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Code du règlement : SAUCISSE A L'HERBE - Validé par Dilon
Prénom et nom : Khaïs Dwünn
Âge : 42 ans
♀ ou ♂ : Femme
Race choisie : Djöllfuline
Classe envisagée : Assassine
Métier envisagé : Aussi loin que remontaient ses souvenirs, Khaïs avait toujours été fascinée par l’art subtil et noble de la sculpture. Probablement car sa mère, à laquelle elle vouait une admiration sans faille, exerçait le métier de sculptrice ; la douceur de N'Viÿa, sa dextérité et surtout, sa discrétion et son humilité avaient comme sculpté le caractère et les ambitions de sa fille. « Sculpté », oui, c’est bien le mot. Sculpter. L’art auquel Khaïs consacrerait sa vie, en hommage à sa défunte mère.
Pouvoir : Pour survivre dans la forêt après la mort de sa mère bien-aimée (cf Histoire), Khaïs avait dû faire preuve d’une grande ingéniosité. Non pas pour se nourrir, ou bien pour boire, ou encore pour se battre ; c’étaient là des choses que la douce N'Viÿa avait eu à cœur d’enseigner à sa progéniture dès son plus jeune âge. Mais, malgré sa prévoyance et son désir d’offrir à sa fille toutes les armes nécessaires pour se défendre et survivre en cas de besoin, N'Viÿa n’avait pas eu le temps de lui enseigner l’art de se soigner. C’est donc seule, à force de tâtonnements et de prières à Kar’Magûl, dieu qu’elle vénérait entre tous, qu’elle apprit l’art subtil de l’herboristerie, qui lui permit de survivre à de nombreuses maladies et blessures. Riche de ce savoir, Khaïs n’hésitera pas à en faire usage pour protéger les rares êtres chers à son cœur.
Mode hardcore : Non
Mode de présentation : Voie standard
Khaïs était debout au sommet d’un rocher, scrutant le ciel de son regard perçant. Ce soir, elle était d'humeur particulièrement pieuse, priant avec ferveur, cherchant dans les étoiles la moindre trace de son dieu et pilier, le sage Kar'Magûl. Ses yeux brillaient d’une lueur presque inquiétante, ce soir là ; on y voyait toute l’étendue de sa colère – ou peut-être était-ce de la douleur ? Difficile à dire, car l’une et l’autre étaient, chez la djöllfuline, bien souvent liées. Quoiqu’il en soit, son regard était dur, déterminé ; pas la moindre trace de doute sur son visage. Sa bouche était pincée, formant une parfaite ligne droite. La jeune créature se demanda brièvement à quand remontait son dernier sourire sincère. Une question qu’elle se posait souvent, mais qui était jusqu’alors restée sans réponse ; Khaïs ne se souvenait pas d’à quand remontait la dernière fois où elle avait éprouvé une réelle joie. Sans doute à l'époque où N'Viÿa était encore à ses côtés...
Un frisson parcourut le corps de la belle djöllfuline, et elle n’aurait su dire si c’était à cause du froid ou bien de la vague de colère qui l’envahissait chaque fois qu’elle repensait à l’assassinat de sa mère. Sans doute un mélange des deux.
Le vent secouait la longue chevelure noire de Khaïs, d'où dépassaient deux cornes à la forme imprécise, dévoilant un discret tatouage près de son oreille droite : « N’Viÿa », le nom de sa mère. Ainsi était-elle encore auprès de sa fille, d'une certaine façon.
Un second frisson la parcourut, et cette fois, nul doute possible, c’était à cause du vent glacé qui soufflait sur la forêt. Il faut dire que le corps squelettique de Khaïs n’était pas très résistant au froid…
Khaïs n’aimait pas son corps. Trop frêle, d’apparence trop fragile. Et d’un autre côté, celui-ci constituait un sérieux avantage pour la jeune djöllfuline, dont l’apparente fragilité trompait les combattants qui venaient se frotter à elle, et à la puissance de sa musculature si bien développée.
Troisième frisson. Froid, il faisait trop froid. Khaïs entreprit d’abandonner son poste d’observation, et d’aller s’abriter du vent pour la nuit. Après avoir salué son dieu, elle s’éloigna d’un pas déterminé, sa longue queue traînant nonchalamment derrière elle, sa peau rouge sang luisant à la lueur de la Lune.
Sans même remarquer la paire d'yeux qui la scrutait dans la pénombre...
L’aube se levait sur la forêt ; Khaïs, blottie dans son abri de fortune – une cabane rudimentaire qu’elle avait fabriqué elle-même avec des branches et des feuillages -, émergeait doucement du sommeil.
La nuit avait été mouvementée pour la jeune djöllfuline. Toujours le même cauchemar. Une violente bataille. Un coup décisif. Du sang, beaucoup de sang. Et puis le corps sans vie de N’Viÿa, gisant sur le sol, la bouche ouverte dans un ultime cri de douleur. C'était comme ça qu'elle imaginait la mort de sa mère. Quand bien même elle avait les yeux fermés quand cela s'était produit.
Malgré la récurrence de ce cauchemar, l’effet était toujours le même sur la jeune djöllfuline. Tristesse. Colère. Haine. Autant dire que Khaïs était d’une humeur massacrante… comme d’habitude.
Soudain, un bruit retentit à l’extérieur de la cabane improvisée. Un bruit de craquement, comme si quelqu’un marchait sur les branches et les feuilles qui jonchaient le sol. Khaïs fut immédiatement en alerte, toute trace de torpeur ayant quitté son corps frêle, faisant place à sa méfiance habituelle. Qui osait venir errer à proximité de son campement ? Un ennemi, peut-être, une créature dotée des pires intentions ? Quelqu’un qui voulait la voler… ou pire. Les plus affreux scénarii défilaient dans l’esprit de Khaïs, comme à chaque fois qu’elle se trouvait dans l’incertitude. Il fallait qu’elle aille voir ce qui se passait.
Impatiente d’en découdre avec cet intrus, Khaïs jaillit hors de sa tanière, sans même tenter de se faire discrète. La prudence n’était définitivement pas son fort… elle ne cherchait pas à échapper aux combats, bien au contraire ; elle avait besoin de sa dose d’adrénaline.
Elle balaya la forêt du regard, et ses yeux ne tardèrent pas à se poser sur l’intrus : un humain dans la force de l’âge, plutôt chétif, les cheveux grisonnants ; un bien piètre adversaire…
L’homme sursauta en entendant Khaïs jaillir hors de son abri. Il ne semblait pas apeuré ; seulement surpris. Il était visiblement perdu dans la forêt et cherchait désespérément son chemin.
Il entreprit de s’avancer vers Khaïs, visiblement rassuré de tomber sur une créature vivante dans cette forêt immense. La djöllfuline, elle, se mit à paniquer ; le contact social l’effrayait, notamment le contact des individus masculins. Elle ne voulait pas, ne pouvait pas parler à cet illustre inconnu qui s’avançait vers elle d’un pas déterminé. Comment s’en débarrasser ?
La réponse semblait pourtant claire comme de l’eau de roche : l’homme semblait relativement inoffensif ; elle n’avait qu’à le tuer. Déjà, elle sentait la rage bouillonner en elle, toute son agressivité soudainement décuplée face à cet inconnu qui s’avançait vers elle sans la moindre trace de peur dans les yeux. Elle allait le tuer. Il serait son petit-déjeuner…
« Bonjour », fit l’homme, qui venait d’arriver à la hauteur de la jeune djöllfuline.
« Navré de vous déranger, je me suis égaré… pourriez-vous m’indiquer le chemin du château de Motch’Hollow ? »Khaïs resta muette. Elle aurait pu bondir sur ce malotru, l’assassiner d’un seul coup d’épée. Mais elle résistait à cette envie. Tant bien que mal, elle essayait de calmer cette colère irrationnelle, cette soif de sang intarissable. Elle se détestait. Elle détestait cette agressivité, cette colère qui ne la quittait jamais, qui l’éloignait tant de son modèle, la douce et délicate N’Viÿa. Pourtant, lorsqu’elle était enfant, Khaïs semblait destinée à marcher sur les traces de sa mère ; mais l’assassinat de cette dernière avait tout chamboulé. Aujourd’hui, tout ce qui restait de N’Viÿa en Khaïs, c’était une foi inébranlable, ainsi qu’une indéfectible loyauté. Mais quel intérêt, lorsque l’on n’a personne à qui être loyal ?
Khaïs cherchait à tout prix à canaliser cette violence qui mettait en danger la vie de quiconque croisait sa route. Elle mobilisa toute la puissance de sa foi pour adresser une prière désespérée à son dieu, Kar’Magûl, le suppliant de lui donner les ressources nécessaires pour se calmer.
« Tout va bien ? » demanda l’humain, visiblement inquiet.
Khaïs serra les dents. Elle était incapable de parler, trop occupée à essayer de se calmer. Cela lui prenait toutes ses forces, toute son énergie. C’était fréquent, chez elle ; des crises de mutisme provoquées par ses tentatives de se contrôler.
L’homme attendait. Alors, d’un geste brusque, elle désigna une direction au hasard, pour s’en débarrasser une fois pour toutes, sans faire couler de sang.
« Merci », sourit l’inconnu.
« Passez une belle journée ! »Il s’éloigna, et Khaïs soupira de soulagement. L’homme ne le savait pas, mais il avait échappé de peu à la mort, ce jour-là… Khaïs se détestait. Elle détestait son agressivité maladive, elle détestait ses crises de mutisme, elle détestait sa peur panique du contact social. Cet homme avait pourtant l’air gentil, elle aurait pu s’en faire un ami. Elle avait tant besoin d’un ami…
Tout était calme, cette nuit-là, dans la forêt de Cashlippe. Pas un bruit ne venait aux oreilles des habitants de la forêt. Animaux, insectes et autres créatures sylvestres profitaient d’un repos bien mérité ; même le vent semblait endormi. La lune brillait haut dans le ciel, diffusant sa douce lueur aux quatre coins de Duralas. Les nombreuses étoiles qui scintillaient au-dessus des arbres annonçaient un lendemain ensoleillé.
Soudain, un bruit de froissement vint briser le silence parfait qui régnait sur la forêt. Quelqu’un était là, et cette créature se déplaçait. Bientôt, sortant de derrière les buissons, on put apercevoir la créature en question : une djöllfuline, le visage déformé par la douleur, rampait sur le sol. Elle était essoufflée et son visage se crispait à intervalles réguliers, trahissant des vagues de douleur intense.
La djöllfuline serrait les dents. Elle ne voulait pas crier, consciente que sa seule présence troublait le calme équilibre de la forêt. Elle tendit le bras d’un geste faible, tous ses muscles crispés par la douleur, et attrapa une poignée d’herbes mystérieuses qu’elle s’empressa d’avaler.
Au bout de quelques minutes, la magie des plantes sembla opérer. Les muscles de la djöllfuline se détendirent légèrement, son visage sembla s’apaiser ; elle s’allongea sur le dos et se concentra sur ses sensations. La lune semblait l’observer de son œil bienveillant, l’encourageant, lui chuchotant des paroles réconfortantes. La djöllfuline était confiante. Elle esquissa un sourire fatigué et rassembla toutes ses forces.
Et, une dizaine de minutes plus tard, ses efforts portèrent leurs fruits : un immense cri déchira la nuit, mettant fin pour de bon au calme olympien de la forêt. Mais cette fois, N’Viÿa ne s’en souciait pas. Elle prit l’enfant à peine né dans ses bras et le serra contre son cœur, un sourire béat sur le visage.
« Khaïs », souffla-t-elle avec tendresse.
« Mon bébé. »Autour d’elle, les animaux de la forêt, que le cri du bébé avait réveillés, s’avançaient pour voir le petit être.
Un accueil des plus satisfaisants.
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« Maman… il est où mon papa ? »Cette question brûlait les lèvres de Khaïs depuis ce qui lui semblait être une éternité – ce qui, à l’échelle d’une enfant de 7 ans, pouvait représenter une semaine comme un an. Cependant, elle n’avait jusqu’alors jamais osé la poser, par peur de déclencher le courroux de la douce N’Viÿa. C’était un sujet qui n’avait jamais été abordé, et la petite fille se demandait bien pourquoi. Sa mère lui avait toujours parlé de tout.
Ce jour-là, Khaïs s’était blessée en tentant de grimper à un arbre. Une grosse égratignure au genou. N’Viÿa, immédiatement, était allée cueillir des plantes et les appliquait patiemment en cataplasme sur la plaie de sa fille lorsque la question franchit finalement les lèvres de la petite djöllfuline.
Le visage concentré de N’Viÿa s’assombrit soudain, et elle interrompit son travail de désinfection. Oh, juste une seconde. Juste assez longtemps pour que Khaïs se rende compte qu’elle était troublée. Mais, rapidement, N’Viÿa reprit contenance et déclara, d’un ton que Khaïs ne lui connaissait pas jusqu’alors :
« Ton père m’a abandonnée quand j’étais enceinte de toi. Il t’a abandonnée alors que tu n’étais même pas encore née. Il ne voulait paq de toi. C’était un égoïste. Je ne sais pas ce qu’il est devenu.»
« Oh », répondit la petite djöllfuline. N’Viÿa réalisa, mais un peu tard, qu’elle aurait sans doute dû se montrer moins abrupte.
Pendant quelques minutes, Khaïs resta silencieuse, réfléchissant à ce que sa mère venait de dire. Puis elle reprit, comme si de rien n’était :
« Maman… tu m’apprendras à faire ce que tu fais avec les plantes ? Moi aussi je veux pouvoir me soigner quand je me fais mal…
- Bien sûr, ma chérie. », répondit N’Viÿa.
Mais, au fond d’elle, elle savait bien qu’aucune plante ne pourrait jamais soigner la blessure qu’elle venait d’infliger malgré elle à son enfant…
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« Tu peux me tenir ça, ma princesse ? »Khaïs releva la tête, brusquement interrompue dans sa contemplation. Sa mère lui tendait son marteau. La petite djöllfuline attrapa le lourd objet sans ciller. Du haut de ses 12 ans, elle bénéficiait déjà d’une force et d’une musculature peu communes, résultats de l’entraînement que lui dispensait sa mère depuis sa plus tendre enfance.Désormais, Khaïs était capable non seulement de porter de lourdes charges, mais également de se défendre contre un attaquant ou encore de chasser sa propre nourriture.
Khaïs adorait observer sa mère quand elle sculptait. Ses gestes étaient si doux, si précis, sa concentration était si parfaite… c’était comme si elle ne faisait plus qu’un avec ses outils et sa sculpture. Un spectacle fascinant.
Soudain, un bruit sourd se fit entendre. N’Viÿa avait laissé s’échapper de ses mains le bâton qu’elle était en train de sculpter, qui gisait désormais sur le sol.
« Oh, non… » soupira-t-elle.
« Khaïs, tu peux me le ramasser, s’il-te-plaît ? »Ni une ni deux, la jeune fille plongea sous le plan de travail, le marteau toujours à la main, et saisit le bâton qui était tombé par terre. Mais, alors qu’elle était sur le point de se relever, elle entendit soudain sa mère lui chuchoter :
« Khaïs, ne te relève surtout pas. Ne bouge pas, tu m’entends ? Reste là où tu es. »Il y avait dans la voix de N’Viÿa une telle angoisse, une telle urgence, que Khaïs n’hésita pas à obéir. Elle s’aplatit sur le sol et ne bougea plus, osant à peine respirer.
Que se passe-t-il ?« Bonjour. », entendit-elle saluer sa mère.
« Que puis-je faire pour vous ?
- Oh, je t’en prie, N’Viÿa, pas de ça avec moi. »Khaïs ne reconnaissait pas cette deuxième voix. C’était vraisemblablement une voix masculine, et apparemment, l'individu connaissait N’Viÿa. Etrange… Khaïs pensait pourtant connaître tous les collègue et amis de sa mère.
Cette dernière déglutit.
« Que veux-tu ? », demanda-t-elle à l’intrus.
« Je crois que tu le sais très bien. Je veux voir l’enfant.
- Tu perds ton temps, répondit abruptement la sculptrice.
Elle n’est pas là.
- Oh, elle ? Alors comme ça, c’est une fille… »L’inconnu semblait pensif. Khaïs, quant à elle, était intriguée. Qui était cet enfant dont l’individu parlait ? Pouvait-il s’agir d’elle ? Dans ce cas-là, que lui voulait-il ?
« N’Viÿa, ça va ? » s’enquit l’une des collègues et amies de sa maman.
« Qui est cet homme ?
- Personne, une vieille connaissance. De toute façon, il allait s’en aller. »Le silence se fit autour de la cachette de Khaïs. La jeune djöllfuline pouvait presque sentir l’angoisse teintée d’animosité qui se dégageait de sa mère.
« Nous nous reverrons. », finit par grogner l’intrus entre ses dents. Puis Khaïs l’entendit s’éloigner, de son pas bruyant.
Elle se releva sans attendre l’accord de sa mère, qui semblait bouleversée.
« Maman », demanda-t-elle,
« C’était qui ?
- Personne, répondit N’Viÿa dans un souffle, les yeux rivés sur l’endroit où se trouvait l’homme quelques secondes auparavant.
Viens, rentrons. »
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« 28… 29… 30 ! Attention, j’arrive ! »Khaïs se mit gaiement à la recherche de sa mère. Les beaux jours revenaient et, avec eux, les interminables parties de cache-cache en pleine forêt que les deux djöllfulines prenaient un immense plaisir à organiser. Pour elles, ce jeu constituait aussi une forme d’entraînement : savoir se cacher était une compétence indispensable pour survivre, d’autant plus quand on habitait la forêt ! Ainsi, Khaïs prenait très au sérieux ce petit jeu perçu comme enfantin par la plupart des gens.
La jeune djöllfuline balaya les environs d’un rapide coup d’œil. Tous ses sens étaient à l’affût, et elle fut presque déçue lorsqu’elle aperçut la longue queue de N’Viÿa au bout d’à peine quelques secondes. Sa mère ne faisait vraiment aucun effort !
« Trouvée ! », s’écria-t-elle en surgissant derrière l’arbre où se cachait N’Viÿa.
« On voit ta queue, maman. Tu as de la chance que ce ne soit que moi ! Allez, à toi de compter maintenant. » Et sans attendre de réponse, la jeune Khaïs se mit à la recherche d’une cachette adéquate. Elle finit par se terrer au cœur d’un buisson touffu, qui la dissimulait à merveille. Elle se roula en boule, retint son souffle pour ne pas que le bruit de sa respiration la trahisse, et attendit. Tout était calme. Etrangement calme…
Soudain, la voix de N’Viÿa se fit entendre.
« Qu’est-ce que… qu’est-ce que tu fais là ? » demanda-t-elle d’une voix étranglée.
Intriguée, Khaïs jeta un rapide coup d’œil entre les feuilles du buisson. N’Viÿa se tenait toujours au pied de l’arbre derrière lequel elle s’était cachée quelques minutes auparavant, et elle n’était pas seule ; une autre silhouette, que Khaïs ne parvenait pas à identifier, se tenait à quelques mètres d’elle. Tout ce qu’elle pouvait dire, c’est que l’intrus avait l’air d’un djöllfulin : il avait la peau rougeâtre, une longue queue fourchue et deux cornes plantées en haut de la tête.
Quelqu’un de la famille ?« L’enfant. Je veux l’enfant. »Immédiatement, Khaïs reconnut la seconde voix : c’était celle de l’homme qui était venu rendre visite à N’Viÿa l’autre jour, alors qu’elle travaillait à l’atelier. Instinctivement, la jeune fille se roula encore un peu plus en boule dans le buisson. Cet individu ne lui inspirait pas confiance.
« Tu perds ton temps. Elle n’est pas là.
- Ne mens pas. Ca fait un moment que je vous observe. Vous étiez en train de jouer. Elle est cachée là, quelque part. Dis-lui de venir. »Le cœur de Khaïs fit un bond dans sa poitrine. Cette fois, le doute n’était plus permis : c’était bien elle que l’individu cherchait. Mais pourquoi ? Qui était-il ?
« N’Viÿa », gronda l’intrus,
« Ma patience a des limites. Dépêche-toi.
- Khaïs, reste cachée ! » cria la djöllfuline.
Cette recommandation était relativement inutile ; Khaïs était pétrifiée. A aucun moment elle n’avait envisagé de sortir de sa cachette. Encore moins maintenant. Elle se contenta de fermer les yeux et de presser ses mains sur ses oreilles. L’homme inconnu lui inspirait un sentiment qu’elle avait rarement ressenti : la terreur. Et elle aurait été bien incapable de dire pourquoi.
Soudain, un bruit strident retentit. Un bruit que les mains de Khaïs ne purent empêcher de parvenir à ses oreilles. C’était un cri, un cri de douleur. Le cri de sa mère.
Terrorisée, Khaïs risqua un œil en dehors de son buisson, et ce qu’elle vit la figea d’horreur. Sa mère était par terre, immobile, baignant dans une flaque de sang. Ses yeux étaient vitreux, ils ne clignaient plus. Son torse ne se soulevait plus au rythme de ses respirations. Elle était morte.
A côté de son cadavre, l’homme inconnu se tenait debout, une dague au poing, visiblement fier de lui.
« Je t'avais bien dit qu'on se reverrait... », murmura-t-il froidement.
« Khaïs ! », appela-t-il d’une voix chantante.
« Khaïs, viens voir papa ! »¤¤¤
« Salut, maman. »Khaïs se tenait debout au pied de l’arbre sous lequel sa mère avait trouvé la mort. C’était la première fois en près de 30 ans qu’elle revenait en ces lieux.
« Désolée de ne pas être venue plus tôt… ça n’a pas été facile, tu sais. Après avoir enterré ton corps sous cet arbre, j’ai brusquement réalisé que maintenant, j’étais seule. Seule, à 12 ans ! J’aurais pu aller demander de l’aide à l’atelier. J’aurais peut-être dû. Je sais qu’on m’aurait aidée. Mais je sais aussi qu’on m’aurait arrachée à cette forêt, le seul foyer que je connaissais, l’endroit où j’avais grandi à tes côtés. Et je m’y refusais. Et puis je repensais à tous ces entraînements que tu me dispensais, en vue de ce moment. Le moment où je me retrouverais seule, à devoir survivre sans toi. On ne s’attendait pas à ce que ce soit si tôt, ni toi ni moi… »Khaïs s’interrompit. Les larmes commençaient à lui monter aux yeux, mais elle refusait de les laisser couler. Elle avait juré de se montrer digne. Elle ne voulait pas montrer à sa mère à quel point elle souffrait.
« Oui, donc… tous ces entraînements, si j’étais allée me réfugier dans les jupes d’une personne de l’atelier, ils n’auraient servi à rien, et je ne voulais pas ça. Surtout pas. J’ai décidé que j’allais y arriver seule. Ca n’a pas été facile. »C’est le moins qu’on puisse dire… pensive, Khaïs revit mentalement ces journées, et surtout ces nuits, qu’elle avait passés dehors, à la merci du vent, du froid, de la pluie. Après avoir tué N’Viÿa, son géniteur avait saccagé leur abri, sans doute pour attirer la jeune djöllfuline hors de sa cachette, pour qu’elle le supplie de la prendre sous son aile. Quelle naïveté. Pour rien au monde, Khaïs n’aurait imploré l’aide de ce meurtrier. Elle avait préféré passer des jours, des semaines entières à la merci des aléas de la météo, avant de finalement réunir de quoi se construire un abri de fortune, qu'elle avait réaménagé depuis. A bien y réfléchir, elle en était assez fière.
Et puis, il y avait eu l’hiver. Le froid mordant, la neige, la tempête. La maladie. En y repensant, Khaïs se dit qu’elle avait été chanceuse de ne pas mourir à ce moment-là… une chance qu’elle ait eu quelques menues bases en herboristerie. Sa mère n’avait malheureusement pas eu le temps de lui inculquer tout son savoir à ce sujet ; elle devait considérer que ce n’était pas une urgence - ou, plus vraisemblablement, par peur que sa fille finisse par ne plus avoir besoin d'elle. Mais à force de tâtonner avec prudence, plongeant dans les tréfonds de sa mémoire pour tenter de se souvenir des plantes qu’utilisait N’Viÿa, les gestes qu’elle effectuait, à force aussi de ferventes prières à l'intention Kar’Magûl, Khaïs avait fini par pouvoir se soigner. Bien sûr, elle était encore loin de maîtriser à la perfection l’art subtil de l’herboristerie, mais pour l’instant, elle savait tout ce dont elle avait besoin.
En fait, à bien y réfléchir, le plus dur, ça n’avait été ni le froid, ni la faim, ni la maladie, mais bien la solitude. Khaïs n’avait jamais été seule auparavant. Sa mère l’avait toujours accompagnée, au moindre de ses pas. Dans tous les évènements de sa vie, elle avait pu compter sur la présence, la chaleur et la bienveillance de N’Viÿa… et puis, du jour au lendemain… plus rien. Plus personne. Même sa foi l’avait –momentanément- abandonnée, sa foi qui, jusqu’alors, était un de ses principaux piliers. Cela avait bien failli rendre folle la jeune djöllfuline…
Oh, et puis merde.Après tout, elle savait que ça finirait par arriver. Toutes les émotions qu’elle gardait enfouies en elle depuis si longtemps ne pouvaient rester enfermées à jamais. Elle avait besoin de se laisser aller, rien qu’une fois. Après tout, sa mère ne la jugerait pas, si ?
Les larmes se mirent à couler sur ses joues. Doucement d’abord, puis de plus en plus violemment. Des torrents de larmes, des sanglots à la pelle, des pleurs qui contenaient en eux toute la douleur, la colère et l’incompréhension qu’elle avait pu ressentir au cours de ces longues années de solitude…
« Pourquoi tu m’as laissée, maman ? », sanglota-t-elle.
« T’avais pas le droit. J’avais besoin de toi. J’étais trop jeune pour ça, j’étais pas prête ! Tu m’as abandonnée, et maintenant, je suis brisée. Je me méfie de tout, de tout le monde, je ne peux accorder ma confiance à personne. J’ai peur des gens, j’ai même peur des ombres, je pourrais tuer quiconque s’approche de moi… je suis si seule ! Combien de temps ça fait que je n’ai pas été heureuse de me lever ? Ou heureuse, tout court ? Combien de temps ça fait que j’ai pas souri pour de vrai ? C’était quand la dernière fois que j’ai dormi paisiblement, hein ? Maintenant t’es plus là, et moi je reste. Pourquoi c’est moi qui reste ? C’est moi qu’il voulait, pas toi ! T’aurais dû lui dire où j’étais, t’aurais dû le laisser m’emmener ! T’avais pas le droit de le laisser faire ce qu’il a fait ! Pas le droit.. ! »Ses forces commençaient à l’abandonner, et elle se rendit brutalement compte de l’absurdité de la situation. Elle était là, au pied de cet arbre immobile, à disputer quelqu’un qui ne l’entendait pas ! Pour un peu, elle aurait presque ri d’elle-même.
Elle ne savait plus quoi dire, et à vrai dire elle ne savait même plus pourquoi elle était là. Il était temps de partir. De fermer cette parenthèse et de reprendre sa vie.
« Au revoir, maman. Je t’aime. »Et elle s’éloigna sans un mot de plus, tournant le dos à cet arbre sous lequel, bien qu’elle ne l’ait jamais su, elle avait vu le jour.
Cette arbre sous lequel sa maman avait perdu la vie.
Ce que Khaïs désirait par-dessus tout, c’était se venger. Se venger de ce père qui n’en était pas un, ce père qui avait brutalement mis fin à la vie de la seule personne qu’elle ait jamais aimé. Mais elle ne savait pas où il était, ni comment le trouver. Alors en attendant, la jeune djöllfuline s’armait de patience et priait Kar’Magûl de toutes ses forces pour qu’il lui donne la force de tout affronter et surtout, le savoir nécessaire pour assouvir sa soif de connaissances et se faire sa place en ce monde…
Je suis Lenny, jeune créature âgée de 19 ans, de race humaine, étudiant l’art à ses heures perdues. Individu passionné de musique, de théâtre et de toutes formes d’arts, passionné aussi par les univers fantastiques, un peu mono-maniaque sur les bords, du genre à me lancer à corps perdu dans les nouvelles aventures qui s’offrent à moi ; aujourd’hui, cet individu a jeté son dévolu sur Duralas. Tremblez, mortel.le.s ! Car malgré toutes les complexes subtilités de ce lieu, on dirait qu’il y fait bon vivre…