J'avais troqué mon habituelle tenue noire d'assassin pour une sorte de tunique nomade à capuche d'un beige tirant sur le marron, camouflant intégralement mon corps et mon visage comme à l'habitude. Il fallait bien m'équiper après tout pour braver le Désert de Harena!
D'habitude, lors de mes contrats, j'évitais de m'arrêter dans le désert, moi qui avait toujours vécu dans la Tour Noire, près du Lac Fresha qui comme son nom le laissait présager était un peu plus frais qu'ici. Mais Nalphégius, mon pégase et non pas mon frère jumeau qui se reposait dans un coin de mon esprit, avait dû s'arrêter, fatigué par les efforts que je lui demandais, et nous nous étions donc posé à quelques kilomètres d'un oasis.

"Je t'ai déjà dit de ne pas appeler ta sale bête comme moi."
Oh ça va. Tu dis ça parceque tu es jaloux que lui ai chié devant la Tour Noire, sous les yeux de père, et pas toi.
"Ce que tu peux être immature Valph."
Je fais ce que je peux, en effet héhé

J'avais donc dû m'arrêter avant d'atteindre l'oasis, mais cela ne me déplaisait pas. Je ne m'étais jamais déplacé à même le désert, et le sable chaud sous mes pieds m'était alors inconnu. Il était très différent du sable rouge de la Red Sun Belt, non loin de la Demeure Isolée qui était notre quartier général. Ici, les températures étaient vraiment torrides, et je sais de quoi je parle, étant un spécialiste en ce domaine.

"Heureusement que je peux me reposer dans ton esprit quand tu fais ce dont tu es "spécialiste" sinon je pense que je me suiciderais de dégoût.
Tu dis ça parceque tu n'as pas essayé, Nalph. C'est pas faute de t'avoir proposé quand tu étais encore dans ton corps.
"Sans façon. Le seul orgasme que je connais et que j'accepte c'est celui du meurtre."
Sur ce point on se rejoint, mon frère.

C'est vrai qu'il était plaisant d'ôter la vie, mais contrairement à mon jumeau je préférais manipuler et séduire avant de tuer. Jouer avec ma proie avant de fondre sur elle en un instant. Quelle intensité! Même dans ma chambre, à Lédéhi, je ne ressentais pas autant de bonheur que quand je réussissais à manipuler de nouveaux jouets.
Alors que je discutais mentalement avec un Nalphégius blasé, j'aperçus au loin enfin ce que je recherchais: la fameuse oasis que j'avais aperçu au loin, en volant! Mais à mesure que je me rapprochais, je me rendais compte d'un état de fait évident: ce n'était pas un oasis habité. Il n'y avait visiblement pas de civilisations ici, seulement quelques buffles venus se raffraîchir auprès d'un des rares points d'eau du désert de Harena. Bon, et bien je n'allais pas forcément m'amuser avec de nouveaux jouets, mais au moins Nalphégius aura l'occasion de se réhydrater.

"Qu'est-ce que je t'ai dit, Valph?"

J'ignorai les suppliques de mon frère et arriva enfin à l'oasis. Il n'avait rien de particulier, c'était une simple étendue de verdure, avec quelques palmiers se balançant discrètement à différents endroits. Au centre de l'endroit, se trouvait un lac, où quelques buffles venaient se ressourcer avant de repartir en escapade dans le désert. Alors que je m'approchais d'un rocher pour me poser, invitant mon pégase rouge à aller boire, les buffles se retournèrent et nous fixèrent d'un air méfiant. Ils n'avaient sûrement pas l'habitude de voir de si étranges spécimens par chez eux. Je me levai donc de mon caillou et m'approchai de l'un d'eux, qui eut un mouvement de recul. Arrivé à quelques mètres de lui, je me mis à le fixer à son tour, le regard sérieux.
Puis, sans crier gare, je hurlai un gros "BOUH!" à l'encontre du buffle curieux.

L'effet fut immédiat. Tous les buffles présents - le nombre s'élevait à cinq - se mirent à beugler et à s'enfuir aussi vite que leur poids leur permettait. Leur beuglements furent vite couvert par mes éclats de rire tonitruants, et ce n'est pas le soupir de désespoir que j'entendais à l'intérieur de mon esprit qui allait entâcher ma bonne humeur. Finalement, on s'amusait pas si mal dans un lieu si aride et vide!

Alors que les buffles détalaient, en désordre, vers un endroit loin de moi, mon rire cristallin fut stoppé par une voix provenant de derrière moi:

"Hmm. Tu dois avoir de sacré problème d'infériorité pour t'en prendre à des buffles aussi idiots."

Je me retournai en haussant un sourcil. Cet oasis n'était donc pas abandonné? Devant moi, à quelques mètres plus loin, se trouvait ce qui semblait être un hybride, avec des cornes semblable aux cerfs. Nalphégius, ayant flairé la potentielle menace, s'arrêta de boire et alla se poster à mes côtés, droit comme un i. Ou comme un h, vu que c'était un équidé à quatre pattes.
Dans tous les cas, celui qui venait de s'adresser à moi avait une pincée de cynisme dans la voix. Ce simple état de fait faisait de lui un compagnon intéressant. J'étais sûr qu'on allait bien s'entendre!

"Tu pourrais le tuer, moi j'aurais pas laissé passer une offense pareille."
Oui mais toi tu ne sais pas rire Nalph. Tu devrais essayer, tu verras ça fait du bien!
"Sans façon, je préfère sourire à la limite."
Si tu avais encore ton visage, je t'aurais conseillé de ne pas le faire. Tu aurais fait fuir mon nouveau jouet!

Je m'approchai de l'hybride, tranquillement, et mes lèvres formèrent un sourire avenant alors que je lui répondis:

"L'endroit était trop calme à mon goût. Ca manquait de chaos."

Je ricanai légèrement tout en levant une main pour le saluer. Visiblement, il n'était pas là pour me tuer sinon il ne se serait probablement pas annoncé. Cependant, je devais avouer que je ne m'attendais pas à croiser une créature de la forêt dans le Centre de Dùralas. Et surtout à la même oasis que moi, alors qu'elle semblait déserte. Quelque part, c'était le destin qui nous avait réuni ici.
J'enchaînai donc, curieux:

"Je m'appelle Valphégas, l'ami, le fantôme sanglant. Et voici Nalphégius, mon fidèle compagnon pégase. Dis moi, qui est-tu, et surtout plus étonnant, comment se fait-il qu'un hybride se retrouve aussi loin de chez lui?"

Au même moment, je remarquai une boule de poil noire se balader non loin de là. J'aurais dit que c'était un chat, mais il était trop loin pour que je puisse mieux l'examiner. Peut-être était-ce le compagnon de mon nouveau jouet cornu? Je décidai d'en avoir le coeur net:

"C'est ton chat là bas? Belle bête, mais tu dois peiner à le monter vu sa taille."

Je fis mon éternel sourire en coin, d'humeur joyeuse. Cet imprévu n'était pas pour me déplaire, et cela me changerait de la compagnie de l'éternel casse-pied qui me servait de jumeau.

"Tel frère tel frère."

Mon nouveau compagnon répondit à mes questions alors que ce que je devinais être son chat alla se poser sur une de ses épaules:

“Tes interrogations sont justifiés, cher ami, que ferait un hybride dans un endroit pareil ? Eh bien je me suis réveillé dans ce sublime et horrible sable. Un stupide être de mon espèce m'a guidé jusqu'ici alors je continue d'avancer vois-tu ? Quitte à être ici au moins je visite !”

Il ricanait et parlait d’un air rieur et avenant, presque autant de moi. Ce jeune hybride me plaisait déjà, dans sa manière de se comporter. Je ne compris néanmoins pas tout à fait sa réponse. Un stupide être de son espèce l’avait guider jusqu’ici? Etait-ce une métaphore obscure que je ne comprenais pas, faute d’indice? Ou juste une phrase lancée comme ça qui cachait en réalité une histoire bien plus longue et intéressante? Je n’en savais pas grand chose à dire vrai.
Quoi qu’il en soit mon nouveau jouet s’approcha doucement de moi, tout en me présentant le chat qui trônait fièrement sur son épaule, me fixant du regard aussi ardemment que mes nombreuses conquêtes:

“Et voici mon chat, Orion, il est fidèle et je n'ai pas besoin de le monter, la marche me convient très bien.”

Je ricanai avec lui alors qu’il arrivait à ma hauteur. Il fixa devant lui, alors que son chat ne me lâchait pas du regard. Contrairement à mes conquêtes, je sentais une certaine agressivité de sa part, et je me demandais bien ce que pouvait me reprocher cet “Orion”, s’il me reprochait quoi que ce soit. Peut-être faisait-il partie de ses créatures prudes et stoïques qui n’aimait pas la jovialité naturelle qui se dégageait de moi?

“Un chat de bon goût si c’est le cas”
Tu n’y connais rien à la jovialité toi de toute façon Nalph.

Mon camarade hybride chuchota quelque chose que je n’entendis pas vraiment, et les deux joyeux lurons se baissèrent alors pour se désaltérer. La marche dans le désert avait dû les fatiguer, et c’était bien naturel de boire. Nalphégius, mon pégase, quant à lui, semblait toujours se méfier d’eux, et il ne bougeait pas d’un pouce depuis tout à l’heure, l’air tendu. Je reconnaissais bien là ma fidèle monture, prompte à protéger mes arrières en cas de pépin. Je profitai du fait qu’ils soient occupés pour escalader le rocher juste à coté afin de me poser, et une fois fini l’hybride commenta en se retournant vers moi:

“Je dois avouer que cet endroit ne me sied guère. En réalité je déteste le sable. Il s'apparente à un traître à mes yeux. Brûlant, la journée il te laisse croire que le désert n'est qu'une vaste étendu de chaleur. Du moins jusqu'à ce que tombe la nuit, où il devient plus glaciale que la neige elle même, et laisse le froid te ronger les os. C'est vrai que de ce point de vue là, mon ''chez moi'' est beaucoup plus attirant.”

Il avait une bien étrange manière de voir le désert, mais je le rejoignais sur le fait qu’il n’était pas agréable de le traverser. Moi qui avait toujours vécu près du lac Fresha, je ne supportais pas bien la chaleur quand elle n’était pas charnelle. Je lui répondis donc:

“Je te rejoins sur ce point l’ami. Ayant vécu toute ma vie près des Montagnes du Baldor, cette chaleur me tue à petit feu. Je me dis: “Vivement la nuit!” pour le coup.”

Il me dit alors, d’un air jovial qui ressemblait fort au mien:

“Tu es notre première rencontre dans ce bas monde, enchanté !
Oh .. Au faite.. cher.. ''ami'', je ne me suis pas présenté. Je me nomme Shax, le cerf moqueur. Et voici Orion mon fidèle félin”

“J’ai l’impression qu’il se fiche de nous. Tue le.”
Allons Nalphégius, on ne fait pas de mal à nos nouveaux jouets!
“Moi ils me plaisent pas tes nouveaux jouets.”
Oui mais toi tu n’aimes personne mon frère.
“C’est pas faux.”

Il se présentait ainsi comme le cerf moqueur? Etrange pseudonyme, mais je ne critiquais pas, le mien était “fantôme sanglant” après tout.
“Demande lui s’il est pas bouffon à ses heures perdues. Il a le profil de l’emploi en tout cas.”
C’est vrai qu’on dirait un troubadour ou un bouffon, mais il y a des choses qui ne se disent pas Nalph! C’est pas comme ça qu’on charme quelqu’un.
“Roh toi et ton charme…”

Je dépliai un peu mes ailes pour les détendre un peu, et demandai alors à Shax, sur le ton de la conversation:

“Dis moi donc, cerf moqueur, quel est ton but ici bas? Tu m’as l’air d’être un bien curieux personnage, j’ai bien envie de te connaître maintenant.”

Je me tournai vers mon destrier, toujours immobile, et enchaînai à l’encontre de Shax:

“D’ailleurs si jamais tu veux quitter le désert, une fois que Nalphégius se sera reposer on pourra partir depuis les airs.”

“Je vais pas me fatiguer à te rappeler DE NE PAS APPELER TA MONTURE COMME MOI!”
Tu viens de le faire héhé.