Lokyem regretta assez vite la chaleur d'Ishtar. Aussi habitué qu'il avait pu être aux températures froides des abysses dans son enfance, cela faisait bien longtemps qu'il n'y était pas retourné plus qu'une ou deux heures. Sans doute souffrait-il moins que n'importe quel autre humain ou elfe, mais le froid environnant mordait sa peau et chacune de ses respirations était comme une épée glacée s'engouffrant dans sa gorge et gelant chacun de ses organes.

En plus fallait-il que le brouillard s'en mêle. Lokyem soupira en voyant l'horizon devenir de moins en moins visible au fur et à mesure qu'il avançait péniblement à cause de la neige qui montait jusqu'à ses mollets - était il possible que l'eau endigue à ce point sa progression ?

Il appréciait beaucoup le paysage que lui offrait les montagnes. Et son silence. Et le fait que peu de gens ne s'y aventurent. Surtout.

Parlant de gens, il s'arrêta brusquement quand il vit une trace tranchant l'étendue imberbe de la neige, semblable à celle qu'il laissait derrière lui.
Même à je ne sais combien de mètres de hauteur, y'en aura toujours un pour être là... Songea-t-il morose.

Les traces allaient dans la même direction qu'il suivait. Et vu leur état, elles étaient fraîches. C'est le pas encore plus lourd que Lokyem les suivit. Mais après tout, elles lui facilitaient la marche.

Lokyem avait beau ne pas vouloir aller vite pour ne pas rattraper la personne qui avait laissé ces traces qu’il suivait avec tant d’assiduité, il ne pouvait s’empêcher de remercier en silence cette dernière, car son chemin en étant bien plus facilité. Il avançait sans même s’en rendre compte beaucoup plus vite qu’avant, le pas enhardi par la volonté de sortir au plus vite de cet enfer gelé.

Rapidement, il ne compta plus les minutes qui s’écoulaient tandis qu’il marchait avec un étrange sentiment de légèreté. S’il ne faisait pas si froid, il s’installerait bien dans ces montagnes, tiens. La brume avait beau tout lui masquer, cela faisait immanquablement partie de son charme, ne laissant à ses yeux qu’une étendu uniforme blanche à contempler. Lokyem ne s’en lasserait pas, assurément.
Si tant est que ce froid laisse mes pupilles intactes, se concéda-t-il avec un brin de cynisme.
Il en était à cette charmante réflexion pleine de fantaisie quand il aperçut une ombre immobile au loin. Indistincte. Mais il avait néanmoins la certitude que ce n’était pas un arbre au contours gelés ou bien un quelconque rocher. Lokyem se rapprocha un peu. La silhouette - car s’en était bien une - était plutôt petite, mais l’Abyssal n’aurait su trancher si c’était un nain ou bien autre chose recroquevillée. En tout cas, ça - il ? - ne semblait pas beaucoup bouger.

En train de crever de froid ? Lokyem ne cherchait pas la compagnie mais n’allait pas non plus la laisser mourir devant lui. Mais tandis qu’il accourait, il se rendit compte que la personne qui avait laissé les traces si appréciées était juste accroupit et faisait quelques mouvements, pas forcément de grands mouvements, mais bougeait tout de même. Refroidit - c’est le cas de le dire - dans son élan d’altruisme, Lokyem se figea.

Bon. L’autre n’allait sûrement pas tarder à le remarquer. Il soupira.
« Eh ! » dit-il comme piètre incipit. Après réflexion, il était peu probable que l’individu ait pu l’entendre avec le vent. Quoique. Dans le doute, il cria : « Eh oh ! » (prière de noter l’originalité du discours) pour se manifester, avant de se rapprocher à grandes enjambées.

Dès qu'il vit que l'autre l'avait remarqué, Lokyem s’arrêta à distance respectable de l’individu. Il savait - d’expérience hélas - que certaines personnes trop susceptibles pouvaient se vexer de ce simple fait et s’enhardir au point de transformer une rencontre en un combat sanguinaire. Inutile, surtout en ce temps si froid, où Lokyem avait d’autres choses à faire que gaspiller son énergie dans des combats aussi futiles que vains.

L’autre le considéra longtemps, semblant le juger ou bien essayant de deviner certaines choses de lui. N’en voyant pas l’intérêt, Lokyem le considéra pendant tout ce temps de son regard froid et implacable. Jusqu’à ce que son interlocuteur se décide à rompre le silence qui aurait semblé gênant sinon.

Il se présenta. De façon concise et polie, comme le font trop peu rarement les personnes croisées en chemin. « Lokyem. » dit l’Abyssal succinctement. L’essentiel était dit. L’elfe avait son visage et son nom, c’était bien plus que ce qu’il avait accordé à d’autres.

Le regard de Lokyem glissa sur le rocher vers lequel NéoLéo - étrange nom, cela dit - était penché. Sur ce dernier, des symboles en... Sang ? Le pourpre au milieu de tout ce blanc immaculé aurait put être disgracieux mais il n’en était rien. En vérité, Lokyem avait toujours apprécié ce genre de symboles, dont il trouvait l’esthétique particulièrement réussie.
« Vous êtes druide ? » Demanda-t-il, éludant ainsi de façon très peu élégante la question que lui posait l’elfe à laquelle il n’avait aucune envie de répondre.

« Non, je détiens seulement les bases de la magie Druide, grâce à mon maitre qui en était un. »

Lokyem nota tout de même un léger trouble chez son interlocuteur avant que son dernier ne lui réponde. Il n'aurait sut dire si c'était de la gène ou une réelle hésitation. En tout cas, l'Abyssal nota (et apprécia) l'humilité de l'elfe. Nombreux auraient été ceux qui auraient pu parader de leurs capacités avec une arrogance raffinée pourtant si répandue chez ce peuple.

« Avez-vous froid ? Excusez-moi de cette question qui peut vous paraître idiote mais, j’allais lancer un sort de chaleur ; donc je me suis dit que peut-être cela vous serait utile… »

Lokyem cilla quand NéoLéo lui posa la question. Assurément, il n'aurait jamais pensé qu'un jour quelqu'un lui propose cela aussi naturellement. Que l'elfe était en train de lancer un sort de chaleur, il aurait pu sans doute le deviner. Il est vrai que le froid qui était gênant pour lui devait être insupportable pour un elfe des sylves. Il considéra rapidement la proposition. L'offre était tentante mais...

« Disons que si je n'avais pas froid dans cet endroit, je ne serais sûrement pas vivant...»

Il prit une profonde inspiration.

« Néanmoins... Je me dois de décliner votre offre. Mon corps n'est pas le votre, et ce qui vous est sûrement nécessaire ne serait qu'un luxe pour moi. »

Après réflexion, Lokyem se rendit compte que sa phrase pouvait paraître des plus hautaine voire même méprisante, bien que ce n'était nullement son intention primaire. Il savait pour avoir côtoyé des druides pendant quelques temps que le moindre sort n'était jamais gratuit. Comme pour se justifier, il enchaîna directement, comme pour se reprendre :

« Il est vrai que qu'il n'est jamais facile d'être loin de chez soi et survivre. Pourtant, l'envie, la folie comme la connerie nous éloigne toujours autant de là où nous appartenons... »

Il répondait ainsi d'une certaine manière à interrogation première de l'elfe, même s'il doutait grandement qu'elle le satisfasse...

Combat[NéoLéo et Lokyem vs Loup blanc préhistorique des montagnes]

Lokyem regardait placidement l'elfe s'exécuter, fasciné qu'il avait toujours été par ce genre de magies. Néanmoins, le contentement qu'il ressentit en voyant le sort faire effet fut très vite atténué quand une sorte de grondement se fit entendre. L'abyssal pensa immédiatement à une avalanche ou autres réjouissances avant de se reprendre : un tel événement aurait sûrement engendré un tremblement de terre quelconque...

Puis il identifia rapidement la menace : une sorte de loup énorme sûrement pas réveillé et pas forcément très frais malgré la température (il s'autorisa un mince sourire comme pour se féliciter de ce jeu de mot).

Il en était à ces considérations quand le loup bondit, attaquant l'être responsable de son réveil. Ce dernier esquiva l'attaque, ressortant indemne du nuage de poudreuse que le monstre avait créé, et ce d'une manière plutôt frimeuse.

Alors que NéoLéo allait riposter avec son arc, l'abyssal se rendit compte qu'il était resté à considérer la situation depuis tout ce temps. Il secoua sa tête pour dégourdir ses pensées. Portant sa main à l'épaule, Lokyem décrocha d'un coup sec le baudrier de son épée de son épaule, d'un geste étrangement fluide malgré le peu d'exécutions depuis le temps. Sans plus prendre le temps de réfléchir, il dénuda la lame et tenta une frappe sur la bête qui lui tournait le dos.

Combat[NéoLéo et Lokyem vs Loup blanc préhistorique des montagnes]

Combat[NéoLéo et Lokyem vs Loup blanc préhistorique des montagnes]

Qui se changea légèrement quand l'autre bestiole se tourna vers lui, sans doute cherchant à se venger de la vilaine éraflure que Lokyem lui avait fait subir. Oups.
Il se plaça dans une garde aussi imparfaite qu'inefficace (on ne se remet pas aussi facilement d'un si grand nombre d'années sans pratique), prêt à recevoir le coup... Quand la flèche de l'elfe transperça tout bonnement la tête de part en part. Touché à mort, le loup s'écroula dans un fracas ignoble.

L'abyssal resta un instant figé, interdit par la mort si soudaine du loup. Puis il éclata d'un rire franc.

« Eh bien, messire Elfe ! Voilà une flèche qui n'a pas manqué sa cible ! En terres plus civilisées, je vous aurais payé une bonne pinte. »