Saigo se tenait attablé dans une auberge d'Endorial, l'œil alerte et méfiant. Assis au fond de l'établissement, sirotant distraitement une bière, il scrutait les alentours, à la recherche de son contact. Tout s'était passé très vite. Un des éclaireurs de la Congrégation l'avait trouvé, alors qu'il se ravitaillait dans la cité elfique. Le stryge noir redescendait vers l'Institut de la Magie, où il souhaitait organiser quelques séances d'entraînement avec Yone, le Maître du Zéphyr, l'une des techniques de l'Exécuteur Parfait. Le mercenaire avait informé le Parricide de la volonté d'un certain Dariel Serior de solliciter la CO. Immédiatement, l'Élu avait ordonné que Styx soit prévenu. Que les pensionnaires de Lédéhi le veuillent ou non, l'avenir de la faction passerait par eux. En attendant, le stryge noir s'apprêtait à rencontrer le fameux Serior.

Il pénétra enfin dans l'auberge. Le visage encapuchonné, la démarche pressée. Saigo n'avait pas besoin de voir son visage pour savoir que c'était son homme. À prendre autant de précautions, Dariel en devenait lui-même suspect. Sans doute en avait-il conscience, puisqu'une fois entré, il ressortit presque aussitôt de l'auberge. Il n'y avait pas grand monde, mais suffisamment de témoins pour être inquiété. L'Exécuteur décida de suivre les traces de son client. Il le mena à quelques encablures de la ville, dans un coin qu'il espérait tranquille. Scrutant les environs, il demanda immédiatement.

Vous n'avez pas été suivi ?

Non. Crachez le morceau rapidement. Je n'ai pas que ça à faire.

Anjoliena Gello. Elle vole de la nourriture et des boissons dans la ville.

C'est tout ? C'est pour ça que vous avez besoin de nous ? Vous vous foutez de ma gueule ?

Non non non ! Je vous assure que non ! Elle a tué quelqu'un aussi. La Garde Zéphyr est aveugle. Mais moi je sais que c'est elle !

Saigo toisa Dariel Serior d'un oeil circonspect. Une voleuse de nourriture, qui tue un elfe une fois, sans doute parce qu'il l'avait pris la main dans le sac. Pourquoi ne pas simplement aller voir la Garde Zéphyr ? Quelle preuve avait-il ? Le stryge haussa les épaules. Tant que le type payait.

La moitié de la prime maintenant, le reste quand c'est fait. Non négociable. Qu'est-ce que je dois savoir sur votre Gello ?

C'est une chevalière... euh... voilà. Bredouilla Serior en tendant une petite bourse. Alors qu'il l'attrapait, Saigo retint le bras de son client quelques secondes.

Si jamais il te venait à l'idée de tenter de disparaître avec le reste... assure-toi que je ne te retrouve jamais. Car si je te retrouve... tu regretteras d'être immortel, elfe.

Serior déglutit péniblement, alors que Saigo s'éloignait. Il attendrait quelques jours, le temps de savoir si Styx venait ou pas. Il en profiterait pour glaner quelques informations, par exemple l'endroit où il pourrait assassiner la cible. Le contrat ressemblait plus à une bonne excuse pour éliminer une ennemie personnelle... mais ça n'avait aucune importance. Un travail est un travail, l'important c'est l'argent qu'on récupère à la fin.

Un nouveau jour, une nouvelle chasse. Ainsi disaient les vieux elfes, ceux dont le caractère était jadis encore vif et loin des standards très chiants de ceux d'aujourd'hui, et comme il arpentait les routes de Syflaën, dans un carrosse tiré par deux étalons spelunciens, en emmerdant royalement la Garde Zéphyr et tous les problèmes qu'il pourrait avoir en s'affichant de la sorte au regard de leurs différends passés.
En fait, à bien y réfléchir, mis à part des réticences mutuelles, rien n'opposait vraiment le vampire aux elfes. Bon, il y avait bien cette guerre de factions à Ishtar où il avait conjuré une Calamité sur eux, mais il estimait que prescription s'appliquait.

Passant en revue le contrat dont Saigo et lui avaient été chargés, par un certain Dariel Serior et qui visait une chevalière pouilleuse quelconque dont il n'avait même pas pris la peine de noter le nom -car elle vivait dans un bois maléfique, et franchement il ne connaissait pas dix pelos qui se risqueraient à habiter dans un endroit intitulé de "MALEFIQUE"- Styx décida aussi abruptement qu'il ne l'avait fait pour participer à cette chasse qu'il était prêt.
Saigo devait l'attendre dans une auberge, aux abords dudit lieu où séjournait leur cible, et ainsi il arrêta son cocher zombie à la porte de l'endroit. Comme à l'accoutumé, Sylfaën puait l'herbe, la fragilité, et les remords d'avoir perpétué la race elfique, constata Sobek Elpoemer Grey comme il mettait pied à terre. Quel horrible endroit avec toute cette flore, et... cette flore...

- Goule, zombie, ou jsp j'ai jamais compris la différence, vas me chercher Saigo. Hors de question que je rentre dans cet endroit. Et que ça saute. Si les autochtones te regardent mal parce que tu es un corps réanimé au service d'une entité diabolique, arrache-leur le visage avec tes dents. Aller, aller, plus vite.
- Grgrgrgrgrgrggrgruuuuu

Saigo était en train de faire des pompes lorsque la… créature ouvrit la porte de sa chambre, sans prendre la peine de frapper. Le stryge noir avait entendu des grognements et les sons caractéristiques d’une démarche mal assurée, qui se rapprochait inexorablement de sa chambre. Voir la goule se présenter à lui d’un grognement guttural ne lui appris rien de concret. Cela devait simplement signifier que Styx était arrivé.

L’avantage d’être un Exécuteur engagé sur la Voie, c’était qu’il ne fallait pas beaucoup de temps pour se préparer. Tout juste le temps d’enfiler une veste et le Parricide était prêt à aller travailler. Nouant ses cheveux alors qu’il descendait les marches de l’auberge, il lança quelques pièces au tenancier. Il ne reviendrait pas ici.

À l’extérieur, la calèche de Sobek était bien présente, et le vampire avec. Le saluant d’un bref signe de tête, Saigo entrepris de résumer la situation à son ami.

J’imagine que tu as lu le contrat. Une chevalière vole des trucs, tue un gamin, disparaît, on la retrouve et on fait ce pourquoi on est payé. Elle a monté son camp au bosquet maléfique, sans doute en se disant que les elfes sont trop superstitieux pour aller l’emmerder là-bas. Elle est dans une petite clairière, on a des dizaines d’arbres desquels on pourra surgir. J’ai pu m’approcher sans me faire repérer, alors j’imagine que tu devrais t’en sortir aussi.

Même en attaquant de front, si la cible était bien ce qu’elle était supposée être… ce n’était pas très chevaleresque de fuir lâchement.

En route. Je ne tiens pas à rester dans ce trou un jour de plus. J’ai autre chose à foutre que de régler les rivalités personnelles des bouffeurs de salades.

Styx s'était allumé une cigarette, et relisait machinalement les termes du contrat lorsque Saigo franchit le pas de l'auberge. Aléluia, il avait fait sembler de ne pas voir les dix personnes aui étaient passées devant lui, leurs oreilles pointues secouant au rythme de leurs politesses toutes gaies, ce qui arrachait des moues dégoutés au vampire, bien à l'ombre de son carrosse. Quel intérêt de saluer quelqu'un honnêtement...

Prouvant encore une fois son exquise personnalité, Saigo ne s'embarrassa de détours et lui conta comment il avait déjà épié leur cible auparavant. Décidément ce Stryge était bon à marier, selon des standards pas tout à fait standards, et qui auraient fait fuir n'importe qui de sain d'esprit. Mais Styx lui eut des cœurs dans les yeux en l'écoutant parler de sa voix rauque et constamment colérique, se répétant que si un paradis sur Terre existait, il devait contenir Alphonse Galhaad et Saigo qui s'affrontaient perpétuellement pour son grand plaisir.
Tiens, qui gagnerait ?

Reprenant ses esprits, il opinait de la tête à la dernière phrase de l'assassin et l'invitait à monter à bord, non sans avoir jeté le reste de son tabac incandescent sur un elfe qui ouvrait la bouche pour lui dire bonjour.
La créature dégoutante hurlait et partait en courant. Bien.

- Tu l'as entendu Goule, non ? En route ! Saigo, tu aurais les coordonnées magico-localisables de l'endroit ? Alphonse a créé ce MPS : Magie de Perception Spatio-temporelle, et c'est sensé nous mener vers notre cible si on rentre les coordonnées exactes d'un endroit, quelqu'un, ou un lieu. Il m'a bien montré comment ça fonctionnait mais... oh attends je crois qu'il y a une fonction de commande vocale.

Il se racla la gorge en sortant un étrange boitier parcouru d'éclairs technophiles de sa poche.

- Alphexia, oui il est un peu narcissique le bougre mais c'est un génie, direction le Bosquet Maléfique, s'il te plaît.
- Vous avez demandé : [LE CANARIE JAUNE] calcul de l'itinéraire en cours. Veuillez patienter.
- Bordel mais Alphexia c'est pas du tout ce que j'ai dit. LE BOS-QUET MAL-EFIQUE.
- Pas besoin de hurler, je suis une intelligence artificielle compétente. Nouvel itinéraire : [LE BOSQUET MALÉFIQUE]. Souhaitez-vous éviter les points de contrôle de la [GARDE ZEPHYR] ?
- Euh... oui ?
- Très bien. Au prochain carrefour, TOURNEZ A DROITE.

Puis il désignait l'objet en regardant Saigo d'un air impressionné. Quelle révolution !

L'initiative revient à : l'équipe des mercenaires.

Anjoliena Gello : 3200
Vitesse : 500
Dégâts : 1330

Apparence :

Vitesse cumulée des mercenaires : 2190

Saigo : 2085
Vitesse : 994
Dégâts : 1325


Sobek E. Grey : 2210
Vitesse : 1196
Dégâts : 1183

Saigo observa, un sourcil relevé, le bidule technico-magique que Styx venait de sortir de sa poche. Un boîtier parcourue d'énergie bleue. Forcément, ça le faisait penser aux nains, donc aux Kazhariens. Ce qui était surprenant, c'était que le vampire utilise de la technologie naine. À moins que OH BORDEL LE MACHIN PARLE.

Tel un enfant recevant un nouveau jouet lors de la Saint-Tungstène, l'Exécuteur s'approcha prudemment, observant le mystérieux boîtier sous toutes les coutures, essayant de comprendre comme les petites zébrures bleues avaient pu émettre une voix parfaitement audible et intelligible. Par-dessus le marché, l'engin les guidaient vers le Bosquet Maléfique. Entre nous, c'était tout de même une sacrée manœuvre de flemmard, ledit Bosquet se trouvant à moins d'une heure de marche d'Endorial. Cependant, au vu de l'aspect de la ville et de l'attitude de ceux qui l'occupait, tout gain de temps était bon à prendre.

Un gros quart d'heure plus tard, ils étaient arrivés dans une zone où les arbres s'épaississaient, ne permettant plus à la calèche de progresser. Saigo eut tôt fait d'utiliser le Zéphyr pour obtenir une position surélevée, dans le feuillage. Quand bien mêmes les elfes semblaient éviter ce lieu comme la peste, ses yeux percevaient une quantité assez respectable de magie résiduelle. Ce qui faisait ses affaires, mais pas celles de leur cible.

Le stryge noir progressait rapidement, de branches en branches, sachant à peu près la direction dans laquelle se diriger pour atteindre la chevalière. Dissimulé parmi les arbres, il obtint rapidement un visuel. Revêtue d'une armure complète, Anjoliena répétait quelques passes d'armes dans le vide. Au moins, avant de la tuer, Saigo pouvait témoigner une once de respect pour le sérieux dont faisait preuve la tueuse vis-à-vis de son art.

Une once de respect plus tard, il sentit son cœur manquer un battement. Suivi rapidement cette sensation si particulière, ces quelques secondes durant lesquelles il perdait progressivement le contrôle de son corps. L'apparition d'écailles sous ses yeux et sur ses bras. Ses yeux rouges virant au blanc. Ses muscles soudainement en tension. Les veines prêtent à exploser. Mahriser s'incarnait à nouveau en lui.

Dans ses derniers instant de conscience, Saigo chercha Sobek du regard, parmi les arbres. Il n'eut pas le temps de le localiser. À en juger par la bestialité des deux attaques qui frappèrent sa proie une seconde plus tard, le Dragon Blanc n'était pas spécialement enclin à s'éterniser ici non plus.

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