L’ambiance est conviviale au sein de la Compagnie Égide, plus que je ne l'imaginais aux premiers abords. Je n’y suis jamais resté plus de quelques jours, mon village n’était pas très éloigné de Fort-Justice (en tout cas, pas lorsque l’on connaît bien les montagnes), je préfère rester peu longtemps, mais venir régulièrement pour participer aux entraînements et aux diverses missions qui peuvent être proposées. Il m’est très agréable de pouvoir échanger et collaborer avec des personnes de toutes les races œuvrant pour la bonté et la protection de notre région. Après des décennies d’isolement, je commence à penser qu’avec l’aide d’une Compagnie comme celle-ci, nous aurions certainement pu éviter les drames de ces dernières années. Le pouvoir de prendre ce genre de décisions ne m’appartient pas, et je ne peux aller à l’encontre de ma Matriarche. Je reste donc pour le moment très discrète sur notre village et nos problèmes internes.

Le froid hivernal ralentit le rythme des entraînements en extérieur, ce qui me permet d’appréhender différemment les autres membres d’Égide. Il est vrai que ces entraînements aux armes sont très intéressants pour moi qui ne maîtrise que peu d’armes encore. Évidemment, le marteau reste mon arme de prédilection, je sais aussi manier la fronde et les massues. Je travaille souvent le combat à la lance et à la faux, deux armes un peu similaires, mais qui permettent une plus grande rapidité que les armes lourdes comme mon marteau, tout en conservant une réelle menace bien tranchante. Apparemment, il est intéressant pour mes compagnons d'entraînements de m’affronter en raison de mon “gabarit”. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut affronter amicalement une créature de deux cent cinquante centimètres. Ces combats sont aussi l’occasion de remettre en question certaines connaissances et techniques, devenues parfois obsolètes.

Grande curieuse, cela me permet aussi d’échanger avec des combattants de races que je n’aurais sans doute jamais pu côtoyer de la sorte autrement qu’ici. Par exemple des peaux-vertes, des grands comme des petits, ou d’autres hybrides, des thérianthropes, il y a également des stryges blancs et évidemment des humains. Tout ce petit monde cohabite pacifiquement, alternant entre camaraderie et taquinerie. Pour le moment, je ne connais pas encore tout le monde, loin de là. Je suis enregistrée comme membre d’Égide depuis maintenant trois cycles lunaires, Le temps passe vite, mais la Compagnie étant un lieu ouvert où les gens vont et viennent, je pense qu’il me faudra bien du temps avant de pouvoir affirmer avoir croisé l’ensemble des compagnons. Bref, j’apprécie sincèrement ce sentiment d’appartenir à une communauté en dehors de mon village.

Si je suis aujourd’hui à Fort-Justice, c’est que j’ai été mandée il y a quelques jours pour une mission de surveillance d’un convoi allant jusqu’à BaldorHeim. Ce n’est pas forcément très palpitant de suivre des marchands livrant des cargaisons à la grande ville, pour autant, c’est plutôt bien rémunérer, et cela me permet aussi de voir du pays. Comme à chaque fin de mission, je viens prouver la bonne réalisation de ma tâche au responsable de la Compagnie qui gratifie alors les participants. La mission étant réussie, j’avais pu récupérer mes pièces d’or et donner mes prochaines disponibilités, au cas où ma présence serait à nouveau nécessaire. Il m’avait été conseillé de revenir d’ici deux nuits, un moment de convivialité était prévu pour remercier les membres de la Compagnie Égide pour les nombreuses missions réalisées durant l’année. J’étais très heureuse d’accepter l’invitation, promettant de venir à l’heure et évidemment en tenue de soirée malgré le grand froid extérieur.

Une promesse se devant d’être tenue, je me présente au bâtiment principal maquillée de tatouages tribaux violets et d’une robe en sari bleu et rouge. Pour éviter d’avoir froid, je portais un grand manteau en fourrure à capuche. En retirant cette capuche, on pouvait voir mes bijoux en or pendre de mes défenses. Ainsi, je me trouvais très belle pour l’occasion, chose plutôt rare mais très agréable. Entrant dans le grand bâtiment à haut plafond (je peux me tenir debout, ce qui est suffisamment important pour le souligner), j’entends la musique provenant de musiciens jouant des airs entraînants non loin de la grande cheminée dans laquelle brûle un feu gigantesque. Jetant un rapide coup d'œil à la pièce, je décide d’aller me chercher de la boisson aux tonneaux entreposés là pour l’occasion. Je verrai plus tard s'il y a de quoi manger, un bon pichet de bière ne me fera que du bien. Armée de mon pichet désormais plein à ras bord, je me dandine sur le rythme de la musique jusqu’à une petite table ronde où sont installées quelques personnes.

- Bonsoir à tous... Attention, je vais m'asseoir, que je n'écrase personne surtout !