Après plusieurs semaines consacrées à l’exploration, toujours un peu éloignée, des parages entourant le mont Vulkar, Gil décida de rentrer chez lui. Enfin, chez lui… Si des années s’étaient déjà écoulées depuis leur arrivée en ces terres d’accueil, elles ne restaient pour Gil que ça : des terres d’accueil. S’il avait trouvé un petit confort et un quotidien satisfaisants dans une région semblable à celle qui l’avait vu naître, c’était encore difficile de se sentir totalement à la maison.

Cela ne détruisait pourtant pas sa soif de connaissances ni sa joie de vivre et il partait avec plaisir pour découvrir de nouveaux paysages, vers le Sud. Laissant village, amis et volcan derrière lui, il partait à pieds, un sac de cuir noir balancé sur l’épaule, et s’en allait en quête d’informations utiles à son people et son souverain. Si et seulement s’il considérait ses notes prises soigneusement dans un livre - qui ne le quittait jamais – assez conséquentes que pour en faire part à son chef, il revenait, le coeur plein d’allégresse d’un travail bien fait.

Alors qu’il empruntait un petit sentier qui serpentait sur le flanc bas du volcan, sillon d’argile sèche bordé de terre noire et calcinée où une verdure timide s’échappait ici et là en petites touffes, il vit au loin une silhouette qui apparaissait et disparaissait derrière des volutes de fumée sombre poussées par le vent des hauteurs. Plissant les yeux, Gil, dont la vue était excellente, se dit qu’il n’avait jamais vu une telle personne dans le coin. De plus, à bien y réfléchir, le chemin, qui était plutôt la trace régulière d’anciens voyageurs ayant suivi le pas des précédents qu’un réel chemin, était trop peu fréquenté pour que la présence d’autrui ne soit pas une source d’interrogation. Intrigué, Gil continua d’avancer puis, mû par une volonté soudaine, il leva le bras et héla la personne :

“Hé là, voyageur !” Il se rapprocha en quelques foulées, faisant voler la cendre autour de lui. “Il est rare de voir quiconque par ici, surtout seul. Vous n’êtes pas perdu, je l’espère ?”

Gil affichait un sourire amical, une attitude ouverte et avenante. Il n’y avait pas grand-chose à craindre d’un solitaire, même encapuchonné, dans un endroit comme celui-ci. Les âmes errantes en terre désolée n’avaient, en général, pas de désir de pouvoir ou de domination ; pour cela, il fallait rester proche de ses pairs, et non s’isoler sur une montagne pouvant vous tuer d’un crachement de lave.

- Je pourrais vous retourner les commentaires. Je comptais justement sur le fait qu'il est rare de voir n'importe qui ici. M'enfin, maintenant qu'on y est... Vous faites quoi ici ? Une randonnée peut-être ?

Gil sourit, arrivé juste en face de l'étranger après quelques enjambées, et afficha un petit sourire déconfit. L'accueil le laissa légèrement pantois, étonné que le ton de son vis-à-vis soit aussi bourru. Peut-être n'était-il pas ou peu habitué aux interactions sociales, qui sait... Gil tenta de ne pas se laisser perturbé pour autant et surenchérit de façon enjouée, ou en tout cas autant qu'il le put.

"Ma présence ici n'est pas incongrue, j'ai été envoyé en mission - c'est mon activité principale - pour explorer les terres voisines à ma ville. Comme vous pouvez le remarquer, je ne suis pas vraiment natif de la région." ricana-t-il tout en tapotant ses cornes qui dépassaient de son opulente chevelure dont la cendre ternissait le teint. "Je voyage régulièrement pour ramener mes nouvelles découvertes à mon chef. Vous, par contre, et sans vouloir vous offenser, vous semblez être humain et votre présence me semble plus curieuse. Un petit voyage de santé, cela m'étonnerait. Par contre, en effet, si c'est la solitude que vous recherchez, vous êtes à l'endroit parfait... Il faut être un peu fou pour traînasser dans le coin."

Gil rit, espérant contaminer son interlocuteur farouche.