Ese n’a pas conservé beaucoup de souvenirs de son enfance. Née quelque par dans les denses forêts de Wystéria, elle a quelques temps vécu au sein d’une tribu de thérianthropes : elle fréquenta ainsi hommes-loup, hommes-tigres et autres représentants de leur espèce venus de divers horizons.  Leur groupe vivait donc sur le principe d’entraide mutuelle, où chacun était à même de se considérer membre d’une grande famille, et où chacun devait accomplir un rôle particulier. Les parents d’Ese, tous deux lycanthropes de naissance, n’occupaient pas une place importante mais restaient particulièrement appréciés des siens ; en effet, ils étaient tous deux soigneurs. Originaires des montagnes de Baldor, ils étaient venus chercher un climat plus vivable pour leur enfant. L’un connaissait les plantes, l’autre la magie.
Sans doute est-ce ces diffus souvenirs qui ont motivé Ese à emprunter la même voie que ses parents plusieurs années plus tard. Ou peut-être était-ce tout simplement dans son sang.

Les circonstances qui l’ont amenée sur le continent constituent ses premiers souvenirs tangibles. Elle avait sept ans et n’avait alors que rarement emprunté sa forme humanoïde, lui préférant sa nature louve moins restrictive à ses yeux. Elle passait ainsi le plus clair de son temps dans la forêt à courir entre les arbres et inspirer la vie à grands poumons…
Mais un jour, elle et sa famille furent chassés du clan. Cela devait arriver tôt ou tard, avait coutume de répéter son père : après tout, lui et sa femme manipulaient la vie. Qu’on leur incombe la responsabilité d’une mort, qu’elle fusse inévitable ou non, était donc attendu. Il est toujours plus aisé de haïr une personne que de reconnaitre ses talents et pardonner ses fautes.
Ils quittèrent ainsi Wystéria pour le continent, et la petite Ese dut apprendre à emprunter sa forme de bipède. Question de survie. Les citadins n’avaient pas tous cette faculté de distinguer les thérianthropes des animaux, c’est pourquoi il aurait été plus que téméraire de se balader en loup dans la ville. Là-bas, la famille recommença leur vie tant bien que mal. Sa mère avait abandonné sa profession, encore sous le choc du bannissement ; quant à son père, il assura leur quotidien grâce à ses contrats de mage : réparation, procuration de matériaux, soins…

Les années s’écoulèrent tranquillement. Sans doute trop pour Ese qui avait le sang chaud depuis son enfance. La jeune fille possédait cette volonté de se rendre utile et devenue adolescente, elle pria sa mère de lui transmettre ses connaissances… mais elle essuya un refus net. Encore aujourd’hui elle en garde une certaine amertume, car Ese finit par choisir de quitter sa famille pour satisfaire sa soif d’apprentissage. Ses pas la menèrent chez les elfes, où elle rencontra son premier maître : NéoLéo.
Décrire plus que cela leur rencontre est assez futile en somme, aussi intéressons-nous à leur relation plutôt.
Ese, malgré une certaine antipathie envers les autres races, avait toujours apprécié la patience dont savait faire preuve l’elfe. Son élève était certes des plus motivées mais il fallait avouer que sa franchise caractérielle aurait exaspéré plus d’un, sinon inspiré quelques envies meurtrières. Il avait réussi à lui inculquer les bases de l’herboristerie en l’espace de trois ans : identification des plantes, connaissances de leurs effets, préparation de baumes, décoctions, infusions… La gratitude qu’elle lui porte ne s’est pas estompée, même si l’élève a depuis dépassé le maître.

Elle resta cinq ans au total chez les elfes avant de reprendre la route à nouveau : elle cumula les expériences et le savoir au gré de ses voyages, si bien que venu sa majorité, elle put sans trop de mal devenir une herboriste professionnelle. Une fois qu’elle aura réuni assez de fonds, sans doute s’installera-t-elle dans quelque ville…
Mais pas avant plusieurs années ! Elle était jeune encore et avait cette envie de liberté. Voyager, jour après jour, ne pas savoir quelle route prendra son destin, affronter les imprévus et faire toujours plus de rencontres. C’est le charme de la vie à laquelle elle aspire.
Esprit avide de savoir, elle suivit parallèlement un entrainement aux armes : en effet, au-delà de la satisfaction théorique, cela comblerait la faiblesse de sa forme bipède qu’elle regrettait à chaque fois. Les loups sont tellement au-dessus des humains ! Qu’il s’agisse de force, de vitesse ou d’instinct, elle avait l’impression de revenir un louveteau aussitôt cette forme quittée. Mais Ese avait appris à apprécier son aspect pratique –ces mains étaient si utiles parfois !- et une fois devenue fine bretteuse, les deux formes devraient se compléter de façon équivalente.

Autrement…
Depuis son départ, Ese n’a pas donné de ses nouvelles à sa famille, aussi songe-t-elle à partir à leur recherche un jour…