul combattant de Dùralas face auquel je ne me serais pas dressé. Pas en combat honorable en tout cas. J'ai du mal à croire qu'il soit mort de cause naturelle. »

‘De cause naturelle’. Évidemment, la manière évasive avec laquelle Axe avait évoqué la mort de Styx n’avait pas tout à fait échappé à l’exécuteur. Elle fronça les sourcils. La tristesse réprimée qui dormait sous son discours lui rappelait de mauvais souvenirs. Après été témoin du chagrin sincère que l’arlequin avait manifesté face à la mort de son ami, il était étrange d’assister à la situation inverse…
La maîtresse d’armes ne répondit pas, elle-même attirée vers les images indistinctes qui lui restaient de son propre séjour à Château Rouge. À cette époque, elle avait déjà connu nombre d’expressions de la souffrance et du malheur, mais ce jour-là, à la table de Styx, sa sensibilité avait été pénétrée à un tout autre niveau. Elle avait été invitée par le triste Sire suite à la mort de Saigo, sous le prétexte d’un banquet d’honneur aux motivations floues qui s’était révélé déguiser un tête-à-tête troublant avec son hôte. Encore aujourd’hui, elle ignorait les raisons exactes qui avaient conduit le vampire à l’attirer dans ses jardins. Peut-être n’y en avait-il jamais eu. Machination subtile ou coup de tête, tout était possible avec Styx…Toujours était-il qu’il avait tenu à évoquer l’assassinat de l’exécuteur, avec une certaine légèreté, comme si les condoléances qu’il lui avait présentées n’étaient qu’une courtoisie parmi d’autres. Le sujet avait échappé au contrôle du valet et son masque avait volé en éclat devant la rage juvénile avec laquelle avait explosé son invitée. Quelque chose dans la lucidité implacable d’Axe, dans sa soif de vengeance grondante, l’avait désarmé et forcé à admettre à quel point la mort du stryge l’avait dévasté. L’espace de quelques instants, elle avait vu le véritable Styx. Nu comme au premier jour. À vif. Le souvenir de l’extase qu’elle avait ressentie alors lui arracha une grimace brève. Elle ignorait ce que les Gardiens lui avaient fait subir dans leurs cachots, mais sous son attitude travaillée dormait désormais une créature plus inhumaine encore que ce que Dùralas tout entier eût osé imaginé, ou peut-être encore trop humaine pour la malveillance infinie dont il s'était mis à déborder, justement…Un monstre fiévreux…Alors comment, déchiré par la perte de son compagnon légendaire, et s’abandonnant à un éloge funèbre où toute l’étendue de sa noirceur avait éclaté au grand jour, le Vicomte pouvait-il dans ses souvenir irradier une telle beauté ?

Sa mémoire l’abandonnait ici. Sur sa route vers Château Rouge, elle avait croisé des brigands qu’elle avait abattus à l’aide de la seule arme qu’elle portait pour l’occasion, une rapière magnifique. Joueuse, elle avait décidé de rengainer sa lame sans la nettoyer, histoire de voir où ça la mènerait…Puéril, certes. Le mouchoir qu’elle gardait sur elle pour ce genre de situation n’avait en tout cas pas été sali. Cela avait fini par se révéler utile. Elle se revit, acceptant de l’autre main la bouteille de champagne qu’il lui tendait, l’offrir à un Styx à l’œil rougi par une larme unique. Un affrontement récent contre un loup-garou l’avait laissé éborgné. Pressant l’étoffe noire contre ses paupières, il avait été aveugle l’espace d’un battement de cil. Puis…le poing droit d’Axe tressauta. Avait-elle tendu le mouchoir à Styx dans ce but, ou avait-elle été prise d’un réflexe meurtrier devant l’occasion qui s’était présentée à elle ? Pour quelle raison aurait-elle cherché à provoquer ou à profiter de la vulnérabilité de celui qui avait juré de venger son mentor ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à reconstituer l’état d’esprit qui l’avait, à cet instant précis, menée à dégainer sa rapière et à la plonger sous le plexus de son hôte ? Ce tableau, figé dans son esprit, ne cessait jamais de la travailler, et elle ne pouvait pas s’empêcher de le contempler de temps à autres en scrutant le moindre détail, comme si la clé de son mystère y était dissimulée.

La louve ne se souvenait pas du chemin qu’elle avait emprunté pour quitter la demeure de Styx. Elle avait repris ses activités comme si cette conclusion lugubre n’avait jamais eu lieu, poursuivant jusque dans les Baldors ce pauvre imbécile de lafeth à titre d’exutoire, la mort de Saigo la taraudant encore cruellement. Sa mémoire semblait avoir occulté le souvenir de sa lame fouillant les entrailles de l’immortel, et elle demeura persuadée durant plusieurs jours qu’ils s’étaient quittés bons amis. Ce fut à la suite de son aventure dans les montagnes que la réalité la rattrapa. Remontant des profondeurs des mines de Khazar, elle avait appris par son majordome la mort violente et inexpliquée du maître de Spelunca, et le souvenir de son crime avait ressurgi dans son esprit sans prévenir, la laissant étrangement désorientée. Faustus…Ainsi, dans sa fuite, elle lui avait laissé la vie sauve, et vice-versa. Quelle qu’eût été l’efficacité avec laquelle elle s’était échappée des jardins de Château Rouge, il était impossible qu’il ne la soupçonnât pas, et pourtant, il s’était montré aussi serviable à son égard qu’auparavant, lui prêtant ses pouvoirs durant quelques temps avant de la quitter courtoisement. Il avait à faire ailleurs. Par la suite, il était s’était volatilisé, introuvable. Axe quant à elle avait disparu plusieurs mois des alentours de Lédéhi, luttant avec les bribes de mémoire qui tourbillonnaient dans son esprit. Elle avait beaucoup douté de la réalité de ces souvenirs nouveaux, mais devant les faits, avait été forcée de s’en emparer à bras le corps pour s’éviter la folie. Après tout, l’idée d’être celle qui était parvenue à tuer le célèbre arlequin n’était pas sans charme. Elle était revenue et avait empoigné les rênes de la Congrégation. Les quelques lavettes qui avaient tenté de prendre la place de Styx en son absence n’avaient aucune idée de ce qu’ils faisaient, c’en était navrant.

À présent qu’elle avait la tête froide, Axe parvenait, puisqu’il le fallait, à trouver un sens à cet épisode confus. Les Gardiens, par leur justice éclatante, et les anciens alliés de Styx, morts ou traîtres à sa cause, avaient créé – ou révélé – une abomination prête à s’abattre sur Dùralas en emportant tout sur son passage, qui lui avait exposé ses flancs dans sa folie. Pour cet homme en flammes qui avait émergé des cendres de Styx, la Régente avait éprouvé une sympathie foudroyante, mais quoi qu’il en fût, elle n’avait pu s’empêcher de constater qu’il n’était plus capable de servir les intérêts de la Congrégation de l’Ombre…S’il l’avait un jour été. C’était sans doute son ambition qui avait guidé sa main jusqu’à la garde de son épée. Quant à Fortuna, sa trace s’évanouissait un court moment avant le retour d’Axe à Lédéhi, le mystère de son implication demeurait entier. Durant ses recherches, la régente avait découvert que la rumeur de son crime s’était propagée discrètement à Spelunca, où on avait classé l’affaire depuis longtemps. En avait-il semé les graines ? Dans tous les cas, le monde semblant avoir adopté cette version des faits, il était devenu inutile, sinon dangereux, de continuer à douter. La petite Axe de Cälvenberg avait tué l’Ombre de ses mains et pris sa place sans délais. C’était ainsi que les choses se faisaient à la Congrégation, après tout…Le fou n’avait eu que ce qu’il méritait.
Cette dernière phrase avait du vrai. Styx avait eu le temps de massacrer bon nombre des alliés de sa faction avant de rendre son dernier souffle. Se connaissant, Axe était malgré tout étonnée de ne pas s’être engouffrée à sa suite dans le tourbillon funeste qu’avait soulevé leur rencontre, et se surprenait parfois à entretenir de vagues regrets à ce sujet.

Allons bon…Je serais morte aujourd’hui si je l’avais suivi.

« Qui d'autre est encore là ? Le géant pervers ? Le naga et son toutou ? »

La louve cligna des yeux et embrassa son ancien mentor d’un œil impassible. Elle avait tué Styx et Saigo était en vie. Sacrée évolution depuis le début de ce déjeuner énigmatique.

« Undvik est mort en m’accompagnant à Wystéria. Au pied du temple du Maître, l’idiot…Répondit-elle en reproduisant sans le savoir la mimique consternée qu’elle avait adressée au cadavre du géant ce jour-là. Quant à Equinoxe, il ne s’arrange pas avec le temps, mais lui et Vallon sont toujours en vie. »

Saigo sembla retenir une seconde question et se tut à nouveau quelques instants. Il reprit, l’air sérieux :

« Mes souvenirs reviennent, lentement. Je me souviens maintenant de mon ancien statut. Avant que tu ne me le rappelle, j'avais conscience d'avoir été quelqu'un de puissant, mais je ne parvenais pas à me souvenir comment j'avais atteint ce statut. Maintenant, je me souviens de l'orc. Seulement de son existence, je ne crois pas avoir beaucoup traité avec lui. La quatrième Cavalière, Shakti, je me souviens d'elle aussi. Elle était là sur plusieurs missions. Elle me laisse un goût d'inachevé. Là encore, je ne saurais dire pourquoi. »

Shakti était l’Impératrice, rectifia Axe en pensée, mais elle garda le silence. Si ses souvenirs de son propre crime étaient confus, elle n’oublierait jamais les rôles que les autres Amants avaient joué dans la fin du Valet. Comparée à ce chacal de Garzvorgh, cependant, la Vhahweyar était assez insignifiante, plus remarquée par son absence que pour ses fautes. C’était sans doute ce que tentait de pointer Saigo.

« Quoi d'autre... Je me souviens du fonctionnement de la Tour Noire. Les lois, les castes, ce genre de chose. Je sais que je suis capable de me battre, j'ai toujours mes réflexes, les gestes me reviennent instinctivement. Mais mon corps est faible. Je vais avoir besoin de beaucoup d'entraînement pour me remettre en forme. Le reste est secondaire. J'ai une idée plus claire de ce dont je suis capable, mais je dois l'appliquer. Les noms, les allégeances, tout cela reste flou pour moi. Mais entendre les noms semble réactiver les souvenirs que j'ai d'eux. »

C’était ce qu’Axe soupçonnait. Elle avait donc eu raison de répondre par des noms précis à ses question précédentes. Elle eut un sourire en constatant que la situation déroutante dans laquelle l’avaient propulsé les adeptes n’avait en rien abimé le pragmatisme et la volonté de fer de son ancien mentor. Déjà, le stryge se relevait, ses migraines derrière lui, et remettait au travail ses muscles atrophiés.

« Par exemple toi... Je me souviens de la première fois que je t'ai rencontré. C'était à Ishtar. Je me demande encore pourquoi je ne t'ai pas tué ce jour-là. Il faut croire que j'ai bien fait. Vu ce que tu es devenu, ça aurait été du gâchis. »

Le sourire d’Axe s’élargit.

« Si j’avais fait une pompe à chaque fois que je me suis demandée comment je m’en suis sortie, je ressemblerais à Nova aujourd’hui. Et j’ai eu dix-huit mois de plus que toi pour y réfléchir. »

Visiblement, le temps n’avait pas diminué la sympathie inexplicable que le stryge et la maîtresse d’armes éprouvaient l’un pour l’autre.

« Pour commencer, il va falloir que je trouve des repas plus consistant que des baies et des racines. Une petite partie de chasse ? »

Axe se leva à son tour et glissa ses mains griffues dans ses poches. Une partie de chasse ? Elle en sortait tout juste…Elle ne savait plus vraiment ce qu’elle avait dévoré durant la nuit, mais peu importait, ça l’avait rassasiée. Ses instincts de prédateur étaient en train de se rendormir. Allons bon. Après tout, c’était de l’estomac de Saigo qu’il s’agissait, il était difficile de lui refuser quoi que ce soit au vu de la situation. Elle avait en tout cas vu juste en évitant de le materner, l’idée de lui prêter sa veste lui ayant brièvement traversé l’esprit. La mort ne l’avait visiblement pas guéri de son tempérament de survivant, c’était la dernière des marques de respect que de le laisser affronter par ses propres moyens les résultats de son long sommeil. Sans être tout à fait foutu, il avait une longue pente à remonter… Pour l’heure, il n’avait pas tort, un repas digne de ce nom allait être une première étape indispensable.

La réponse d’Axe transparut naturellement dans son attitude. Elle avait tourné le visage face au vent, qui avait faibli sans changer de direction, et examinait d’un œil attentif les quelques chemins qui s’offraient à eux. Ses hommes avaient pour ordre de surveiller le territoire aussi longtemps qu’il le faudrait, ils n’auraient pas à prendre en compte le risque de croiser des exécuteurs en sortie. Le véritable choix allait s’effectuer entre les deux terrains qui cohabitaient aux abords du lac Fresha, bois et rives. D’un côté, un sol irrégulier et une faible visibilité, de l’autre, des rochers praticables et la possibilité de vérifier régulièrement le sens du vent. Axe présuma que son mentor s’était assez griffé les mollets dans les buissons pour le moment et désigna les berges du grand point d’eau d’un geste du bras. Le soleil s’élevait lentement au-dessus des montagnes et son éclat, dissipant la brume, commençait à enflammer l’eau calme.

« Après toi. Je te laisse le choix de la proie. »

Elle veillerait à ce qu’il puisse s’éloigner de la Tour Noire sans encombre, mais après cela, Saigo serait entièrement libre de ses mouvements. Sa reconstruction ne regardait que lui. Les deux tueurs s’élancèrent sur les berges du lac silencieusement.

Le vent soufflant vers l’Ouest, ils remontèrent la plage rocailleuse en direction du soleil, face à l’ombre imposante des Baldors. La Tour passa dans leur dos. À présent que l’exécuteur était de retour parmi les vivants, Axe se demandait comment elle allait traiter ses habitants. S’il avait été ramené, il n’en avait pas moins été assassiné en premier lieu, ces deux insupportables chiennes de race de Ventress et de Zéphalia ne perdaient rien de leur culpabilité à ses yeux. En ce qui concernait la première, même si la louve ne comptait plus les fois où elle s’était endormie en imaginant sous ses doigts la tiédeur de sa gorge haute et fière, Saigo pouvait bien récupérer la main et se venger lui-même...Après tout, c’était lui qui avait le plus souffert de sa trahison. Elle le laisserait découvrir seul la promotion dont la marionnettiste avait bénéficié après son petit coup d’état, et verrait en fonction de sa réaction. Mais la seconde ? Tant que la jeune Matriarche ne prendrait pas les devants en envoyant un assassin corriger l’insubordination de ses Adeptes, Saigo ne la considèrerait sans doute pas comme une ennemie. Si ses souvenirs étaient bons, il n’avait jamais accordé beaucoup de considération à sa supérieure. Ce n’était pas elle qui allait le lui reprocher...

À leur gauche, les buissons frémissaient de temps à autres. Axe ne prêta pas attention aux odeurs de petit gibier qui en émanaient. Si son mentor souhaitait commencer par là, il n’avait pas besoin de son aide. L’Ombre et l’Exécuteur-en-Chef à la chasse aux lapins…Elle retint un sourire et se hissa au sommet d’un rocher en promontoire. Ce n’était pas tout à fait juste. Elle n’était pas encore l’Ombre, et Saigo n’était plus exécuteur. L'honneur était sauf...Elle s’accroupit, posant ses avant-bras sur ses genoux, les yeux perdus dans les vaguelettes qui hérissaient la surface du Lac. En meilleure forme, Saigo avait un jour suriné sa gardienne, l’épée qu’il lui avait dérobée était toujours entreposée quelque part dans les coffres de la Congrégation. On lui prêtait le pouvoir d’affaiblir Motch’Hollow d’une manière ou d’une autre. Compte tenu de des dernières pitreries du Comte, l’artefact allait peut-être finir par se révéler utile. Ça lui faisait penser qu’elle allait devoir avertir Saigo au sujet des skarniens s’il souhaitait prendre la route seul.

« Sais-tu où sont conservées tes affaires ? J’ai tenté de mettre la main dessus, mais sans ton nom, il m’a été impossible de pénétrer la Tour Noire, demanda Axe. J’étais pas d’humeur à fréquenter des exécuteurs, de toute manière. Autant que tu le saches, ton assassinat a jeté un froid sur les relations de la Congrégation avec Zéphalia… »

Elle décida de garder pour elle le fait d’avoir presque réussi à pousser Styx à raser la demeure des stryges noirs de la surface de Dùralas.

« Undvik avait évoqué un masque avant de mourir. »

Une grande partie du pouvoir de Saigo venait de l’équipement qu’il était parvenu à rassembler. Axe avait longtemps caressé l’idée de se l’approprier, mais les pièces les plus intéressantes de son arsenal avaient déjà été séparées et cachées lorsqu’elle avait appris sa mort. Elle était alors trop faible pour les rechercher activement.
Un cri strident retentit à sa gauche. La louve jeta un œil à la direction depuis laquelle il s’était élevé et aperçut une poignée de créatures à la fourrure immaculée s’ébattant dans l’eau froide, dont la taille avoisinait celle d’un enfant. Ils étaient encore à bonne distance. Des blangos. Elle sauta de son rocher et plongea une main dans les plis de veste, dont elle tira une dague d’une quinzaine de centimètres qu’elle proposa à Saigo. Le laisser encaisser sa nouvelle condition physique était une chose, mais il n’irait pas bien loin à mains nues.




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Saigo
Ombre de la C.O ♦ Élu de Marihser

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MessageSujet: Re: Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE]   Le matin suivant [PW Saigo] [PAUSE] EmptyJeu 17 Oct 2019 - 1:11
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Bras Droit de l'Ombre, Exécuteur-en-Chef, Faucheur, Chasseur, Champion de BaldorHeim, vainqueur de la Guerre de la Troisième Calamité... Tout lui revenait maintenant. De son vivant, Saigo avait empilé les titres, les accomplissements, construit sa légende et avait atteint un statut qui reflétait parfaitement la menace qu'il représentait pour n'importe qui. Il était un ennemi des autres factions, recherché pour de multiples assassinats, crimes de guerre et autres incartades que certains considéraient comme des atrocités, mais que lui considérait comme un mardi après-midi classique. Il avait affronté des monstres légendaires, des guerriers redoutables, mais aussi massacré sans pitié des bestioles sans défense et des gamin avec une épée en bois. Pour la simple et bonne raison qu'il le pouvait, car ceux qui étaient capables de le stopper se comptaient sur les doigts d'une seule main, et qu'ils ne pouvaient pas toujours être là pour sauver la veuve et l'orphelin.

Mais dans le même temps, Saigo avait su s'élever chez les siens pour bénéficier d'une aura diplomatique importante. Capturer, emprisonner voire tuer l'Exécuteur-en-Chef était un rêve que bien des soi-disant « défenseur de la justice » caressaient sans réellement y croire. Mais dans les faits, c'était l'un des cinq stryges noirs les plus importants de la Tour que ces malandrins ciblaient. Si jamais le Parricide était venu à tomber aux mains d'une race ou d'une faction étrangère, le Faucheur croyait bien que Zéphalia ne serait pas resté inactive. Ne serait-ce que pour tenter d'asseoir sa domination sur lui, qui avait rejeté son autorité par le passé. Toujours était-il que peu de nations, si ce n'est aucune, ne se risquerait à provoquer la colère d'un peuple dont plus d'un tiers de la population choisit de devenir un assassin mortel. Pour ce qui est des batailles rangées, les stryges noirs ne possèdent peut-être pas l'armée la plus impressionnantes. Mais quand on a autant d'éléments capables d'exploiter chaque recoin sombre de chaque ville et d'assassiner n'importe qui, n'importe où... On obtient une nation imbattable lorsqu'il s'agit de réduire le moral des troupes à zéro.

Oui mais voilà : désormais, Saigo n'était plus rien. Il l'avait ressenti, tout au fond de lui, lorsqu'il avait repris conscience de lui-même. Avant même d'ouvrir les yeux, l'ancienne légende avait réalisé qu'il n'était plus que l'ombre du Bras Droit. Ses titres et sa légende ? Estompés par les mois. Ses capacités au combats ? Érodés par son long sommeil. Désormais, le nom de l'Exécuteur-en-Chef n'était plus qu'un lointain cauchemar, souvenir d'une époque aujourd'hui révolue. Styx et Saigo étaient tout deux morts dans l'imaginaire collectif. Et bien qu'ils n'étaient pas à l'origine de ces décès, c'était une victoire monumentale pour les Gardiens, les Zéphyriens, la Milice et les Kazhariens. D'autant plus que venaient s'ajouter les désertions antérieures de Shakti et de cette petite catin d'abyssale dont il ne se souvenait plus du nom. Et donc la mort d'Undvik, à Wystéria, à laquelle Axe avait eu l'occasion d'assister. Saigo secoua la tête.

Idiot... C'est bien le mot qui le caractérisait. Mais ce demeuré avait un pouvoir colossal.

Au moins il restait Equinoxe. L'évocation de ce nom laissa un sentiment étrange s'emparer du chasseur. Il se souvenait du naga rouge, avant même d'entendre son nom à nouveau. Il était accompagné. Lorsque Saigo se remémorait certains épisodes de victoires faciles, la silhouette sanguine apparaissait dans son esprit. Ne l'avait-il pas tué ? Les détails de cette rencontre lui échappaient encore, malgré l'évocation du nom de sa victime. Ce dont il était sûr, c'est qu'il n'avait eu aucune difficulté à le vaincre. Pourtant, le naga avait survécu. Étrange, mais intéressant aussi. S'il était entré par la suite à la Congrégation, c'est qu'il avait le potentiel de ne pas être totalement inutile.

Nova. Ce nom aussi lui rappela beaucoup de souvenirs. Une orc, puissante à n'en pas douter. Une vraie force de la nature, capable de réduire ses adversaires en bouillie d'une seul attaque. Tant de force la rendait assez lente en combat, une proie facile pour Saigo, donc. Cependant... bien qu'ils aient été des ennemis, du moins sur le papier, le stryge noir ne se rappelait pas avoir affronté la peau-verte. Au contraire, ils s'étaient alliés deux fois. La première à Wystéria, aux côtés de Styx. La seconde dans le Nord, face à des abominations. Ce second combat était bien plus frappant dans l'esprit du Faucheur. Non seulement il avait uni ses forces avec cette femme, il l'avait en plus sauvé d'un sort possiblement bien funeste. Quelles avaient été les raisons ? Il ne s'en souvenait plus. Mais il ressentait du respect pour Nova.

Bordel, Nova... Elle aussi était à Ishtar quand je t'ai rencontré, non ?

Ce jour-là, Axe avait échappé à une mort certaine, après s'être montrée incroyablement arrogante devant l'Exécuteur-en-Chef. C'était peut-être pour ça qu'il ne l'avait pas tué. Bien avant d'atteindre les hauteurs qui avaient été son quotidien, Saigo s'était doté de l'attitude inhérente à ce statut. Mais le jeune Exécuteur qu'il était ne pouvait pas immanquablement assumer ses paroles confiantes et ses velléités belliqueuse. Alors il avait essuyé des revers cuisants. Il était passé proche de la mort des dizaines de fois. Il avait vu un peu de lui dans la jeune Axe. Voilà pourquoi il l'avait épargné. Voilà pourquoi il en avait fait sa pupille au sein des Amants. Voilà pourquoi aujourd'hui, quelques heures seulement après sa résurrection, il avait éprouvé une forme de joie à voir ce visage familier apparaître devant lui.

Désormais, comme un symbole, c'était elle qui allait le chaperonner pour le premier combat de sa seconde vie. Alors qu'ils faisaient route vers les bords du Lac, Saigo se revit, adolescent longiligne et affamé, arpenter les mêmes chemins à la recherche d'un lapin, d'une musaraigne ou n'importe quel autre morceau de viande à se mettre sous la dent. Il en était au même point. Mais cette fois, il avait l'expérience, enfoui au plus profond de sa mémoire musculaire. Et si jamais les choses tournaient mal, la chance ne serait pas sa seule porte de sortie. L'Ombre et ses hommes étaient là. Bien que rassurant, le fait que le stryge noir ait besoin de cette assurance le dégoûtait. Sa faiblesse était une insulte à sa caste et à son peuple. Il devait vite se reprendre en main. Tant et si bien que lorsqu'un lapin passa à proximité, il le suivi du regard sans même songer à le pourchasser.

Je n'ai peut-être plus beaucoup de force, mais j'ai encore assez de fierté pour ne pas m'abaisser à ce genre de cible.

En contrebas, encore un peu loin pour qu'il puisse distinguer ce dont il s'agissait, le stryge noir remarqua de la vie. Des cibles potentielles. Instinctivement, il adopta un pas de chasseur plus marqué, plus félin. Il fléchit dans la fraîcheur de l'herbe matinale. L'effort le faisait légèrement suer, aussi il remonta les pans de sa tunique devant sa bouche. Non seulement pour masquer l'odeur de son souffle, mais aussi celle de son corps. Au-dessus d'eux, un charognard tournait lentement.

Il n'avait pas d'armes, mais il n'en ressentait pas le besoin. Toutefois, il ne pris conscience de cela que lorsque la Régente pointa du doigt l'absence de tout équipement chez lui.

Ma tombe était vide. Je ne me souviens plus clairement de que je possédais. Le masque n'est qu'un souvenir très flou. Mais quand je me suis endormi cette nuit, j'ai rêvé d'une lame d'un blanc éclatant. Une dague, finement sculptée, parfaitement équilibrée et terriblement mortelle. Une œuvre d'art que j'étais le seul à pouvoir manier. Je ne me souviens plus de son nom, de ses spécificités... je ne suis même pas certain de l'avoir un jour possédé.

Cette histoire de relation entre la Tour Noire et la Congrégation l'interrogea. Il avait été assassiné par une rébellion d'Exécuteurs. En raison de son statut au sein de sa race comme de sa faction, les deux n'auraient-ils pas pu s'unir pour punir les coupables ? Pas très utile, étant donné que l'Exécuteur avait repoussé quasiment seul l'immense majorité de ses assaillants. Alors quoi ? Qu'est-ce qui avait causé ce froid ? Était-ce justement cette dague mystérieuse ? Sa possession avait-elle été contestée par les deux camps ou point de créer des tensions ?

Juste après ma mort... comment les choses se sont-elles déroulées entre la Tour et la Congrégation ?

Axe lui tendit finalement une de ses propres dagues. Une belle lame, à n'en pas douter. Saigo la pris en main, naturellement. Il la soupesa, l'observa, la jaugea d'un œil expert. Malgré son réveil récent, il savait distinguer une arme de bonne facture d'une lame générique. Là, il avait affaire à du travail de forgeron, d'un bon forgeron. Cependant... il ne pouvait pas l'utiliser. Pas pour la chasse. Mais rapidement, l'Exécuteur-en-Chef retroussa sa manche gauche et s'entailla l'avant-bras tout en récitant une prière à Mahriser. Les cachots le croyaient peut-être encore mort, mais lui ne comptait pas renier ses coutumes pour autant. Une fois son rituel matinal accompli, le chasseur rendit sa dague à la louve.

Je suis un Exécuteur. Même à l'article de la mort, je ne devrais pas avoir besoin de m'encombrer d'un outil pour me défaire de tels parasites.

Le regard braqué sur les blangos, Saigo fit craquer ses doigts, puis sa nuque. Lorsque les hommes de l'Ombre l'avait encerclé, sa garde était revenue toute seule. Maintenant, il était temps de réactiver ses connaissances en mouvements offensifs.
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