La magie noire est particulièrement crainte sur Dùralas. Parfois à tort, mais non sans fondement. Toute magie est dangereuse, indépendamment de sa nature. Qui oserait dire que la magie du feu n'est pas dangereuse ? Que la magie naturelle n'a pas de conséquences funestes si elle est utilisée à outrance ? La magie noire souffre elle aussi de ce problème, et est tout aussi dangereuse que les autres, ni plus ni moins. La différence majeure tient à son objet : elle permet la manipulation de choses qui, pendant longtemps, ont été considérées précisément comme impossible à manipuler, même par magie. De surcroît, elle touche à des éléments qui, dans beaucoup de religions et de cultures, sont considérés comme sacrés. C'est, à mon sens, la base de la défiance envers la magie noire, quelle qu'elle soit.

Alors, il est vrai que certains objecteront que la magie noire ne sert qu'à faire le mal, qu'elle est intrinsèquement mauvaise. Il n'y a pas de plus grande stupidité. La magie n'est qu'un outil. Puissant certes, mais un outil quand même. Ou alors, que l'on vienne m'expliquer comment un art comme celui de l'explomancie est sensée semer le bien autour d'elle. Je ne cesserais de le dire encore et toujours : la magie est un outil. L'important n'est pas la nature de sa magie, l'important est ce que l'on en fait. Il convient donc de laisser de côté ces préjugés, avant de se plonger dans l'étude de ce domaine passionnant qu'est la psychémancie.

Sous-branche de la magie noire, cousine méconnue de la nécromancie, qui elle s'occupe du contrôle des chairs, la psychémancie vise au contrôle de l'âme par le biais de la magie. Il existe, à cet égard, plusieurs grands principes qui régissent cette magie. Le premier, et le plus important, est qu'il ne concerne que les morts. En effet, le corps, l'enveloppe charnelle, fonctionne comme une prison pour l'âme, ou tout du moins un point d'ancrage. Il rend l'âme imperméable, et la protège de la psychémancie. Les effets sur un sujet vivant peuvent considérablement varier, en fonction de la nature du sort lancé, et de la résistance à la magie de la cible. Mais on peut dire sans se tromper que le sujet peut sentir, dans le pire des cas, une douleur dans la tête. Mais dans la plupart des hypothèses, le sort sera tout bonnement inefficace.

Partons donc de l'hypothèse la plus simple : nous disposons d'un cadavre. Comment fonctionne la psychémancie ? Elle agit sur les éléments qui composent l'essence même de l'âme. Cela a pour effet de rendre l'âme visible aux yeux de tous. C'est... Comment dire ? Imaginez une fiole pleine d'eau, avec de la terre au fond. En temps normal, l'eau est limpide. Mais si vous secouez la fiole, l'eau et la terre vont se mélanger, et l'eau deviendra marron. Même si le procédé est beaucoup plus complexe, le principe est le même pour la psychémancie : l'âme contient en elle les éléments permettant sa visibilité (ce qui explique pourquoi certaines âmes arrivent à se matérialiser seules). Le psychémancien ne fait que la révéler par le biais de la magie.

La fraîcheur du cadavre est un autre élément à prendre en compte. En ce bas monde, rien n'est éternel, pas même les âmes. Le temps fait son œuvre, et affaiblit ces essences, jusqu'à les faire disparaître. Cet élément est à mettre en corrélation avec la puissance de la créature. Si, de son vivant, elle était puissante, l'âme restera parmi nous bien plus longtemps. Je ne parle pas simplement de magie, même si les âmes des sorciers s'accrochent bien plus à cette terre. Un guerrier, ou une créature particulièrement puissante aura une persistance bien plus forte.

Une fois l'âme révélée, que peut en faire le psychémancien ? Et bien, beaucoup de choses. Par exemple, il peut entamer une conversation avec elle. Du moins, en théorie. En effet, même par-delà la mort, il reste des éléments de libre-arbitre. L'âme peut donc décider – oserais-je dire « en son âme et conscience » ? – de rester muette, ou de dire ce qu'elle veut. Par ailleurs, cela ne concerne que les âmes des créatures qui, de leur vivant, pouvaient parler. Et, bien évidemment, elles n'utiliseront que les langages qu'elles connaissaient de leur vivant. Ainsi, il est peu probable qu'un Orc réponde à du vieil elfique.

Une âme peut être utilisée de bien des façons. Elle peut être soumise au contrôle du psychémancien, lequel l'utilisera selon sa volonté. Il peut concentrer l'énergie ectoplasmique, et s'en servir comme d'un projectile. Des ignorants pourraient penser qu'une âme ne peut pas faire de mal. Qu'ils aillent se confronter à un esprit tourmenté, et nous pourrons ensuite en reparler... De manière plus surprenante, un psychémancien peut aussi utiliser une âme récoltée pour se soigner ou soigner un tiers. Cela s'explique très simplement : même dans la mort, une âme conserve une parcelle d'étincelle vitale – c'est d'ailleurs cette étincelle qui en permet la matérialisation. Avec de l'expérience, cette étincelle peut être extraite, et utilisée pour soigner des plaies et guérir des blessures, de la même manière qu'un sortilège de magie curative traditionnel. Néanmoins, l'un comme l'autre de ces procédés passe nécessairement par l'annihilation de l'âme.

Enfin, les meilleurs psychémanciens peuvent absorber les âmes qu'ils récoltent, et ainsi s'approprier les pouvoirs et les connaissances de celles-ci. Bien évidemment, cela n'est vraiment intéressant que sur des âmes particulièrement puissantes. Attention toutefois : les âmes n'accepteront pas de se faire absorber sans rien dire. Et si le psychémancien manque de pratique ou de puissance, c'est l'âme du défunt qui prendra possession de lui.