Ma dernière aventure m’avait laissé en piteux état. J’en gardais encore quelques séquelles. La plaie ne s’était pas entièrement cicatrisé, des bandages cachaient encore cette vilaine blessure. Quelqu’un m’avait recueilli, mais je m’étais éclipsé sans savoir qui avait pris soin de moi pendant tout le temps où j’étais inconscient. Je ne voulais pas avoir de dette envers qui que ce soit d’ici. Il fallait que je me débrouille pour ne pas recroiser se malade. Nous étions certes de la même race, mais nous vivions dans des mondes bien différents.

Pour commencer une bonne journée, il faut descendre une bonne bière, éliminer quelques raclures inutiles dans les bas fonds de la ville et se préparer à nouveau pour un nouveau périple vers le Sud. Je commençais donc par chercher une taverne tranquille, pas trop près de l’entré de la ville, ces tavernes-là sont toujours trop rempli à mon goût. J’en repérais une qui avait l’air plutôt ancienne, l’enseigne en bois était toute fissuré par le temps. De la mousse prenait possession du coin supérieur droit de celui-ci d’ailleurs, cachant les dernières lettres. Cela donnait un « le chant du c », bien que j’imaginais qu’il s’agisse d’autre chose que ce que je pensais, cela rendait les choses légèrement troublant. Je ne me posais pas plus de questions et entrais sans me faire prier. Je me dirigeais vers le comptoir, m’installais sur une de ces chaises en bois dont les pieds ne sont pas à la même hauteur, et regardait le tavernier droit dans les yeux.

Garràn – Servez-moi votre meilleure bière.

Le tavernier resta un instant sans réagir, puis il se décida et se retourna pour décrocher un verre et le remplir. Je déposais les quelques pièces sur le comptoir, fini d’une traite la boisson rafraîchissante que m’avait servi le tavernier et me le vais pour continuer ma journée. Cette taverne était aussi miteuse que son enseigne. Personne d’autre n’avait dû fouler l’entrée de cette vieille taverne de la journée. La ruelle elle-même n’était pas beaucoup plus remplie. Les villageois avaient dû se passer le mot. Au moins, si je devais recroiser l’autre type, je le verrai arriver de loin. Lui aussi d’un autre côté…

Décidément, errer sans but, c’est vraiment fatiguant. Même le bourg principal de la ville, qui est censé regorger de vie, n’était rien d’autre qu’un chemin large, quasi désert, sans réel animation. Il y avait une exécution ou quoi ? Comment se fait-il qu’il n’y ait pas un chat dans les rues ?

Le soleil s’était éteint doucement, se faufilant entre les toits des bâtisses Kastalinnoise. J’avais toutefois eu le temps de faire quelques provisions pour mon futur voyage. J’aurai bien aimé voyager de nuit, mais une certaine présence en ville me disait qu’il valait mieux que j’attende l’aurore pour lever le camp. La nuit était tombée et je n’avais nulle part ou me reposer. Cela ne me dérangeait pas plus que cela, dormir à la belle étoile était tout aussi agréable, perché sur un toit. Je prenais mon temps dans les ruelles sombres de la haute-ville, histoire de faire le tour pendant qu’il n’y a personne. La journée, ces rues sont noirs de monde, il est presque impossible d’avancer normalement en marchant et sans bousculer deux trois gus au passage.

Cela faisait déjà quelques jours que je flemmardais dans cette ville et je n’avais encore jamais vraiment eu l’occasion de passer dans les quartiers des artistes. C’est donc plein d’entrain que je me dirigeais vers celui-ci. Comment je pouvais-je me diriger vers un lieu que je n’avais jamais visité ? Je ne pense pas que ce soit la bonne question à se poser, mais plutôt ou ai-je pu m’informer ? Vous vous souvenez que je me suis rendu dans une taverne un peu plus tôt, n’est-ce pas ? Et bien, après en être sorti, bien qu’il n’y avait pas grand monde, j’ai longé le bourg tout en suivant un jeune couple d’humain qui parlait de leur petite balade romantique dans le dit « quartier des artistes ». C’est grâce à eux que j’ai pus m’y retrouver, ou plutôt que je connaissais l’itinéraire à suivre pour s’y rendre. Je m’arrêtais à un carrefour où trônait une fontaine en pierre assez imposante. Bien que je ne m’y connaisse pas vraiment en construction en tout genre, j’avais l’impression que cela ressemblait à 3 petites tables rondes, empilés les unes au-dessus des autres du plus grand au plus petit avec un sol creusé tout autour. Un simple muret en grès faisait le tour de la fontaine.

En prenant m’asseyant sur le muret, je me rendis compte que je n’étais pas tout seul, une tignasse sombre et luisante émergeait de l’autre côté de la fontaine. Impossible de ne pas avoir été repéré avec mes pas résonnant au beau milieu du silence de la nuit. De toute manière, je ne voyais pas en quoi cela devait le déranger, il ne devait sans doute pas dormir. Nous arrivions à la fin de la morne saison et la période froide nous faisait parvenir ses premiers relents glaciales, impossible pour cet homme de dormir sereinement avec cette tenue. Je décidais tout de même de faire une petite halte dans les environs. J’avais une nuit à passer, alors je pouvais prendre mon temps.