Après sa nuit passée dans la Forêt avec ses deux compagnes rencontrées totalement par hasard, Léane finit par décider définitivement de partir à l'aventure, comme son père avant elle. Elle ne savait pas trop où elle arriverait, mais cela lui importait peu. Elle voulait voir du pays et des gens.

Se retenant de retourner en arrière pour en parler à ses parents, elle repartit dans la direction opposée à celle menant à sa petite maison familiale. Depuis le temps qu'elle ne connaissait pas d'autre paysage que la forêt, elle devait en sortir. Bien sûr, elle aimait l'atmosphère de ces bois, l'odeur de la mousse mouillée en automne, celle des fleurs fraîchement écloses au printemps, même la morsure du froid en hiver. Les arbres l'avaient toujours protégée des flocons, elle n'avait donc pas à se plaindre. Et l'été, quel plaisir de grimper à la cime d'un arbre pour profiter des premiers rayons du Soleil matinal !

Enfin, peu importait. Où qu'elle aille, les saisons continueraient à exister, d'après son père. Elles étaient simplement ressenties différemment. Il était temps d'aller vérifier ces mots !

Prenant son arc et quelques fruits comme seuls bagages, elle se dirigea vers ce qui lui semblait être l'orée de la forêt. Après tout, elle n'avait jamais exploré l'intégralité de sa forêt natale, peut-être fallait-il commencer par là ?

Elle secoua vigoureusement la tête.

Et elle poursuivit son chemin d'un pas décidé, cueillant quand même quelques fruits au passage, histoire d'avoir au moins quelques provisions. Cela ne lui durerait pas longtemps, mais, au moins, elle aurait peut-être le temps de trouver une autre source de nourriture... Et puis, rien ne l'empêchait de repartir à la cueillette avant de quitter la forêt. Elle devrait peut-être aussi chasser un animal, pour avoir un peu plus de nourriture ? Mais dans ce cas, il faudrait un animal assez petit pour être transporté...

Elle finit par abandonner l'idée. Après tout, si ses congénères pouvaient survivre avec des plantes, elle le pouvait aussi, non ? Et autant ne pas trop se charger quand elle ne savait pas à quoi s'attendre... Si elle devait se défendre, elle aurait besoin de ses deux mains pour utiliser son arme.

Toute à ses pensées, elle avait continué de marcher, à tel point que, lorsqu'elle revint dans le monde réel, elle ne savait pas du tout où elle était. Bien sûr, elle était toujours dans la forêt, mais où ? Ces arbres ne lui disaient rien...

Et après tout, c'était pour ça qu'elle était partie. Découvrir. Seulement, elle ne savait pas si elle réagirait correctement quand il se passerait quelque chose, car il était évident qu'il finirait par se passer quelque chose...

Et en effet, un événement se présenta à elle... Mais pas du tout du genre de ceux auxquels elle s'attendait. Son pied plongea dans une eau qui ressemblait à tout sauf à de l'eau. Retirant son pied, elle l'observa de plus près... Et se souvint de ce qu'elle avait lu dans un de ses livres : Les marais sont caractérisés par une eau stagnante, peu profonde, le plus souvent malodorante, mais qui abrite un écosystème très riche.

Cette eau correspondait parfaitement à cette description. Ainsi, c'était à ça qu ressemblait un marais, dans la vraie vie ? Elle préférait clairement l'eau de ses lacs forestiers... Mais si elle voulait découvrir, elle devait ouvrir son esprit. De plus, c'était une nouvelle occasion d'apprendre, elle ne pouvait pas passer à côté ! Elle entreprit donc de partir à la découverte de ce fameux écosystème.

Elle fut surprise par la quantité de plantes vivant en ce lieu, et, qui plus est, des plantes très différentes de celles qu'elle connaissait. Elles étaient bien plus sauvages, et lui semblait pouvoir s'adapter à n'importe quel paysage.

Elle faisait le tour de ce lieu étrange, lorsqu'elle faillit percuter quelqu'un. Quelqu'un ? Ici ? Étrange... Méfiante, elle saisit son arc d'une main, prête à s'en servir, tandis que de l'autre, elle effleurait la surface de l'eau, feignant de continuer à l'étudier, alors qu'en réalité, c'était l'étranger qu'elle étudiait, du coin de l’œil. Elle jugerait en fonction de ses prochaines actions si elle pouvait lui faire confiance. Elle envisageait trois options, parmi lesquelles elle déciderait en fonction du comportement de cet être : dans le meilleur des cas, il se montrait amical et elle accepterait de discuter avec lui. S'il se montrait suspect, elle continuerait à l'étudier pour mieux le cerner, tout en se préparant à fuir si nécessaire. Et en cas d'agressivité, elle essaierait avant tout de prendre de la distance. Il était en effet clair que, compte tenu de la faible distance qui les séparait, elle ne pouvait actuellement ni fuir ni attaquer. Un arc n'est pas vraiment une arme de contact. Mais c'était également la seule arme qu'elle maîtrisait. En espérant que cela ne lui coûterait pas le vie, ce serait dommage de mourir alors qu'elle venait à peine de prendre sa vie en main.

Beaucoup considèrent les marais d'Hukutav comme l'un des lieux les plus répugnants de Dùralas du fait de son eau croupie qui ensevelit et de sa faune et flore. Ils préfèrent tomber nez à nez avec un cerf royal plutôt que face à un énorme crapaud. Je comprends leur raisonnement bien qu'il soit stupide ; les marais symbolisent l'inconfort alors que tout le monde recherche le contraire, même en territoires hostiles. Les seuls qui semblent se réjouir de ces terres sont les nagas, mais ne serait-ce pas plutôt parce qu'ils sont "originaires" d'ici ? Je veux dire par là que si les nagas avaient élu domicile sur la plage ou les terres désolées (avant qu'elles ne le deviennent), n'auraient-ils pas vu les marais comme un lieu abject ? Surtout que je ne pense pas que ces êtres reptiliens aient décidé de s'installer dans les marais par choix. À mon avis, il doit y avoir quelques raisons conflictuelles. En même temps, avec les elfes et centaures et autres hybrides à l'Ouest, des civilisations en guerre perpétuelle au sud (avant qu'elles ne disparaissent), les humains et les orcs à l'Est (des marais bien sûr, pas de Dùralas) et les nordiens et leurs descendants au Nord, je pense que les marais pouvaient être un lieu particulièrement hostile. Il faudra que j'aille voir un de ces jours à la bibliothèque de Stellaraë ; je pense pouvoir trouver quelques informations intéressantes.

Pour en revenir à mon sujet initial, je ne pense pas que les marais soient aussi horribles qu'ils ne le sont dans leur réputation. Ce sont quand même les vestiges d'une ancienne civilisation. Peut-être n'était-elle pas des plus florissantes, mais les preuves sont là : ces ruines immenses, les restes de la prison, tout ça conduit à quelque chose de factuel : une civilisation développée était présente ici et ce qu'il en reste fait la beauté, l'intérêt et la richesse des marais.

Tout ça m'amène à ma visite ici où mes bottes de basse qualité sont immergées dans la fange et le bas de ma cape complètement rapiécé et encore plus trempés que mes pieds et mes chaussures. C'est même pire, je sens le poids de l'eau croupie et de la boue. Peut-être devrais-je m'en débarrasser ? J'achèterai une autre cape comme d'habitude une fois sorti de ces lieux. Oui, faisons ça. Bon, je dois bien avoir une souche pas trop humide sur laquelle m'asseoir dans le coin ? Ah, en voilà une.
Hop. Un coup coup de couteau de couper la longueur, juste de quoi garder une cape dans le dos qui ne traîne plus en-dessous de mon fessier. Ce n'est pas un joli travail, mais ça fera l'affaire. Moi ce qu'il me faut c'est ma capuche ; je me sens plus à l'aise avec. C'est un peu comme l'armure du protecteur ou du paladin. Elle fait partie de mon identité, voilà tout.

Bon. Tout ça c'est bien beau de parler vêtements et attachements matériels, mais j'ai quand même un certain but ici et je compte bien faire un grand pas en avant. Je suis sûr que je vais apprendre des choses et... Mais... Attendez, vous n'allez quand même pas me dire qu'à chaque fois que je trouve un endroit isolé il faut qu'une autre personne soit sur les lieux ? Non, je ne crois pas aux coups du sort. Je ne crois pas non plus à une malice du... Enfin qu'importe.
Qu'est-ce qu'elle fait ? Elle... Elle ne m'a pas vu, c'est ça ? Je suis si sale que ça que je me fond dans le décor ? Voyons... Non, ma barbe a été taillée il y a deux jours et je me suis rincé le corps hier soir. Je veux bien que les marais soient salissants, mais quand même. Je ne m'incruste pas dans le décor pas vr...
- Eh !

Non mais en plus on me bouscule comme ça ? Faudrait peut-être apprendre à regarder ce qu'il se passe autour, hein !
Mais... Qu'est-ce qu'elle fait ? Je suis juste là, hein. Je t'ai vue, en même temps tu m'as presque bousculé. Qu'est-ce qu'elle fait là à feindre ne pas m'avoir vu ? J'ai quand même pas bu une potion d'invisibilité, pas vrai ? Non, si j'étais invisible elle serait un peu plus perturbée que ça. Mais... Mais...
Respire...
Respire un bon coup...
Il y a des choses bizarres dans ce monde, tu le sais très bien. Ce n'est pas parce que depuis que tu as cette cape sur la tête tu n'as fait que rencontrer des personnes étranges que forcément il y a... une... explication bizarroïde derrière tout ça. Hein ! Non, ce n'est que de la malchance, en quelque sorte.
- Vous... Vous entamez toujours vos rapports avec les autres de cette manière ? À moins qu'il vous manque quelques capacités à vous exprimer ? Je ne sais pas, je demande au cas où. Parce que, voyez-vous, habituellement quand on tombe sur quelqu'un comme ça, on entame une conversation pour jauger le danger et aussi pour indiquer ses intentions. Là, vous avez votre arc à portée de main - j'ai l'œil pour ces choses là - et je pourrais penser que vous me cherchez quelques ennuis. Vos compagnons sont dans le coin ?

Hum... Rien sur la droite, ni sur la gauche. Derrière peut-être ? Je vais tendre l'oreille au cas où. Quelques petits réflexes de mon ancienne vie où il fallait toujours rester alerte. Si ses amis sont aussi bruyants qu'elle, je n'aurais aucun mal à les repérer. Par contre, si on parle de quelques spécialistes du camouflage et de la discrétion, comme les maîtres assassins, je vais avoir plus de mal. Eh oui, je n'en ai pas l'air, mais j'ai une sacrée expérience sur les épaules.
Bon, du coup ? Qu'est-ce qu'elle veut au final ?

Bon. C'était ce qu'on pouvait clairement appeler un échec total. Il l'avait remarquée dès le début... Bon, en même temps, elle n'avait jamais cherché à être invisible, mais la facilité avec laquelle il semblait l'avoir prise en grippe la laissa un instant déconcertée. Ce n'était pas comme si elle avait beaucoup d'expérience dans le domaine des relations sociales... Comment était-on censé réagir dans une telle situation ? Inutile de se raccrocher à l'excuse "j'étudiais l'eau", parce que bon, même si c'était vrai, ça pouvait sonner comme une mauvaise excuse... Que dire, alors ?

Elle finit par décider d'improviser. Ce serait toujours mieux que de rester à ne rien dire. Tournant la tête vers lui, elle se lança :

Elle regrettait son départ précipité, d'ailleurs. Mais bon, elle ne pouvait pas revenir en arrière... Se relevant pour lui faire vraiment face, elle l'observa rapidement. Mais faute de savoir quoi chercher comme information, son analyse fut très rapide et n'eut pas de grands résultats. Et elle continua l'improvisation :

Après un moment de réflexion, elle décida de débuter elle-même les présentations. Cet homme ne semblait pas vraiment vouloir dévoiler son identité, à voir la manière dont il s'habillait. Si elle parlait la première, peut-être cela le déciderait-il ? Ou alors, cela aurait l'effet totalement inverse, mais il fallait bien commencer quelque part... Et, d'après sa mère, c'était en faisant des erreurs qu'on apprenait...
Alors, allons-y, faisons des erreurs !

Cet homme semblait rude, pas du tout du genre à se laisser amadouer par ce genre de paroles, mais tant pis. Au moins, elle avait dit quelque chose. C'était ce qui importait.

Par chance, elle ne semble pas avoir des soucis pour parler et communiquer. Je craignais qu'elle ne soit muette ou issue d'un environnement ne l'ayant pas préparée à s'exprimer avec les autres personnes de Dùralas, mais fort heureusement ce n'est pas le cas. Enfin, presque pas le cas. Si je suis la troisième personne qu'elle rencontre, ça fait de moi... Son potentiel premier inconnu ? Ça doit être ça. Papa, maman et moi, ça fait trois personnes, à moins qu'elle ne compte pas ses parents dans ce compte. M'enfin, quoiqu'il en soit, elle n'est pas du tout habituée à ce genre de situations. On peut dire qu'elle a de la chance de tomber sur moi et pas d'un dangereux individu qui aurait bien aimé la délester de ses possessions. Oh, à mon avis, elle se serait faite avoir dans les plus ignobles règles de l'art. Mais quand bien même, je ne fais pas gardiennage d'enfants... Je veux bien être sympa, mais je ne veux pas être entouré de bambins ; j'ai bien assez donné dans les sombres montagnes de Kanaan.

Hum. Oui, je devrais peut-être me présenter et lui montrer un peu comment ça se passe dans ce monde.
Ah. Elle prend les devants. C'est une bonne chose au final, ça montre son investissement et son envie de s'améliorer. J'apprécie cet état d'esprit, c'est faire preuve d'initiative.
Donc, Léane l'elfe (si j'en crois ses oreilles pointues) qui vient de Sylfaën et n'a jamais quitté son cocon familial (ou autre) mais qui a décidé, il y a peu, de quitter son habitat pour découvrir le monde. Classique, mais un peu téméraire, surtout dans ces lieux dangereux.
- Enchanté Léane. Me concernant, j'ai abandonné mon nom et me fais appeler "Voyageur", parce que j'erre un peu partout à Dùralas. Je dois vous avertir que vous avez eu de la chance de tomber sur moi, beaucoup de personnes en ce monde ne sont pas dignes de confiance et essayeront de vous abuser à tout moment. Certains prévoient leur coup sur plusieurs jours, semaines, mois voire même années. La malfaisance est présente chez beaucoup de personnes. D'ailleurs, pouvez-vous être sûre que je n'en suis pas un ? Ce n'est qu'en apprenant à bien connaître les gens qu'on comprend s'ils sont de notre côté ou pas, mais partez du principe que tout le monde cherche à abuser de vous. Au moins, vous serez plus préparée et moins déçue.

Je sais, je sais, c'est loin d'être un discours optimiste, mais il faut bien l'avertir tout de suite. Que se serait-il passé si j'étais doté de mauvaises intentions ? Et encore, je ne lui ai pas parlé des monstres qui se tapissent dans l'ombre. Je crois qu'il est préférable que je reste un peu avec elle.
- Navré d'apporter de sombres informations, mais on rencontre aussi des perles dans ce monde. Des personnes fantastiques qui vous apportent leur aide lorsque vous en avez besoin ou qui viennent simplement apporter des instants de joie et de bonheur n'importe quand. D'ailleurs, si un jour vous rejoignez un groupe de personnes aux mêmes idées que vous, vous y découvrirez la camaraderie et le soutien de vos pairs. Je ne veux pas vous influencer, mais peut-être que la Garde Zéphyr vous plaira.

Ah. Je parle de camaraderie et j'ai abandonné mes compagnons, amis et obligations...