Brönn Menred naquit dans le Sud de Duralas, non loin de Village d'Ishtar, de parents fermiers. Leur maison se situait sur le bord d'un sentier qui donnait sur l'entrée principale du petit village. Il était un fils de la terre. Quand il était chez lui et qu'il aidait son père aux taches agricoles, Brönn questionnait parfois son père concernant les autres contrées qui composaient notre monde. Et à chaque fois, le père répondit :

« Un jour, Brönn, tu auras l'occasion de voyager, crois-moi...Mais pour le moment, au boulot ! Ce n'est pas en parlant que le travail va se faire ! »

Depuis, Brönn espérait voyager et la mort de ses parents fut une très bonne raison pour rôder un petit peu partout.






« Brrrr... Qu'est-ce qu'il fait froid ici... », marmonna Brönn tout en réajustant sa capuche sur sa chevelure blanche.

A en avoir le paysage...Il devait être dans l'Est de Duralas. Du moins, il espérait que la route que lui avait indiqué un voyageur menait bel et bien à BaldorHeim, la capitale de l'Est. Mais il n'avait pas vraiment de doutes... Perchée bien haut dans les montagnes, les falaises... Ça ressemblait fortement à description qu'on lui avait faite de la ville. Brönn se trouvait sur un petit chemin, assez large pour lui et son cheval, mais s'il avait été accompagné, la route aurait été beaucoup moins facile à pratiquer. Il s'arrêta, leva la tête et remarqua, non loin de lui, la neige et les tuiles qui recouvraient les toits des maisons de BaldorHeim :

« Aaaah... Je crois que j'y suis ! »

Il reprit sa route et arriva à l'entrée de la ville. C'était assez charmant comme endroit et très certainement construit par les nains. La neige recouvrait le sol en plus des toits des maisons et semblait ne pas vouloir fondre. Brönn, refroidis par le climat, s'enfonça dans la ville et demanda à un badaud s'il y avait un endroit où il pouvait se réchauffer et boire quelque chose de chaud :

« Oh mais vous n'êtes pas du coin vous... », remarqua la personne en roulant les lettres.

« Effectivement... Mais puis-je avoir une réponse à ma question ? », rétorqua Brönn.

« Oohh... Oui ! Il y a l'auberge là... Heu... Oh j'sais plus son nom... M'enfin, c'est par là », répondit la personne en montrant à Brönn la route qui était derrière elle.

« Merci. », ajouta Brönn.

Il prit donc la route et chercha l'auberge qu'on venait de lui indiquer. Sur son chemin, il passa devant une écurie. Il confia son compagnon au maître palefrenier et reprit sa route. Par chance, il n'avait pas besoin de chercher plus loin. Brönn, en tant que bon chasseur, repérait les odeurs et ce qu'il sentait ne pouvait pas le tromper. C'était l'odeur de la viande grillée et de la bière. En plus de ces parfums qui étaient de plus en plus intenses, des bruits se faisaient de plus en plus forts sur sa droite. Brönn s'arrêta devant une bâtisse. La maison était assez grande, avec quatre vitres qui renvoyaient la lueur d'un feu. Il leva la tête et remarqua une pancarte :

« Au..Fourré à la myrtille... », murmura-t-il.

Brönn posa la main sur la poignée, ouvra la porte, entra dans l'auberge et referma la porte derrière lui. Il enleva sa capuche et analysa l'endroit : un feu de cheminée, des personnes qui parlaient, une viande en train de griller et...Un air de musique. Il s'avança vers l'aubergiste et lui demanda :

« Pourrais-je avoir une pinte, s'il vous plaît ? »

En échange de quelques pièces, le tavernier lui donna une pinte. Brönn s'en empara et chercha une place où s'installer. Là où se trouvait la cheminée, se trouvait également un barde, assez âgé d'ailleurs au vu de la couleur de ses cheveux et de sa barbe, qui fredonnait quelques chansons. Et juste en face de lui, une autre table était libre. Brönn se dirigea vers celle-ci, s'y installa, posa sa pinte et sa sacoche en cuir noir sur la table. Il prit sa pipe, y mit du tabac et l'alluma tout en s'appuyant de tout son poids contre le dossier de la chaise. Brönn tira une bouffée sur sa pipe tout en regardant et en écoutant le barde jouer.

Bladr se trouvait au Fourré à la Myrtille, meilleure taverne de Baldor'Heim, pour une représentation. Depuis des années, il avait conclu un arrangement avec le tavernier, un nain exceptionnellement grand pour sa race, nommé Karli, qui lui offrait quelques rafraichissements lorsqu'il passait faire une représentation. Le vieux barde était arrivé quelques minutes avant qu'un groupe de nains aux longs cheveux ne termine sa représentation, de musique Rock, comme l'appelaient les jeunes. La dernière chanson qu'avaient chanté ces Nains plaisait bien à Bladr, qui le reprendrait certainement un jour: le morceau s'appelait "Vanà dans le ciel avec des diamants".

Bladr était monté sur la petite estrade qui se trouvait au fond de la salle, et avait entonné une première chanson, puis une seconde. Ses doigts dansaient sur les cordes de son luth avec une maîtrise qu'il n'avait pas atteinte depuis quelques mois. Sa voix accompagnait les mélodies sans faillir.

Après une demi heure, la représentation touchait à sa fin, et le barde ne chanterait probablement plus que deux chansons. Il choisit premièrement une chanson assez connue mais au demeurant très émouvante, intitulée "La princesse et le troubadour"
"Elle vivait dans un château
Entouré par les créneaux et la forêt
Les princes la demandaient en mariage
Un pauvre garçon chantait à ses côtés.

Et la princesse le regardait
Et la princesse rêvait
Elle était belle comme le jour
Mais bien trop belle pour un troubadour."

Bladr aimait ce chant dont la mélodie douce et lente, en plus d'imposer une certaine gravité parmi l'auditoire afin de mieux repartir avec une chanson joyeuse, se mariait bien avec sa voix un peu grave et rauque.
Durant les premiers couplets, un homme d'âge mûr était rentré dans la taverne, avait commandé une pinte de bière khazarienne, l'avait prise d'une main ferme et s'était assis à la table la plus proche de l'estrade.

"Je ne dirai pas la fin elle est trop triste
Les princesses on le sait bien sont pour les rois
Elle devint une reine au regard triste
Pleura pendant trois semaines et l'oublia.

C'est une histoire d'il y a longtemps
C'est mon histoire pourtant
Elle était belle comme le jour
Mais bien trop belle pour un troubadour.
Mais bien trop belle pour un troubadour."

Quelques applaudissements vinrent couronner la chute de cette chanson. Bladr attendit quelques instants qu'ils se finissent, et, élevant un peu la voix s'écria.
"Et maintenant, terminons sur une note un peu plus joyeuse!

Sans attendre, Bladr releva un peu son luth et entonna la chanson la plus paillarde qu'il s'autorisait à chanter, une sympathique chanson à boire sans qu'elle soit trop grivoise:
"Qui veut chasser une migraine
N'a qu'à boire toujours du bon
Et maintenir la table pleine
De cervelas et de jambon"
Le refrain fut entonné par une grande partie de l'assistance.
"L'eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte compagnon
Vide-nous ce verre et nous le remplirons"
Bladr reprit à chanter:
"Le vin goûté à ce bon père
Qui s'en rendit si bon garçon
Nous fait discours sans grammaire
Et nous rend savant sans leçon
Le retour du refrain se fit entendre!
"L'eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte compagnon
Vide-nous ce verre et nous le remplirons"
Des applaudissements bruyants éclatèrent un peu partout dans la salle.
Bladr s'inclina brusquement et remercia son public puis compta les pièces d'or qu'il avait réussi à amasser, le glissa dans sa bourse.
Il prit dans la main gauche son luth et sauta de la petite estrade et héla le tavernier:
"Karli, une petite pinte pour un vieux barde?"
En attendant que la susnommée pinte n'arrive, le vieil homme s'adressa à l'homme qui était arrivé quelques minutes plutôt.
"Puis-je m'asseoir à cette table?"
Sans attendre la réponse, Bladr se tira un chaise et s'assit, posant le luth contre le coté de la table.

Brönn, se reposant toujours de tout son poids contre la chaise, écoutait le barde qui terminait sa représentation. L'ensemble des personnes qui assistaient au spectacle de l'artiste tout en riant et buvant leur bière, répétaient tous en cœurs le refrain du barde :


"L'eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte compagnon
Vide-nous ce verre et nous le remplirons"


Brönn, sans vouloir participer de trop, répéta le refrain dans sa tête tout en observant la taverne qui s'animait joyeusement. Le barde termina enfin sa représentation et remercia son public tout en glissant dans sa bourse les pièces qu'il avait réussi à  glaner. Le musicien prit son instrument et tout en descendant de l'estrade, demanda au tavernier une de ses bières :


« Karli, une petite pinte pour un vieux barde ? »


Le barde s'orienta vers la table à laquelle Brönn s'était installé, tira une chaise et demanda tout en s'installant :


« Puis-je m’asseoir à cette table ? »


Sans même attendre de réponse, il posa le luth contre le côté de la table et s'installa confortablement sur la chaise. Brönn, surpris, enleva la pipe de sa bouche et indiqua la place qu'il lui faisait face :


« Ah...Bah allez-y, oui... »


Pendant que Brönn se réinstalla confortablement contre le dossier de la chaise, le tavernier apporta la boisson au barde :


« Et voilà la boisson ! Et c'est pas de l'eau ! », annonça l'homme, tout en riant.


« Merci Karli ! », répondit le barde.


Alors que le tavernier tourna les talons pour repartir à ses occupations, le musicien prit une grande gorgée de sa pinte, s'approcha un peu plus de table et y posa les coudes. Il regarda l'homme qui lui faisait face :


« Vous n'êtes pas du coin vous...Où j'me trompe ? »


Brönn s'avança et posa sa pipe sur la table. Il prit sa pinte et prit à son tour quelques gorgées. Il la reposa sur la table, reprit sa pipe et répondit au musicien :


« Non non, vous avez vu juste... »


Le barde semblait analyser Brönn. Il l'observa avec attention et lui demanda :


« Vous venez d'où, du coup ? J'dirais que vous êtes une sorte de rôdeur...Ou un voyageur, non ? »


Brônn fut surpris par la perspicacité du musicien. Il s'avança de manière à se rapprocher du barde. Il posa sa pipe sur la table :


« Je suis du Sud, à la base...Et je voyage oui, je n'ai pas vraiment de point de chute. », répondit Brönn dans ton calme.


Le barde était plutôt avenant. Il avança une main vers Brönn et rétorqua :


« Bladr, barde ! Et vous ? »


« Brönn...Voyageur. », répondit Brönn tout en serrant la main que lui tendait le musicien.


Les deux hommes, après avoir fait connaissance, prirent chacun leur pinte et la vidèrent. Brönn fut le premier à terminer la bière. Il la posa sur la table et demanda à Bladr :


« Et vous, ça fait longtemps que vous faites ça ? »

L'homme qui se tenait en face de lui n'était pas très loquace, c'était le moins qu'on puisse dire. Il avait simplement donné son nom, Brönn et son "activité", voyageur, avant de faire montre de la qualité de sa descente de bière que Bladr s'efforça d'imiter au moyen de la chope de bière amenée par Karli. Il en profita pour détailler son interlocuteur.

Brönn était assez grand et plutôt bien proportionné. Ses cheveux blancs et ses traits burinés semblaient indiquer qu'il devait avoir une cinquantaine d'années, soit un peu plus jeune que le barde. Comme il venait de le dire, Brönn n'était pas de Baldor'Heim. Il était venu du Sud de Dùralas.

Une fois les pintes respectives finies, Brönn demanda au barde:
"Et vous, ça fait longtemps que vous faîtes ça?"
Bladr expliqua donc une partie de l'histoire qui avait fait de lui ce qu'il était:
"Assez longtemps, effectivement. À la mort de ma famille, qui était noble, partie à cause d'une épidémie, je me suis retrouvé sans rien, à part mon luth et quelques aptitudes à en jouer. Je suis donc barde depuis plus de quarante cinq ans."

Sachant, pour l'avoir déjà expérimenté, que cette histoire pouvait un peu réduire la qualité de l'ambiance lors d'une discussion, Bladr préféra enchaîner sur un autre sujet, sans poser la même question à son interlocuteur.
"Et vous, que faîtes vous dans cette belle ville qu'est Baldor'Heim?"

Les deux hommes venaient de terminer leur pinte. La bière était plutôt bonne, servie à la bonne température. Une fois la pinte reposée sur la table, Brönn reprit sa pipe et s'adossa à sa chaise, tira quelques bouffées dessus tout en écoutant Bladr raconter son histoire. Brönn aimait analyser les personnes, il énuméra les informations qu'il entendait dans l'histoire du barde :


« Alors...Il vient du famille noble, mais morte à cause d'une épidémie...Il lui reste que son luth et ses mains pour en jouer...Et il fait ça depuis plus de 45 ans... »


Quand Brönn était intrigué et intéressé, il avait comme habitude de mordre le tuyau de sa pipe. Ici, c'était le cas. Il n'aurait jamais deviné ce que Bladr avait pu vivre, mais mise à part le côté noble de sa famille, leur histoire était assez similaire. Cependant, le vieux barde semblait assez gêné de raconter son histoire. Ainsi, il préféra enchaîner sur le l'homme qui lui faisait face :


« Et vous, que faites vous dans cette belle ville qu'est Baldor'Heim ? »


Brönn soupira quand il entendit cette question. Il n'aimait pas trop parler de lui habituellement...Étant assez désagréable par habitude, bien souvent ses interlocuteurs, exaspérés par son comportement, n'allaient même pas jusqu'à poser cette question. Mais cette fois-ci, c'était différent. Brönn était tombé sur une personne qui avait un passif sensiblement identique au siens. Il répondit donc simplement d'une voix basse et assez grave :


« Je suis un...Voyageur. Je vais de ville en ville, à la recherche de contrat. Je mets mes compétences à la disposition de qui veut bien me payer...A condition que cette personne ait une bourse assez pleine, évidemment... Auquel cas...Il lui faudra trouver quelqu'un d'autre... Voilà pourquoi je suis ici. »


Une fois les explications fournies, Brönn s'approcha de la table. Il y posa sa pipe et prit sa pinte à pleine main. Il observa le contenu et retourna la pinte pour y faire tomber les quelques gouttes restantes  :


« Vide... »


Brönn reposa sa pinte sur la table, regarda Bladr et lui demanda :


« Une seconde ? »


Sans même attendre de réponse de la part du barde, Brönn tapa du poing sur la table et s'exclama :


« Tavernier ! Deux pintes ! »


« Ça marche ! », répondit le tavernier.

A la façon laconique dont l'humain qui se tenait en face de lui répondait à ses questions, Bladr pouvait deviner que son passé ne devait être guère beaucoup plus heureux que le sien. Brönn lui avait expliqué qu'il était une sorte de mercenaire allant de ville en ville à la recherche de contrats à remplir, moyennant finance, évidemment. Son existence devait être passionnante et regorger d'histoire à raconter. Bladr se dit que, s'il arrivait à lui tirer les vers du nez à propos de quelques anecdotes ou même de toute sa vie, Brönn pourrait certainement lui inspirer une chanson de geste fort intéressante. Mais la soirée n'était pas assez avancée et l'alcool n'avait pas assez coulé pour cela.
C'est pourquoi lorsque le mercenaire proposa une autre tournée de bière, Bladr répondit:
"C'est moi qui paye celles-ci!"

Karli arriva, dans son habituelle diligence après quelques instants, et servit deux bières. Les deux hommes remercièrent le tavernier brièvement. Bladr prit sa chope par l'anse et but une petite autre goulée de l'alcool préféré des Khazariens.
"Quoi qu'on dise, je trouve que la bière de Baldor'Heim est la meilleure que j'aie bue. Il me semble que celle du Sud du continent est un peu plus amère que la nôtre. Trouvez-vous celle ci à votre goût?

Du coin de l’œil, Bladr vit qu'un autre barde se préparait à monter sur scène, visiblement stressé. Bladr lui adressa un clin d’œil pour l'encourager et revint à sa discussion avec le mercenaire qui se trouvait en face de lui.