Toujours en pleine vadrouille, Dougal recherchait désespéramment ce qu'il avait perdu, essayant toujours de garder espoir malgré les difficultés qui se dressaient sur son chemin. Mais il n'était plus l'heure aux quêtes personnelles mais plutôt aux quêtes dùralassiennes et en particulier celles concernant le dangereux esprit de la Convergence : le Veilleur (et non pas le Père Tungstène comme aimeraient le meugler certaines personnes).

Alors qu'il s'aventurait dans une sorte de mausolée perdu, plus par curiosité que par intérêt personnel, le Gardien-en-Chef s'appuya contre une paroi qui se déroba sous son poids. Ses réflexes durement aiguisés dans la Tour de l'Aube, à Stellaraë, lui permirent de maintenir un certain équilibre malgré ce soudain changement de son environnement et de se parer à toute éventualité qui pourrait lui tomber dessus (dans tous les sens du terme).

Malgré les lieux, l'ambiance et la possibilité de trouver des pièges, Dougal ne s'autorisa aucune panique et préféra aborder cette petite aventure avec le sourire. La morosité, il la gardait pour autre chose de bien plus essentiel à sa vie...

En pénétrant dans cet alcôve secret, qui s'avéra être plus qu'une simple dépendance ajoutée pour des raisons qui échappaient au Gardien, Dougal découvrit qu'il n'était pas seul en ces lieux et que l'on préparait peut-être un mauvais coup. Une ambiance magique presque oppressante mais un peu facétieuse, embaumait tout l'espace dont l'humain ne voyait ni le fond ni le plafond. Peut-être était-ce dû à l'espèce de fumée qu'il semblait percevoir ou alors il s'agissait tout simplement d'un rideau magique illusoire.

Après quelques pas, Dougal fit la connaissance de ce qui semblait être le gardien de la petite fête à laquelle aucun être de bonne intention ne devait être invité. C'était ce genre d'individu qui refusait l'entrée dans certains établissements privés aux personnes non autorisées. Un être aux gros bras utilisé pour envoyer paître les gêneurs et permettre que les choses se passent au mieux. Généralement, l'emploi de ces « gardes-portes » indiquait une organisation louche peu recommandable experte en certains méfaits.

Dougal n'avait pas de temps à perdre avec la menace qui semblait se préparer à quelques mètres de lui et décida d'envoyer son poing dans le ventre de son obstacle vivant afin de le faire courber l'échine.

Juste après avoir porté son coup, l'humain se secoua frénétiquement la main, chassant la douleur résultant de l'impact de son poing sur la peau de pierre de son adversaire. Dougal ne s'était pas attendu à pareille protection et il aurait peut-être été préférable qu'il ait plutôt recours à sa lame qu'à son poing.

Son adversaire grogna et l'imita, frappant avec force le plastron de voyage du Gardien qui se courba presque en deux sous l'effet de la douleur. Il ne l'avait pas raté et l'humain ressentait l'effet du coup jusque dans ses bras et dans ses jambes. Il n'avait jamais été un grand pugiliste, mais là c'était un niveau assez élevé. Peut-être trop pour le Stellarois.

L'attitude de l'être qu'il avait agressé semblait lui dire de décamper s'il ne voulait pas recevoir la même attaque à un degré plus élevé.

Dougal avait conscience que son adversaire n'avait pas mis toute sa force et ça le faisait presque bouillonner de rage. Il avait l'impression de passer pour le mauvais bougre qui cherchait désespéramment à s'inviter dans un lieu pour quelques malveillances alors qu'il était justement en ces lieux (par pur hasard certes) pour éviter ce genre de mauvais coups.

Un sourire se dessina sur ses lèvres alors que son poing s'entourait d'une aura un peu plus brillante à chaque instant. L'insigne royal qu'il gardait constamment sur lui s'activa et commença à lui offrir protection et meilleures capacités martiales. En dernier recours, l'humain avait un atout dans sa manche.

Le poing du Gardien trouva la main du mastodonte inexpressif qui ne voulut pas relâcher son opposant, cherchant même à lui broyer la main. L'humain aurait été dans une position délicate dans d'autres situations, mais son insigne se concentra de plus en plus sur sa propre main, le protégeant de la forte pression exercée par la paluche du garde-porte.

Toujours avec un râle, son ennemi le fixa et lui présenta son autre bras complètement recouvert de plaques métalliques à même sa peau. Le Stellarois écarquilla les yeux et para rapidement le crochet qu'il prévoyait de lui infliger avec son bras valide, concentrant les pouvoirs de l'insigne à ce niveau, lui offrant presque un bouclier magique.

Néanmoins, de cette manière, le poing droit fut plus vulnérable qu'il ne l'était jusqu'à présent, même si le digne insigne royal déversait à chaque instant un peu plus de magie que l'instant précédent. Il fallait au Gardien un moyen de s'extirper de cette entrave afin de venir à bout de cet obstacle plutôt encombrant.

Il n'y avait pas trente solutions possibles et seules ses jambes pouvaient le sortir de ce guêpier, à moins qu'il ne se dégage en arrière, une tactique que l'humain jugea trop dangereuse dans la situation actuelle. Il lui fallait alors donner un bon coup de genou pour faire plier le géant de métal (et de chair, mais bon).

En un rien de temps, Dougal se retrouva projeté contre le mur, presque des étoiles dans les yeux à cause du choc. Peut-être avait-il trop sous-estimé son adversaire, pensant orgueilleusement pouvoir l'emporter en usant seulement de ses poings et de ses genoux. Or il avait face à lui un mastodonte qui ne bronchait pas malgré les assauts.

Si Dougal avait gardé ses équipements de la Garde au lieu de s'habiller presque en haillons, son potentiel d'attaque aurait pu être au meilleur de ce qu'il avait à offrir. Mais non, le Gardien avait préféré voyager avec un bête bâton de marche. C'était stupide de sa part bien qu'il ait ses propres raisons qu'il trouvait cohérentes. Dans un monde aussi dangereux, il fallait être inconscient pour s'aventurer de telle sorte.

Enfin, le Stellarois arrêta de perdre son temps avec des manœuvres infantiles et s'empara de son bâton qu'il avait délaissé jusque là pour se mettre en garde face à son adversaire. Un bon coup en pleine tête devrait lui remettre quelques idées en place et l'autoriser à se rendre à la petite fête privée sans doute fort démoniaque.

Raté ! Le bras du géant de chair et de métal bloqua net le coup de bâton comme l'avait fait Dougal quelques instants plus tôt. Malgré ce coup de force, l'humain sentit son adversaire faiblir légèrement, peut-être qu'en laissant le combat se dérouler un peu plus longtemps, le Stellarois pourra ravir la victoire à cet ennemi et ainsi passer aux choses sérieuses. Mais encore fallait-il rester debout jusque là car si le Gardien arrivait à tenir le garde-porte à distance pour l'instant, il ne pourrait le faire éternellement ; la force qu'il dégageait semblait hors d'atteinte. Quel pouvait être ce monstre ? Car bien qu'il se montre comme une créature vivante, il ne pouvait pas être un simple humanoïde. Non, il y avait quelques sorcelleries derrière cette chose.

Dougal recula d'un pas et retourna à l'offensive avec son bâton dirigé d'abord vers la tête de son ennemi. Il ressentit une sorte de mépris dans le regard de la créature. En fait, c'était exactement ce que voulait le Gardien. Son plan pouvait fonctionner !

Alors que le bâton se rapprochait petit à petit de la tête du monstre, celui-ci présenta de nouveau son bras pour bloquer le bout de bois de la même façon que précédemment. Cela semblait tellement trivial pour lui et presque ennuyeux. Le sourire de l'humain, en revanche, montrait qu'un atout était glissé dans cet assaut et qu'il ne serait pas aussi aisé que le mastodonte semblait le croire.

Par un agile moulinet du poignet, Dougal fit tournoyer son bâton et modifia complètement la trajectoire de son attaque, ainsi que sa cible : la tête n'était plus son objectif, mais les jambes du géant, si. S'il pouvait faire trébucher cette créature alors ses chances seraient d'autant plus importantes que la chute serait dure.

Dougal jura alors qu'il se replia suite à son attaque ratée. Le mastodonte n'avait pas pu suivre l'attaque et n'avait pas été assez rapide pour se protéger de la nouvelle attaque de l'humain. Pourtant, le coup n'avait pu être porté et les deux adversaires en restèrent là sur cet assaut.

Au dernier moment, le Gardien stoppa son attaque et esquiva en arrière un coup qui n'avait pas été porté. En le regardant, on aurait pu le prendre pour un fou, doublé d'un imbécile ; les conditions étaient bonnes pour la réussite de son adroit assaut, mais il avait abandonné au moment le plus important.

La réponse était plutôt simple : les conditions avaient semblé être bonnes, or il y avait quelque chose qui n'allait pas.

Si le Stellarois avait terminé son attaque comme n'importe qui s'y serait attendu, le bout de bois aurait frappé le mollet de son adversaire et l'aurait renversé, le mettant alors à terre. Mais au même instant, le mastodonte aurait complètement pulvérisé son adversaire avec un coup brutal porté par pur instinct. Dougal avait senti la forte aura meurtrière qui s'était dégagée de la créature à cet instant là ce qui l'avait poussé à prendre cette décision de repli, sans quoi il serait peut-être mort.

Le mastodonte ne réagit pas, complètement inexpressif et fidèle à lui-même depuis sa rencontre avec le soldat du Roi. Le monstre aux plaques de métal incrustées dans sa chair se redressa de toutes ses vertèbres, dominant l'humain d'au moins trois têtes et pourtant Dougal n'était pas parmi les plus petits. C'était un signe : le garde-porte allait passer aux choses sérieuses et en finir au plus vite avec l'intrus.

Après de telles paroles, récitées comme une homélie, le bâton du Gardien s'illumina et forma une lance, complètement imbibée du pouvoir de l'insigne royal qui ornait cette fois le plastron du Stellarois. Si son ennemi ne comptait pas se retenir, alors Dougal allait se donner à fond pour occire cette créature démoniaque morte-vivante.

Une nouvelle volée, la dernière. Malgré le coup percutant de son attaque, l'humain dut se résoudre à connaître une fulgurante défaite et un vol plané l'écrasant complètement contre le mur. Il n'avait rien vu venir et encore une fois avait été surpris par la puissance que recelait ce monstre qui devait sans doute avoir été obtenue d'une façon peu conventionnelle et naturelle.

À grimacer avec son dos douloureux et le crâne complètement sonné, Dougal n'arrivait pas à se relever pour faire face au mastodonte qui s'avançait vers lui. Pourtant, il devait faire face, il en allait de son honneur.

Dougal n'eut pas le temps d'attraper son arme et de tenter son ultime baroud d'honneur ; le poing du revenant, aussi dure qu'une brique, lui frappa le front, le faisant s'écrouler à terre sans demander son reste. Le Gardien était vaincu.