Le Kraken avait accosté une nouvelle fois, Artémis aimait bien ces moments de calme au port, ainsi que le fait de pouvoir d’autres personnes que l’équipage du capitaine Haul, notamment les jolies filles bien souvent prêtes à vivre une courte mais torride aventure avec un pirate. Il descendit à quai, il lui fallait se réapprovisionner en rhum. Le soleil était haut dans le ciel et dardait le pont de ses rayons. Artémis avait encore un peu de mal à se remettre de la cuite de la veille. Avant de rentrer au port pour se ravitailler, il finissait toujours ses réserves de rhum.

Le village d’Ishtar était toujours aussi bruyant et animé, ce qui n’allait pas bien avec la gueule de bois de Artémis. Il aurait préféré le calme de la mer. Il irait à la taverne ce soir, histoire de rencontrer du monde. Et bien sûr il avait prévu de boire du rhum à longueur de temps, fallait bien s’occuper ! Et puis comme ça, il serait moins regardant si une jeune femme voulait venir partager sa nuit avec lui, si ça se trouve il aurait même l’impression de se faire une belle elfe comme elles sont décrites dans les chants que l’équipage entonne sur le navire.

Mais restons sérieux, chaque chose en son temps, d’abord le magasin de rhum, c’était la chose la plus importante qu’il ait à acheter. Ensuite les exercices physiques, et après seulement la taverne, quel programme !

Garzvorgh, pipe à la bouche, vêtements sans manche, se pavanait sur les quais d'Ishtar. Il regardait d'un air conquérant la mer. Depuis qu'il avait pris la direction du principal vaisseau pirate des mers dùralassiennes, il avait l'impression qu'un vent de renouveau soufflait, apportant des jeunes recrues et un avenir meilleur pour les pirates. Ils manquaient encore d'effectifs, mais le but était d'ameuter au maximum. Plus de monde permettrait plus d'abordages, plus de pillages, mais aussi plus de défense par rapport aux autres factions. Il voulait que les pirates puissent être indépendants.

Il vit bientôt un homme affublé d'un tricorne et d'un cache-oeil, il semblait éméché. Le peau-verte, qui ne le reconnaissait pas, s'avança vers lui pour l'interroger.

- Eh bien alors, moussaillon, on nettoie le pont de son rhum ? De quel équipage es-tu, je ne te reconnais pas ?

Hm.. On sent le poulpe grillé en tout cas.

Il était d'humeur taquin.

Il passa au magasin de rhum, où il acheta deux bouteilles, toujours le même que d’habitude. Satisfait de ses achats, il allait rentrer au navire et commencer ses exercices quotidiens. Il marchait sans vraiment prendre garde lorsque quelqu’un l’interpella derrière. Il se retourna, surpris de voir face à lui un peau-verte, à l’allure frêle comparé au malabar orc qui faisait partie de l’équipage du capitaine Haul. Mais à n’en pas douter, il était fort, et paraissait bien sûr de lui.

« Eh bien alors, moussaillon, on nettoie le pont de son rhum ? De quel équipage es-tu, je ne te reconnais pas ? Hm.. On sent le poulpe grillé en tout cas. »
« Faut dire que c’est bien pratique d’avoir du stock. Je suis de l’équipage du capitaine Haul, depuis peu, c’est assez normal que vous ne me reconnaissiez pas. Du coup, je suis aussi dans le flou quant à votre identité, je devrais vous reconnaitre ? »

Artémis sembla perplexe devant la fin de la phrase de l’orc, le poulpe grillé ? Une expression pirate qu’il ne connaissait pas encore, peut-être ? S’il lui avait dit qu’il sentait l’alcool, ça aurait pu être vrai, mais le poulpe, c’était il y a un moment qu’il n’en avait pas mangé. Son interlocuteur semblait amusé cependant, il se moquait sans doute de lui. Ne sachant que répondre à cela, et ne voulant pas provoquer cette personne qui, à n’en pas douter, était un combattant aguerri, il essaya de trouver un moyen de détourner la conversation.

Il vit alors une personne qui exhibait une machine incroyable. Jamais de sa vie il n’avait vu cela, en fait il ne pensait pas qu’une telle machinerie existait. Son créateur, occupé à vendre les mérites de sa machine, devait être un véritable génie, mais il ne l’avait jamais vu par ici.

« Vous connaissez ce type là-bas ? Son… truc, a l’air assez prodigieux non ? »

Garzvorgh écouta la réponse de son interlocuteur. Il raconta qu'il venait de l'équipage d'un certain capitaine Haul, et le peau-verte réprimande un grognement : comment pouvait-il être encore inconnu dans le monde de la piraterie ?! Bon il est vrai qu'il ne côtoyait pas trop les siens, préférant faire cavalier seul. Pourtant, ses récentes prises de position dans les sabordages et la bataille de la Calamité aurait dû lui faire gagner en notoriété. Il avait même pris provisoirement les rènes du Grand vaisseau pirate des Mers maudites.

Il s'apprêtait à rétorquer de manière cinglante mais il fut interrompu par le moussaillon. Regardant vers la direction indiquée, il put voir un autre individu sur le port, il était apprêté à la manière d'un jeune mousse et était accompagné d'une tourelle fumante et se mouvant toute seule. C'était un spectacle tout à fait étrange. Garzvorgh avait déjà vu ce genre d'artillerie chez la faction ennemie Naine, les Kazachiens ou un nom proche.

Il prit toutefois le temps de se présenter, son ego l'obligeant à se mettre en avant.

- Le Capitaine Haul... Hm, j'ai un vague souvenir de ce nom. Le Kraken, c'est ça, son vaisseau ?

Dans le milieu, on m'appelle le Kalevala. Je suis aussi Garzvorgh l'Omichlikinésiste. Depuis quelques temps, je suis le capitaine provisoire du grand vaisseau pirate qui parcourt les mers maudites. C'est sur ce navire que sont récoltées l'ensemble des recettes pirates. Nous sommes comme qui dirait la plate-forme tournante de la piraterie, fournissant gîte et armes.

Effectivement, c'est surprenant. Allons voir de quoi il en retourne, confrère pirate.

Puis, sans laisser le temps de répondre à l'humain, il se dirigea vers l'homme aux prodigieuses machines.

- Qu'est-ce que ceci ? demanda l'orc à l'intéressé. Il regarda derrière lui du coin de l'œil pour voir si la probable recrue l'avait suivi.

Le petit manège du jeunot marchait grandilosquement bien. Beaucoup de personnes le regardaient intrigués, voire même avec intérêt. D'autres s'étaient approchés pour mieux voir ce dont il était question, mais le Kidd laissait les choses assez floues pour éviter qu'on vienne crier sous tous les toits qu'il possédait une arme pouvant contrôler les vents. On n'était jamais trop prudent, n'est-ce pas ?
Un grand costaud à la peau verte brunâtre s'approcha de lui et demanda des renseignements supplémentaires. Le ton était un peu agressif, mais restait tout de même intrigué. C'était comme si l'inconnu se donnait un air de grand ordonnateur. Ce n'était cependant pas de l'arrogance ; il semblait chercher à prouver sa supériorité. Mais le Kidd n'en était pas sûr. C'était un peu comme lui lorsqu'il discutait avec les autres. Le jeunot parlait sur un ton plus grave alliant malice et envie d'aventures. C'était un peu comme un gamin qui voulait jouer les adultes. Bien entendu, ça se voyait qu'il modifiait sa voix, sa façon de parler, mais ça lui donnait un certain style tellement particulier qu'on finissait pas ne pas y prêter attention. Ça lui collait tellement bien à la peau qu'on croyait qu'il s'agissait de sa vraie voix.
- Qu'est-ce donc que vous ? demanda le jeunot en guise de réponse.

Le futur pirate se mit à sourire et adressa un clin d’œil qui se voulait significatif à l'orc intrigué. Pour éviter les quiproquos, le Kidd renchérit et répondit à la question posée.
- Un joyau technologique capable de générer des courants d'air. Fort pratique pour insuffler une certaine quantité d'air dans la grand-voile pour, disons, rattraper un navire plus rapide

Le Kidd s'attendait à ce qu'on lui demande démonstration ou qu'on en vienne à le traiter de menteur et d'escroc. Il allait faire taire ces répliques avant même qu'elles ne viennent à ses oreilles. Le jeunot avait déjà tout préparé ; un large voile blanc était tendu au dessus de lui. Non seulement il lui permettait de se protéger des rayons du soleil, mais surtout de prouver ses dires. Le Kidd utilisa pour sa démonstration la plus faible puissance pour ne pas dévoiler toutes les magnificences de sa tourelle. Néanmoins, le courait d'air dégagé était assez puissant pour faire bouger le linge comme si une balle venait de le percuter. C'était un bon début !

Donc son interlocuteur était un grand capitaine, et pas des moindres ! Il se demanda qui de lui ou de Haul avait la plus grande renommée, mais jugea bon de garder la remarque pour lui, et acquiesca à la question du peau-verte. Il en imposait en tout cas, et visiblement il savait se faire respecter et tenait à cela. Etait-il un peu trop arrogant ? En tout cas, Artémis n'aurait pas commis l'erreur de le défier. Ils allèrent tous deux voir l'ingénieur qui s'affairait à faire une démonstration.

A voir ce que le jeune homme leur montrait, et bien, il n'y comprenait rien. En fait il ne voyait pas comment tout cela fonctionnait, cela ressemblait à de la magie, mais avec un bidule en métal, enfin bref! Un truc de technophile incompréhensible quoi ! Mais en tout cas, ça avait l'air de marcher, enfin si la fonction de cette chose était bien de faire du vent. De là a faire bouger un navire immense comme le kraken ? Peu probable, on aurait pu faire bouger une barque tout au plus. Mais il n'avait rien vu qui fasse de l'air comme cela.

Le peau-verte était plus sceptique, ou bien plus circonspect, en tout cas, il ne montrait rien de ce qu'il pensait de cela. Il allait le laisser mener la conversation. Il détailla le jeune homme, d'un physique plus chétif que le sien, mais sans doute plein de réserves. Après tout, il semblait confiant et peu inquiet malgré le fait qu'être seul lorsqu'on est marchand pouvait être dangereux. Il allait le laisser poursuivre ses explications, même si lui n'était pas vraiment intéressé, car c'était au capitaine de décider de tout achat pour le navire.

Un grand sourire avait illuminé le visage enfantin du Kidd. Il venait de faire la connaissance de pirates et ils semblaient intéressés de l'enrôler, enfin surtout le grand à la peau verdâtre. Un orc. Ce n'était pas tous les jours que l'on voyait telle créature à un poste aussi élevé dans le monde marin. Leur force leur donnait généralement droit à transporter marchandises d'un navire à un autre. Mais lui, ce Garzvorgh, ne semblait pas adepte du déchargement. C'était plutôt lui qui supervisait le déchargement. Peut-être que le jeunot avait enfin trouvé équipage à sa botte. Toutefois, un détail l'irrita. Le peau-vert ne semblait pas entièrement partager les idéologies du vampire. Il avait le même orgueil que les autres de la terre ferme, à croire avoir le droit sur tout ceux sous sa juridiction. Edward grogna intérieurement, mais n'en laissa rien paraître. Il avait trouvé équipage, et il n'allait pas le lâcher ainsi.
- Monsieur Garzovr... Garzogr... Garvozr... Euh... (le Kidd tira la tronche en tentant de bien prononcer le nom du pirate.) Monsieur Kalevala. Je serai bien honoré de mettre mes talents à disposition des vôtres. Quand partons-nous ?

Le jeunot aurait bien voulu se faire tout petit après avoir aussi mal mâché le nom de ce qui semblait être un capitaine, mais il espérait tout de même qu'il se sentirait conciliant à son égard.
- Il me tarde de reprendre la mer et de hisser les voiles vers de nouveaux horizons ! Ahoy !