Éthias, l'intendant général de la Garde, avait légué au gardien-en-chef Keane tout le dossier concernant le sanguinaire brigand du désert Salomon que Dougal avait mis au pas avec ses compagnons gardiens, au moins deux années auparavant. La rencontre entre les deux factions avait été fracassante et tout portait à croire que les Lames Dorées seraient mises aux arrêts.

Mais un accord secret fut conclu et les hors-la-loi -que certains qualifieraient même de "hors-les-lois" selon les chefs d'accusation- purent maintenir leur emprise sur les ruines de la Tour Rougepierre, bien que surveillés du coin de l'œil par les gardiens. Les compères de Salomon se tinrent à peu près tranquille, mais quelques débordements eurent lieu de temps en temps.

Lorsque les gardiens ne venaient pas faire une inspection, des aventuriers employés comme mercenaires par quelques personnes bafouées, ou pas, par les Lames Dorées se donnaient à cœur joie de rappeler ces brigands à l'ordre et de leur passer l'envie de continuer leurs agissements en cours. Mais quelques mois après, de nouvelles accusations fusaient à leur encontre.

Dougal, à l'origine de l'accord passé avec Salomon, avait obtenu quelques avantages pour la faction de Stellaraë, bien que ses représentants ne lésinaient pas sur les arrestations ou quelques punitions mortelles lorsqu'il n'était pas possible de s'y résorber. L'ancien rôdeur était persuadé qu'il y avait quelques affaires louches derrière ces règlements de compte avec les gardiens, mais il n'y avait aucune preuve et la Garde était dans une posture fâcheuse pour entreprendre une enquête approfondie.

Dernièrement, le contrat de subordination avec Solomon s'était détérioré et le gardien-en-chef avait eu vent de rumeurs qui ne lui faisaient pas plaisir.

Par ailleurs, deux gardiens avaient récemment perdu la vie dans une embuscade que les informateurs de la Garde suspectait d'avoir été soutenue par les Lames Dorées. De même sur des attaques de convois dont certaines avaient fait plus de dommages qu'on ne l'aurait souhaité.

La situation devenait catastrophique et Dougal n'avait aucune intention de laisser passer ces écarts.

Lorsqu'il se retrouva sur le territoire des Lames Dorées, Dougal ne fut pas le moins du monde inquiété des yeux qui l'épiaient. Il avait repéré quelques malfrats, mais seulement une siffleuse du désert, ce qui n'était pas de bonne augure sachant qu'au moins deux autres se terraient quelque part, à épier ses faits et gestes.

Cette situation était aussi périlleuse pour les Lames Dorées qui se devaient de ne pas tenter le Comte en attaquant le gardien, même isolé, car ce serait considéré comme une déclaration de guerre et il ne resterait qu'un tas de cailloux comme preuve de l'occupation de la bande de Salomon dans le désert. Ce n'était pas du tout dans les plans du tueur sanguinaire.

Après un bruit sourd, l'impertinent chuta sur le dos, complètement sonné par le coup qu'il venait de recevoir. Son camarade qui était à côté de lui se recroquevilla sur lui-même en gémissant après un deuxième bruit sourd.

Les autres malandrins autour s'agitèrent, mais l'un des gardes d'élites de Salomon leur intima de se tenir tranquille. Les petites frappes des hors-la-loi grincèrent des dents et ne lâchèrent pas l'intrus du regard alors que celui-ci montait les marches en regardant droit devant lui et n'adressant pas un seul intérêt aux gredins du désert.

Tandis que Dougal passait devant les gardes pour atteindre la niche de salomon, l'exécuteur du désert qui avait tenté de calmer ses compagnons eut du mal à refréner ses envies de meurtre envers le gardien. Il rêvait de le vider de son sang juste devant son maître afin de faire passer l'envie aux soldats de Stellaraë de s'aventurer sur leur territoire.

Un silence de mort prit place après cet assaut verbal et on n'entendit même pas le vent faire rouler les grains de sable du désert.

Les exécuteurs et les siffleuses, les seules Lames Dorées à pouvoir tenir compagnie à leur chef lors d'entretiens de ce genre, retinrent leur souffle et n'osèrent pas bouger le moindre cil jusqu'à ce que Salomon prenne la parole après avoir peiné à retrouver le sourire qui s'était effacé lorsque son interlocuteur lui avait fait face publiquement.

L'assemblée se tortilla sur elle-même et Salomon dût faire quelques efforts pour maintenir une posture assurée, même face à un seul gardien, qu'il soit un chef ou non. Le tueur rêvait de la mort de l'intrus à un point qu'on ne pouvait imaginer.

Dougal, lui, imposa sa présence sans la moindre difficulté. Il pourrait mourir, sûrement en un instant, mais il dominait la partie et il n'avait pas fini de lancer ses dés.